samedi 31 octobre 2020

Assemblée générale spéciale (2019)

 2019-11-04. On a parfois l’impression que la Presse canadienne et ses journalistes sont insensibles aux efforts de correction que mènent l’Office québécois de la langue et le portail Termium de l’État fédéral. Les expressions «assemblée générale spéciale », «réunion spéciale » et tutti quanti y sont dénoncées. Pourtant, on semble se complaire à utiliser «conseil général spécial» (trois fois en vingt lignes et absence de solutions de rechange) dans un entrefilets récent (Le Soleil, 2 novembre, p. 3). Une consultation rapide de Termium, du Français au bureau, du Multi dictionnaire aurait alerté les journalistes. Le Multi aligne trois définitions de l’adjectif «spécial» et six formes fautives dont «spécial. Anglicisme au sens de ‘extraordinaire’». Un exemple suit : «Une assemblée extraordinaire (et non spéciale)». Il est incompréhensible et inconcevable qu’on serine des formes fautives aux lecteurs francophones.

N-word = mot en n? (2020)

2020-10-29. À madame Marie-Louise Arsenault. Les journalistes francophones ont de la difficulté à rendre correctement l’expression «N-word». On se contente de traduire au plus près par «mot en n». En français, «mot en n» signifie qu’il se termine par la lettre. Si on veut parler de la première lettre du mot, on dit qu’il commence par «n». Au cours de votre émission (29 octobre), vous avez employé l’expression à deux reprises. Par contre, votre invité ne vous a pas imitée : il a résisté et il a dit «le mot commençant par n». Le linguiste Jacques Maurais présente un commentaire sur son blogue. En voici un extrait : « Hier (19 octobre), à l’émission du midi… l’animateur parlait du « mot en N », traduction littérale de n-word. Cet euphémisme est devenu courant… Dans l’édition du Devoir d’aujourd’hui, on écrit « mot en N » mais aussi, plus justement, « mot commençant par N ». En effet, quand on dit « mot en N » en français normal ….,on entend « un mot qui se termine par la lettre N ». Bref, votre invité était dans la bonne voie!

Livré (l'édifice sera...) (2020)

 2020-10-26. Les dictionnaires n’illustrent pas le verbe «livrer» par des exemples du type «L’usine… doit être livrée en 2022» (Le Soleil en ligne, 19 octobre), «Gabrielle-Roy livrée avec un an de retard», ou «L’édifice… sera… livré au printemps 2023» (Le J. de Qc, 26 oct., p. 13). On dénonce cependant «livrer un discours» (prononcer), «livrer un spectacle» (présenter), « ne pas livrer la marchandise» (ne pas tenir ses promesses). Le professeur P. Cardinal consacre trois pages au verbe et note que les dérives observées le sont «sous l’influence de l’anglais» (Le VocabulAide). Il est possible que la «livraison» d’une manufacture ou d’une bibliothèque, d’un amphithéâtre ou d’un complexe hôtelier soit de la même filiation. Voilà une hypothèse que les spécialistes sont invités à creuser.

lundi 26 octobre 2020

Donné à... (2020)

 2020.10.26. La MRC de la Jacques-Cartier écrit encore en 2020 «Donné à…» au bas de ses avis (Le Journal de Québec, 26 oct., p. 9 et 10). Il y trente-cinq ans, le professeur Darbelnet écrivit un articulet «Fait à». On y lisait : «Ni signé, ni donné ne conviennent dans ce contexte. Ce sont en fait des anglicismes (cf. Given under my hand)». (Dict. des particularités de l’usage, 1986). L’Asulf fait connaître ce même point de vue (www.asuf.org) depuis une dizaine d’années et on encourage les administrations à gommer ce relent de l’anglicisation constante du français. Il est vrai cependant qu’on peut souhaiter conserver des anglicismes comme traces de colonisation linguistique. Québec le fait à l’occasion («Cap Diamant», «rue Belvédère»…), mais cela reste des exceptions. Règle générale, mieux vaut remplacer «Donné à…» par «Fait à» quand l’occasion s’en présente.

Liberté académique? (2020)

 2020-10-25. Dans l’ensemble, la presse écrite semble éviter l’expression «liberté académique» à l’occasion du débat entourant l’usage d’un mot «tabou» prononcé en classe par une professeure de l’Université d’Ottawa. Toutefois, un chef d’antenne de Radio-Canada s’en est servi en matinée (25 octobre). Comme le foyer du débat est à Ottawa et qu’on y emploi surtout l’expression «academic freedom», il est inévitable que la traduction littérale vienne spontanément à l’esprit. Mais le mot français signifie «en rapport avec une académie» ou «sans originalité». Annie Bourret (Pour l’humour de français) écrit : «En aucun cas… ne peut-on utiliser cet adjectif au sens anglais de ‘academic’, même si on essaie de le servir à toutes les sauces… ». Elle suggère l’expression correcte «liberté d’enseignement», mais il y en a d’autres (liberté universitaire, liberté d’expression…

Les dernières vingt-quatre heures (2020)

2020-10-24. Un correspondant me fait part qu’il a entendu l’expression «les vingt-quatre dernières heures» aux nouvelles de 13 h de Radio-Canada (24 octobre). La règle de base y est respectée. Grevisse observe qu’en présence d’un double déterminant les adjectifs se placent d’ordinaire après le numéral (Le Bon usage,14e éd., 324b). Des exemples tirés d'usuels correctifs corroborent l’énoncé : «Les trois derniers jours ont été pluvieux» (D’Apollonia), «Les dix derniers jours» (Colpron), «Les douze dernières heures» (Forest). Mais Grevisse note aussi que les adjectifs précèdent parfois le numéral si ce dernier représente une sorte d’unité. La meilleure illustration de l’exception est «Les dernières vingt-quatre heures». De là l’hésitation québécoise. Grevisse note que cette façon de dire est plus rare, sauf en sol québécois où le tout formé par les vingt-quatre heures serait moins perceptible que dans d’autres pays. Bref, Radio-Canada respecte la règle générale

dimanche 25 octobre 2020

Dernier droit ... après la pause (2020)

2020-10-23. Seriner aux auditeurs de la première chaîne : «On se retrouve après la pause pour le dernier droit» (23 octobre, 11h 58) n'est pas à répéter. Le substantif «droit» ni l’expression «dernier droit» n’existent en français. Il y a méprise. Il faudrait apprendre à dire : «pour le dernier segment», «pour la dernière heure», «pour la dernière partie»… On ne dit pas : «on se retrouve après le dernier courbe» même si le mot existe. On n'a pas encore essayé: «le premier droit»! Le dérapage est observé depuis 2006. Paul Roux le commente dans La Presse du 22 janvier 2006. On lit dans la Banque de dépannage de l’OQLF : «L’expression dernier droit… est utilisée uniquement au Québec. Ailleurs dans la francophonie, on emploie plutôt dernière ligne droite. On peut penser que l’emploi de 'droit'… en français est influencé par l’anglais… last straight, finishing straight …». Les conseillers linguistiques de Radio-Canada ne semblent pas avoir relevé la tournure. 

