vendredi 29 janvier 2021

Questionner, requestionner (2021)

 2021-01-27. Les lecteurs du Devoir peuvent lire dans la numéro du jour «Le ministre de la Santé… s’en est remis au directeur … et lui a simplement demandé s'il est possible de requestionner cette décision-là’» (28 janvier, p. A-3). Le chroniqueur a eu le bon réflexe : il a guillemeté la phrase et le verbe. M.É de Villers note que le verbe «questionner» n’a pas le sens de «remettre en question», expression qu’on devrait utiliser à sa place. Elle précise même : «Le verbe…. n’a plus ... que le sens de ‘poser des questions» (Le vif désir de durer, p. 245). Les observations de La Presse canadienne et du Français au micro vont dans le même sens. Les médias devraient oser aller plus loin et remplacer la forme fautive par les solutions de rechange proposées par les répertoires correctifs qui font consensus, la Banque de dépannage… de l’Office, le Multi dictionnaire et sans doute aussi Usito.


Party ou Parté? (2021)

 2021-01-26. Il y a des mots anglais que les Québécois ont laurentianisés ou québécisés en les orthographiant à la française. Les uns sont installés : lousse, bécosse, toune, crouser. Il en est un qu’on ne réussit pas à assimiler : le «party». Depuis le début de la pandémie du covid, nos ministres ont essayé de convaincre la population de ne pas organiser de «party». On ne parvient pas à lui trouver de substituts. Les parties, surprises-parties, fêtes, soirées, boums, fiestas, ribouldingues, festouilles : rien ne fait l’affaire. C’est un vrai cul-de-sac! Faute de mieux, ne pourrait-on pas faire appel à «parté»? On connaît déjà les «apartés»! Le mot «parté» en deviendrait l’antonyme! Léandre Bergeron note dans son dictionnaire publié en 1980 que l’on prononce le mot «parté» au Québec. Il devient facile de l’écrire sans difficulté. Et, ce faisant, on enrichit le français comme l’ont fait nos aïeux.

Docteur M. (2021)

 2021-01-25. Les téléspectateurs entendent à la télévision depuis quelques semaines les noms des Grands Québécois de 2020 choisis par la Chambre de commerce et d’industrie de Québec. On les décline de la façon suivante: «monsieur Louis Fortier, monsieur Marc Gourdeau, monsieur Germain Lamonde et docteur Michel Maziade». On ne dirait pas «..et ingérieur Untel ou …philosophe Untel». Sur le sujet, un professeur de l'Université Laval écrit : «... en français standard, le mot 'docteur' employé ... dans une phrase complète, est précédé d'un article». Il juge même que la mise au rancart de l'article dans un tel contexte est un calque de l'anglais (Dictionnaire québécois-français). Cette faute vénielle mériterait un billet de contravention !.... volontaire à verser à une association dont les membres se font un devoir de souligner de tels manquements envers le bon usage et la qualité de la langue (www.asulf.org).

Soi-disant ou prétendu? (2017)

2017-05 03. « Soi-disant » et « prétendu » sont-ils interchangeables? Le bandeau publicitaire d’Antidote 9 publié dans le Soleil (3 mai 2017, p. 4) le laisse croire. On pourrait écrire « un soi-disant médecin », mais aussi « un soi-disant complot » ou « un soi-disant meurtrier ». Va pour le premier exemple : la personne se dit elle-même médecin. Mais un complot ne s’identifie pas lui-même et un meurtrier, pas davantage, habituellement. Antidote excipe de l’usage, une majorité souvent incertaine et fluctuante. On y note qu’on emploie indifféremment l’adjectif dans les deux sens. C’est exact. Mais, un répertoire correctif doit-il se satisfaire de la constatation? Dans le cas relevé, on voit que l’expression « soi-disant meurtrier » peut porter à confusion. Par ailleurs, les langues, toutes, sont faites de petits détails qui les rendent amusantes et stimulantes.

Game (2017)

 2017.08.19. Il arrive qu’un conférencier, à la lecture de la transcription de sa prestation, reconnaisse avoir prononcé des phrases bancroches ou des expressions fautives. On peut supposer qu’un homme politique peut faire la même constatation à son tour. Si le maire Lehouillier relit la phrase que le Soleil lui attribue, il sursautera : « Ça fait partie des négociations normales que les gens se challengent un peu, ça fait partie de la game » (Le Soleil, 19 août 2017, p. 6). Le verbe «challenger » n’existe pas en français. Pas encore tout au moins. En français, on dira plutôt « que les gens se disputent, qu’ils s’interpellent, qu’ils se défient », etc. Le maire pourra invoquer que le français avait le verbe «chalengier » il y a quatre siècles. Mais on le prononçait à la française, non : « tchalengier». Le maire d’une ville française devrait aussi apprendre à remplacer « ça fait partie de la game ». Pourquoi ne pourrait-il pas dire « cela fait partie des règles du jeu » ou «c’est le jeu ». Les élus devraient s’efforcer de parler une langue exemplaire de la même manière qu’ils veulent un territoire propre, sécuritaire et en croissance.

Funky (2017)

 2017.08.01. Qui veut faire des relations publiques doit connaître sa langue, et savoir distinguer l’anglais du français. Si l’on prend le moindre risque et si l’on dérape, le journaliste ou le titreur sautera sur l’occasion pour donner toute la visibilité possible à la forme fautive ou à un mot anglais remplaçable. Aussi n’est-il que normal que le Soleil ait utilisé un mot anglais de Joël Leblanc, le fondateur de Zapiens. Il avait dit: «On a trouvé une façon de rendre la science plus funky » (31 juillet 2017, p. 10). Le titreur en a tiré «Un bunker pour rendre la science funky ». On peut supposer que 90 % des lecteurs du journal ignorent le sens du mot américain. Génial? Moderne? Alluré? Rythmé (à la manière du funk)? Seul le fondateur de Zapiens aurait pu préciser le sens qu’il voulait donner au mot anglais qu’il a lancé comme un os à la journaliste (et au titreur) du journal.

Éduqué ? (2017)

 2017.08.06. Dit-on la même chose en affirmant que telle personne est éduquée et que telle autre est instruite? La réponse est non si l’on s’appuie sur les dictionnaires français. Une personne éduquée est celle qui est bien élevée et qui sait se bien conduire. Une personne instruite est une personne qui a une bonne instruction et qui est cultivée. Pourtant, #Amély Poulin, candidate québécoise au titre de Miss univers ignore la distinction. Parlant du groupe des candidates en lice, elle déclare «Les filles sont éduquées… Il y en a plusieurs qui sont en médecine, ou possèdent leur propre entreprise. La plupart ont des baccalauréats, des maîtrises ou même des doctorats » (Le Soleil, 5 août 2017, p. 23, 2e col.). On veut bien tenir pour acquis que le peloton soit formé de filles éduquées, mais l’Estrienne dévie et ne parle que de leurs études, de leurs diplômes ou de leurs carrières. C’est compréhensible : le mot anglais «educated » signifie «instruit » et ici on fait comme si «éduqué » voulait dire «instruit». Les francophones nord-américains ignorent très souvent ce fait de langue.

