jeudi 1 décembre 2022

Paramedic (2022)

2022-11-01. La mésaventure au Qatar de P.Y. Asselin, un ambulancier québécois, est l’occasion pour le journaliste Mikaël Lalancette de seriner à dix reprises aux lecteurs du Soleil l’expression anglaise «paramédic» (Le Soleil numérique, 1er novembre). On pardonnera au coopérant Asselin l’utilisation de l’expression. Il côtoie sur place des collègues venant de pays anglophones et l’expression leur est familière. Ici même, la facilité l’impose aux dépens des mots français. Pourtant le Soleil est un journal destiné au lectorat francophone de la région de la capitale. Or le reportage néglige les expressions «ambulancier» et «technicien ambulancier». C’est, sinon de la félonie, du moins de l’ignorance ou de l’indifférence.

Récipiendaire (2022)

2022-11-03. Le ministère de la Culture et des Communications diffuse (2 novembre, 13 h 51) un communiqué dont l’objet est : «Prix du Québec : les récipiendaires 2022 dévoilés ». A-t-on affaire à des récipiendaires? À première vue, rien ne paraît justifier de les désigner ainsi. Ils reçoivent un prix, mais ils ne sont pas reçus dans un cercle. La lecture des avis de la Banque de dépannage… de l’Office québécois de la langue semble aller à l’encontre du choix du mot « récipiendaire ». D’autres usuels également (le Multi dictionnaire, le Dictionnaire québécois -français et les dictionnaires d’usage…). Aussi, serait-il pertinent d’exiger une explication de la part du Ministère, lequel semble ignorer les distinctions faites par l’Office, le service linguistique de l’État.

Récipiendaire ? (2022)

2022-11-04. Revenons au mot récipiendaire » puisque l’Ordre des francophones d’Amérique vient de nous en fournir un bon exemple. L’Ordre nommera de nouveaux récipiendaires le 8 novembre (Courriel du ministère de la Langue…, 1er nov.). On masque cependant l’appellation en mettant sous les réflecteurs la remise d’insignes, de médailles, de parchemins, etc. Toutefois, si on lit la présentation jusqu’à la fin, on y verra : « Pour en savoir davantage au sujet des récipiendaires… ». De plus, le Ministère invite les internautes à prendre connaissance des récipiendaires des années précédentes. Très bien! Rien n’est cependant parfait. Une note d’orientation parle des « récipiendaires des prix », comme s’il était dans leur nature de recevoir des prix. Leur caractéristique essentielle réside plutôt dans le fait qu’on les accueille dans un club, dans un cercle ou dans un ordre. 

Temps supplémentaire (2022)

1690 / 2022-11-05. Le Devoir nous apprend qu’une application ouvre la voie au freinage des heures supplémentaires (31 octobre, 1e p.). Aux lignes suivantes : on parle d’une piste propre à diminuer le temps supplémentaire et d’échanges de quarts de travail pour éviter le temps supplémentaire. Un lexique de l’Office, à l’article « heures supplémentaires », précise : « Terme non retenu : temps supplémentaire ». Par ailleurs, on y note que cette dernière ’expression «ne pourrait être utilisée que pour parler d’une façon générale d’une période de travail supplémentaire de durée indéterminée «non mesurée en heures et en minutes » (Vocabulaire des relations professionnelles, 2009). En somme, le temps supplémentaire serait un concept ou une notion théorique. Les employés pourraient s’attendre, en principe, à faire du « temps supplémentaire», mais une fois la prestation en cours, ils feraient des heures sup. C’est bien cela?