Au niveau du projet de loi (2020)

 2020-10-21. Les feux clignotants sont nombreux à l’égard de la locution «au niveau de…». Tous les guides de rédaction des médias sont de la partie : Le français au micro (1999), le Guide de rédaction de la P.C.(2006), le lexique de Paul Roux publié par les Éditions la Presse (2004) et Les mots dits de Jacques Lafontaine (journaux de Québecor, 2016). Les répertoires correctifs font de même. Ainsi le Multi dictionnaire précise : «On réservera l’emploi de la locution… aux sens de ‘à la même hauteur que’, ‘à la portée de’, … Dans les autres cas, on emploiera de préférence les locutions …». En dépit de tous les feux, on lit une phrase de monsieur Saint-Pierre Plamondon dans le Soleil (21 oct., diffusé à 6 h 46) : «C’est vrai au niveau de la langue. Mais c’est vrai aussi au niveau du projet de loi 61». Ce faisant le chef du P.Q. semble descendre au-dessous du niveau de la langue correcte. Mieux eut valu écrire : C’est vrai pour ce qui est de la langue. Mais c’est vrai aussi…». À chacun de le corriger in petto.

vendredi 23 octobre 2020

Additionnel? (2013)

 2013-02-03. Monsieur le maire Labeaume nous sert deux anglicismes en deux mots: "une opportunité additionnelle" (Le Soleil, 2 février 2013, p. 8). On juge le premier mot comme un anglicisme dans le sens de chance ou d'avantage. Le second est un anglicisme de fréquence. Le professeur Darbelnet a écrit il y a près de cinquante ans: "Par une sorte de télécommande, c'est l'anglais qui fait préférer... additionnel à supplémentaire". La journaliste a fait du psittacisme. Le journal fait un titre de l'expression. Les lecteurs l'impriment (!) dans leur mémoire. Ils la répèteront un jour.

mercredi 21 octobre 2020

Dû pour... (2016)

 2016.06.12. Un parlant français d’Amérique doit accepter d’apprendre sa langue toute sa vie. On peut supposer que ‎Pierre Lapointe sera d’accord avec l'affirmation. On en reproduit une citation dans le Devoir de la fin de semaine (11-12 juin, p. E 1). Il souligne la qualité de ses collègues de départ : « On savait tous qu’on était ‎dus pour faire de belles choses ». Ses enseignants et ses professeurs ne lui ont sans doute jamais fait remarquer que la tournure « être dû pour » est un calque de l’anglais « to be due for ». En français, on dit « on était mûrs », « on était préparés pour », « c’était le temps de… », etc. Les dictionnaires de traduction ne rendent jamais « to be due for » par « être dû pour ». La BDL note : « … dû est utilisé à tort dans diverses expressions calquées de l’anglais to be due... ». Il est à souhaiter que Pierre Lapointe accepte de mémoriser les solutions de rechange et de les utiliser à l’avenir. Son exemple influencera ses admirateurs et ses compatriotes .

Dû pour... ou Due pour... (2020)

2020-10-20. Les téléspectateurs ont eu droit à l’expression «… était due pour son test» (Téléjournal, 20 octobre, 18 h 24) Elle fut prononcée par madame N. Germain. On classe la tournure parmi les formes fautives, parmi les calques sémantiques ou parmi les calques tout court de l’anglais. Qu’aurait-il fallu dire? Le Muiti dictionnaire propose : « … avait droit à…»., le Dictionnaire québécois-français, une formule du genre «… c’était le temps de passer un test» et le Français au micro de Radio-Canada : «il était grand temps qu’elle passe un test». Les conseils tant d’Usito que de la Banque de dépannage de l’OQLF vont dans le même sens. Les solutions de contournement sont donc nombreuses. L’anglicisme est un classique du français québécois. On peut y succomber une fois, deux fois. Mais il serait impardonnable de répéter la faute. Les téléspectateurs n’en demandent pas tant!

Cap Diamant? (2016)

 2016.01.09. Cap aux Diamants ou ‎Cap Diamant? Une collaboratrice du Devoir présente le Château Frontenac et la bonne table de son restaurant. Elle désigne le promontoire sur lequel se trouve le château par l’anthroponyme Cap Diamant (Le Devoir, 8 janvier, p. B-7). Le cap a porté plusieurs noms depuis les visites de Jacques Cartier : cap au Diaman ou cap aux Diamants, cap Diaman ou cap Diamans. Après la conquête, l’emploi de « cap Diamant » s’est imposé. Le toponyme n’a pas de sens en français. Exprimé tel quel, il signifie que le spécifique est le nom d’une personne, dont le patronyme est Diamant, comme on aurait pu dire « Cap Duguas » ou « Cap Frontenac ». L’appellation historique du promontoire sur lequel Québec est bâtie vient plutôt d’une observation géologique des explorateurs : on pensait qu’il recelait des diamants. D’où « Cap aux Diamants ». Mais pourquoi n’utilise-t-on pas ce toponyme? Ou pourquoi répétons-nous l’expression erronée Cap Diamant?

