dimanche 6 mars 2022

Et / ou (2022)

 2022-02-28. La tournure «et / ou» est bien implantée au Québec. Elle peut servir dans des textes techniques ou scientifiques. Mais elle peut être ambigüe. On lit dans une offre d’emploi des Messageries dynamiques : «2 à trois jours par semaine (jeudi, vendredi et/ou lundi) » (Le journal de Québec, 28 février, p. 12). Si le candidat accepte de travailler trois jours, la double conjonction ne s’applique pas. S’il est disponible deux jours seulement, l’expression «jeudi et vendredi ou lundi» aurait été plus claire. L’Asulf (www.asulf.org) en a déjà signalé l’abus. Pour sa part, Paul Morisset, un ancien journaliste, en note l’utilité. Il écrit : «… l’expression [...] est clairement utile dans certaines circonstances. On aurait tort de s’en priver pour le seul motif qu’elle vient de l’anglais » (Blogue Le Morisset). Il a peut-être raison, mais il faut rester circonspect à son égard comme le montre le message des Messageries dynamiques.

Depuis (2022)

2022-02-26. On lit, sous la plume Pierre-Paul Biron, qu’un Ukrainien « a pris un vol depuis l’aéroport Pierre-Elliott-Trudeau en direction de la Roumanie » (Le Journal de Québec, 26 février, p. 😎. Le journaliste abuse de la préposition «depuis». On remarque dans le Bordas des pièges et difficultés de la langue française qu’il est correct d’utiliser ‘depuis’ en corrélation avec «jusqu’à». On insiste alors «sur la continuité des éléments compris entre le point initial et le point final». Il aurait fallu écrire «depuis l’aéroport… jusqu’en Roumanie». Si on se place en territoire québécois, on pourrait écrire : «rouler depuis Québec jusqu’à Rimouski» mais non «depuis Québec en direction de Rimouski». Louis-Paul Béguin a identifié ce petit problème dans les années 1970, qui écrit : «… ‘depuis’ peut marquer une provenance [….] mais avec une idée de distance à partir de laquelle on voit un fait qui dure» (Problèmes de langage au Québec et ailleurs). C’est un détail, dira-t-on. Mais il devrait passionner les professionnels de la langue.

Polarisation ou Division? (2022)

2022-02-25. Le chroniqueur Patrick Moreau utilise la bonne expression : division plutôt que polarisation (5-6 février). Une correspondante relève l’erreur ou la faute évitée. Voici un extrait de son article : «… [Patrick Moreau], explorant le phénomène de la division, n’a pas employé un seule fois l’anglicisme ‘polarisation’ ou ‘ polariser… […] en anglais, «polarize» signifie diviser en deux camps adverses, en français «polariser» signifie se concentrer sur un seul pôle, autrement dit… le contraire. Car l’un converge et l’autre diverge. [L’auteur…]a pris soin d’employer les variantes suivantes : cliver, diverger, se confronter, s’affronter, se braquer, auxquelles on pourrait ajouter fractionner, fragmenter [...] ; et dans la forme substantive : conflits oppositions, controverse, vocables auxquels pourraient se substituer, selon le contexte : bipartition, scission, fractionnement, disjonction... » (Nadine Gueydan, Le Devoir, 24 février, p. A6).

Cabinet fantôme, député fantôme? (2022)

 2022-02-24. Il est toujours amusant d’apprendre qu’un élu est nommé ministre du cabinet fantôme. C’est la promotion qui vient d’échoir à Joël Godin, député de Portneuf... aux Communes (InfoPortneuf, 24 février). La traduction consacrée de «shadow cabinet» par «cabinet fantôme» a beau être enregistrée par les lexiques parlementaires et par les dictionnaires de traduction, on ne peut que tiquer devant l’expression. Pour le Petit Robert, un gouvernement fantôme est un gouvernement qui n’a guère de réalité. On peut supposer que le ministre d’un cabinet fantôme sera lui-même un ministre fantôme! Comme on peut s’y attendre, des traducteurs y ont vu le traquenard. Par exemple, l’un rend «Shadow secretary of commerce» par «porte-parole de l’opposition pour le commerce» et le Grand Robert & Collins, «Shadow Foreign Secretary» par «porte-parole de l’opposition pour les Affaires étrangères». Il est à espérer, étant donné l’urgence d’intervenir en faveur du français au Canada, que l'élu soit plus qu’un ministre fantôme!… du cabinet fantôme.

En inventaire? (2022)

2022-02-24. À la prochaine occasion, le concessionnaire Lévis Chrysler devrait annoncer «15 Grand Cherokee disponibles» ou «en stock». L'expression «en inventaire» utilisée dans sa page publicitaire (Le J. de Qc, 23 février, p. 19), «... en inventaire», est un anglicisme sémantique. Elle est française, oui, mais pas dans le sens de «stock». La note du Multi dictionnaire est limpide : En français, le terme ‘inventaire’ ne peut désigner que le dénombrement (d’articles, de marchandise, etc.) et le document qui en résulte. C’est sous l’influence du terme anglais ‘inventory’ qui, outre les acceptions du français, désigne également les marchandises en magasin que l’on emploie improprement le nom ‘inventaire’ en ce sens». On y explique bien le dérapage (!) du concessionnaire mais cela ne le justifie pas.

