dimanche 7 août 2022

Mettre la pédale douce (2022)

2022-07-09. Le journal de l’administration municipale de Québec, Ma Ville, présente le titre «Cet été, on met la pédale douce» (Été 2022, p. 2). L’expression signifie habituellement «mettre une sourdine», «ne pas forcer», «y aller doucement», «mettre un frein» , «réfréner», «ralentir», «se modérer»… Cependant, les exemples d’utilisation de l’expression ne retiennent pas le monde de la circulation automobile. Le rapprochement du substantif à la vitesse dans les rues était inévitable. Mais on peut juger qu’il était inévitable et même trop facile à faire. Le rédacteur écrit bien : «… la ville vous rappelle de mettre la pédale douce». C’est ce qui s’appelle descendre au niveau des pâquerettes et aller au-delà du sens symbolique de la tournure.

Récipiendaire (2022)

2022-07.10. Il n’est pas facile de faire la distinction entre les mots «récipiendaire» et «lauréat». La Banque de dépannage linguistique (OQLF) a beau préciser : «Si le lauréat « reçoit », le récipiendaire, quant à lui, « est reçu » et illustrer l’observation par des exemples, toutes les administrations et nombre de locuteurs sont envoutés par «récipiendaire». On lit dans une page publicitaire de Québec : «Félicitations aux récipiendaires de la médaille de la Ville…» et «Félicitations aux récipiendaires de l’Ordre des mécènes…» (Le Soleil, 9 juillet, p. 9). Va pour les dernières félicitations : l’Ordre accueille de nouveaux membres. Il en va autrement si l’on remet une médaille. La frontière entre les deux notions est cependant poreuse. Aussi est-il compréhensible que les rédacteurs de la Ville ne s’attardent pas à la distinction approximative ou au court commentaire de l’Office de la langue : « L’emploi de 'récipiendaire' au sens très général de « personne qui reçoit quelque chose » est considéré comme fautif en raison de l’influence probable de l’anglais 'recipient'.

Évènement ou une table-ronde? (2022)

2022-07-11. Les services linguistiques québécois ou français devraient passer au microscope le mot «événement». Il semble devenir une ritournelle et même un tic. On peut lire dans le Courrier du soir (11 juillet) du Devoir, à la suite de la publication d’un cliché des galaxies formées à la suite du Big Bang : : «Le dévoilement a eu lieu lors d’un événement à la Maison-Blanche…. ». Le mot, dans le contexte, ne signifie rien ou peut-être n’importe quoi : une réception, une conférence de presse, une table-ronde, une réunion des gouverneurs des États américains, la séance d’ouverture d’un congrès scientifique… Ce n’est pas limpide. Et il est fort possible que le tic provienne de l’américain. Les spécialistes sont invités à creuser le sujet.

Grande vente? (2022)

2022-07-14. Il n’est pas facile de contourner l’anglicisme sémantique «Grande vente» pris au sens de «grands soldes» ou simplement de «soldes». L’entreprise de vente et de location de roulottes Escale VR tombe ainsi dans le panneau (Le Journal de Québec, 13 juillet, p. 13). Le mot commun en anglophonie est «sale». Ce mot y signifie à la fois l’action de vendre et les ventes au rabais. Le mot est donc tout à fait justifié dans la mission (vente … de roulottes) mais non dans l’expression «Grande vente». Il faudrait écrire au long : «Grande vente au rabais». Une solution plus courte serait «Grands soldes». Il appartient à l’entreprise de choisir ou non l’expression française qui lui semble la meilleure.

Modérateur ou président ? (2022)

2022-07-15. À la fin du siècle, on critiqua, ici au Québec, l’emploi du mot «modérateur» pris au sens de président ou d’animateur d’une réunion, table-ronde ou assemblée générale. En 2005, la Commission générale de terminologie de France accepta le mot et son extension de sens dans le monde de l’électronique. Aussi, est-il correct, en principe, d’écrire, comme on le voit dans le Journal de Québec « Un pédophile […] connu sur le web clandestin comme un modérateur de forums…» (13 juillet, p. 14). Au premier regard, le «modérateur» semblait plutôt jouer un rôle d’animateur ou de réchauffeur de réseaux de pornographie. Aussi, cela restera-t-il un exercice difficile pour les locuteurs familiers du sens traditionnel donné au mot «modérateur».