Partir à son compte (2017)

 2017.08.10. Comment les publicitaires de Laliberté peuvent-ils ignorer que l’expression «partir à son compte » constitue un anglicisme sémantique? On la reproduit dans un bandeau publicitaire du Soleil du 10 août 2017 (p. 5). Tous les langagiers notent pourtant la faute. L’Office : « Le verbe intransitif partir, qui signifie entre autres « se mettre en mouvement pour quitter un lieu », … ou « se lancer dans quelque chose », n’a pas les sens de « fonder, créer, mettre sur pied », « démarrer, mettre en marche » ou « lancer » qu’on lui prête parfois dans certaines expressions calquées de l’anglais, où il est utilisé à tort avec un complément direct ». Idem du Multidictionnaire, du Grand glossaire des anglicismes (2011), etc. On peut supposer aussi qu’Antidote 9 fait de même. Déjà en 1999, Lionel Meney a noté l’écart entre l’expression toute québécoise et le français international. En somme, les feux rouges sont à portée des yeux. Encore faut-il être attentif. Donc, la prochaine fois : s’établir, s’installer ou se mettre à son compte

Dernier droit (2017)

2017.08.13. Notre langue maternelle charrie de nombreuse locutions que nous croyons appartenir au français tant elles sont bien masquées. Un correspondant relève une expression courante dans le domaine du sport, laquelle envahit aussi la langue générale : « le dernier droit». L’impropriété est relevée dans le Multidictionnaire (édition numérique). Usito note pudiquement : «… critiqué comme synonyme non standard de dernière étape…» et informe ses utilisateurs que l’expression serait inspirée de l’anglais «last straight». On peut lire une interprétation différente dans Le Monde ouvrier (118, Nov.-déc. 2016, p. 11) : «Il est fort probable que cet usage… ait été calqué sur l’expression… the last straight , même si, en Amérique du Nord, le terme… le plus usuel… est stretch… ». Paul Roux a relevé la forme fautive il y a onze ans et il a rappelé que le mot «droit» n’a pas le sens de ligne droite (La Presse, 22 janvier 2006, p. 16). C’est dire que les locuteurs qui veulent améliorer leur langue maternelle peuvent inscrire illico l’expression correcte : « dernière ligne droite» à leur programme de perfectionnement. 

Définitivement! (2017)

 2017.08.14. À Madame Fanny Lévesque (Le Soleil). J’ignore si Terri Marshall vous a répondu en français. Si c’est le cas, on lui pardonnera d’avoir déclaré qu’elle allait «définitivement» écrire que Québec est une ville à visiter en toute saison (Le Soleil, 13 août 2017, p. 7). Mais vous auriez dû lui rendre le service de corriger l’adverbe et d’en donner l’équivalent français : qu’elle allait «assurément» ou qu’elle allait «sûrement» écrire que… Si elle a répondu en anglais, vous avez mal rendu l’expression. Ce qui n’est pas beaucoup mieux. Les répertoires correctifs québécois sans exception donnent habituellement l’alerte chaque fois qu’on prend le risque de l’utiliser. Les lecteurs ont raison de se demander comment il arrive que de telles fautes passent à travers les sas correctifs.

Soi-disant ou prétendu? (2017)

2017.08.08. On s’éloigne beaucoup du sens de l’expression «soi-disant » quand on écrit à propos des Haïtiens qui traversent la frontière entre les États-Unis et le Québec qu’on leur avait promis un « statut temporaire protégé » à la suite du séisme de 2010 (Le Soleil, 6 août 2017, p. 2, 2e col.). Les journalistes de la Presse canadienne doivent invoquer l’usage. Les dictionnaires se contentent de noter «Emploi critiqué » (Le Robert) ou «...associé à autre chose qu’à des personnes est parfois critiqué comme synonyme non standard de prétendu, présumé » (Usito). Nombre de remarqueurs déconseillent encore l’utilisation de «soi-disant» dans un tel contexte. Ceux du Français au micro écrivent : «Pour une simple question de logique, il est déconseillé d’employer soi-disant pour qualifier des objets inanimés... En effet, comment un objet ou un être incapable de parler pourrait-il affirmer être quoi que ce soit?» En somme, l’hésitation face à l’alternative est toujours de mise.

Fatbike (2015)

 2015.01.06. Un journaliste du Soleil présentait le 4 janvier un article (p. 14) sur le vélo d’hiver ou vélo tout terrain. Malheureusement, il n’en connaissait pas les expressions françaises. Il a été forcé de seriner vingt fois aux lecteurs du journal l’expression « fatbike », sans contrepartie. De fait le mot est une marque de commerce. Il faut dire que les spécialistes n’ont pas été en mesure d’utiliser des mots français eux non plus. Il est compréhensible que journaliste et spécialistes n’aient pas parlé de « grosvélo » ou de « grasvélo ». Cela fait ridicule en français! Mais « fatbike », c’est autre chose : cela a du charme! De la gueule! Soyons sérieux et posons la question : en quoi le vélo est-il gras ou gros? Il a des pneus surdimensionnés, lesquels permettent de rouler sur la neige damée ou sur le sable. Et on peut supposer qu’il existe déjà des pneus ballon, des pneus neige, des pneus cloutés puisque le Petit Robert en fait mention. Las! le journaliste et ses informateurs furent subjugués par « fatbike » et, côté français, complètement neutralisés.

Avertissement de neige... (2015)

 2015.01.03. Une succession de temps froid, de neige, de chaleur toute relative et de pluie est prévue et les animateurs de la première chaîne de Radio-Canada annoncent en rafale : « avertissement de tempête hivernale en vigueur » (en matinée le samedi 3 janvier). On peut supposer que les services météorologiques en sont venus à un tel langage après beaucoup de réflexions. Pour l’heure, on semble distinguer un avis, une veille et un avertissement de tempête. C’est aller vraiment dans les détails. Va pour l’avis : on annonce quelque chose; la veille veut dire qu’on regardera passer le mauvais ou le beau temps; l’avertissement suppose que l’on devra en tenir compte et même changer son comportement sans que cela soit clair. Autre notion intéressante : … en vigueur. Comme une loi, comme un décret, on peut l’abolir, l’annuler. Il faudrait aller plus loin et annoncer l’heure d’entrée en vigueur des avis, des veilles et des avertissements, leur date limite, préciser le nom des autorités qui peuvent les annuler ou les abolir et qui peuvent donner des billets de contravention aux citoyens sceptiques.

Salle de montre (2015)

 2015.01.08. L’amélioration du français chez nous est une préoccupation constante, nous faisons un pas en avant puis un pas en arrière. On critique l’expression « centre d’achat ». On entend, c’est très bien,  à la première chaine (7 décembre, vers 15 h 50) les animatrices utiliser la bonne expression (centre commercial). Quelques minutes plus tard, on interview un universitaire qui utilise la même expression à l’exemple des animatrices. Mais il emploie à deux reprises l’archaïsme, d’autres disent : le régionalisme, « salle de montre », lequel survit au Québec en raison du voisinage de « showroom », sans doute aussi de « showcase », qu’il utilise également et «vitrine », à titre de synonyme. Mais il a négligé « salle d’exposition », pourtant équivalent idiomatique du calque « salle de montre ». Tout cela pour constater que l’on fait souvent un pas en avant puis un pas en arrière.

jeudi 28 janvier 2021

Paver la voie (2020)

2020-08-03. On pardonnera à un journaliste en ondes d’employer l’expression calquée sur l’anglais «paver la voie» et de négliger les expressions idiomatiques françaises. Un journaliste de l’écrit est plus difficilement pardonnable. Les abonnés du #Nouvellistes ont la chance, mieux: la malchance, de lire à propos d’une jeune vedette et sous la signature de Louis-Simon Gauthier: «...son passage au hockey scolaire (lui) aura pavé la voie vers…» (31 juillet; Le Soleil, 3 août). En anglais, on dit : «to pave the way for» . Si l’on consulte le Grand Robert & Collins anglais-français, on lira la traduction proposée : «ouvrir la voie à». Il y a quelques années, le professeur Michel Parmentier (U. de Sherbrooke) suggéra «frayer un chemin», «préparer le terrain». De son côté, Pierre Cardinal (U. du Qc en Outaouais) offre toute une brochette de solutions que le journaliste devrait noter et employer à l’avenir.