Au niveau de la place du patrimoine (2014)

 2014.12.17. Les auditeurs de la première chaine à l’écoute de 17 h 47 à 17 h 53 le 16 décembre auront été témoins d’une ondée de l’expression « au niveau de ». L’invité, H. Michaud, un fonctionnaire de Parcs Canada, l’a répétée de manière abusive pas moins de treize fois : au niveau des fortifications, au niveau de la restauration, au niveau du replacement des pierres, au niveau de la place D’Youville, au niveau du bastion Saint-Louis, au niveau de la dégradation, au niveau du patrimoine, au niveau de la maison Mailloux. Mais il n’était nulle part question de hauteur. L’invité aurait dû employer les expressions « en ce qui a trait à », « en ce qui concerne », « à propos de », « pour ce qui est du », « quant à », etc. Il aurait même pu éviter la cheville à quelques occasions. Les auditeurs peuvent quand même se consoler : l’animatrice n’a pas bronché sous l’averse : elle n’a pas utilisé l’impropriété. Et même tic est courant en France depuis les années 1960.

Au niveau de... ? (2017)

2017-01-29.  On abuse sans vergogne de certaines locutions tout en déformant leur sens. Prenez « au niveau de». Si vous assistez à une assemblée générale, vous entendrez lors de la présentation des états financiers «au niveau du bilan », «au niveau des bâtiments», « au niveau du Mouvement », etc. Les publicitaires succombent aussi au charme de l’expression. Une agence de location d’appartements met en vedette leur «conception incomparable au niveau acoustique, énergétique… » (Le Soleil, 28 janvier 2017, p. 23). Dans les exemples relevés ici, il n’est pas question de hauteur différente, de hiérarchie ou de gradation. L’expression envahissante prend la place de propositions (à, dans, pour) et de locutions (en matière de, au plan de, en ce qui concerne…). À propos de son utilisation, les auteurs de la Banque de dépannage linguistique commentent : « L’expression … est devenue un cliché. L’emploi abusif de cette locution lui a fait perdre son sens premier …, l’idée d’élévation, de hauteur, de rang, de comparaison ». À chacun de s’en méfier.

mardi 20 octobre 2020

Livrer... une usine? (2020)

 2020-10-19. Le fait pour les Québécois d’être bilingues de naissance leur donne un avantage certain: ils peuvent deviner le sens de l’extrait : « l’usine de biométhanisation … doit être livrée en 2022» (Aujourd’hui, Le Soleil en ligne, 19 octobre). Ils savent qu’on peut leur livrer des légumes ou des meubles et ils connaissent aussi les tournures franglaises : «livrer la marchandise» (tenir ses promesses), «livrer un discours» (prononcer une allocution). Mais alors, «livrer une usine»! Avec un brin de réflexion, on en arrive rapidement à la constatation qu’il y a confusion. La Ville prendra possession de l’usine, en assumera la gestion, on lui en remettra les clés. Mais imaginons-en toujours la livraison! Même si elle était et est toujours à son emplacement.

Asbestos, Thetford-Mines (2020)

 2020-10-20. Asbestos deviendra Val-des-Sources au cours des prochains mois (J. de Qc, 20 octobre, p. 4).  Le toponyme est plus français que son «prédécesseur» et plus écologique. Avec les années, on avait oublié que le mot était un mot anglais. Les dictionnaires de traduction le rendent par «amiante» et «asbeste». L’exercice de la ville devrait inspirer d’autres initiatives. Tout près d’Asbestos, on a Thedford-Mines. On peut, individuellement, en franciser le toponyme en se contentant de Thedford et en négligeant le mot qui suit, prononcé inévitablement en anglais. Asbestos a pris une coloration péjorative au cours des décennies. Le mot «mines» suggère la même réalité. Les démarches d’Asbestos sont de nature à améliorer la désignation correcte de ce coin de pays. L’abrègement de Thetford-Mines irait dans le même sens. Pour le moment, attendons l’approbation du toponyme Val-des-Sources.

dimanche 18 octobre 2020

Quartier Petit-Champlain (2020)

2020.10.17. On comprend l’administration municipale de défendre bec et ongles le toponyme Rue du Petit-Champlain. Cela rappelle l’anglicisation continue des Québécois et la traduction littérale de «Little Champlain Street». C’est une perle! La Coopérative du quartier «Petit-Champlain» (Le Soleil, 10 octobre, p. 54) n’a pas à entériner cette appellation franglaise même si elle a cours. Le qualificatif «petit» ne s’appliquait pas à Champlain au départ, mais à la rue. Il est vrai que le toponyme est plus difficile à corriger que le lieu-dit inscrit dans le nom de la coopérative. Il est incongru de dire … quartier Petit-Champlain. Dirait-on Coopérative du quartier Petit-Labeaume ou de la Petite-Boucher? Poser la question c’est y répondre. Mais bon 35e anniversaire à la coop. Espérons que pour le 40e, en 2025, les Québécois auront une Coopérative du Petit quartier Champlain (Billet transmis à la Coopérative).

Snowbirds (2014)

2014.05.25. Voici une manchette amusante et triste à la fois « Les mésanges ne sont pas des snowbirds » (Le Soleil, 25 mai, p. 18). Au sens littéral, les mésanges sont des oiseaux des pays de neige. Ils ne migrent pas. Ils passent l’hiver dans nos contrées. Mais la manchette est triste : elle illustre une fois de plus le fait que les Québécois se voient par le prisme des étrangers, des Étatsuniens ou des Floridiens. Ces derniers, voyant arriver les villégiateurs et vacanciers laurentiens les qualifient de « snowbirds », comme les latinos, Mexicains ou Dominicains, etc., avaient leur propre appellation. On peut comprendre qu’un Floridien note, en décembre ou janvier, que les « snowbirds » arrivent chez lui. Mais nos nationaux qui prennent la route du Sud ne se décrivent pas de cette manière. À moins qu’ils veuillent rire. En somme, le titreur aurait été bien avisé d’écrire : « Les mésanges ne migrent pas » ou «… ne fuient pas la neige ».