Sorbonne Université ! (2022)

2022/ 07-16. La France attrape facilement les virus linguistiques en provenance des pays de langue anglaise. Un correspondant me fait part de la nouvelle appellation «Sorbonne Université», laquelle apparait en page d’accueil du site de l’établissement (https://www.sorbonne-universite.fr/). De tels exemples sont nombreux dans le pays. Un rapport de l’Académie daté de février 2022 en aligne des centaines. Il est difficile de comprendre ce mal français. Les Québécois, leur semi-État, leur enclavement dans un continent de langue anglaise, résistent encore. On n’y a pas encore de Laval Université, de Montréal Université ou de Laurentienne Université. Les Québécois succombent souvent depuis 1760 mais ils ont développé des anticorps Les cousins français sont sans défense virale et les «médicaments» proposés par l’Académie ou par des associations militantes n’ont pas de succès jusqu’à maintenant.

Bonjour-Hi! (2022)

2022-07-17. Les Québécois n’aiment pas beaucoup la salutation «Bonjour-Hi». On peut discuter de cet apparent rejet (refus du bilinguisme? Recul du français?). Un sociolinguiste retraité, Calvin Veltman, juge que la formule pourrait s’inscrire dans les inévitables échanges entre langues. Il déclare au Soleil (16 juillet, p. 3) en marge d’un reportage sur le sujet : «C’est normal que les langues empruntent les unes aux autres des expressions». Entièrement d’accord. Mais on n’a pas affaire ici à un échange. On n’a pas importé et adapté un «Hi-Bonjour» utilisé (?) en Ontario ou au Saskatchewan; on n’a pas remplacé «Bonjour» par «Hi». Si cela avait été le cas, on aurait pu parler d’échange de mots ou d’expressions. Pour le moment, la salutation est une illustration du franglais.

Toponymie: Rue du Petit-Champlain (2022)

 2022-07-18. La légende d’une photo publiée dans le Journal de Québec (17 juillet, p. 20) : «Stéréogramme montrant la rue Petit-Champlain vers 1880…». On écrit dans le répertoire toponymique de Québec « Sur une carte de 1874, cette rue est identifiée comme étant la petite rue Champlain pour la différencier de la […] rue Champlain. Les anglophones, parlant alors de la Little Champlain Street, les francophones adoptent peu à peu la traduction « rue du Petit-Champlain » qui s'impose progressivement … ». En somme, le toponyme «Petite rue Champlain» devait être en usage en 1880. Le franglicisme ou l’anglicisme s’est imposé par la suite. Bref, la légende aurait été plus fidèle à l’histoire si on avait écrit: «… la Petite rue Champlain». Sans doute faut-il parfois conserver des perles de traduction bancale illustrant les pressions de l'anglais!

Juste perdre sa blonde ! (2022)

2022-07-19. Le compagnon de Cynthia Marcotte, heurtée mortellement au cours des derniers jours, déclare : «C’est pire que de juste perdre ma blonde» (Le Soleil, 18 juillet). En clair, cela revient à dire : c’est pire que de seulement perdre ma blonde . C’est gentil! La langue du conjoint a sans doute fourché. Ou peut-être est-ce une maladresse? La journaliste du Nouvelliste a reproduit fidèlement la citation, sans la redresser. Les protes du journal n’ont rien vu qui l’ont promue en manchette. Tous peuvent exciper de la généralisation de l’anglicisme «just», d’ailleurs superflu dans la circonstance. Mais espérons que les amis et connaissances du couple n’en profiteront pas pour réserver leurs condoléances, étant donné qu’il y a pire que de perdre sa conjointe !

Prix «régulier» (2022)

2022-07-20. Il faut reconnaître que la publicité des magasins Latulippe est de bonne qualité langagière. On y emploie «soldes» (en non l’anglicisme «vente»), «en stock» (et non «en inventaire»). Le prospectus distribué le 20 juillet reproduit une faute classique : Prix «régulier». On y lit «10 % de rabais sur tous les articles de pêche à prix régulier». L’expression est un calque de «regular price» qu’on devrait rendre par «Prix courant». Gérard Dagenais écrit : «L’adjectif anglais […] a aussi le sens d‘ordinaire, courant, habituel, usuel que n’a pas l’adjectif français» (Dictionnaire des difficultés …). L’Asulf met une fiche sur le sujet dans son site (https://asulf.org/regulier/ ). Le Multi dictionnaire note bien que l’expression est une forme fautive à éviter.