Confortable ? (2020)

 2020-08-13. Si les fauteuils et les lits des marchands de meubles pouvaient parler, ils diraient aux lécheurs de vitrine «Nous sommes confortables». Les clients pourraient se laisser convaincre. Le message est clair. : le mobilier est confortable. Le mot anglais implanté dans le français en ce sens depuis la Révolution française est accepté. Mais, les journalistes chargés de la météo peuvent-ils affirmer, parlant du beau temps, «On est confortable»? (C’est encore mieux l’après-midi, 13 août, 16 h 11). Le français a intégré le mot anglais et un premier champ d’application : les choses. Faut-il l’appliquer à des personnes? On continue de critiquer ce pas (Multi dictionnaire, Pierre Cardinal, …). L’essentiel se résume à la question : dire «On est très bien», «Le temps est délicieux» ou, à la limite, «quel temps confortable!», ne signifie-t-il pas exactement la même chose ?

Vétérans ou anciens combattants? (2020)

 2020-08-14. La manchette était on ne peut plus limpide : la SSJB de Montréal «recherche des anciens combattants» (Infolettre du 12 août) afin de leur rendre hommage. Des anciens combattants, c’est-à-dire d’ex-militaires maintenant à la retraite. C’est clair. Mais il ne faut pas ouvrir la porte aux «vétérans» sans y regarder de plus près. Ce faisant, on juge admissibles les militaires toujours en fonction et comptant un certain nombre d’années d’expérience. Il faut se souvenir qu’en français les deux notions recouvrent des bassins différents. Il est sans doute opportun d’ouvrir la porte aux vétérans québécois des Forces canadiennes : les anciens combattants doivent se faire rarissimes. La Société devrait préciser certaines exigences à l’égard des vétérans dont la carrière se poursuit : nombre d’années de services, réalisations, rayonnement, projets, etc.

Temps supplémentaire (2020)

2020-08-22. «Temps supplémentaire»? : On lit dans un répertoire correctif : «Calque de ‘overtime’ pour ‘heures supplémentaires’» (Multi dictionnaire...). Le journaliste G. Lepage, parlant d’une infirmière, écrit pourtant « …qui a multiplié les temps supplémentaires obligatoires (TSO). Elle a plus d’une fois travaillé seize heures d’affilée » (Le Devoir, 21 août, p. 1). On peut exciper de l’emploi de l’expression dans le monde du travail. Et l’écrire spontanément sans y déceler un calque ou une impropriété. À la première occasion, le journaliste devrait s’efforcer de consulter l’article « Heures supplémentaires » du Vocabulaire des relations professionnelles (M. Lapointe-Giguère; OQLF, 2009). Par la suite, il hésitera peut-être à réutiliser l’expression.

L'indépendance questionnée (2020)

2020-08-23. Le Soleil offre à ses lecteurs un anglicisme en manchette et l’équivalent français correct dans les premières lignes de l’article de la Presse canadienne qui suit. La manchette : «L’indépendance de la commissaire… questionnée». L’extrait des premières lignes : « L’opposition se questionne sur l’indépendance…» (Le Soleil, 23 août, lancée à 6 h 3 sur internet). On excuse l’impair linguistique : c’est la fin de semaine et les correcteurs en personne sont en congé. Les répertoires correctifs informatiques ne sont pas aussi alertes que les humains. On oublie de consulter le Multi dictionnaire , lequel précise :«questionner (une affirmation …). Anglicisme au sens de … mettre en doute, mettre en question, remettre en question…. ». L’auteur a même négligé le guide de rédaction de la P.C. (2006) dans lequel on trouve une observation similaire. Il est vrai que l’anglicisme est répandu ici et en France : cela explique son emploi, mais ne le justifie pas. Les journalistes et leurs collègues devraient se tenir à carreau.


mercredi 27 janvier 2021

Rue Dorchester (prononciation) 2020

 2020-07-17. Les reporters de Radio-Canada ne respectent pas toujours l’auditoire francophone québécois. Le chargé de la circulation automobile se donne un mal fou à prononcer à l’anglaise des toponymes d’origine anglaise pour les oreilles françaises. Il prononce «Dortchesteur» comme ses collègues d’outre-frontières le font pour une population anglophone. Pourtant, un des principes directeurs destinés au personnel du réseau précise : «Il faut éviter de prononcer les noms propres étrangers en adoptant l’accent de la langue d’origine» (La qualité du français à Radio-Canada : principes directeurs, 2004, art. 2.3.2; document consultable dans le site internet www.asulf.org: à liens utiles). Il est facile de prononcer «rue Dorchester» de manière naturelle. Il y aurait lieu que les conseillers linguistiques du réseau réécoutent le reportage (Radio-Canada, Québec, 17 juillet, 7 h 20) et proposent une prononciation qui convienne comme ils l’ont déjà fait pour Los Angeles ou d’autres villes nord-américaines.

Raison sociale: Eye am soins oculaires (2020)

 2020-07-22. Un membre de l’Asulf (www.Asulf.org) vient de soumettre une plainte à l’Office de la langue française à propos de la raison sociale franglaise Eye Am Soins oculaires. Le moins que l’on puisse dire c’est que l’appellation ne respecte pas l’esprit de la Charte de la langue française. Mais une telle constatation ne convaincra pas l’Office de semoncer les propriétaires du salon. On excipera du fait que l’OQLF n’a pas les pouvoirs nécessaires pour forcer le registraire des entreprises à refuser de telles raisons sociales. Du moins pourrait-on encourager les futurs marchands, restaurateurs, ophtalmologistes, etc. à être aussi imaginatifs et aussi fantaisistes en français qu’en anglais, en se servant du vocabulaire français et en le «torturant» s’il le faut. La raison sociale relevée ici a fait l’objet d’une manchette de l’Expression juste en septembre 2016 (Au tableau des horreurs : Eye am Soins oculaires) et on y posait la question : «Comment a-t-on pu se rabattre sur ce mauvais et ridicule calembour phonétique qui ne signifie rien dans une langue ni dans l’autre…?»


Reléguer (2020)

2020-07-18. Il est parfois amusant d’écouter les chroniqueurs de la circulation, de la météo et ceux des sports. Ils utilisent sans broncher des contresens sans s’en rendre compte. En voici un relevant du sport. Le journaliste Olivier Pellerin nous apprend qu’une équipe de Leeds est «reléguée» à la première ligue ou à la première division plutôt qu'à la deuxième ou à la troisième (Première chaîne, 18 juillet, 9 h 10). Règle générale, on gagne une première place, on obtient une promotion ou encore on accède à un grade supérieur. Selon le Petit Robert, le verbe signifie, en matière de sport, «rejeter à une position inférieure» et l’exemple servant d’illustration est «Équipe reléguée à la sixième place». Somme toute, la faute ou l’erreur est amusante. Mais il ne faudrait pas la répéter sur les ondes. Elle pourrait se généraliser!


Segment pavé (2020)

2020-07-31. Les Québécois charrient un grand nombre d’impropriétés de langage. Un exemple nous en est donné dans le Soleil (Aujourd'hui, 6 h 10, 31 juillet, article signé David Desjardins) : «… rien de mieux que les rares segment pavés rendus presque désert… ». Et cela, pour les cyclistes! Le Petit Robert présente un exemple qui fait deviner le sens de l’adjectif «pavé» : «les rues pavées ont été recouvertes d’asphalte». Le Multi dictionnaire de la langue juge les mots «pavage» ou «paver» impropres au sens d’asphaltage et d’asphalter. Pierre Cardinal (Le VocabulAide, 2009) note qu’on les utilise ici en raison de l’influence des mots anglais («paving », «pavement», paved» et «to pave»). Lionel Meney relève aussi l’expression québéco-québécoise et il commente : «En français standard, l’expr. «route pavée» désigne une route revêtue de ‘pavés’ (=pierres taillées)». Bref, les cyclistes opteront pour les segments asphaltés!