Abréviations: Dr. ou Dr (2022)

2022-11-06. L’abrègement des mots est soumis à des règles. Ces dernières varient d’une langue à l’autre. Deux chroniques nécrologiques publiées dans le Devoir (5-6 novembre, p. B11) présentent les noms de deux médecins de manière différente : Dr. Marc-Henri Dufresne d’une part (Alfred Dallaire Memoria) et Dr Guy Rémillard d’autre part (Coop funéraire...). Les deux abréviations du titre de Docteur diffèrent : Dr. et Dr (sans point). L’une est inspirée de l’anglais, l’autre est la pratique française. Gérard Dagenais écrit à ce propos : «… si la dernière lettre du mot s’y trouve, elle n’est jamais suivie d’un point» (Dictionnaire des difficultés…; 1967). Le Multi dictionnaire (2021) va dans le même sens : la lettre finale n’est pas suivie du point abréviatif, puisqu’elle correspond à la dernière lettre du mot». En somme, il aurait fallu écrire «Dr Marc-Henri Dufresne».

Frappé par une camionnette (2022)

2022-11-07. Les automobiles qui circulent sur les routes du Québec ne devraient pas, en principe, avoir des bras ou des pieds et donc pouvoir frapper un piéton. Le titreur des quotidiens de Québecor média ignore cette lacune (!) des véhicules. Il nous apprend en sous-titre : «… mort après avoir été frappé par une camionnette» (J.de Qc, 3 nov., p. 😎. Pourtant le journaliste Laurent Lavoie avait écrit, à la 15e ligne du reportage, «…heurté par une camionnette». Ce n’est pas la première fois qu’on cède à l’influence sémantique du verbe anglais «to hit». On écrit dans le Guide de rédaction de la Presse canadienne, publié en 2006 : «Une auto ne frappe pas, mais heurte ou renverse un piéton». Espérons que le journaliste en informera les titreurs.

 

Vétérans (2022)

2022-11-07. À l’occasion de l’Armistice, la députée fédérale de Beauport-Limoilou invite ses concitoyens à rendre hommage aux «vétérans et vétéranes» (Le Carrefour de Québec, 9 nov., 1e p.). En français, ces derniers ou dernières sont des personnes toujours en fonction et qui ont plusieurs années de services à leur crédit. Cependant, au Québec et au Canada, les dictionnaires reconnaissent la synonymie entre «vétéran» et «ancien combattant». La signification du mot «vétéran» s’élargit sous l’influence du mot anglais. Le professeur Meney note le phénomène. L’utilisation de l’un pour l’autre n’est pas une grosse faute, mais la distinction illustrait un certain goût du détail.

Ben plus rapide (2022)

2022-11-08. Quand Bell publie une page publicitaire dont l’accroche est : «Ben plus rapide. Pas plus cher» (Le Soleil, 5 nov., p. 25), Bell montre son mépris du français. En français correct, on écrit «Bien plus…». C’est l’occasion de rappeler les remarques d’un naturel du pays (imaginées par Philiippe Barbaud) : «Vous aut, les publicisses, vous en gaspillé, de la belle argent qu’on paye pour rien. J’trouve ça ben d’valeur. Ç’a pas d’bon sens d’écrire dewors comment qu’on parle dans son chez-soi.[…] Ma parlure, les gars, c’est pas d’vos affaires, c’est pas pour l’métro pis pour les autoroutes. […] La parlure, c’est pas faite pour l’écriture parce que l’écriture, c’est pas très intime dans l’métro» (Le Français sans façon, 1987). Ni dans le métro, ni dans la presse écrite 

Pêches et pêcheries (2022)

2022-11-09. La SSJB de Montréal invite Jean-Philippe Sauvé à prononcer une conférence le 14 novembre. Le titre en est : «Les pêches maritimes en eaux troubles : Comment le Québec a perdu le contrôle de ses pêcheries…». Les mots «pêches» et «pêcheries» semblent synonymes dans la phrase. Pourtant le mot «pêches» ou son singulier désignent l’industrie de la pêche dans toute son ampleur. Et «pêcheries» recouvre d’abord et avant tout des installations de traitement et les territoires poissonneux. Le mot anglais «fisheries» contribue à l’utilisation du mot «pêches» au pluriel et à repousser dans l’ombre le terme englobant tout le secteur d’activité.