Snowbirds (2020)

2020-03-26. La crise du covid-19 révèle la faiblesse d’identification des Québécois. On savait qu’un concitoyen visitant un pays étranger devient ipso facto un Canadien. La crise actuelle fait ressortir la désignation «snowbird» pour nos pays (c’est-à-dire compatriotes). Les anglophones canadiens y reconnaîtront une expression de leur langue même si elle peut prendre une teinte péjorative. Les Québécois sont désignés par l’expression étatsunienne. Les Américains s’en servent pour désigner les Canadiens qui vont estiver chez eux de décembre à mars. Mais ici, sur place, dans les médias locaux, on devrait trouver une autre expression. Il en va de même en Afrique où les étrangers de race blanche sont des «toubabous», au Mexique où les hivernants deviennent des «tabarnacos». Ces expressions conviennent aux hôtes des Québécois. Il faut leur en laisser le monopole, comme on le fait déjà pour «pea soup». Mais nos Floridiens à éclipse, saisonniers, devraient se donner une appellation québécoise française.

samedi 17 octobre 2020

Dans le cadre (2020)

 2020-10-16. Monsieur Dumas (Radio-Canada), Dire que qu’on réserve 70 000 000 $ «dans le cadre» de la pandémie s’explique difficilement (R.C., C’est encore mieux…, 16 oct., 16 h 35). Ce n’est pas le montant qui fait problème. C’est plutôt que le versement ait été prévu dans le calendrier de la pandémie! Habituellement, l’État accorde des sommes dans le cadre d’un programme, on décide de travaux dans le cadre de prévisions, on invite un conférencier dans le cadre d’un congrès, etc. Mais on ne donne pas une subvention dans le cadre de la covid, on n’organise pas des obsèques dans le cadre de la mort de quelqu’un, un ouragan n’a pas lieu dans le dans le cadre de la saison des pluies. On a écrit «La locution… signifie ‘dans les limites de’. … Elle signifie aussi ‘dans le système organisé de’, ‘dans le contexte de’, ‘à l’occasion de’ (Terminologie / Université Laval, 16, décembre 1988). La frontière entre les contextes est souvent mince, mais les professionnels de la langue s’amuseront sans doute à la reconnaître.

Covid ou COVID? (2020)

2020-10-15. La covid nous menace depuis sept mois. Pardon! on a pris l’habitude d’écrire la COVID. Les journaux québécois suivent cette pratique. Il y un avantage : on n’oublie pas la pandémie! Nous l’avons sous les yeux, en majuscules toujours, en manchettes et dans les textes. C’est à se demander si les journalistes n’utilisent pas les majuscules quand ils parlent! On ne semble pas constater que l’acronyme se lexicalise et qu’on le prononce comme un mot. On oublie aussi qu’on a écrit «SIDA» par le passé et qu’on écrit maintenant «sida». L’Académie utilise des minuscules et l’Economist de Londres fait de même. Druide écrit : «La minusculinisation intégrale est ….recommandée quand….certains des éléments constitutifs de l’acronyme sont des syllabes…» (Druide, point de langue). Ce faisant, on évite l’accumulation de «pavés» de mots en capitales (Jean- P. Colignon, 2019). Souhaitons que la médiasphère s’ajustera.

Dans le cadre de (2017)

 2017.10.26. La populaire locution prépositive «dans le cadre de» a fait l’objet de nombreuses remarques et mises en garde : c’est le cas de l'auteur des Observations grammaticales et terminologiques de l’U. de M. (1977), du Comité de la normalisation de l’Université Laval (1988), d’Usito et de la Banque de dépannage linguistique. Mais on l’utilise souvent sans se méfier. Ainsi, on lit dans le Devoir : «la Commission des institutions… celle-là même qui a accueilli le grand patron de l’UPAC… dans le cadre de l’étude des crédits…» (26 oct. p. A 8, 1e col.). Voici le commentaire d’Usito à propos de la locution : «(dans la langue administrative) dans le cadre de. Dans les limites de. Dans le cadre de la loi. Dans le cadre de ses fonctions. Dans le cadre des négociations. par ext. Dans le contexte de, à l’occasion de. Plusieurs films seront présentés dans le cadre du festival. Ces affiches s’inscrivent dans le cadre d’une vaste campagne de prévention. REM. L'emploi de ‘dans le cadre’ de est parfois critiqué comme synonyme non standard de 'dans le contexte de', 'à l’occasion de'.» Une fois parcouru le commentaire analytique, choisirait-on toujours «dans le cadre de»?

jeudi 15 octobre 2020

Signer un joueur? (2020)

2020-10-14. Les lecteurs du Journal de Québec ont été régalés (!) d’un beau calque : «Le CH doit signer Gallagher» (14 octobre, 1e p.). Pourtant, le directeur de la révision des journaux de Québecor, Jacques Lafontaine, écrit «On peut signer un contrat avec une personne, mais on ne peut pas signer cette personne. On peut signer un chèque…, mais on ne peut signer un joueur de baseball… Cette construction, fautive, peut être remplacée par… embaucher quelqu’un, l’engager… signer un contrat avec quelqu’un…» (Les mots dits… , 2016). On ne peut être plus clair. Et Lafontaine est très bien épaulé par d’autres spécialistes, en particulier par Paul Roux (conseiller linguistique à la Presse pendant plusieurs années), par la Banque de dépannage… de l’Office et par le Multi dictionnaire. Il est à espérer que le titreur fautif sera informé de sa bourde et l’auteur du reportage, félicité. Lui n’est pas tombé dans le piège.

mercredi 14 octobre 2020

Signer un joueur? (2019)

2019-12-31, Importante nouvelle et bel anglicisme : «Les Capitales signent trois jeunes joueurs » Le Soleil, (31 déc, p. 41). Est-il possible que les propriétaires de l’équipe aient apposé leur signature sur le corps des trois athlètes? Ou qu’on les ait bénits d’un signe de la croix? Il y a une autre explication. La tournure s’explique si on traduit mot à mot la phrase en anglais « …sign three young players». Aux États-Unis et au Canada, c’est ce qu’on aurait écrit. Mais en français, on ne «signe pas un joueur». On lui fait signer un contrat, on le recrute, on l’engage. L’anglicisme est signalé dans le Muti dictionnaire…, (2018), dans le Grand glossaire des anglicismes (2011) , dans le Colpron (1999). Jacques Lafontaine lui consacre un billet (Les Mots dits; 2016). Le journaliste I. Bussières a écrit correctement au début du reportage : «… en faisant signer un contrat à trois…». Et les titreurs, eux...