Dû a, due à (2020)

 2020-07-29. Que penser des professionnels de LCN qui laissent à l’écran, pendant plusieurs minutes et à plusieurs occasions, le bandeau « Des patients transférés à un bris d’aqueduc ». (27 juillet, 14 h 15 et passim). La locution prépositive est épinglée dans tous les répertoires correctifs : Guide de rédaction (Presse canadienne, 2006), Multi dictionnaire de la langue française (2018), le Français au micro, etc. On fait la même faute en France. Un professeur retraité qu’elle obsédait écrit : «… j’ai fini par comprendre que ce franc solécisme avait emprunté le tunnel sous la Manche et qu’il était tout bêtement calqué sur l’anglais ‘due to’» (Bruno Dewaele, De l’Aborigène au zizi; Points, 4622; 2016, p. 128). LCN est sans excuses. La chaîne devra se prémunir contre une répétition de la faute.

Work in progress (2020)

2020-07. 26. Une spécialiste du Biodôme de Montréal, madame Emiko Wong, parlant de l’observation des animaux y vivant en captivité et de l’attention qu’on leur porte qualifie la préoccupation de «work in progress» (Desautels le dimanche, 26 juillet, vers 11 50). Ce serait enrichir le français québécois que de trouver des expressions correspondantes. De fait, les dictionnaires de traduction anglais-français proposent tout simplement «travaux en cours». Mais d’autres propositions plus propres à des secteurs sont alignées : œuvres en chantier, projet en devenir, travaux sur les épures, etc. Il va sans dire que les dictionnaires français ne présentent pas l’expression anglaise. Si c’est le cas, on note qu’elle est une expression étrangère. Dans l’entrevue de madame Wong, il semble bien que la spécialiste aurait pu parler tout simplement d’une «préoccupation courante» ou «permanente du Biodôme».


Etc. (2020)

 2020-07-25. Ce sont les vacances. On se promène sans crayon, les paysages retiennent le regard. Souvent, on se surprend à sursauter en entendant à la radio des invités et même les journalistes dire des phrases comme celle-ci : «Ses après-midi étaient consacrés à la promenade, etc.». Elle est donnée en exemple par Jean-Pierre Colignon, un praticien de la langue (Dictionnaire orthotypographique moderne, 2019). L’exemple suit l’observation suivante : «Etc.’ est employé pour abréger une énumération … C’est donc une impropriété que de l’employer derrière … un unique terme». Il serait de mise que les médias québécois fassent une place à la pratique dans leurs guides de rédaction.

Etc. (2019)

 2019.06.06. Il arrive souvent qu’on entende un conférencier néophyte ou un invité des ondes utiliser trop rapidement la locution adverbiale «et cetera». Ce fut le cas de madame Stéphanie Chouinard, professeure au Collège militaire de Kinsgston, lors de l'émission animée par Michel-C. Auger (6 juin, vers 11 h 45). On écrit dans le Multi : «etc. … vient à la suite d’au moins deux éléments cités». Guy Bertrand précise « … on doit toujours faire précéder l’abréviation etc. d’au moins deux exemples. Il faut éviter de dire, par exemple, Cette machine peut composter des pelures de légumes, etc.» (400 capsules…, 2010). La pratique semble la même en anglais («used at the end of a list…» (Collins Cobuild). Les exemples donnés dans les dictionnaires d’usage confirment la règle. Bref, on ne dira pas «… fixer la taxe carbone, etc. ». Il faudrait enrichir l’énumération.

À savoir (2019)

2019-06-04. Il est des expressions que les francophones laurentiens utilisent mal : « dans le cadre », «au niveau de…», «à savoir ». Arrêtons-nous à cette dernière. On lit dans le Soleil : « Il se questionne … à savoir pourquoi aucun élu…» (J.F. Néron, Le Soleil, 4 juin, p. 3) et «Questionnée… à savoir si les Canadiens figuraient… parmi les peuples génocidaires… » ( Presse canadienne, ibid., p. 6). La locution conjonctive signifie tout simplement « c’est-à-dire » ou « cela signifie que ». Si les journalistes faisaient à l’occasion un détour par la Banque de dépannage de l'OQLF, ils y liraient : «’à savoir’ précise ce qui vient d’être dit… Une erreur fréquente consiste à utiliser cette locution après des verbes comme s’interroger et questionner... ». Des exemples suivent. Les phrases relevées dans le Soleil pourraient devenir : « Il se demande pourquoi aucun élu… » et « Questionnée… sur l’appartenance ou non du Canada au cercle des peuples génocidaires ». Les emplois fautifs de la locution sont choses courantes. Il serait temps que les guides de rédaction s’y arrêtent.  

Jacké, djacker (2019)

2019-06-03. Les Québécois font merveille : ils forment de nombreux néologismes à partir de mots anglais. Un exemple : le verbe « djacker ». Léandre Bergeron l’a recensé en 1980 sous la forme « jacké » et avec la définition : « Soulever avec un jack ». On l’a également inséré dans le Dictionnaire québécois d’aujourd’hui en 1992. On le retrouve dans une manchette du Journal de Québec (2 juin, p. 20) : « Deux hommes meurent sous une auto mal jackée ». Habituellement, les locuteurs savent qu’un « jack » est un « cric » en français. On a formé « crinquer » à partir du verbe anglais «to crank »., « djacker » (ou «jacker » à partir de «to jack », «bécosse » à partir de «backhouse ». Mais on n’a jamais osé former un verbe à partir du substantif «cric ». On aurait pu écrire : « criquer sa voiture », «  une voiture criquée». Ce n’est pas très joli, pas plus que « djacké » Mais le néologisme aurait eu des racines françaises!


Joual (2019)

 2019-06- Jean-Loup Chiflet trouve que la langue québécoise est particulièrement savoureuse. Il reproduit les paroles d’un garagiste venu dépanner un automobiliste sur l’autoroute Jean-Lesage : « Té pogné icitte pour une bonne secousse. On a tout tchéqué, moé pis mon chum stie! Le trouble y vient d’la fan qu’éta trop slak. À force de zigonner su l’starter t’as mis ta batterie à terre. C’est l’bout d’la marde ! M’a t’être forcé à changer l’shaft. Y é pété lui itou. À part d’ça, j’sé pas si t’as vu mais y pus d’anti-freeze dans le maudzi bazou. Avec le fret qu’on a c’est pas ben smart de runner un char de même. J’dis pas si c’éta un char neu mais on n’est pas su’a Côte d’Azur icitte, pis c’est vrai en crisse… En té cas, pour être bad-locké, t’es badi-locké en sacrament!... Y é toute foqué c’char-là… Y ont même pas mis de tayeurs à neige. Ça doit skider en tabarnak su l’autoroute! » (Dictionnaire amoureux de la langue française, 2014, p. 105). Espérons que le texte est une caricature et un condensé exagérés. Sinon il faudra donner raison à P.E.Trudeau : «Les Québécois sont… des placoteux qui parlent un lousy french de bécosses! » (Cité dans Alain Stanké, La Politique? Vous voulez rire?, 2012, p. 81).

Format d'une rencontre (2019)

 2019-06-15. J.F. Néron du Soleil écrit, à propos d’une réunion publique : « Est-ce que le format de la rencontre, la salle peu conviviale, la qualité des question…?» (14 juin, p. 3). Il est rare qu’on relève la faute : le mot «format» ne s’applique pas à une assemblée et n’en recouvre pas la forme, la formule, l’organisation ou le déroulement. C’est cependant le cas en anglais. Jean Darbelnet a noté dans les années 1980 que le mot a, en français, un sens plus restreint qu’en anglais. Il conseilla alors qu’on ne parle pas du «format » d’un cours (Terminologie, mars 1984), mais plutôt de caractéristiques ou même de gabarit. La proximité du mot anglais et des définitions qu’il prend rendent difficiles la prise en compte des limites sémantiques du mot français. Même les professionnels de la langue, journalistes ou auteurs de répertoires correctifs, les ignorent.