Lachine, été des indiens... (2022)

2022-11-10. Jean-François Lisée nous rappelle l’origine de l’expression «été des Indiens» et du toponyme Lachine (Le Devoir, 9 nov., p. A3). «Été des Indiens» découlerait de l’erreur des Français qui croyaient en arrivant ici se trouver sur les pourtours des Indes. Et le toponyme tiendrait au fait que d’autres aventuriers, partant de la Côte Saint-Sulpice, croyaient se diriger vers un continent chinois tout près. Les Québécois de la capitale, pour leur part, se trompent depuis moins longtemps. Ils croient vivre sur le cap Diamant ou, encore, rue du Petit-Champlain. De fait, «Diamant», présenté ici comme un patronyme, vient d’une mauvaise traduction de «Diamond Cape» et la même erreur explique «rue du Petit-Champlain», traduction maladroite de «Little Champlain Street». Les dérapages relevés par Lisée relèvent d’un mirage géographique et ceux observés à Québec, de calques de l’anglais.

Vente ou soldes ? (2022)

2022-11-11. Les quincailleries Canadian Tire emploient une bonne expression dans leur message publicitaire : «Le plus grand solde de pneus de l’année» (Le Journal de Québec, 10 novembre, p. 23). Il faut les féliciter. Les magasins du réseau auraient pu se contenter du classique anglicisme «La plus grande vente…» comme le font encore nombre de retardataires ou de réfractaires. D’une part, les répertoires correctifs soulignent la faute et, d’autre part, on explique le dérapage : on est porté à traduire le mot anglais «sale« par le seul mot «vente». Or le français distingue l’action de vendre (on fait une vente d’importance, un immeuble ou une usine…) et les ventes au rabais ou les soldes. Il faut espérer que le civisme dont fait preuve la direction et les publicitaires du réseau influencera les entreprises récalcitrantes ou simplement ignorantes d’une distinction propre au français.

Séquestrer ? (2022)

2022-11-12. «Séquestrer v.tr. : emprisonner illégalement quelqu’un». Telle est la définition du verbe selon le Multi dictionnaire de la langue. Un exemple suit : «Les diplomates ont été enlevés et séquestrés». Le journaliste Pierre-Paul Biron écrit : «Les jurés, dix femmes et quatre hommes, seront […] séquestrés..» (Le Journal de Québec, 11 nov. , p. 6). C’est dire que les jurés seront, selon le sens actuel, illégalement détenus. Il est difficile de concevoir que quatorze citoyennes ou citoyens seront «séquestrés» par l’État chargé de la justice. D’où vient le dérapage? Sans doute du fait qu’il existe deux verbes américains ( sequester et sequestrate) dont le sens est «priver de communications avec l’extérieur». Le verbe français, lui, n’a pas ce sens. On commet donc un anglicisme sémantique en lui attribuant un sens qu’il n’a pas. Le journaliste aurait dû écrire : «… seront isolés, mis au secret, soumis au huis clos, claustrés» (sans séquestration).

Vétéran (2022)

2022-11-14. Dans le domaine du hockey, contrairement à ce que l’on voit dans les Forces armées, un vétéran est un joueur d'expérience toujours en fonction. Le Journal de Québec offrait la manchette suivante à ses lecteurs : « Une recrue et un vétéran gérant ont dominé… » (7 novembre, p. 62). On précise, en début d’article, que le vétéran, Dusty Baker, « a remporté sa première série mondiale à titre de gérant après 2093 matchs » On accorde le titre de « vétéran» à l’entraîneur toujours au poste. S’il prend sa retraite au cours des mois ou des ans, on ne lui donnera plus le titre de «vétéran», mais celui d’«ancien entraîneur» ou d’«ancien gérant». En principe, le prétendu vétéran à la retraite devient un «ancien combattant». Reste à savoir s’il a déjà participé à une guerre, s’il a combattu. Mais là, on s’éloigne du sport…

Événement (2022)

