dimanche 10 juillet 2022

Et l'accent ? Celine!

2022-06.30. Le Devoir consacre un article à Céline McLorin Salvant (30 juin, p. 1), chanteuse américaine d’origine haïtiano-tunisienne . On l’identifie : «… Céline. Avec l’accent aigu». Le journaliste poursuit : «On n’est pas chez la Celine lasvégasienne (?) qui biffe l’accent aigu pour que le nom se prononce plus facilement» (en anglais). Cette dernière avait de nombreux exemples sous les yeux dont ceux des épiceries Metro, du lait Beatrice, du yoghourt Riviera, etc. Au cours des derniers mois, on a eu Beneva, la compagnie d’assurances. On ne saura jamais si ces petites lâchetés furent ou seront des facteurs déterminants du succès des uns et des autres. Chose sûre, comme on l’a déjà souligné, l’absence d’accents est un signe de négligence envers le français et un manque d’élégance.

Super vente estivale (2022)

2022-06-28. La jardinerie Gérard Bourbeau fait état d’une «super vente estivale» (Le Journal de Québec, 27 juin, p. 13). À première vue, si l’on s’en tient au sens français des mots, l’entreprise désire faire une importante vente au cours des mois à venir : une partie de son domaine, son équipement ou des bâtisses. Mais ce n’est pas ce qu’on envisage. Le bandeau publicitaire proclame aussi : «25 % de rabais sur tous les végétaux…» et «15 % de rabais sur tous les outils…». On n’entrevoit donc pas une simple vente : on annonce des soldes, une vente au rabais. L’erreur est classique au Québec, enclavé qu’il est dans un milieu anglais. On y voit le mot «sale», lequel signifie à la fois vente normale et vente au rabais. Le français distingue les deux notions : soldes ou ventes au rabais d’une part et vente d’autre part. La jardinerie devrait soumettre son message à des linguistes.

Référer un patient ? (2022)

 2022-06-25. Sans raison immédiate, je reproduis un commentaire publié il y a plus d’un demi-siècle à propos d’une forme fautive toujours populaire : «Référer un patient» : «To qualify for (expression anglaise) / Adresser ou diriger un malade (forme correcte). Justification : Référer (à) veut dire, en français : faire rapport, en appeler à. Ce mot ne peut avoir le sens de DIRIGER, ADRESSER. / S’il est fautif de dire «référer un malade», il est également incorrect de dire «un malade référé». L’Expression à utiliser est «MALADE ADRESSÉ PAR UN CONFRÈRE ou, encore, dans une formule de demande d’admission, par exemple : MALADE DIRIGÉ PAR UN TIERS, ceci s’opposant à MALADE DE CLIENTÈLE» (Glossaire des termes médico-hospitaliers / préparé par le Comité d’étude des termes de médecine (prés.: Jacques Boulay); 1970, p. 1).

Postes à combler (2022)

2022-06-23. Les médias ont des ouvrages à leur disposition qui les aident à bien choisir leurs mots. On lit dans le Soleil numérique la manchette «Transformation numérique chez Revenu Québec : plus de 150 postes à combler» (23 juin). On écrit «chez» Revenu Québec comme si on avait affaire à une personne. Normalement, on devrait, devant le nom d’une entreprise, écrire «à». Il y a des exceptions, mais le nom du ministère n’en est pas une. De plus, on utilise l’expression «postes à combler». Les ouvrages correctifs, que tout un chacun – même les titreurs - peut consulter, notent quelque chose comme : «combler un poste. Impropriété pour ‘pourvoir un poste'…». Le titreur a «corrigé!» l’auteur de l’article : il a remplacé le verbe correct par l’impropriété! Bref, comment des professionnels de la langue peuvent-ils ignorer les outils à leur portée?

Programme et programmation (2022)

2022-06-22. «Programme» a cherché à prendre la place du mot «émission». C’est maintenant son tour de se faire phagocyter par «programmation». Contre toute logique apparente, ce dernier mot, lié au processus d'élaboration des programmes, devient le programme lui-même. On limite son territoire sémantique à «élaboration» et «organisation des programmes». Mais on relève dans la presse des titres comme «La Maison Déry dévoile sa programmation» et l’expression «une programmation diversifiée» (InfoPortneuf, 22 juin). Le glissement de sens ne retient pas l’attention des répertoires correctifs (Le Multi dictionnaire…), encore moins des dictionnaires d’usage (Usito…) , ni des spécialistes des services linguistiques des États. Pourtant…

Morning man (2022)