Full patchage (2019)

2019-06-17. Un ami se demande pourquoi je n’ai pas relevé le mot «full» de l’expression intégrale «full patchage». Je vous confierai un secret, je ne l’ai pas aperçu. J’ai été obligé de retrouver le numéro du Journal de Québec (16 juin). Effectivement, la manchette est bien : «Routes : full patchage». La seule excuse qui me vient à l’esprit est que nous sommes tous (je m’inclus dans le lot) fort anglicisés : il y a des mots anglais que nous croyons des mots français : cash, look, fonne (ou fun), lousse, tchome (ou chum), flaillé (ou flyé), câle (ou call), cédulé, staff, shift, etc. Dans le lot, on ajoutera «full ». Il est impardonnable que je ne l’eusse pas relevé. Mais je me confesse : je suis plus anglicisé que je le pense. Comme l’ensemble de mes concitoyens. 
P.s. : «Je vous félicite pour votre message à madame Ravary… Je ne m’explique pas toutefois que vous ayez passé sous silence le mot full. … Il est de la même veine que le mot patchage. /…. un tel titre est scandaleux et ne devrait pas figurer dans le journal fondé par Péladeau».


Patchage (2019)

 2019-06-16. Chère madame Ravary, Il est difficile de comprendre pourquoi le titreur du texte que vous signez (Journal de Québec, 16 juin, p. 15) a choisi le mot franglais «patchage». Vous ne l'avez pas utilisé dans le reportage. Par ailleurs, il y a des mots français équivalents, tout aussi péjoratifs : rapiéçage, cataplasme, réparation temporaire ou rapide, etc. On peut dire que le mot a une petite couleur locale ou provinciale grâce au suffixe -age, lequel marque l'action comme dans bavardage, chauffage, jardinage, etc. Mais là le suffixe était joint à un mot français (bavarder, chauffer...),. contrairement à «patchage». Il est inutile en français, car il a des synonymes. L'amélioration de la langue de chez nous passe par l'utilisation des mots français s'ils existent. C'est le cas ici et le titreur n'avait pas à enrôler un mot franglais. Il serait sage de le lui faire savoir.

Breuvage (2019)

 2019-06-24. Les marcheurs qui s’arrêtent au casse-croûte administré par le restaurant 47e Parallèle (boulevard Champlain, Quai des Cageux) constatent qu’on annonce à deux ou trois reprises des «breuvages». Le mot survit au Québec en raison de sa proximité avec le mot anglais (beverage). Le mot français «breuvage » fait toujours partie des dictionnaires. Mais il n’a pas le sens de boisson au sens général (soda, café, thé, lait, eau, etc.).. Il signifie une boisson médicamenteuse ou un philtre. On trouvera sans doute une confirmation de l'observation dans les ouvrages de l’Office de la langue française ou sur le site www.asulf.org. Les clients qui visitent le casse-croûte sont habitués à l’anglicisme sémantique, mais ils comprennent aussi le terme correct. Aussi, voici une suggestion: faire la correction lors de la révision du babillard électrique des plats et boissons en vente.

Party ou parté? (2020)

 2020-12-31. Le temps est venu de souhaiter à tous les habitués de la page un bon passage de 2020 à 2021. On conseille de ne pas faire de partés, comme on dit. Mais on n’ose pas encore l’écrire. Léandre Bergeron écrit «party» dans son dictionnaire, mais il donne la prononciation «parté». On conseille de ne pas se lâcher lousse même pour avoir du fonne, De ne pas réveiller les voisins avec des tounes trop fortes. En somme, pas de parté. Mais, se rappeler, les apartés sont permis. 

lundi 25 janvier 2021

Dans le cadre de... (2021)

2021-01-24. À Jonathan Bernier (Québecormédia). On abuse beaucoup des tics. C’est dans leur nature. Et souvent, on en déforme le sens. Qu’on pense à «au niveau de….» et à celui qu’on lit sous votre plume, «dans le cadre de…». Vous écrivez «Dans le cadre de son troisième match… le Tricolore l’a emporté 5 à 2» (Le J. de Qc, 24 janvier, p. 70). Si on proclame «dans le cadre de la loi», c’est que la loi fixe certaines points. Vous conviendrez que le score d'une partie n’est pas fixé. La locution signifiait au départ «dans les limites de». Elle prend de plus en plus le sens de «dans le contexte», «à l’occasion de»… Mais il faut s’assurer que la suite exprime des choses fixées, organisées, prévues. Bref, le match a lieu dans le cadre du calendrier de l’année, mais la victoire ou la défaite d’une équipe n’est pas fixée et, encore moins, son résultat. Si l’on s’en tient à votre tournure, il faudrait dire : «Dans son troisième match, le Tricolore l’a emporté… 

Il faut être paddé! (2021)

 2021-01-23. Comme de nombreux compatriotes, monsieur Duceppe rencontre à l’occasion des difficultés à nommer certaines réalités en français. Il vient de donner une leçon de politique pratique à un de ses successeurs : si on veut poser une question à des adversaires, «Il faut toujours être… ‘paddé’» (Le Soleil, 23 janvier, p. 36). Monsieur Duceppe prévient heureusement le journaliste «excusez mon latinisme». Pardonnons la faute. Elle n’est pas nouvelle. Léandre Bergeron l’a inscrite dans son dictionnaire en 1980 en lui donnant le sens de «capitonné». Gilles Colpron en fait autant à la même époque. Que faudra-t-il dire la prochaine fois? Bien couvert? Bien protégé? Matelassé? Blindé? Prêt à retourner la balle? L’autonomisation du Québec suppose aussi la décolonisation de la langue et l’emploi de ses propres expressions.

Le joual (2021)

2021-01-21. «L’amour, crisse!», telle fut la réponse spontanée de la comédienne Louise Latraverse à qui on posait la question «De quoi la covid ne viendra pas à bout?» Le juron est bien de chez nous comme les autres présents dans le reportage du Devoir (21 janvier, p. B9). On exagère cependant quand on reproduit fidèlement des phrases («Trump – il nous as-tu assez fait chier?...Je faisais juste marcher…On n’a juste pas le choix), quand on tient pour acquis que la comédienne désire qu’on écrive «pis» au lieu de «puis», quand on fait comme si l’exclamation «Han» s’appliquait à une interrogation. Les médias devraient corriger les fautes inutiles et écrire, par exemple, «… nous a-t-il assez…? je ne faisais que…puis…Hein?). Le Devoir souhaite une nouvelle Charte. Faudra-t-il reprendre le mot de Latraverse et dire : «Un effort, … !?»

  

jeudi 21 janvier 2021

Dans le cadre de... (2021)

 2021-01-20. Les lecteurs de la presse rencontrent souvent l’expression devenue un tic «dans le cadre de…». Ils auront buté trois fois dans le Devoir du jour (20 janvier) : «dans le cadre d’une procédure de recherche» (A6), «dans le cadre d’une société libre» (A8) et «… dans le cadre d’audiences (B10). Selon la Banque de dépannage linguistique « 'dans le cadre de' reste critiqué dans son emploi... au sens de 'à l’occasion de, lors de, dans le contexte de’, et ce, même si cela fait plus d’un demi-siècle que cet emploi est recensé… ce que l’on critique surtout, c’est sa trop grande fréquence et le peu de précision sémantique qu’il apporte». Une citation vient de l’AFP. Le Girodet, un répertoire français, déconseille aussi l’expression et propose différentes tournures de rechange. Ici, ce pourrait être 1) à la suite de…, 2) «… dans une société libre, et 3) …. lors d’audiences.