 2022-11-15. Le mot «événement» se dégrade et perd des plumes. L’ex-député Harold Lebel et une copine se regardent, boivent un verre, parlent, s’embrassent (?), etc. Tout ce qu’ils ont fait devient «événements». On lit : « … l’ancien élu a nié […] les événements rapportés…» (François Carabin, Le Devoir, 15 novembre, A2). Traditionnellement, le mot était réservé à des faits notables ou importants. Croiser quelqu’un, lui donner une tape dans le dos, lui faire un Bisou , lui dire qu’il a un beau complet, qu’on aime sa coiffure serait-il des détails qu’il faut honorer du titre d’«événements»? Il est vrai que l’expression «les événements» a souvent valeur d’euphémisme : on veut éviter «incident», «engueulade», «attaque»… Et puis le mot lui-même monopolise déjà l’attention en raison du choix d'un de ses accents,

Collège des médecins (2022)

2022-11-15. L’Ordre des médecins persiste à privilégier l’appellation franglaise «Collège des médecins» au moment où il recommande à la population le port du masque (15 novembre). L’organisme ne fait aucune place à l’appellation française. L’appellation historique adoptée en 1847 n’est qu’une traduction faite à l’aveuglette de l’expression anglaise «College of physicians». Depuis cette époque, le législateur québécois a fait des efforts pour remplacer le franglicisme. La Loi médicale (ch. M-9) donne toute la place au mot «ordre» : dix occurrences dans les dix premiers articles et, en plus, le titre de la deuxième section de la loi. Mais le législateur a eu la mauvaise idée de laisser surnager la traduction littérale à une reprise, à l’article 2. Et l’Ordre continue de préférer le calque de l’anglais, de préconiser le masque contre un virus et de négliger le virus langagier.

  

Des unités en vente (2022)

2022-11-16. Deux annonces placées dos à dos dans le Journal de Québec du 16 novembre offrent des unités!!! Dans le premier cas, ce sont «103 unités studios à 5 ½ » de l’entreprise Arbois qui sont à louer (p. 9). Dans le second, Résidence Le Jules Verne propose de «Nouvelles unités disponibles…» (p. 10). Le mot «unité» exerce un attrait certain : on aime ses couleurs, ses fragrances, sa modernité, ses mystères! On a l’impression que le simple appartement ou le petit logement n’arrive pas à la cheville de la mirobolante unité. Celle-ci profite du rayonnement des «units» américains. Les entrepreneurs, qui ne consultent pas les dictionnaires au travail, affirmeront avec raison que le mot «unité» s’y trouve. Peu leur chaut de savoir que l’habitude de se satisfaire du mot abstrait pour désigner son possible chez-soi concret nous est suggérée par l’environnement culturel.

Graduer de l'École ! (2022)

 2022-11-18. Les titreurs, certains disent la titraille, ne s’inspirent pas toujours des textes des journalistes. Valérie Gonthier écrit «Son fils […] venait d’obtenir son diplôme de l’École nationale de police» (Le Journal de Québec, 14 novembre, p. 11, 1e col. ). L’auteur de la légende de la photo du fils franglicise la phrase : «La victime […] venait de graduer de l’École…». Tout le monde sait qu’un étudiant n’est pas gradué, comme l’est un mètre, un verre gradué ou une tasse à mesurer, à la suite de ses études. Il devient plutôt un diplômé. La confusion est signalée dans le Multi dictionnaire et, sans doute aussi, dans la Banque de dépannage linguistique. Aussi est-il incompréhensible qu’un titreur du quotidien de Québecor média l’ignore.

Boulevard De Maisonneuve? (2022)

2022-11-19. L’adresse de la Bibliothèque nationale se lit comme suit du sur les accusés de réception des employés de l’établissement : «boulevard De Maisonneuve». Cette façon de l’écrire n’est pas correcte, même si elle est officialisée. Normalement, si l’on abrège le nom du Sieur de Maisonneuve, il faut se limiter à écrire «boulevard Maisonneuve». Comme on écrit: rue Champlain, rue Buade... Si la ville de Montréal tient mordicus au «de» patronymique, elle devrait écrire «boulevard Paul Chomedey de Maisonneuve», «boulevard Chomedey de Maisonneuve» ou encore «boulevard du Sieur de Maisonneuve». Dans la vie courante, on ne prononce pas la particule lorsque le nom patronymique vient seul sans le prénom. On dit simplement Lamartine, Musset, Champlain, La Fontaine. On ne sait pas trop pourquoi cette règle d’écriture a été émasculée en toponymie québécoise. 