Haut

lundi 12 octobre 2020

Revisiter: un tic? (2020)

2020-10-11 Tout le monde fait ou propose des revisites depuis quelques années. Les uns revisitent l’Estrie pour la énième fois, d’autres les romans de Romain Gary, Joe Bocan revisite ses plus belles chansons (Le J. de Qc, 10 oct., Weekend, p. 1), un historien propose de revisiter l’histoire du droit de vote des femmes au Québec. Le Robert indique que les sens figurés du verbe nous viendraient de l’anglais. Cela est secondaire. Mais il est un passe-partout, un mot qui signifie tout et n’importe quoi. Va pour revisiter un coin de pays. Mais revisiter Gary, c’est relire son œuvre. Revisiter ses propres chansons, c’est les réinterpréter. Et revisiter le droit de vote des femmes, ne serait-ce pas le revoir? Les dictionnaires de traduction font pourtant les distinctions. Maurice Druon écrit à propos du mot : « Il en est des mots comme des rues; on devrait devant certains planter des panneaux : « sens interdit » (1999).

dimanche 11 octobre 2020

Anglicisation systémique

2020-10-09. Donner une preuve du racisme systémique de la société québécoise paraît beaucoup plus difficile que d’y arriver avec l’anglicisation. Du côté du racisme, on peut en donner quelques illustrations. Mais il en va tout autrement de l’anglicisation systémique. On a d’abord des données démographiques rétrospectives. Côté langue elle-même, des répertoires alignent un nombre imposant d’anglicismes (Léon Lorrain en 1936 : 1200, Colpron en 1982 : 2000 et en 1999 : 5000; Jean Forest en 2010 : entre 10 et 12 000). En comparaison, les dictionnaires d’usage du français contiennent 40 000 mots. Comme pour le racisme systémique, on peut citer des cas récents, mais plus aisément : selon madame Anglade, le premier ministre serait «boqué» (entêté), les publicitaires annoncent des «inventaires» importants (stock), les entreprises, des postes à «combler» (à pourvoir), des techniciens ambulanciers se font appeler «paramédics». On pourrait allonger la liste. Somme toute, documenter un phénomène et l’autre est sans commune mesure.

samedi 10 octobre 2020

La nourriture de mon futur? (2020)

 

2020-09-07. Les abonnés du Soleil ont l’inopportunité (!) de lire deux manchettes à conserver dans leur écrin de perles (5-11 septembre). D’abord, «Nous voyons de la nourriture dans ton futur» (page couverture publicitaire) et «Le futur est arrivé» (p. 5). Une personne familière du français pourrait rouspéter et soutenir que si le futur est arrivé nous avons court-circuité l’avenir. Et que si quelqu’un voit de la nourriture dans notre futur, on peut affirmer qu’on a affaire à un escroc. Pourquoi? Le français possède deux mots et l’anglais n’a que «future», lequel désigne ou l’avenir immédiat ou l’avenir lointain. Les habitants actuels de la planète Terre connaîtront probablement les années à venir et leurs descendants, le futur. Un métier d’avenir est à la portée de la jeunesse; un métier du futur est destiné aux générations futures. Voilà un cas où l’influence de l’anglais fait oublier une nuance utile.

jeudi 8 octobre 2020

Funérailles d'État ? (2020)

2020-10-07. John #Turner a-t-il eu des #funérailles d’État, comme il est écrit dans le Journal de Québec (7 octobre, p. 16), ou des #funérailles nationales? Le Multi juge que la première expression est un calque de l’anglais. Les éditeurs du Colpron (Dictionnaire des anglicismes; 1999) et Camil Chouinard sont du même avis (2007). Pour sa part, l’OQLF juge que le calque est acceptable : il est employé depuis longtemps, il est généralisé, bien implanté, légitimé et intégrable au système linguistique du français (Politique de l’emprunt …., 2017). De fait, il faut une personne alerte pour y déceler un anglicisme. Plus grave cependant est la confusion toute québécoise qui ignore les différences entre «obsèques», «enterrement» et« funérailles», lesquelles ouvrent la voie au monopole de ces dernières, officielles ou privées

Supplémentaire ou additionnel? (2020)

2020-10-06. Comme les politiques de tous les pays, le premier ministre Legault ne peut être à la fois au four et au moulin, ni être au créneau contre la covid et réfléchir à un menu problème de langue. Il encourage les Québécois à télécharger l’application Alerte covid et souligne que voilà «un outil additionnel» (Le Devoir, 6 octobre, p. A2). Le mot « additionnel » est bien français. Mais la proximité de l’anglais fait qu’on l’emploie plus souvent qu’ailleurs dans la francophonie à une exception près («Sous l’influence de l’anglais ‘additional’, l’adjectif a pris la valeur de ‘supplémentaire’, emploi courant au Québec, à l’île Maurice… » lit-on dans le Dictionnaire historique de la langue française). Peu de linguistes signalent l’anglicisme de fréquence, mais Jean Darbelnet, Pierre Cardinal et Lionel Meney le font. Heureusement, cela permet de parler d’autre chose que de la covid pendant quelques minute 

mardi 6 octobre 2020

Sélectionné ou «nominé»? (2017)

2017.11.20. On dévoile les «nominés» de deux prix d’excellence. C’est, à peu de chose près, la manchette du communiqué du Conseil de la culture des régions de Québec et de Chaudière-Appalaches (Topo-Culture, 404, 17 novembre). On précise aussi le travail du comité de sélection qui a choisi les candidats en lice. Le comité a retenu les trois finalistes pour deux prix différents. Un gagnant sera proclamé pour chacun. En somme, le comité a retenu six candidats, six sélectionnés, six présélectionnés, six finalistes, etc. L’Académie ajouterait six «nommés». Pour leur part, l’OQLF et la BDL constatent un recul de «nominé» au profit de ses équivalents. Le français n’avait et n’a sans doute pas besoin de l’anglicisme relevé dans un livre de Simone Signoret en 1976 et popularisé à la suite du célèbre trou de mémoire de Romy Schneider en 1980.