Sévères (2021)

2021-01-19. Il est difficile de demander aux politiques de corriger des formes fautives surtout s’ils se trouvent au sommet de leur gloire. Monsieur Trudeau parlent de «conditions extrêmement sévères» adoptés à l’occasion de la pandémie du covid (entrevue diffusée le 19 janvier). Dans le contexte, «sévère» est un anglicisme. Le concepteur publicitaire Michel Rondeau écrit : «L’anglais a une façon disons polysémique d’utiliser l’adjectif ‘severe’, qui a commencé à déteindre sur l’emploi qu’on en fait en français. … sévère se dit surtout d’une personne qui n’entend pas à rire en ce qui a trait aux règles … Lorsqu’on l’emploie pour désigner une chose, c’est que celle-ci se présente de façon austère et dépouillée. Les acceptions qui s’en éloignent nous viennent de l’anglais» (L’Insidieuse invasion; 2018). Un bon professeur aurait probablement enseigné au premier ministre à dire «conditions draconiennes», «conditions radicales»… Mais, malgré tout, il a réussi en multipliant des mauvaises expressions… en français. 

mercredi 20 janvier 2021

Tournure: Chapeau bas! (2016)

 2016.01.10. Les journalistes québécois ne sont pas toujours familiers avec les expressions idiomatiques françaises. Ils semblent connaître davantage celles qui sont courantes en anglais. Ce qui leur donne l’occasion de faire de la translittération. À l’occasion des funérailles officielles du maire L’Allier, Monsieur D. Rémillard écrit que le ministre Pierre Moreau « fait...‎chapeau bas au défunt maire... » (Le Soleil, 10 janvier, p. 4). Il connaît, on ne peut en douter, les expressions anglaises « to take one’s hat off to somebody » ou « My hat’s off to... », mais il les traduit d’une manière littérale sans s’imaginer qu’elles ont déjà des répondants français : « tirer son chapeau à quelqu’un » ou, dans la circonstance, « Chapeau! Monsieur le maire ». Il faudra suggérer au professeur Michel Parmentier d’inscrire la nouvelle tournure dans son Dictionnaire des expressions et tournures calquées sur l’anglais (PUL, 2007), si elle connaît le succès.

Bar à salade... (2016)

 2016.01.05. Le locuteur lambda parle de manière spontanée. Il ne s'arrête pas nécessairement au sens des mots. Ainsi, il pourra parler de « bar à salade » ou de « bar à soupe ». Il aura lu les expressions dans la publicité et il les aura ajoutées à son lexique personnel. S’il a ses habitudes à la cafétéria du complexe Marie-Guyart (Québec), il lira les deux impropriétés sur les napperons du traiteur Sodexo (5 janvier). Depuis 2011, l’entreprise a quand même rayé « bar à pâtes ». On s’est sans doute rendu compte qu’on ne buvait pas un verre de pâte! Mais on peut encore y déguster un verre de salade ou un verre de soupe! Le traiteur vit de la clientèle de la fonction publique. On devrait au moins prendre connaissance de l’observation de l’OQLF : « Le terme bar à salades… calque de l'anglais salad bar, est déconseillé, puisque bar renvoie en français à un endroit où l'on consomme, debout ou assis, des boissons, le plus souvent des boissons alcoolisées ». Faudra-t-il suggérer à l’Office de rappeler le bon usage à l’entreprise?

Saskatchewan, le ou la ? (2016)

 2016.01.22. Il y a des façons de dire incorrectes dans l’absolu qu’on répète sans les remettre en cause. Ainsi en va-t-il du féminin automatique accolé à la province de "la" ‎Saskatchewan (1e ch., 22 janvier, 12 h 35). Peu de linguistes relèvent cette habitude. Pourtant l’article qui précède un nom masculin de pays (Brésil, Gabon, Pérou, Québec, Maroc, etc.) doit être celui du toponyme ou de l’accident géographique éponyme. D’où vient la généralisation de « la » Saskatchewan? Au départ, on avait féminisé la rivière du même nom. Et cette féminisation s’est étendue à la province, même si on conseille maintenant de parler du Saskatchewan comme ont dit ici « du Saint-Laurent». Gérard Dagenais posa la question au début des années 1960 : « Pourrait-on trouver dans le monde un seul État… dont le nom soit féminin s’il ne se termine par un ‘e’ muet? ». Et il ajoutait « J’estime… qu’il faut dire le Saskatchewan, comme le Nouveau-Brunswick, le Manitoba ..., que le nom de la rivière reste ou nom féminin » (Réflexions sur nos façons d’écrire…, 1961, p. 277). Le choix d’un article ou l’autre n’empêchera pas la rivière de couler, mais on collerait à la pratique habituelle en adoptant le masculin.

Billets de saison et carte d'affaires (2016)

 2016.01.13. Bien des facteurs contribuent au maintien de la piètre qualité du français en territoire laurentien. Le je-m’en-foutisme est l’un d’eux. La publicité à éclipses de la page d'accueil d’Info Portneuf (consulté le 13 janvier) présente deux messages dans lesquels on lit : Ski Saint-Raymond annonce que « les ‎billets de saison sont en vente »; l’imprimerie Borgia, de son côté, proclame « on s’occupe de vos ‎cartes d’affaires ». Des citoyens ont déjà fait part aux deux entreprises des expressions fautives. On devrait pourtant avoir le scrupule de vérifier le bien ou mal-fondé des remarques. Dans un cas, l’OQLF présente le mot « Abonnement » comme l’équivalent de « season ticket ». On n’ajoute aucun commentaire. Dans l’autre cas, l’Office présente l’expression privilégiée, carte professionnelle, et déconseille « carte d’affaires, traduction mécanique de « business card ». On a comme l’impression que certaines entreprises ont adopté le leitmotiv de Frédéric Dard (alias San-Antonio) : « Entre deux mots, il faut choisir le pire »!

Tournure : À son meilleur (2015)

 2015.11.28. Certains linguistes jugent que la langue parlée au Québec est colonisée par la France, ses dictionnaires d’usage et sa littérature. Malgré l’influence du pays située outre-Atlantique, les expressions sont beaucoup plus influencées par le couple États-Unis / Canada que par la mère-patrie. La quantité des calques de la langue des deux voisins, notés dans les guides correctifs, frappe davantage que les mots que les Québécois partagent avec les autres francophones. Un exemple. Dans sa publicité, le Palais Montcalm de la capitale annonce « la musique ‎à son meilleur » (son site web, 28 nov.; Télé de Radio-Canada, 27 nov., 18 h 10, 18 h 20). Les deux substantifs appartiennent à tous les francophones. La tournure est inspirée par l’anglais « at one’s best ». Il ne faut pas chercher l’expression dans les citations et les exemples alignés dans le Petit Robert ou dans le Trésor de la langue française informatisé. L’expression est au moins un anglicisme de fréquence (comme « additionnel » ou « majeur »). Si le français d’ici était colonisé par la France, le Palais Montcalm annoncerait : « Le meilleur de la musique », « La meilleure des musiques », etc.

Gouvernement (2015)

 2015.11.16. L’Assemblée nationale a un projet d’agrandissement. Un journaliste de la Presse canadienne écrit : « L’Assemblée nationale est un organisme autonome du ‎gouvernement… » (Le Soleil, 14 novembre, p. 25). L’affirmation est inexacte et elle cache un anglicisme bien maquillé. D’une part, l’Assemblée ne relève pas du gouvernement ou du conseil exécutif. En régime parlementaire de type britannique, les élus contrôlent l’Exécutif même si ce dernier exerce une influence certaine sur les élus de la majorité. D’autre part, l’affirmation cache un anglicisme sémantique difficile à détecter. Si le journaliste avait écrit : « … un organisme autonome de l’État », il aurait été assez près de la vérité, car l’Assemblée constitue le premier pouvoir au sein de l’État québécois. Le mot anglais « government » signifie aussi « État ». L’auteur de l’article a oublié que les territoires sémantiques du mot anglais et de son équivalent français (gouvernement) ne sont pas les mêmes.