Paramédics ? (2022)

2022-07-23. On lisait dans un entrefilet de la Presse canadienne le 21 juillet «La mère de 40 ans… a été prise en charge par les ambulanciers paramédicaux…» (Le Devoir, p. A4). Ambulanciers paramédicaux ! Bravo. Vingt quatre heures plus tard, le même journal reproduit le cliché d’une ambulance vue d’en arrière. On y lit : «AMBULANCE / Vous suivez des paramédics en grève / PARAMÉDIC Vous suivez des paramédics en grève» (Ibid, 23 juin, A3). Il serait temps que les entreprises ambulancières se rendent compte que le mot «paramédic» a des équivalents français : les adjectif «paramédical», «paramédicaux» et, à la limite, leurs substantifs (un ou une paramédicale, des paramédicaux). Des paramédicaux en grève devraient avoir l’occasion de réfléchir à ce léger problème de langue.

Tournures: dû pour... (2022)

2022-07-23. Nos politiques, hommes ou femmes, sont tenues de respecter nombre de règlements et de directives que leurs prédécesseurs ou eux-mêmes ont proposés et entérinés. Ils confient à l’administration le soin de les diffuser. Cela est le cas des recommandations de l’Office de la langue. Prenons l’exemple : «on est dus pour un changement» (F. Legault, Le Devoir, 22 juillet, p. A4). La Banque de dépannage linguistique la critique et proposerait plutôt : «on est mûrs pour un changement». On y écrit : « dû est utilisé à tort dans diverses expressions calquées de l’anglais to be due for au sens d’« être mûr pour », « avoir besoin de »». En somme, monsieur Legault ignore une recommandation officielle de l’État comme d’autres ignorent des directives déontologiques.

Onomatopées: splash (2022)

2022-07-24. Au début de juillet, un correspondant écrivait : «Le grand splash de Montréal aurait pu être le grand plouf». Il aurait pu, en principe! La consultation du Dictionnaire des onomatopées (P. Enckell…) révèle que les onomatopées sont nombreuses à rendre le son des corps qui tombent à l’eau : flac, floc, pfloc, ploc, plof, plouf, splach. On notera le titre de l’’entrée : «splach» et ses variantes : splasch, splash et splalth. Les auteurs du répertoire semblent privilégier la forme «splach». L’onomatopée «plouf» se mérite une entrée d’une importance similaire. On la retrouve dans le Petit Robert (2007) et «splash» en est absent. Le Grand Robert & Collins traduit «splash» par «floc» et «plouf». C’est dire que les responsables de l’activité consultent avant tout les dictionnaires anglais et s’en contentent.

Historique? (2022)

2022-07-26. Il y a un quart de siècle, Maurice Druon écrivait : «… que des journalistes sérieux emploient ‘historique’ comme un superlatif de l’éphémère, voilà qui me navre» (Le Figaro, 3 mars 1997). Il constaterait que depuis les choses n’ont pas changé. Le Devoir porte à la Une de son numéro du 26 juillet : «Le pape François offre des excuses historiques en Alberta» et, en légende d’une photo, «Moment historique»! Dans le passé, on réservait le qualificatif à ce qui était éminent ou mémorable dans le passé. On attendait quelques années ou décennies avant d’en décider. Reste à espérer que le Pape n'en présente pas de nouvelles en territoire laurentien et qu’il se contentera ici d’excuses importantes, exceptionnelles, sans précédent. 

Tournures: On n'est pas sortis du bois! (2022)

2022-07-28. Si vous lisez la manchette «On n’est pas sortis du bois» (La Presse numérique, 28 juillet), vous ne tiquerez pas. La locution doit être française : tous les mots le sont. Le Robert aligne «La faim fait sortir le loup du bois» mais pas la locution relevée dans la Presse sous la plume de la journaliste Rima Elkouri. On constatera également que la locution est également négligée des répertoires français. Par contre, on la trouve le Dictionnaire des expressions et tournures calquées sur l’anglais et dans le Dictionnaire québécois-français. En français, on dirait plutôt : «ne pas être sorti de l’auberge», «ne pas être au bout de ses peines», «n’être pas tiré d’affaires». En somme, la journaliste, comme la plupart des Québécois, traduit au plus près «no to be out of the woods». Ce faisant, elle masque et néglige les expressions françaises idoines.