2022-06-20. Peut-être aura-t-on, au cours des jours à venir, la manchette: «Un matinier remplace le morning-man de CIEL-FM» (Rivière-du-Loup). Le détenteur du titre depuis près de quatre décennies, Daniel Saint-Pierre, vient de tirer sa révérence. Les Québécois tardent à franciser la fonction. Pourtant, Paul Roux a proposé des équivalents français il y a quinze ans : «matinier» et «animateur matinal»; pourtant, Camil Chouinard (1500 pièges du français parlé et écrit) observa en 2007 : «certains utilisent dans le milieu […] matinier, matinière» ; et le Larousse, dictionnaire d’usage, contient un article au mot «matinalier» qu’on définit comme un journaliste qui assure la présentation d’une matinale à la radio ou à la télévision. C’est dire qu’il est le temps, après un quart de siècle d’utilisation de l’expression américaine, qu’on la nationalise, qu’on lui donne une graphie et un accent français.

Fun ou fonne? (2022)

2022-06-18. À la lecture d’un placard des Jardins de la Noblesse (Le Journal de Québec, 18 juin, p. 26), des locuteurs pourraient se demander pourquoi les groupes qui ont travaillé à la rectification orthographique du français à la fin du siècle dernier ont négligé les anglicismes courants. Peut-être a-t-on voulu tenir compte de la souveraineté de l’anglais! L’accroche du placard est «Ma grand-mère a plus de fun que la tienne». Les rectificateurs auraient pu proposer «fonne». Au cours des ans, les Québécois ont nationalisé «back house» (bécosse), «loose» (lousse), «long-playing» (long-jeu). «tune» (toune)… La voie pour «fonne» était toute tracée. Léandre Bergeron a inséré le mot dans son dictionnaire... (1980) et il y présenta l’exemple «C’est le fonne»; l’entrée dans le Dictionnaire québécois d’aujourd’hui (1992) se lit «Fun ou fonne»; un répertoire français (En vrai français dans le texte; dictionnaire…; 1999) donne le mot «fonne» comme francophonisme utilisé au Québec. Somme toute, «ma grand-mère pourrait avoir plus de fonne que …» !

Récipiendaire (2022)

2022-06-17. La Fondation Maurice Séguin vient de remettre deux bourses destinées à la publication de thèses. On lit dans l’annonce « Les deux récipiendaires sont…» (Infolettre reçue le 13 juin). Le mot est une impropriété souvent employée en français québécois. En français standard, un récipiendaire est une personne admise dans une société à l’occasion d’une réception d’adoubement ou encore une personne qui reçoit un diplôme d’études. Ceux ou celles qui reçoivent une bourse sont des lauréats, des boursiers ou simplement des gagnants. La Banque de dépannage linguistique du Québec explique bien la distinction à faire : «On confond souvent les noms lauréat et récipiendaire, alors que seule l’idée d’honneur et de solennité rapproche ces deux termes. Si le lauréat ‘reçoit ‘, le récipiendaire, quant à lui, ‘est reçu’ ». Maurice Séguin aurait, il n’y a pas à en douter, entériné et respecté la distinction.

Conséquent ? (2022)

2022-06-15. On utilise mal à propos, le même jour et à deux occasions, l’adjectif «conséquent» dans le Devoir . L’essayiste Étienne-Alexandre Beauregard écrit : «… l’appui conséquent»(13 juin, p. A6) et le chroniqueur Christian Rioux : «un groupe conséquent» (ibid., A8, 3e col.). Dans les deux cas, on donne au mot le sens d’important ou de suffisant. On aurait affaire à un anglicisme selon le Multi dictionnaire québécois. Le Dictionnaire Bordas des pièges et difficultés … édicte: «Ne jamais employer ‘conséquent’ au sens de ‘grand’, de ‘considérable’[…] (emplois tels que : Une affaire conséquente. Une somme assez conséquente... )». Un billet de l’Académie française va dans le même sens : «… employer ‘conséquent’ pour ‘important, considérable’ […[ est un barbarisme contre lequel Littré mettait déjà en garde». C’est dire qu’on épingle la forme fautive des deux côtés de l’Atlantique.

Collège des médecins... (2022)

2022-06-13. Le Collège des médecins du Québec marque son 175e anniversaire. Une page publicitaire du Journal de Québec (13 juin, p. 14) proclame : «Le Collège […] protège le public depuis 175 ans». On passe sous silence le fait que le Collège (sic) diffuse, ce faisant, une impropriété et un anglicisme. Le mot «collège», n’a pas le sens de regroupement de professionnels. Une consultation des Robert (le Petit et l’Historique) le confirme. De plus, c’est un anglicisme. La loi de 1847 (ch. XXVI) édicte, en anglais, «College of Physicians and Surgeons…» et on a traduit bêtement «Collège des médecins ». Après une valse-hésitation, on a adopté «Ordre des médecins du Québec» et «Corporation professionnelle des médecins» en 1978; en 1994, on a fait marche arrière et on est revenu à l’anglicisme de 1847. Bref, l’Ordre des médecins, appellation toujours officielle mais mise sous le boisseau, diffuse un anglicisme et une impropriété depuis 175 ans. Il faut quand même le souligner.