Tournure: Je peux vous aider? (2022)

2022-11-21. On demande à un caricaturiste d’avoir un crayon bien aiguisé et l’esprit alerte. Devrait-on aussi lui suggérer de tenir compte, autant que faire se peut, de la qualité des mots qu’il prête à ses personnages? Côté présente une bouchère et une cliente face au comptoir. La bouchère pose la question : «Je peux vous aider, Madame?» (Le Soleil numérique, 21 novembre). La question, un calque de la formule d’accueil anglaise, est courante chez les marchands. Il serait préférable de dire «Que puis-je faire pour vous?». On lit dans le Multi dictionnaire, au mot «Aider» : «Dans un magasin, en s’adressant à la clientèle […], on emploie les formules […] ‘puis-je vous être utile?’ «Vous désirez». Mais est-il de mise de proposer à un caricaturiste de tenir compte de la qualité de la langue?

Fournaise ? (2022)

2022-11-23. 22. Le journaliste Ghislain Larochelle aborde le sujet du remplacement des systèmes de chauffage (Le Journal de Québec, 21 novembre, p. 29. Il montre vers la fin de l’article qu’il connaît l’existence de l’expression (correcte) «chaudière» et l’anglicisme sémantique «fournaise». Il écrit : «… travaux de démantèlement complet de la chaudière (fournaise)…». Jusque-là, il avait employé à sept reprises ce dernier mot. Or le mot est critiqué depuis belle lurette. Gérard Dagenais y a consacré un long article dans son Dictionnaire des difficultés de la langue... (1967). Le Multi dictionnaire de 2021 signale l’impropriété. Le linguiste Louis-P. Béguin nota un jour : «… nous nous servons à tort du mot fournaise au lieu de chaudière […] C’est un calque de l’anglais ‘furnace’ qui, à son tour, vient de fournaise, mais avec un sens plus large» (Le mot du jour, 1974). À la prochaine occasion, il faudra présenter le couple fournaise et chaudière au début de l’article et employer le mot correct par la suite.

Vendredi noir ? (2022)

2022-11-23. L’expression «Vendredi fou» fait l’unanimité ou presque. ‘Elle l’emporte aisément sur Black Friday et sur le calque Vendredi noir. Le relevé des prospectus du sac publicitaire distribué le 21 novembre à Québec le prouve : sur un total de 23 prospectus, treize utilisent l’expression française (Brunet, Canadian Tire, Dormez-vous, Dyno, … ) avec parfois des variantes (jours fous, soldes fous), cinq y ajoutent le pendant anglais Black Friday en plus petits caractères et cinq ignorent complètement l’expression. En 2021, un relevé semblable arrivait à des résultats du même ordre : dans treize prospectus sur dix-neuf, on employait «vendredi fou», dans trois, des synonymes et trois autres ignoraient l’expression. Reste à savoir si le monopole apparent de «Vendredi fou» à Québec se répète en Outaouais, à Montréal, au Saguenay, etc.

 

Vendredi noir ? (2022)

 2022-11-24. Les gymnases Énergie Cardio semblent ambivalents à l’égard de la traduction de l’expression «Black Friday». Un message acheminé aux clients du réseaux porte en objet : «… cours en groupe gratuits pour le vendredi noir». Le texte du courriel diffère : «… ne manquez pas nos portes ouvertes pour inviter vos amis lors de notre vendredi fou» (message diffusé le 23 nov. à 13 h 2). Le Vendredi fou ou noir est un jour d’importantes aubaines. Le qualificatif «noir» est impropre ici. Qu’on pense à «jour noir»,.désastreux ou catastrophique selon le Petit Robert, à «années noires» (en France, 1940-1945), ou au Jeudi noir (le krach, 24 octobre 1929). A contrario, «fou» peut signifier «extraordinaire ou prodigieux. À ce titre, le qualificatif se rapproche du dessein des commerces qui publicisent cette journée d’importantes soldes. En somme, il faut préférer «vendredi fou». Son concurrent est une impropriété dans le contexte.