Inventaire ou stock ? (2020)

 2020-10-04. AmeublementTanguay solde des ordinateurs portables en inventaire (Le Journal de Québec, 2 octobre, p. 56). Le mot inventaire, bien français, est ici un anglicisme sémantique. Le mot anglais (inventory) a un sens plus large que le mot français. Il recouvre à la fois l’exercice de dénombrement des articles en magasin ou en entrepôt et le lot de marchandise lui-même. Le réflexe systémique ou instinctif des Québécois est de négliger le mot «stock». Ce dernier est d’origine anglaise, du vieil anglais. Sa graphie ne trompe pas. Il est apparu en français dans les années 1500. Il a eu des enfants naturalisés : stockiste, stockage, stocker et déstocker, stockeur et d’autres. Il serait difficile de les expulser tous. Le grammairien G. Dagenais a écrit, il y a un demi-siècle : «… l’inventaire est l’évaluation du stock…. Ce n’est pas le stock» (Dictionnaire des difficultés…). Bref, Tanguay devrait, à l’avenir, solder des ordinateurs en stock à l’occasion des soldes avant ou après-inventaire

Additionnel ou supplémentaire ? (2019)

 2019-07-20. Jean Darbelnet parle de formes adoucies de l’anglicisation: les anglicismes de fréquence. Il donne alors une liste d’exemples, dont fait partie le mot « additionnel ». Les mots alignés sont français, mais on les emploie ici plus souvent qu’autrement. Ils ont des correspondants anglais qui s’imposent. Par une sorte de télécommande, l’anglais fait préférer le mot utilisé en anglais plutôt qu’un synonyme. C’est probablement ce qui arrive aux caisses Desjardins qui diffusent une circulaire à leurs membres dans laquelle on lit : «… des mesures de sécurité additionnelles ont été mises en place…» (24 juin 2019). On aurait pu écrire «supplémentaire ». L’observation de Darbelnet est corroborée par P. Cardinal (Le VocabulAide; 2009) : «… le français canadien emploie fréquemment ‘additionnel’, sous l’influence de l’anglais ‘additional’, là où le français général lui préfère un autre équivalent…». En somme, une faute vénielle, pas plus, mais une forme adoucie d’anglicisation.

Additionnel ou supplémentaire ? (2018)

2018.03.21. Une note acheminée au personnel du secrétariat administratif de l’Assemblée nationale le 21 mars se termine par l’expression «Pour toute information additionnelle… ». Le mot 'additionnel' est un anglicisme de fréquence noté il y a plus de cinquante ans par Jean Darbelnet dans une étude préparée à la demande de la Commission Laurendeau-Dunton. Depuis Lionel Meney (2001 et 2016) et Pierre Cardinal (2009) l’ont de nouveau relevé. Darbelnet écrit «Par une sorte de télécommande c’est l’anglais qui fait préférer…additionnel à supplémentaire» (Le bilinguisme et les anglicismes, p. 110). Cardinal consacre un long commentaire à l’abus du mot : «Contrairement à l’anglais dont le mot additional, très fréquent, s’applique à la fois aux choses et aux personnes, le français général distingue nettement additionnel… de supplémentaire… De plus, même en l’appliquant à des choses, le français canadien emploie fréquemment additionnel, sous l’influence de l’anglais…» (Le VocabulAide). Même si Meney observe un léger repli de l’anglicisme, peut-on suggérer que les membres du Café (comité d’amélioration du français écrit) y consacrent une capsule, comme ils l'ont fait pour une centaine de mots jusqu'à maintenant?

lundi 5 octobre 2020

Une prescription n'est pas une ordonnance (2020)

 2020-10-05. L’opticienne Véronique Michaud invite la population à se rendre à son entreprise (La Vue.ca) et à y passer un examen de la vue. On lit dans un message publicitaire : «Amène ta prescription» (Le J. de Qc, 5 oct., p. 16). Deux formes fautives en trois mots. On n’amène pas le document, on l’apporte (voir billet du 27 septembre). Par ailleurs, le document est une ordonnance et non une prescription. Voici une explication fort limpide de Guy Bertrand : «… la prescription est une recommandation du médecin. … le médecin peut nous dire : gardez le lit et buvez beaucoup de liquide. Cette recommandation est une prescription. Par ailleurs, le papier signé du médecin qu’on présente au pharmacien pour obtenir un médicament s’appelle ordonnance» (400 capsules linguistiques; 1999). La confusion vient du fait que le mot anglais est utilisé dans les deux cas. À l'avenir, il faudra corriger les deux fautes.

dimanche 4 octobre 2020

Ouah! ou Wow! (2018)

2018.03.02. La Société des alcools envoie à ses clients (1er mars, 16 h 48) un message publicitaire dont la manchette est «WOW! Courez la chance de gagner 1 million de points bonis». On peut souhaiter qu’à la prochaine occasion la SAQ essayera l’interjection française «Ouah!» au lieu de l’anglaise (Wow!). «Ouah!» est dans le Robert; «Wow!» ne l’est pas encore. Cependant, cette dernière est consignée dans le Grand Robert & Collins et on la traduit par «Ouah! ». Il est vrai toutefois que les publicitaires du Québec ignorent généralement ce petit (!) détail. La SAQ pourrait donner l’exemple à la prochaine occasion. Son titre de société d’État, de société publique relevant précisément de l’État québécois, devrait justifier l’utilisation d'une interjection française.

Dépanneur (2018)

 

2018.07.08. Une petite devinette. Vous lisez la manchette du Soleil (5 juillet, p. 2) : «La femme du dépanneur ». Que faut-il y entendre? S’agit-il de la femme du propriétaire de l’entreprise? Une femme rencontrée par hasard au magasin? Ou, encore, la propriétaire? Le mot «dépanneur» devrait normalement désigner le propriétaire du commerce comme c’est le cas d’un épicier, d’un poissonnier ou d’un boucher. Les commerces sont des épiceries, des poissonneries, des boucheries… Donc, on aurait pu choisir «dépannerie » ou «petite épicerie». Il faut dire que l’officialisation du mot par l’OQLF en 1983 a connu le succès. La raison d’État voulait qu’on trouve une solution de rechange à «convenience store » (épicerie de proximité) ou même à «accommodation ». «Dépanneur» (l’établissement) s’inscrivit dans le sillage de «nettoyeur » (blanchisserie), de «barbier» (salon de coiffure).