Fête ou anniversaire ? (2022)

2022-06-12. La caricature d'André-Philippe Côté publiée dans le Soleil numérique (10 juin) s'intitule «Bonne fête Lili». Le caricaturiste devait avoir à l'esprit l'anniversaire et non la fête de la sainte patronne de l'enfant. La vedette du jour, surprise, s’exclame : «Une auto? J’ai juste onze ans!». À n’en pas douter, la voiture était un cadeau d’anniversaire. On confond ici anniversaire de naissance et fête du saint patron. On lit dans le Multi dictionnaire : «la ‘fête’ est la célébration de la fête du saint dont une personne porte le nom, et l’’anniversaire’, la commémoration du jour de la naissance d’une personne». Si l’anniversaire de Lili est le 10 juin, la fête (de sa patronne) sera plutôt le 27 juillet. L’erreur n’enlève rien à la qualité de la caricature, mais elle ouvre la porte à la mise au point linguistique.

Tournures: Mettre la pédale douce (2022)

2022-06-11. On peut lire dans le journal Ma Ville, le bulletin municipal de Québec : «… la Ville vous rappelle de mettre la pédale douce» (Été 2022, p. 2). On trouve l’expression dans le Petit Robert. On prend soin de noter : «locution familière». D’autres dictionnaires font la même observation. Des spécialistes en font un calque de l’anglais. C’est le cas de Jean Forest (Le Grand Glossaire des anglicismes) et de Michel Parmentier (Dictionnaire des expressions et tournures calquées… ). Ces derniers notent que la locution serait inspirée de «to soft-pedal». L’expression vient du monde de la musique. Le piano a une pédale forte et une pédale douce. Mais elles n’ont rien à voir avec la vitesse. Au demeurant, M. Carpentier propose les solutions de rechange : «mettre une sourdine», «ne pas forcer», «y aller doucement», «mettre un frein» et «réfréner». Le verbe qui conviendrait le mieux ici est «ralentir», présent dans l’article du bulletin.

Tournures: Ajouter l'insulte à l'injure ? (2022)

2022-06-10. Le chroniquer Guillaume Saint-Pierre écrit que Michael Rousseau «a ajouté l’insulte à l’injure» (Le Journal de Québec, 9 juin, p. 10) en se vantant d’avoir vécu quatorze ans à Montréal sans avoir appris un seul mot de français. L’expression est une tournure calquée sur l’anglais selon Michel Parmentier (Dictionnaire des expressions et tournures calquées sur l’anglais). On trouve sur le site www.asulf.org une explication limpide : «Le mot anglais insult a un sens équivalent à celui du mot français insulte, mais injury ne veut nullement dire injure. Il se rend par blessure au sens propre et par tort, dommage, préjudice au figuré. […] Pour rendre cette idée en français […] on peut dire : tourner le fer dans la plaie; c’est le comble, pour comble; c’est vraiment dépasser la mesure ; c’est aller trop loin; c’est doubler ses torts d’un affront… ». En somme, le chroniqueur disposait d’une bonne palette de possibilités. Et la consultation du Multi dictionnaire l’aurait alerté.

Jubilé? (2022)

 2022-06-08. Un correspondant note qu’on a beaucoup utilisé le mot «jubilé» à l’occasion du 70e anniversaire du couronnement de la reine Élizabeth II. Il observe qu’on devrait réserver le mot pour un cinquantième. C’est juste si on tient compte de l’histoire du mot et de sa signification depuis son passage du latin au français. Mais il y a eu un élargissement du sens en Belgique, en Suisse et au Québec. On lit dans le Dictionnaire historique (Le Robert) : «Le mot a le sens étendu de ‘fête en l’honneur d’une personne ou pour célébrer un événement’». Usito confirme l’élargissement de son sens dans l’usage québécois courant. Faut-il emboîter le pas? Alfred Gilder, un essayiste français, écrit à son propos : «…c’est le cinquantième anniversaire d’un événement […] Qualifier ainsi d’autres durées qu’un demi-siècle est contestable (Les 300 plus belles fautes… à ne pas commettre; 2018). Y aurait-il lieu de faire un référendum sur le sujet!?