   

Bar à salades, à pâte... (2015)

 2015.11.14. C’est souvent la croix et la bannière avant de réussir à obtenir le remplacement d’un barbarisme ou d’un calque par le mot approprié. En 2011, l’auteur de la présente avait demandé à Sodexho d’abandonner les expressions « bar à pâte » et « bar à soupe » apparaissant sur les napperons fournis à ses clients du Complexe Marie-Guyart (Québec) et de s’aligner sur « comptoir à salades », déjà inscrit sur le napperon. La directrice a répondu en juillet 2012: « lors de la prochaine commande … nous ferons la demande de cette correction ». Or les napperons disponibles dans la semaine du 8 novembre 2015 annoncent encore « Bar à soupe ». « Bar à salades » a même pris la place de « comptoir à salades ». Une telle résistance à l’amélioration de la langue est inexplicable. C’est vraiment la croix et la bannière! Tout le monde sait pourtant qu’un bar est un endroit où l’on boit … des boissons. Les salades et les soupes en seraient-elles?

Mémo et note (2015)

 2015.11.13. Des ministres fédéraux demandent à leurs collaborateurs de leur préparer des notes en français (Le Devoir, 13 novembre, p. A 5). L’initiative est tout à fait légitime. Mais une clarification des termes  « mémo », « note » et « note de service » s’impose. Madame Joly affirme : « les #mémos, pour moi, devraient être en français ». Comme les mémos, en français, sont d'abord des notes que l’on écrit soi-même dans le but de se rappeler quelque chose, on tiendra pour acquis que la ministre les fera en français. Les notes proprement dites qu’elle exigera de ses fonctionnaires seront rédigées en français. C’est cela qu’elle a l’esprit. Mais il y a aussi les notes de service ou les circulaires destinées aux employés eux-mêmes du ministère, lesquelles sont distribuées du haut en bas de la pyramide. La question se pose : madame veut des notes en français mais pourrait-elle laisser les directeurs présenter les notes de service en anglais? Pour l’heure, l’essentiel consistera à bien cerner les contours du mémo, de la note et de la note de service.

Registre de langage (2015)

 2015.11.03. Dans un essai récent, A.M. ‎Beaudoin-Bégin compare le choix d’un registre de langage (le soigné ou le familier) au choix que l’on fait de mettre ou non une cravate. La comparaison cloche. Un citoyen interviewé, un orateur, un animateur radiophonique en ondes ne planifie pas les mots ou les expressions qui seront siens s’il parle spontanément. On a entendu le 3 novembre le ministre Hamad employer l’expression « partager ensemble » (1e Chaîne, vers 16 h), Francis ‎Reddy parler des « rapports d’impôt » (vers 19 h) et Mario ‎Dumont utiliser l’expression « temps supplémentaire » (TVA, 17h 38). Les trois personnalités avaient-elles prévu faire un pléonasme et ignorer « déclaration de revenus » et « heures supplémentaires »? On peut faire l’hypothèse qu’ils n’ont même pas imaginé de solutions de rechange. Ils ont tout simplement répété ce qu’ils entendent, ce qu’ils disent depuis toujours et ce qu’ils n’ont jamais corrigé. Le choix du registre est beaucoup plus aléatoire que la cravate qu’on mettra ou non de côté.

Prime, indemnité (2015)

 2015.11.01. On a déjà écrit ici que les animateurs et les journalistes ont de la difficulté à distinguer « prime » et «indemnité ». Tous devraient pourtant savoir qu’une prime évoque l’idée de récompense et d’encouragement (d’où les primes de rendement, de nuit ou d’ancienneté) et qu’une indemnité est liée au concept de dédommagement (indemnité de départ, de licenciement, de chômage). On la verse à un parlementaire au moment où il quitte définitivement ses fonctions. Un journaliste du Soleil , S. Boivin, vient de montrer qu’il est possible d’éviter la confusion. Dans un court reportage (Le Soleil, 30 octobre, p. 15) à propos de la rémunération globale des élus à l’Assemblée nationale, il utilise à dix reprises le mot « indemnité » (en comptant la manchette et la légende d’une photo) et il a employé une seule fois le mot « prime ». La distinction établie et bien campée, il faut quand même reconnaître que la frontière est mince entre les deux notions.

Formes passives (2015)

 2015.11.09. On entend et on lit souvent des phrases du type « le suspect a été rencontré par un enquêteur » (1e chaîne, 31 août, 14 h 1), « le père a été rencontré par un psychologue… » (Le Soleil, 7 novembre, p. 3). Le chroniqueur routier de Radio-Canada Québec révèle à l’occasion aux auditeurs que « la Sûreté a été appelée sur les lieux d’un accident ». Ce sont là de petites phrases inspirées de l’anglais. Gérard Dagenais (Dictionnaire des difficultés…, 1967) observait il y a cinquante ans que cette langue-ci choisit naturellement et spontanément la voix passive. Par contre, en français, il serait plus habituel d’employer la forme active. L’influence du ‎passif anglais est si forte en territoire québécois qu’on néglige de mettre l’accent sur l’action et de dire : un enquêteur a rencontré le suspect, un psychologue a rencontré le père, on a fait venir la Sûreté sur les lieux. Le linguiste écrit : « Le français au Canada souffre de l’influence du passif anglais… Il importe de s’appliquer à s’exprimer le plus possible par la voix active ».

Province ou État (2015)

 2015.11.12. Il y a une semaine, l’avocat Mathieu posait la question : Pourquoi s’appeler encore une province? (Le Devoir, 5 novembre, p. A-8). Les arguments présentés étaient d’ordre constitutionnel : dans une fédération, les entités membres sont autonomes et souveraines en certains domaines. Ce n’est pas le cas des provinces. Le toponyme « province of Quebec » a été employé dans la Commission accordée à James Murray le 14 novembre 1763. On l’a traduit de manière littérale, ce qui était correct à l’époque. Cependant, la dévolution de pouvoirs à la province par le suite a rendu l’expression de plus en plus inadéquate. L’écart entre les deux notions s’est élargi au point où le premier ministre Jean Lesage et le ministre G.É. Lapalme (avec le concours du jeune Office de la langue française) entreprirent, lors de la Révolution tranquille, de corriger l’expression devenue un « énorme anglicisme » (au dire du journaliste J.M. Léger). Entre 1763 et les années 1960, le Québec et les « provinces » du Canada sont devenus des États. En français, la distinction s’impose.

Dans le cadre de ... (2015)

 2015.11.08. La langue des journaux est sensée s’améliorer depuis le début du siècle. Telle est l’observation d’une étude du Conseil supérieur de la langue française. Aussi est-on toujours surpris de lire le passage suivant tiré d’un article du Progrès Dimanche et publié dans le Soleil (8 novembre, p. 3) : (une entreprise) « a été dévalisée d’une somme de près d’un million de dollars dans le cadre d’une opération internationale… ». Quand on est dévalisé, on se fait dépouiller de tout ce qu’on a. Ici, les escrocs semblent avoir été bons princes. Le journaliste aurait été mieux avisé d’écrire : « a été volée d’une somme de …». Mais le plus étrange est que l’escroquerie aurait été réalisée « dans le cadre d’une opération internationale ». Les fraudeurs avaient sans doute publié leur plan sous le titre : Fraude du président. On peut supposer que le plan était plutôt celui des forces policières chargées de surveiller les malfaiteurs. Il faut se méfier du sens du syntagme « dans le cadre de… ». Cela suppose planification et encadrement. Les chercheurs auraient-ils épinglé les deux dérapages?

Paramédic, paramédicaux (2021)

 2121-01-18. Le Devoir consacre sa première manchette aux ambulanciers disposés à combattre la covid (18 janvier). La concurrence entre les duos «ambulanciers» - «techniciens ambulanciers» et «paramédics» - «paramédicaux» est féroce. Le premier l’emporte sur les mots inspirés de l’anglais «paramedic», mais ces derniers sont coriaces. Les avis des spécialistes semblent les indifférer. On peut lire dans le site «www.asulf.org» : «… les mots « paramédic » et « paramédique » sont des anglicismes à éviter. En français, le terme attesté pour désigner les professionnels des services ambulanciers habilités à transporter des blessés ou des malades … et à leur fournir des soins d’urgence est « ambulancier » ou « ambulancière. … l’adjectif « paramédical » désigne le personnel ou les professions qui offrent des services ou des soins aux blessés ou aux malades, sans toutefois appartenir au corps médical». Espérons que les «médicaux» et les «chirurgicaux» ne viendront pas porter main-forte aux «paramédicaux»!