Fake news? (2022)

 2022-02-22. Note adressée à madame E. Latraverse (Journal de Québec): Dans votre commentaire consacré au passage de la journaliste Maslin Nir du New York Times et à ses reportages sur l’occupation d’Ottawa (22 février, p. 7), vous vous en tenez à l’expression «fake news». Vous savez sans doute que des mots de remplacement existent : contrevérités, infox, bobards, carabistouilles, si on veut s’en tenir aux expressions les plus courtes! Il y a aussi le mot «fallace». Il signifie, selon le Nouveau Littré (2004) : «Action de tromper en quelque mauvaise intention». C’est exactement le sens du mot anglais «fake». Car «fake» n’est pas «false». Et le mot «fallace» a beaucoup de «cousins» : falsifier, falsificateur, falsification, fallacieux, etc. C’est dire qu’on retrouve là un filon propre à enrichir le français… contemporain.

Le franglais en France (2022)

2022-02-22. Michel Feltin-Palas de l’Express juge que l’opposition à la vaccination en France varie dans les territoires dont les parlures marquent la mentalité, dont l’accent diffère et que le globish agace. Il écrit : «…recours au globish. L'exemple vient hélas d'en haut puisque Emmanuel Macron lui-même, non content de multiplier les anglicismes (start up nation, bottom up, scaled up, invented here, …,) trouve pertinent de créer au nom de l'Etat un Pass sanitaire - sans -e - et même un Pass culture ! De ce point de vue, sa concurrente Valérie Pécresse n'est pas en reste, qui a lancé le Pass NavigoEasy, et baptisé un local de son QG de campagne thinking rooms... Ce franglais est pourtant rejeté par une grande partie de la société française. Selon une enquête […] 47% des personnes interrogées se déclarent "agacées" ou "hostiles" aux messages publicitaires comportant des mots en anglais...» (Sur le bout de la langue; L’Express, 22 février, 2 h).

Tournures: ... pas toujours évident (2022)

2022-02-21. La manchette du Journal de Québec aurait dû se lire «Lutter contre l’inflation n’est pas toujours facile». On a écrit : «… pas toujours évident» (J. de Qc, 21 février, p. 5). Le Multi dictionnaire juge la tournure familière. Ce qui n’est pas rédhibitoire. Les spécialistes du Français au micro juge qu’elle n’est pas franchement condamnable mais que sa construction est boiteuse. Ils proposent des solutions de rechange. La Banque de dépannage linguistique s’arrête au mot «évidence» et néglige la tournure. L’Académie française précise que l’adjectif signifie «qui s’impose clairement à l’esprit» et elle donne un conseil : «…se garder de faire de cet adjectif un synonyme d’aisé, de réalisation facile» (Dire, ne pas dire; L’Intégrale; 2020). En somme, si on y réfléchit, il faut contourner le tic de langage.

Toponyme: Estrie ou Cantons-de-l'Est (2022)

 2022-02-19. Des gens d’affaires du milieu touristique souhaitent faire remplacer le toponyme Estrie par Cantons-de-l’Est (Le Devoir, 19 février, p. B12). Le toponyme s’impose depuis les années 1940 à l’initiative de Maurice O’Bready. Il est court, il a des dérivés (Estrienne, Estrien), il représente bien la population avant tout francophone depuis 1871. Mais le motif invoqué par les partisans du retour au calque de «Eastern Townships» est celui de son attractivité. C’est également la raison invoquée par les autorités québécoises pour conserver l’odonyme «rue du Petit-Champlain» (calque de Little Champlain street). Dans les deux cas, il est fort probable que le maintien du toponyme et le retour à l’odonyme antérieur, plus juste en français, ne changeraient rien à la popularité de la région ou de l’artère. Les touristes québécois visitent la région ou arpentent la petite rue pour leurs attraits. Les appellations françaises en augmentent l’attrait et stimulent la fierté de nommer les lieux dans une langue de qualité.

Paramédics, paramédicaux, ambulanciers (2022)

2022-02-19. À madame Lucie Longchamps de la Fédération de la santé et des services sociaux. Le titre de votre article publié dans le Devoir (18 février, p. A6) : «Pour élargir le rôle des paramédicaux», est fort ambigu. Le premier paragraphe laisse aussi les lecteurs dans le brouillard. Au deuxième paragraphe, il est clair que les paramédicaux évoqués sont les ambulanciers. Ils en sont à n’en pas douter. Mais d’autres spécialistes de la santé en font également partie : les infirmières, les aides-soignantes… La présence de ces dernières et d’autres explique sans doute la préséance accordée à «Technicien ambulancier paramédical », à «Technicien ambulancier», à «Ambulancier paramédical» et à «Ambulancier» par l’OQLF. En somme, les ambulanciers font partie du personnel paramédical, mais ils ne peuvent monopoliser le qualificatif. Des collègues peuvent s’en réclamer également. Un progrès est quand même perceptible : le calque «paramédic» est passé à la trappe.

Exclamations: Fuck!

2024.03.01. La chroniqueuse Josée Blanchette aime bien parsemer ses textes de mots anglais. L’habitude fait partie de son style. Dans le Dev...