Déviation ou détour? (2020)

 2020-04-03. Le président honoraire de l’Asulf, monsieur Auclair, revient à la charge et souhaite que l’OQLF revoie le dossier «détour» ou «déviation» dans l’affichage routier. Il rappelle la position du linguiste Robert Dubuc (Au plaisir des mots, Linguatech éditeur, 2008, p. 57), la valse-hésitation de l’OQLF sur le sujet, l’officialisation du faux ami «détour» et, par la suite, la démission de deux membres de la Commission de terminologie. En 1980, l’Office recommanda «Déviation» au sens de «… route ou section de route qui contourne… un obstacle temporaire» et on précisa : «Le terme détour utilisé en ce sens est impropre». La décision fut renversée en 2001. L’inclusion du mot et de son sens québécois dans les dictionnaires d’usage n’annule pas un commentaire du professeur Jean Darbelnet : «On fait un détour pour aller voir quelqu’un, mais la route comporte une déviation là où elle est en réparation…» (Le bilinguisme et les anglicismes, 1965). L’anglicisme, ajoutait le professeur, tend à effacer la distinction entre les deux mots prise au cours des siècles et de leur va-et-vient.

Appliquer ou postuler ? (2017)

2017.11.29. Il faut se donner la peine de lire les messages affichés dans les entreprises. Voici une annonce lue il y a quatre heures à l’entrée du comptoir de livraison de Purolator (rue Armand-Viau, Québec) : «Nous embauchons! / Plusieurs opportunités (sic) sur nos quarts de travail de soir et de nuit…. Appliquez directement au www.Purolator.communications ou laisse votre CV au centre d’expédition». On peut supposer que la compagnie n’a pas de réviseur à son service. Or le premier employé venu peut ignorer le sens des mots et tenir pour acquis que la langue de tous les jours convient aux messages officiels. «Appliquez directement»? Un réviseur serait au courant de la mise en garde suivante : «Au sens de ‘postuler un emploi’, ‘appliquer’ est une impropriété employée sous l’influence de l’anglais ‘to apply’» (Vocabulaire des relations professionnelles). En français, on dit : postuler, poser sa candidature, présenter une demande d’emploi, etc. À chacun de corriger les autres fautes relevées. On notera que les auteurs du texte ont évité «sur nos shifts de soir… »! C’est quand même un premier pas dans la bonne direction.

Ambulancier ou paramédic? (2020)

 2020-10-03. La Coopérative des techniciens ambulanciers du Québec (#CTAQ) publie une page de promotion dans Le Soleil (3 octobre, p. 14). Cependant, l’expression «technicien ambulancier» y est pour ainsi dire passée sous silence. Elle est remplacée, treize fois contre deux, par un emprunt direct à l’anglais. On y écrit : la paramédic, devenir paramédic, un #paramédic, les paramédics, paramédic instructrice. Le mot est absent des dictionnaires français. Mais on le trouve dans les dictionnaires anglais et on le traduit par «auxiliaire médical» (Le Robert & Collins ). Paul Roux soutint dans La Presse (10 avril 2005, p. 6) qu’il est un anglicisme inutile étant donné que le français a déjà «ambulancier» ou «ambulancier paramédical». On annonce une seconde page publicitaire le 10 octobre. Il est à espérer que les porte-parole de la Coopérative y expliqueront et y justifieront l’importation de l’anglicisme.

Stock ou inventaire? (2019)

 2019-12-30. Les magasins Latulippe ont adopté le mot «solde » afin de remplacer l’anglicisme «vente» (pris au sens de vente au rabais). On y hésite à remplacer «inventaire» par le mot d’origine anglaise «stock », présent dans le français depuis plus de 150 ans. On se contente du mot «inventaire» (accroche «super solde… : Prix réduit sur un vaste inventaire»; J. de Qc, 28 déc., p. 96) et, ce faisant, on lui reconnaît un sens qu’il n’a pas en français contrairement au mot anglais. L‘emprunt du mot «stock» est venu combler une lacune du français et il n’a pas évincé de concurrents. Aujourd’hui, «inventaire», mot français portant dénombrement et relevé détaillé des marchandise d’une entreprise, concurrence un mot étranger intégré. L’hypothèse selon laquelle il serait préférable d’employer le mot «stock» plutôt que l’anglicisme masqué «inventaire» est à envisager et à illustrer à la première occasion.

samedi 3 octobre 2020

«Paramédic» mort en attendant l'ambulance (2017)

2017.12.30. On se demande pourquoi Le Soleil doit faire appel à un mot anglais dans le sur-titre «Paramédic mort en attendant l’ambulance » (29 décembre, p. 14). Il est vrai qu'un gestionnaire de Dessercom (Lévis) l'a utilisé. Le mot n’est pas français. Il a même un équivalent – un frère jumeau si l’on veut : «ambulancier ». Si les employés du journal avaient le réflexe de consulter un dictionnaire de traduction (par exemple, le Robert & Collins), ils constateraient que la partie français-anglais n’affiche pas le mot utilisé et que la partie anglais-français lui assigne la traduction «auxiliaire médical». En somme, le calque n’est pas reconnu pour le moment, sans doute parce qu’il a le même contour que le mot «ambulancier ». On observera, par ailleurs, que la manchette : «Ambulancier mort en attendant l’ambulance» aurait attiré davantage l’attention tout en étant plus compréhensible pour le lectorat francophone.

Les «paramédics»? (2017)

 

2017.11.05. L’infolette de Québec Hebdo diffusée le 4 novembre porte la manchette «Manifestation des paramédics ». Ce dernier mot est un mot anglais. Les équivalents français sont «technicien ambulancier ou «ambulancier» auxquels on peut ajouter le qualificatif «paramédical». Il y aurait deux ordres professionnels sur le territoire. Cela semble déjà une anomalie : l’État ne reconnaîtrait pas deux ordres dans le métier. Et il y a tout lieu de croire qu’on rejetterait l’expression «paramédic ». Le commentaire de l’OQLF et du Grand dictionnaire est limpide : «Les emprunts intégraux adaptés paramédic et paramédique, de l'anglais, qu'ils soient employés seuls ou dans les termes technicien ambulancier paramédic … ne s'inscrivent pas dans la norme sociolinguistique du français au Québec. En outre, ils ne s'intègrent pas au système de la langue française, puisque le mot medic... est inexistant en français». Québec Hebdo devrait se montrer critique à l’égard de l’expression anglaise et même de l’organisme qui le met de l’avant.