Barbier ou coiffeur? (2022)

2022-11-25. Les salons de barbier, quand ce ne sont pas des «barber shops», se multiplient. Le mot «barbier» est considéré comme un archaïsme. Il y a soixante ans, les barbiers étaient aussi coiffeurs. Depuis, ces derniers ont pris la place et font la barbe. À la suite de la disparition des perruques, vers 1800 environ, le métier de perruquier-barbier devint la coiffure. Les coiffeurs faisaient et font la barbe comme les barbiers coupaient les cheveux. La popularité des barbiers et de leurs salons, même des «barber shops», s’explique par la proximité de l'expression dont le sens est «coiffeur pour hommes». Les Québécois et les Québécoises vont au salon de coiffure depuis un demi-siècle. L’archaïsme, à la fois barbarisme et calque, mène à une certaine ségrégation. Les tavernes accueillent les femmes, les salons de barbier les ignorent.

Préposé aux bénéficiaires (2022)

2022-11-26. Préposée aux bénéficiaires! L’expression a été commentée ici à sept ou huit reprises depuis cinq ans. On l’emploie encore dans les médias. C’est le cas du Devoir du jour (25 novembre, p. A1): une préposée aux bénéficiaires a été agressée, nous apprend-on. Le professeur Lionel Meney écrit «… une personne n’est pas préposée à quelqu’un mais à quelque chose» (Carnet d’un linguiste, 23 juin 2020). Le professeur s’appuie sur le Trésor de la langue française, lequel reconnaît qu’on peut être préposé à une fonction, à un service, à une activité, à la garde de quelqu’un, c’est-à-dire à quelque chose et non à quelqu’un. Reste à trouver un équivalent. Le linguiste relève «aide-soignant» et «préposé aux soins (des résidents) que l’Office de la langue française mit de l’avant en 2005.

Patchage (2022)

2022-11-26. Les Québécois ne connaissent pas toujours les mots français. De là sans doute l’emploi du mot franglais «patchage» que le chroniqueur F. Bourque se contente d’utiliser. Il écrit à propos du réseau routier de Québec : «L’ère du ‘patchage’ des nids-de-poule est terminée…» (Le Soleil, 26 novembre, p. 8).  Il sait que le mot n’est pas tout à fait français : il le guillemette. Le mot a pourtant ses lettres de noblesse (!). Le verbe «patcher» a sa place dans le dictionnaire correctif de Gaston Dulong (1968) et dans le Bélisle (1979). Parmi les substantifs français du voisinage, on compte «bricolage», «rapetassage», «rapiéçage», «rafistolage», «replâtrage»… Il y donc des solutions de rechange. Mais le mot franglais est peut-être plus péjoratif!

Les voûtes ? (2022)

2022-11-27. L’Actualité met un anglicisme classique à l’avant-scène. L'infolettre du 27 novembre présente un projet de retour à des reportages marquants du passé. La manchette annonce : «Les voûtes des archives de l’Actualité». Tous les répertoires correctifs québécois épinglent l’anglicisme, ceux de Dagenais, de Darbelnet, de Dulong, de Forest… Une voûte n'est pas une chambre forte. Mais la «vault» anglaise recouvre cette réalité. La revue peut, à sa décharge, invoquer le poids de l’anglais. Le Dictionnaire historique du français québécois note : «… l’influence de l’anglais ‘vault’ [….] est […] indubitable comme le montrent les premières attestations […] toutes postérieures au Régime français». Ceci dit, il faut prévoir des mises en garde et ne pas creuser l’ornière.

