lundi 31 août 2020

La «météo» n'est pas le temps (2017)

2017-03-17. Dirait-on une « philosophie limpide » pour parler d’une idée claire? … d’une « géographie merveilleuse » pour parler d’un beau site? Mutatis mutandis, c’est ce que fait l’animatrice de Radio-Canada quand elle prévoit « une météo radieuse pour la fin de semaine » (Première chaine, 17 mars 2017, 16 h 36). La philosophie et la géographie sont des disciplines intellectuelles. La météorologie également. En somme, l’animatrice aurait dû annoncer du « beau temps », un « temps radieux » ou quelque chose de semblable. La dérive du temps qu’il a fait, qu’il fait ou qu’il fera, vers le mot « météo» n’est pas relevée par les langagiers québécois. Madame Villers (Multi) observe cependant que le mot s’inscrit dans un registre familier. L’Académie française reconnait l’aphérèse « météo » de «météorologie », mais ajoute « On veillera toutefois à ne pas confondre cette discipline avec son objet, et on se gardera bien d’utiliser ’météo’ pour désigner le temps qu’il fait… » (Dire, ne pas dire, vol. 1, 2014). Le bien-dire est fait de petits riens.

samedi 29 août 2020

Logée (aucune demande n'a été...) (2020)

 2020-08-28. On est toujours surpris à la lecture d’une phrase comme celle-ci «… aucune demande d’aide n’a pas été «logée» (Hélène Buzzetti, Le Devoir, 27 août, A 3, 2e col.). Il y a une double négation et l’absence de logement (!) pour la demande d’aide. L’habitude de «loger des appels» est commune au Québec. Le phénomène est dû à l’interférence de l’anglais. En français, on ne loge pas un appel téléphonique, un grief ou une plainte. On fait un appel téléphonique et on dépose un grief ou une plainte. Mais en anglais on les «lodge». La tournure franglaise est épinglée dans les répertoires correctifs (Guide de rédaction de la Presse canadienne, dans 1500 pièges du français parlé et écrit, dans Dictionnaire des expressions et tournures calqués…, dans le Multi dictionnaire, etc. ). On devrait l’insérer dans le guide interne de l'équipe du Devoir.

Igloo, voodoo (2013)

2013.03.04. Les entreprises freinent souvent l'amélioration de la qualité de la langue sans trop s'en rendre compte. Elles cèdent facilement à l'anglophilie. Une illustration: on adopte la graphie anglaise contre la graphie française. Ainsi on a des raisons sociales formées des mots "igloo" ou "voodoo". Pourtant, on pourrait très bien se servir de "iglou" et de "vaudou". Le Soleil (2 mars, p. 12) annonce l'ouverture d'un resto-bar, le Bamboo Express. Est-on certain que cette raison sociale attirera plus de clients que si on l'appelait le Bambou Express? Probablement pas. Mais, chose sûre, ce faisant on freine l'amélioration de la langue officielle en instillant des pratiques étrangères au français. 

vendredi 28 août 2020

Gloriette ou Gazebo? (2020)

2020-08-24. Les amis et organisateurs du candidat Paul Saint-Pierre Plamondon invitent les membres du Parti Québécois et les citoyens à assister au lancement de son manifeste. Ils précisent le lieu : «... au pavillon (‘gazebo’) situé près de la rue Saint-Laurent» (message du 24 août 2020). Il y a une semaine, des amis et parents, nouveaux propriétaires d’un chalet dans Lanaudière, désignent un semblable pavillon par le mot anglais «gazebo». Le mot se prononce bien en français. Il n’y manque que l’accent aigu. Petite question : n’a-t’on pas les mots français pour désigner une telle construction? Une «gloriette», c’est-à-dire un petit pavillon tout simplement. Ou, surprise!, un belvédère s’il est installé sur un lieu ayant une belle vue (Dictionnaire québécois-français). Bref, on pourrait enrichir le français québécois en pigeant dans le français français. Cela est à la portée des simples locuteurs et des militants des regroupements politiques.

«Historique»? (2017)

 2017.06.27. La victoire du coureur québécois Lance Stroll inspire deux manchettes osées au Soleil et dans les quotidiens de Québecor : «Podium historique pour… » et «Performance historique de…» (26 juin 2017). Maurice Druon a écrit il y a deux décennies : «Du temps qu’on enseignait l’histoire… historique définissait ce qui était… mémorable dans le passé. Aujourd’hui tout est historique, dans l’instant… / des journalistes sérieux emploient historique comme un superlatif de l’éphémère… » (Le Figaro, 3 mars 1970). L’Académie française, qu’on suspecte de dormir sur ses lauriers, met les locuteurs en garde : «Une fâcheuse tendance se répand … faire d’historique un synonyme de ‘sans précédent’ ou d’’inégalé’, ce qu’il convient d’éviter…» (Dire, ne pas dire, vol. 2, 2015, p. 84). En somme, on pourra dire que Stroll fera une deuxième, puis une troisième performance historique, etc., s’il répète son exploit. En somme, mieux vaudrait attendre quelques années avant de décréter une victoire historique