Runnings (2022)

2022-06-07. En anglais, on dit «running shoes». Geneviève Quinty, responsable de Local Centre-ville, a fait un premier et un deuxième effort de francisation de l’expression. Elle a gommé le mot «shoes». Ce faisant, la populaire locution «Il faut que les bottines suivent les babines» devient «Il faut que les runnings suivent les babines» (Le Soleil, 4 juin, p. 5). La rime est sauvée. De plus, la responsable ou le journaliste mettent un «s» au mot comme on le fait en français pour un substantif. Il faut reconnaître le bien-fondé de la relation «running» et «babine» à propos de Bruno Marchand, un maire joggeur. Par ailleurs, on notera que l’emploi d’un mot anglais qui sonne comme un mot français est un produit local des Québécois, par la force des choses, bilingues de naissance. 

Raisons sociales : Artist in residence (2022)

2022-06-05. Il est un préalable essentiel pour qui veut privilégier la qualité du français : la volonté d’utiliser cette langue. Pierre Mantha est fier de l’entreprise mise sur pied en Outaouais. Mais il met de côté la langue commune de l’ensemble du territoire. La raison sociale est, merveille! «Artist in Residence Distillerie» (Le Soleil, 4 juin, p. 13). P. Mantha juge que l'appellation est bilingue. Elle est plutôt bâtarde ou joualisante. Une raison sociale bilingue se dirait : Distillerie Artiste en résidence = Artist in residence Distillery. L’homme d’affaires, comme nombre de Québécois soi-disant défenseurs des intérêts du Québec et de sa langue, hésite à donner priorité au français. Comment, dès lors, pourrait-on le (et les) sensibiliser à la qualité de la langue?

Perdurer ? (2022)

2022-06.03. Le verbe «perdurer» s’impose depuis les années 1990. La chroniqueuse Émilie Nicolas l’emploie dans l’allégorie intitulée «La fierté fière». Elle écrit : «… l’histoire d’un peuple, les Fiers, qui […] cherchait à perdurer dans le temps» (Le Devoir, 2 juin, p. A7). Autrefois, le verbe avait le sens de «durer éternellement». On lui donne maintenant le sens affaibli de «durer longtemps». Comment expliquer le glissement? vers «perdurer». Le méchant Jean Dutourd écrit : «Les analphabètes contemporains affectionnent le verbe […]. Le préfixe ‘per’ doit leur sembler très distingué, très culturel» (À la recherche du français perdu). L’éditeur Pierre Jaskarzec note de son côté : «Par sa coloration technique, savante, ‘perdurer’ a plus d’éclat que son rival. ‘Durer’ est un mot banal, neutre; ‘perdurer’ sent […] le fin analyste, il donne de l’importance aux propos les plus creux…» (Le mot juste). On n’y va pas avec le dos de la cuiller!

Expérience (2022)

 2022-06-02. Un correspondant me fait part, depuis une semaine, de ce qui lui semble une impropriété. Il vient de me transmettre un message des magasins Super C : «Une toute nouvelle expérience de consultation de la circulaire» (2 juin) . Présenté ainsi, le titre semble annoncer une expérimentation à venir. Tel n’est pas le cas. On identifie des changements : navigation plus facile, amélioration des filtres, affichage optimisé, liste d’épicerie et on lance une invitation aux consommateurs : «Trouvez tout ce dont vous avez besoin plus facilement […]». En somme, la publicité de Super C cède à l’inflation verbale. On n’invite pas les clients à expérimenter de nouvelles voies de consultation. On les invite à consulter le prospectus et à dresser leur liste d’épicerie. Il aurait suffi de dire : « Nouvelle façon de consulter le prospectus…» (ou la «circulaire»).

samedi 9 juillet 2022

Tournures: Mettre la pédale douce (2015)

2015.04.15. Des correspondants relèvent l’expression « mettre la pédale douce » à la suite de son emploi dans le Journal de Québec (21 mars dernier). Des répertoires et des dictionnaires la reproduisent. Elle vient du domaine musical. On l’y utilise encore. Sortie du domaine, elle prend le sens d’ « y aller en douceur » de « se calmer » et on la qualifie de locution familière. Les traducteurs professionnels ne traduisent pas toujours l’expression anglaise de manière littérale. Par exemple, on la rend par « minimiser l’importance d’une question », « mettre un bémol à ses tactiques », « revenir sur des promesses ». Il est malheureusement plus aisé de traduire automatiquement « to soft pedal » à l’aide de son calque. La copie vient facilement à l'esprit. Le modèle la renforce. Le marché en est même saturé à l’occasion, comme pour beaucoup d’autres expressions.

Exclamations: Fuck!

2024.03.01. La chroniqueuse Josée Blanchette aime bien parsemer ses textes de mots anglais. L’habitude fait partie de son style. Dans le Dev...