samedi 1 juin 2024

Anglicismes (2024)

2024.05.02. Lionel Meney vient de publier un sombre aperçu du français : Le titre du volume : Le naufrage du français en France, le triomphe de l’anglais (PUL, 2024; 266 p.). Nombre de mots du Robert, des milliers sans doute, y sont négligés au profit des équivalents anglais. Au premier regard, on pourrait croire que la France dame le pion (!) au Québec en la matière. Mais un communiqué récent semble annoncer ici une pente savonneuse. On a accrédité le 20 mars dernier le Syndicat des travailleurs et artistes de l’animation – CSN comme représentant de «Toutes et tous les animateurs, animatrices et les salarié-es travaillant dans les départements du Rigging (steulettage), du scene planning (planification de scène), du Storyboard (scénarimage), du Compositing (composition), du Layout (marquettisme) et des Colors (couleurs)». Le nouveau syndicat ne dit pas encore qu’il faut oublier les mots français puisque les mots anglais existent(!) mais il les met en deuxième place. (http://www.csn.qc.ca/.../syndicat-des-travailleurs-et.../)

 

Top gun

2024.05. 04. On peut faire l’hypothèse qu’une gestionnaire d’expérience n’aurait pas osé se qualifier elle-même de «top gun». Surtout si elle avait entrevu qu’on la choisisse comme P.D.G., commandante-en-chef ou guide suprême d’une agence d’État. L’expression n’est pas très française! Cela va de soi. De surcroit, des équivalents étaient à portée de voix : super-experte, surcompétence, surfemme, surhomme, sommité et même des expressions plus longues : perle rare, cadre de haut niveau, crème de la crème, meilleure des meilleures. Mais le ministre de la Santé, qui n’est pas le ministre de la langue, a eu le génie d’importer l’expression anglaise courte et percutante. Les journaux et les journalistes en ont profité pour la placer en manchette (un exemple : «Qui est la ‘top gun’?» Le J. de Qc, 4-5 mai, 1e p.). Les Québécois auront intériorisé un mot anglais de plus. C’est une exigence minime par rapport au poids imposé à la nouvelle haut-fonctionnaire : assumer le titre de «top gun» pendant son mandat.

 

 

Plateforme électorale

 2024.05.06. Y a-t-il une distinction à faire entre un programme et une plateforme ? On lit dans le Devoir de fin de semaine, sous la plume de Michel David : «… à la veille d’élections, chaque parti […] élabore une plateforme qui énumère les engagements à tenir au cours des quatre prochaines années» (4-5 mai, p. B5). En somme, le chroniqueur distingue le programme à long terme et la plateforme pour la législature à venir. On perçoit déjà là un programme détaillé de la pensée d’un parti, d’une part, et les engagements pris à l’occasion d’élections générales, d’autre part : sa plateforme. Le traducteur Pierre Daviault fit cette distinction il y a trois quarts de siècle : «Platform. 1. Programme électoral. 2.Plateforme électorale : Question essentielle sur laquelle un parti politique fonde sa propagande électorale » (Langage et traduction). Bref, il y a lieu d’employer les deux expressions et de tenir compte des distinctions qui s’imposent.

Fake museums

 2024.05.07. Les lecteurs du Devoir se seront sans doute lancés dans la lecture de l’article d’un professeur de muséologie afin d’apprendre ce que sont les «fake museums». Malheureusement, même une triple lecture du texte ne révèle rien de la notion et de son contenu. Le titre est quand même accrocheur : «À l’ère des ‘fake museums’» (le journal, 6 mai, p. A7). L’expression est absente de l’article et nul effort n’a été fait pour éclairer les lecteurs profanes. On a beau s’être frotté à ce qu’on a appelé les «fake news» ou fallaces, infox, consulter un dictionnaire de traduction qui conduit de «fake» à faux, à factice, à falsification, à truqué, à maquillage, à imitation, à contrefaçon, etc., on n’arrive pas à fixer la nature d’un «fake museum». L’auteur semble avoir fait un copié-collé de l’expression américaine et n’avoir pas senti le besoin d’éclairer la lanterne du lectorat. Le Devoir devrait donner une explication dans un prochain numéro et faire comme il le fait quand une erreur se glisse dans un article. Pour l’heure, intégrons l’expression au français québécois : elle s’y sentira comme chez elle!

Médecins de famille

 

2024.05.08. Il faudrait en arriver à se rendre compte que les médecins de famille sont d’abord et avant tout des médecins généralistes ou des omnipraticiens. La manchette du jour (7 mai) des Infos à la source de Québecormédia : «Ils veulent devenir médecins de famille…» et la première phrase du reportage : «Malgré la pression exercée […] sur les médecins de famille…» seraient à rectifier. Un professeur, médecin de surcroit, écrit : «Le titre de fonction ‘médecin de famille’ est un calque de l’anglais ‘family physician’. Dans les deux langues, ces appellations sont employées la plupart du temps à mauvais escient […], les médecins soignant rarement des familles entières, mais plutôt des individus (y compris d’ailleurs des célibataires)» (Serge Quérin, Dictionnaire des difficultés du français médical; 2006). Il va de soi cependant que si des médecins soignent des familles entières, des grands-parents aux petits-enfants, ils pourraient se prévaloir du titre et tous, en choeur, pourraient les en couronner sans faire un pied-de-nez à la langue.

Questionner

2024.05.09. On savait que le verbe «questionner» est le géniteur de quelques petits «bâtards». Le Multi en signale deux : «Questionner (une affirmation, un compte). Anglicisme au sens de ‘contester, ‘douter de’, ‘mettre en doute’». Le guet-apens n’est pas récent. La Presse canadienne faisait une mise en garde il y a deux décennies : «En français, questionner signifie poser des questions. C’est un anglicisme que d’employer ce verbe dans le sens de contester, discuter, mettre en doute, mettre en cause, remettre en question» (Guide de rédaction; 2006). Il semble bien que le Journal de Québec propose (!), en manchette, une nouvelle forme fautive : «Les livres du Groupe Huot questionnés» (6 mai, p. 5). Normalement, questionner, c’est poser des questions à quelqu’une ou à quelqu’un. Difficile en effet de questionner des livres. On pourra cependant les examiner, les vérifier, les scruter. Espérons que le Journal ne trouvera pas d’appuyeurs ni d’opineurs.

Collège (?) des médecins du Québec

2024.05.10. Devant les noms fictifs de collège comme Collège des économistes, des travailleurs sociaux, des techniciens en génie ou des géologues, on conviendra que voilà des établissements d’enseignement. Devrait-on penser la même chose d’un collège des médecins? Constatons d’abord qu’il en existe un! Le journaliste Hugo Duchaine écrit : «… selon le Collège des médecins» (J. de Québec, 9 mai, p. 5). Mais ce n’est pas un collège. C’est un ordre professionnel à l’appellation franglaise. En anglais, existent un Royal College of Physicians and Surgeons, au Canada et, plus au sud, un American College of Physicians. Le professeur et médecin Serge Quérin observe: «En français, l’association à laquelle sont légalement tenus d’appartenir les médecins s’appelle un ‘ordre’ et non un ‘collège’». Il poursuit : «Aussi peut-on déplorer que la Corporation professionnelle des médecins du Québec soit devenue en 1994 le Collège des médecins du Québec …» (Dictionnaire des difficultés du français médical; 2006). Le coup de Jarnac porté à l’appellation française a donc trente ans cette année.

Pour un autre 24 mois ? (2024)

2024-10-01. Madame Josée Legault devrait écrire «… pour 24 autres mois» plutôt que «.. pour un autre 24 mois» comme elle le fait (Journal ...