«Questionne" (le passé nous....) (2016)

 2016.03.26. Ni l’enseignement du français, ni celui de l’anglais, ni leur apprentissage, ne parvient à corriger les anglicismes qui suintent des journaux. On « adresse des problèmes » au lieu de les aborder, on « ‎questionne une affirmation » alors que l’on devrait la contester ou en douter. Ainsi le Devoir (25 mars 2016, p. A 10) reproduit une phrase de monsieur Andrès Fontecilla : «… le passé antisyndical de M. Péladeau nous questionne beaucoup… ». Une attitude, une croyance, une pensée pourraient-elles poser des questions? En français, un tel exploit n’est pas possible. En anglais, il l’est. On dit : « Their patriotism was questioned » mais on ne dit pas en français : « leur patriotisme a été questionné ». Les traducteurs rendent l’expression par « leur patriotisme a été mis en cause ». L’anglais suinte de partout! Il faudra sans doute trouver des solutions.

«Confortable»? (2019)

 2019-07-21. Il est des anglicismes installés depuis longtemps dans le français. C’est le cas du mot «confortable» appliqué à des objets et présent en français depuis le XVIIe siècle. Personne ne le remettra en cause. Il fait partie du décor. Mais il est courant, au Québec, de lui ajouter un nouveau sens, toujours sous l’influence de l’anglais. Une citation récente : «Il s’agit d’un dossier… très rigoureux…, ce qui nous rend très confortables» (Le Soleil, 19 juillet, p. 6). Elle est du président du conseil de direction du SILQ La question essentielle est «y a-t-il lieu de relever l’anglicisme sémantique nouveau?» On peut répondre «oui» si l’on juge que les locuteurs ont un mot à dire sur le sujet et si le français est en mesure d’exprimer la même idée. Alors, les solutions de rechange ? En voici quelques-unes : «ce qui nous rend à l’aise » , «… sur lequel nous sommes d’accord», «…et que nous entérinons», etc.

«Loger un appel»? (2017)

 

2017.06.07. Nous entendons et utilisons sans vergogne des tournures anglaises sans nous en rendre compte. Il suffit d’en imaginer de nouvelles pour avoir la puce à l’oreille. Que dirait-on par exemple de phrases telles que « loger un message à 18 h », « je vais loger un SOS », « avez-vous logé cette affirmation à 14 h 2?» ou encore « vous avez logé une déclaration au Service de police hier »? Il n’y a pas de doute que tous trouveraient curieuses ces façons de dire. Mais aurait-on la même réaction face au journaliste qui proclame sur les ondes « on a logé un appel » (Martin Everell, TVA, 6 juin 2017, 18 h 5)? Comme le chante Jacques Brel, « on s’habitue, c’est tout! » L’expression est ancrée dans la langue « maternelle » de la nation québécoise. Expliquer qu’on a affaire à un calque phraséologique et qu’on devrait dire « faire un appel », « appeler », etc., est une mission qui revient aux remarqueurs de service et aux donquichottes.

Historique? (2020)

 2020-08-27. L’adjectif «historique» est souvent dénaturé et détourné de sa signification. Les titreurs du Soleil nous offrent la manchette : Basket, baseball, tennis : boycott historique… » (27 août, 6 h 17). Le mot définit ce qui est éminent, remarquable ou mémorable dans le passé. De nos jours, tout est historique dans l’instant selon Maurice Druon (Le bon français; 1999). Ce dernier donne des exemples : un record sportif devient illico historique, le cours de l’euro atteint un sommet historique, etc. Le professeur André Racicot de l’Université d’Ottawa écrit dans son blogue : «Avant de qualifier un évènement d’historique, nos scribes auraient intérêt à se demander si leurs descendants en parleront. Par exemple, un simple repli boursier, si marqué soit-il, ne peut être historique, si la Bourse remonte le mois suivant». Dans le cas qui nous occupe, le journaliste avait écrit avec raison: «L’acte est aussi fort qu’inédit».


mercredi 26 août 2020

Conséquent (2021)

2021-01-06. Conséquent : «… cet adjectif signifie ‘qui suit logiquement’ … L’adjectif s‘est assez rapidement spécialisé dans un sens figuré, attaché aux personnes. Il caractérise quelqu’un dont l’esprit suit un chemin logique, quelqu’un qui pense juste, ou qui accorde ses actes à ses intentions, ou aussi bien quelqu’un qui a de la suite dans les idées. / Par conséquent, tordons le cou sans hésitation ni pitié à ce ‘conséquent’ inconséquent, à ce synonyme abusif d’’important’… (Michel Mourlet, dans Défense de la langue française, no 278, 4e trimestre 2020, p. 44-45). 