Ce n'est pas évident (2021)

2021-01-17. Le témoignage (J. de Qc, 17 janvier, p. 4) d’immigrés installés au Québec depuis 2016 fait ressortir deux maillons faibles, l’un de la société québécoise et l’autre de l’État. La société, donc le voisinage et les enseignants, leur ont passé des virus linguistiques : «Ce n’est pas évident» (ce n’est pas facile) et «classes d’études régulières» (classes ordinaires). Et, inévitablement, ces formes fautives, ils les utilisent à leur tour. L’État est aussi en faute. Le ou la journaliste observe, en fin d’article, «… à leurs yeux, seule la maîtrise de l’anglais pourrait assurer la l’avenir de leurs enfant». La langue commune est une langue secondaire. L’État est un trompe-l’œil. Bref, les locuteurs que nous sommes, nous proposons une langue médiocre et l’État ne fait pas ce qu’il faut pour que le français ouvre les portes de l’avenir aux nouveaux venus.

Opportunité ? (2021)

 2021-01-16. Les titreurs n’ont pas toujours le temps de vérifier leurs trouvailles. Heureusement, cela permet aux lecteurs de s’y arrêter. La manchette est «Encore de belles opportunités» (Le Soleil, 16 janvier, p. 22). On savait depuis belle lurette que le substantif lui-même est un anglicisme sémantique. Le mot «opportunité», pris au sens d’«occasion», constitue un anglicisme accepté par l’Académie française. Mais l’expression entière est aussi un pléonasme. L’opportunité est déjà une belle occasion. Y aurait-il des mauvaises opportunités? Peut-être! En février dernier, un journaliste avait déclaré sur les ondes que Eustachio Gallese avait eu l’opportunité de se trouver en présence de Marylise Lévesque!

Impact (2021)

 2021-01-15. Importante nouvelle : «Impact de Montréal : la fin d’un nom» (Le Devoir, 15 janvier, B6). Le passage au nouveau nom de l’équipe (Le Club de foot Montréal» peinera sans doute des supporteurs du presque trentenaire Impact. Le mot lui-même est critiqué depuis sa traversée de la frontière : on le disait installé ici avec un sens qui lui vient de l’anglais. Au départ, le mot du vocabulaire militaire signifiait le choc d’un projectile contre un corps et la marque qu’il y laisse. En anglais, le mot a pris en plus le sens d’effet, de conséquence, de contrecoup, d’impression, d’incidence, d’influence, de portée, de répercussion, de retombées… En dépit de l’anabaptisme de l’Impact, l’anglicisme sémantique que constitue le mot ne disparaîtra pas pour autant. Comme le cheval d’Attila, il continuera de détruire sous ses pas les concurrents français énumérés et d’autres sans doute.

Juridiction provinciale (2021)

 2021-01-14. Le chroniqueur Michel David écrit «… dans les entreprises sous juridiction provinciale (Le Devoir, 14 janvier, p. A 3). Pris au sens de ‘compétences’ le mot ‘juridiction’ est un anglicisme. Nombre de Québécois font la faute. Aussi n’est-il pas surprenant que les répertoires correctifs s’y arrêtent et le critiquent (Chouinard, Presse canadienne, Roux, Villers). Plus tôt, le traducteur Pierre Daviault (Langage et traduction, 1981) y avait consacré un long article : «En français, le mot … désigne : 1. Le pouvoir… de juger…; 2. Chacun des tribunaux…; 3. Le ressort… où le juge a le pouvoir de juger; 4. Corps de judicature. / … en anglais … 1. Lawful power…. to exercice official authority, whether executive, legislative …; 2. The territory…». P. Daviault conclut: «Le terme anglais… peut désigner une autorité quelconque… Il faut rendre ce sens, en général, par ‘Compétence’ ou ‘Attributions’. Il eut donc été préférable d’écrire «de compétence provinciale» même si les deux mots sont un tantinet antinomique (comme capitale nationale de la province!).

samedi 16 janvier 2021

Tournure : Négocier une courbe (2016)

 2016.11.27. Nombre d’instruments correctifs sont à la disposition des Québécois soucieux de bon usage. L’un d’eux est la rubrique de Jacques Lafontaine du Journal de Montréal (et de son homologue de la capitale). Les billets publiés dans les deux quotidiens se retrouvent sur le blogue du correcteur (faire Blogues Lafontaine pour le repérer). En voici un récent portant sur «négocier une courbe » et «virage en U » : « L’automobiliste a-t-il négocié une courbe ou un virage? Il a négocié un virage, qui est une modification progressive de la direction d’une route. Négocier une courbe est un anglicisme (to negotiate a curve). Une voiture ne s’engage pas dans une courbe, mais dans un virage… . Mais on ne peut pas faire un virage en U, calque de l’anglais U-turn. On fera un virage à 180 degrés ou, mieux, ... on fera demi-tour … ». On peut espérer que les commentaires de Lafontaine influencent ses collègues des deux journaux, comme ceux du Français au micro devraient influencer les animateurs et les chefs d’antenne à Radio-Canada. P.S. : Usito remarque que « négocier un virage » vient de l’anglais » et on propose l’équivalent : «bien prendre un tournant ».

Cap Diamant ? (2016)

 2016.11.28. La méprise de Jacques Cartier : voilà une bonne raison d’accepter le toponyme bancroche Cap Diamant. L’écrivain allemand Lothar Baier écrit : « Pour consoler son roi de l’échec de la fondation d’une colonie, il fait remplir, avant son départ, des caisses de minéraux. A son arrivée, il s’enorgueillit d’avoir rapporté du Nouveau Monde des monceaux d’or et de diamants qui toutefois se révélèrent n’être que du quartz et de la pyrite. Depuis, l’expression ‘diamants du Canada’ est devenue synonyme de faux» (À la croisée des langues; 1997). Il est quand même plus glorieux de penser que le promontoire porte le nom d’un notable dont le patronyme serait Diamant, même si cela est faux comme l’étaient les diamants (!) tirés du cap par Cartier en 1542. Il devient inutile d’insister sur le fait que Cap Diamant est la mauvaise traduction Diamond Cape, bonne traduction anglaise de l’appellation d’origine Cap aux Diamants. Tout vaut mieux que le rappel de la méprise du navigateur!

Voir live une église (2016)

2016.11.29. Qui est responsable? Des élèves visitent les églises grâce au cours d’éthique et de culture religieuse. L’un d’eux, sans répondre à la question du guide, dit apprécier de « voir live » les lieux de culte (Téléjournal Québec, 29 novembre, 18 h 18). Comment cet élève en est-il arrivé à ignorer ce qu’on dit habituellement en français de tous les jours : visiter, explorer, voir sur place, etc.? On peut faire l’hypothèse que les enseignants n’invitent pas leurs élèves à « voir live » les églises de la capitale. Cela ne doit pas venir des parents non plus. Il est probable cependant que l’influence vienne des humoristes, des chouchous des médias et des animateurs laxistes. Les professeurs et les parents rayonnent moins; leur territoire est limité à l’école ou au foyer. Les habitudes langagières des vedettes des ondes sont des milliers de fois plus péremptoires. Et hélas! Ces vedettes n’ont pas toujours conscience de leur responsabilité langagière.


Exclamations: Fuck!

2024.03.01. La chroniqueuse Josée Blanchette aime bien parsemer ses textes de mots anglais. L’habitude fait partie de son style. Dans le Dev...