Le ou la Saskatchewan? (2022)

 2022-11-28.  L’actualité sportive ramène à l’avant-scène une incongruité de la toponymie : le genre féminin du toponyme Saskatchewan. Les lecteurs des pages de sport ont lu «les Huskies de la Saskatchewan» (Journaux du 27 novembre). Or le toponyme devrait être masculin, comme le sont le Manitoba ou le Yukon. Voici une note du Dictionnaire québécois-français sur le sujet : «en français canadien, le mot ‘Saskatchewan’, appliqué à la province, est fém. […] ; en français standard, il est masc…». En 1960, Gérard Dagenais posait la question : «Pourrait-on trouver dans le monde un seul État […] dont le nom soit féminin s’il ne se termine par un e muet?».

Monoparental ? (2022)

2022-11-29. Personne ne semble tiquer devant «père monoparental» ou «mère monoparentale». Je vois, sous la plume de Frédérique Giguère du Journal de Montréal : «Une mère monoparentale qui ...» (27 novembre, p. 5). Le linguiste Lionel Meney a étudié l’expression. Il constate que «monoparental» signifie «qui a un seul parent». En somme, une mère monoparentale n’aurait qu’un seul parent. Idem pour un père… Le linguiste conclut : «C’est absurde et c’est une impropriété» (Blogue Le carnet d’un linguiste). Jacques Lafontaine du Journal partage le même avis (Les Mots dits). Paul Morisset, un ancien du Devoir, ne se rend pas à l’observation. Il constate que l’impropriété est d’usage courant et il regrette que les dictionnaires ne l’officialisent pas illico (Blogue Le Morisset). Ne serait-ce pas hisser le drapeau blanc un peu vite?

 

Distinguer «futur» et «avenir» (2022)

2022-11-30. La Fondation Télus pour un futur meilleur est mal nommée et fait fausse route. Une page publicitaire publiée dans le Devoir (29 nov., p. A5) proclame : «… nous connectons des jeunes à un monde de possibilités», «…à réaliser leur plein potentiel et à avoir un futur plus prometteur». La Fondation se préoccupe des jeunes actuels. Mais ses dirigeants ignorent qu’on distingue «futur» et «avenir» en français. La Fondation veut assurer l’avenir des jeunes, non leur futur. L’avenir concerne la génération qui vit actuellement. Le futur, c’est un avenir lointain, hors de leur portée. Il sera le fait des générations qui suivront. L’Académie française met en garde : «Employer […] ‘futur’ pour ‘avenir’ est un anglicisme qu’il convient de proscrire. De la même manière, on n’emploiera pas le terme ‘futur’ pour évoquer la situation à venir d’une personne, mais on parlera bien de son ‘avenir’». Une appellation comme «Fondation Télus pour un meilleur avenir» serait beaucoup plus juste… en français.

Place Bell (2022)

2022-11-30. L’existence de la «Place» Bell à Laval est l’illustration de la force de l’impropriété. Tout le monde accepte la définition d’une place : espace découvert et limité par des voies de communication. Dans la réalité il en va autrement. Les «places» représentent n’importe quoi : des centres commerciaux, des immeubles d’habitation, des complexes immobiliers, des tours et même des arénas, dont la mal nommée «Place» Bell. L’Association pour le soutien et l’usage de la langue française a dénoncé l’appellation en 2012. Elle soutint que le mot «place» ne peut désigner un amphithéâtre. Elle a perdu la bataille. Dix ans plus tard, on écrit : «Kim Clavel ne se battra pas […] à la Place Bell» (J. de Qc, 30 nov., p. 50). L’appellation fautive est la preuve que le Québec est dominé et que l’américain s’impose par l’intermédiaire de francophones indifférents.

Exclamations: Fuck!

2024.03.01. La chroniqueuse Josée Blanchette aime bien parsemer ses textes de mots anglais. L’habitude fait partie de son style. Dans le Dev...