Un viaduc à Saint-Rédempteur (2017)

2017-12-19. Les lecteurs du Soleil se sont sans doute demandés pourquoi il en coûtera plus cher que prévu à Lévis pour construire un viaduc à Saint-Rédempteur (19 déc. p. 5). L’administration n’est pas transparente. La vérité : si on construit un viaduc, on devra creuser une vallée! L’administration municipale manque de franchise à l’égard des contribuables. Elle cache les coûts du creusage. Mais elle ne peut tromper tout le monde en même temps. Aussi a-t-elle consenti à respecter, quoi qu’il lui en coûte, la définition de l’œuvre d’art établie par l’Office québécois de la langue : «Viaduc : pont routier ou ferroviaire long et haut pouvant comporter plusieurs travées, généralement érigé au-dessus d'une vallée... ». Pour le moment, les médias et les journalistes n’ont pas découvert l’entourloupette! Il y a soixante ans, on moquait l’Union nationale qui promettait des ponts là où il n’y avait pas de rivière. Aujourd’hui, on envisage des viaducs là où il n’y a pas de vallée!

 

«Item»? (2020)

 2020-06-26. A-t-on employé sciemment le mot «item»? dans la chronique matinale «Aujourd'hui, ce qu'il faut savoir ce matin» (sic!) du Soleil. (26 juin). En français, on devrait dire «pièce», «objet» ou «article». Les avis des spécialistes sont nombreux. Jean Darbelnet écrit «Item. Pour ceux qui refusent cet emploi anglais d'un mot latin la solution est de dire 'article' ou 'élément'» (1986). En passant, J.D. observe que 'les locutions que le français et l'anglais ont emprunté au latin ne sont pas toutes les mêmes'. Pour sa part, le professeur Meney affirme que le mot est un calque de l'anglais (1999). Enfin, si on ouvre le Multi dictionnaire, usuel classique au Québec, on verra qu’on le classe parmi les «formes fautives». En somme, un locuteur lambda peut utiliser l’anglicisme – c’est son choix - mais le Soleil devrait s'inspirer des usuels et répertoires correctifs courants par respect pour ses lecteurs.

 

vendredi 2 octobre 2020

«Versus /vs» (2020)

 2020-10-02. À l’occasion de l’affrontement Trump-Biden, LCN a publié une page publicitaire dont l’accroche est «Débat Trump vs Biden» (J. de Qc, 29 sept., p. 15). «Vs», c’est-à-dire «versus», un mot latin qui signifie «contre». En dépit de son origine, on le considère comme un anglicisme : «… certains mots latins sont des anglicismes parce qu’ils nous viennent de l’anglais qui les a adaptés à son usage» (Les maux des mots, Université Laval). Jean Darbelnet observe de son côté que les locutions que le français et l’anglais ont emprunté au latin ne sont pas les mêmes (Dictionnaire des particularités...) et il note que la préposition fait partie de l’anglais et non du français. Lionel Meney l’épingle et souligne que les Québécois en font un usage plus large qu’en France (Le français québécois…). Bref, le mot venu du latin par l’anglais chasse «contre» (ou son abréviation «c.»), comme «exit» (sortie), comme «item» (article), comme «per capita» (par tête).

Endosser? (2020)

2020-10-01. L’administration municipale de Québec est bien inspirée de prendre ses distances de CHOI Radio X. Mais ses rédacteurs ne peuvent éviter un anglicisme masqué pour expliquer la décision. Ils écrivent : «… la Ville… ne peut… pas endosser… le comportement…» (J. de Qc, 29 septembre, p. 8). Le verbe français signifie «accepter sa propre responsabilité». Le verbe correspondant en anglais, quant à lui, a le sens d’approuver, d’appuyer, de sanctionner et donc, dans le contexte de partager la même position que la station. Vouloir vivre en français en sol québécois, entouré de locuteurs anglophones, est un immense défi. On importe des mots anglais, mais pis, on donne à des mots français des sens empruntés à l’anglais. Il faudrait des locuteurs au doute systématique pour les apercevoir et pour les éviter. Tâche herculéenne comme on le voit : même l’administration municipale de la capitale et ses relecteurs ne les détectent pas.

jeudi 1 octobre 2020

Postes «à combler» (2020)

2020-09-30. Aux gestionnaires d’Alutrec. Votre compagnie est à la recherche de soudeurs-monteurs. Un placard publicitaire publié dans le Journal de Québec annonce : «Dix postes à combler» (30 septembre, p. 14). Rien de nouveau sous le soleil! Déjà en 1996, l'Asulf (www.asulf.org) recommandait que l’on remplace l’expression par «poste à pourvoir». On écrivait à propos de «poste à combler» : «L’expression est fréquente au Québec… Elle est une traduction littérale de «to fill a vacancy». Aucun des sens du verbe «combler» ne convient… / En français on ‘pourvoit à un emploi, à un poste’». On concluait l’article en affirmant qu’aucune raison ne justifiait l’utilisation du verbe ‘combler’ dans le contexte. L’avis tient toujours. L’Office de la langue note encore «C’est une impropriété d’employer le verbe combler, à la place de pourvoir, en parlant d’un poste. Au sens propre, on peut combler un puits… mais on ne saurait combler un poste». En somme, à la première occasion, il y aurait lieu de choisir l’expression correcte.

«Disponible» ? Non. En vente (2020)

 2020-10-01. La Société des alcools n’offre pas seulement des vins et des spiritueux. Elle nous refile à l’occasion de beaux anglicismes. Elle vient de transmettre à ses clients un courriel dont la manchette se lit : «Nouveau gin signé Guy Lafleur, enfin disponible» (1er octobre 2020, 19 h 30). Disponible? Le mot est français, mais la SAQ lui donne un sens anglais. En français, l’adjectif signifie «dont on peut disposer» ou encore «qu’on est libre» pour aider quelqu’un. La linguiste Annie Bourret écrit : «L’adjectif ‘disponible’ n’est pas l’équivalent d’’available’. … ‘disponible’ signifie ‘être prêt’ (je suis toujours disponible pour mes amis)…L’adjectif ‘available’ se traduit par les tournures … ¨’être offert’, ‘être en vente’…» (Pour l’humour du français, 2018). La faute est signalée par Gérard Dagenais (1967), par Jean Darbelnet (1976) et par Guy Bertand (2010). Bref, tout le monde surveille le franglicisme, mais il trompe encore la vigilance de la société d'État.

Exclamations: Fuck!

2024.03.01. La chroniqueuse Josée Blanchette aime bien parsemer ses textes de mots anglais. L’habitude fait partie de son style. Dans le Dev...