vendredi 21 août 2020

«Médecin de famille», vraiment? (2020)

2020-08-18. On écrit dans le Devoir (17 août, sous la plume de Fabien Deglise : «...Mary DeWaters, jeune médecin de famille à Milwaukee .» Va, pour les États-Unis : «Family doctors treat patients on both individual and family basis….» (Ratemds.com). Mais avons-nous des médecins de famille au Québec? comme on semble le croire. Pourtant quatre personnes d’une même famille auront ordinairement quatre médecins différents. L’auteure Diane Lamonde (Français québécois…, p. 177) juge que l’expression est un anglicisme. En France (et en français!), le « médecin de famille » serait un vrai médecin de famille. La définition du Trésor de la langue française informatisée (TLFi) est la suivante : « Médecin qui traite habituellement une famille, qui la suit dans son évolution au cours des générations ». En somme, au Québec, le «médecin de famille» (sic) est un médecin personnel, le médecin attitré d’une personne et non d’une famille. Si l’on tenait compte du sens des mots, on abandonnerait l’expression et on parlerait de son médecin ou de son médecin personnel.

mardi 18 août 2020

L'acronyme... Covid ou COVID? (2020)

2020-05-26. L’acronyme COVID fait la pluie et le beau temps dans les médias. Les projecteurs sont braqués sur lui et, en plus, on écrit son nom en majuscules, comme s’il était un sigle. Après trois mois, il est temps de revoir cette pratique. L’acronyme est maintenant lexicalisé, comme cela fut le cas de «sida«, de «radar» ou de «cégep». Sa multiplication, présentée en majesté dans la presse écrite et dans les médias, fait tache et pâté. En France, on désigne la pandémie du mot commun «covid» dans le corps des articles. Il y a tout lieu que les entreprises d’ici calibrent le traitement «royal!» qu’on lui accorde. Les majuscules deviennent superflues et même agaçantes. Les médias peuvent passer de COVID à covid sans danger supplémentaire!

dimanche 16 août 2020

Corporatif (rabais) (2020)

2020-08-12. Depuis une dizaine d’années, on aperçoit dans le sas de l’entrée du Conseil régional de Québec et de Chaudière-Appalaches (Bd des Gradins) une affiche de Nautilus Plus reproduisant un anglicisme généralisé : «Rabais corporatif» (... pour vos employés et vos membres). Le Multi dictionnaire de la langue française classe l’adjectif parmi les formes fautives. La Banque de dépannage de l’OQLF propose aux locuteurs une fiche fort élaborée. On y lit : « …employé pour qualifier ce qui est relatif aux entreprises,... corporatif est un emprunt à l’anglais qu’il convient de remplacer…». De nombreux exemples suivent. L’expression relevée ici n’y apparaît pas encore. Mais il devrait y figurer avec des solutions de rechange : «Rabais de groupe», «Rabais d’entreprise», «Rabais des syndicats», etc. Une entreprise citoyenne comme Nautilus devrait favoriser une expression française en territoire francophone.

samedi 1 août 2020

Émotionné? (2020)


2020-07-24. L’ancien premier ministre du Canada, J. Chrétien, nous a laissé de nombreuses perles. J’en relève une : «… rencontrer le président de la France, c’était émotionnant» (1994). Il va de soi qu’il aurait dû dire «c’était émouvant». Claude Duneton défend pourtant l’adjectif voisin. Il écrit «… ‘émotionné’ n’est pas l’équivalent d’ému; le mot traduit un trouble spécifique, provoqué par une surprise désagréable, une tension, un choc affectif de quelque ordre qu’il soit…. L’autre jour, sur l’autoroute, un motard… Brève mais horrible vision… - j’étais fortement émotionné, ‘secoué’ si vous préférez, mas pas ‘ému’. Ému, c’est autre chose, cela ne porte pas sur les muscles, mais sur une émotion tout intérieure. … j’étais ‘troublé’, mais ce serait un euphémisme inconvenant… j’ai eu l’horripilation sur les avant-bras… et une onde bizarre dans le ventre… J’étais à mon avis, ‘émotionné’» (Au plaisir des mots; les meilleures chroniques, 2005). Somme toute, le «c’était émotionnant» doit être placé dans un écrin et y rester même si «émotionné» peut servir comme le croît Duneton.

Exclamations: Fuck!

2024.03.01. La chroniqueuse Josée Blanchette aime bien parsemer ses textes de mots anglais. L’habitude fait partie de son style. Dans le Dev...