Fake news (2022)

2022-07-28.  L’expression «fake news» est apparue en 2016 au moment où le monde apprenait qu’une fabrique de nouvelles bidon tournait à fond dans un bled de Macédoine (Julie Neveux, Je parle comme je suis; 2021). Trump l’a popularisée qui accuse ses adversaires d’être des «fake news», insulte qu’il multiplie. Elle se répand. Nos journalistes s’en contentent. Ainsi, Richard Martineau, «interviouvé» par Vincent Dessureault à Qub Radio au sujet de la visite du Pape et de l’enseignement religieux de l’Église (26 juillet, 12 h 30) l’utilise six ou sept fois sans lui trouver d’équivalents. Ils sont pourtant nombreux : bobards, boniments, contre-vérités, infox, fausses informations, ragots, etc. Peut-être faut-il éviter d’accuser l’Église d’avoir trompé sciemment ses ouailles et d’avoir lancé des «fake news» ou des fallaces.

Ovation debout? (2022)

2022-07-29. La visite du souverain Pontife a fourni l’occasion de sortir l’expression jugée pléonastique «ovation debout». Le journaliste.F. Racine va même jusqu’à «longue ovation debout» (J. de Qc, 29 juillet, p. 3). Pierre Cardinal écrit : «En toute logique (française), on voit mal comment on pourrait ovationner quelqu’un sans se lever» (Le VocabulAide, 2009). Oui, mais s’agissant du Pape, la foule rassemblée à la Cathédrale de Québec aurait pu lui réserver une «ovation à genoux»! ou une «ovation assise»! Qui sait? L’expression «longue ovation» n’est peut-être pas limpide à qui connaît l’expression anglaise (standing ovation) et son influence sur le français contemporain.

Attendre pour un autobus!!! (2022)

2022-07-30. Est-il correct d’écrire, comme le fait Antoine Lacroix du Journal de Montréal «Un Montréalais […] a attendu pendant plus de onze heures pour une ambulance …» (Le J. de Qc, 29 juillet, p. 11)? . Le grammairien Gérard Dagenais critique une formule semblable : «’… il appela sans succès pour un taxi’. [...] La tournures (appeler pour), comme (demander pour), introduisant un substantif est une terrible faute de grammaire’» (La Presse, 10 mars 1966). Jean Forest lui consacre une ligne en 2008 : «attendre pour qn/ to wait for sb / attendre qn (dans l’ordre anglicisme / anglais / expression française). Plus récemment, le communicateur Michel Rondeau s’arrête à la préposition «pour» : «Si, en anglais, certains verbes ont parfois besoin de cette préposition pour introduire un complément direct, il n’en est pas de même en français […] On n’attend pas pour une caisse libre (wait for a free teller), on attend que celle-ci soit libre». Le journaliste aurait mieux fait d’écrire : «… a attendu une ambulance…».

Sentir le flow (2022)

2022-07-31. Les artistes ont souvent besoin d’employer des mots anglais pour montrer qu’ils sont branchés et qu’ils renouvèlent leur langage. Daniel Lavoie invite les lecteurs de ses fables à les lire de différentes façons, comme il le fait lui-même, afin de sentir le «flow»! «Comme on dit», ajoute-t-il sans expliquer le sens du mot. Le Devoir non plus, qui le porte en titre de l’article et en manchette de la Une du magazine (Le D, 30-31 juillet). Cette façon de faire ou de dire est fort cavalière tant de la part du chanteur que du journal. Si le mot est intraduisible, on devrait tâcher d’en rendre l’idée pour le lectorat du journal. Un lecteur peut bien se mettre dans la peau d’un chanteur écrivain et imaginer ce qu’il veut dire : inspiration, voie, filon, rythme, forces, potentialités, talent, aptitudes, goûts… Assez! Pourquoi s’imposer un choix ? «Flow» ne veut rien dire, mais il dit tout.

Médecins de famille ?

2024.04.11. En toute logique, les superinfirmières qui travailleront dans le voisinage des «médecins de famille», c’est-à-dire des généralis...