mardi 3 mai 2022

Désinformation ou Mésinformation ? (2022)

2022-04-01. On peut tenir pour acquis qu’un regroupement comme le Mouvement Québec français qui défend le français et son rayonnement s’efforcera de respecter le sens des mots. Ainsi, «désinformation» qu’on porte en titre dans l’infolettre numérique d’avril mérite un regard critique. On y écrit : «Une désinformation qui nuit au débat». Le mot voudrait dire, si on le prend au pied de la lettre, retrait ou gommage de renseignements déjà connus. Or le phénomène vécu est plutôt l’arrosage de multiples nouvelles, plus ou moins fausses, afin d’en inonder les citoyens et de les désorienter. Il faudrait le qualifier de mésinformation ou de malinformation. Le conseil vient d’Alain Rey, un dictionnariste qui n’a pas l’habitude des jugements de valeur sur la langue : le mot utilisé est français, mais sa signification est fausse. 

C'est pas ta game! (2022)

2022-04-02. Comme dirait Raymond Devos : «C’est réussi!». Un beau slogan tout provincial : «Vapoter, c’est pas ta game!» . Le slogan est celui imaginé par le #Réseau des sports étudiants et par le Conseil québécois sur le tabac et la santé. Il est provincial au sens de rétrograde, de colonisé ou d'anglicisé. Rétrograde : on s’imagine que l’utilisation du mot anglais «game» sera plus efficace qu’une expression française. Colonisé ou assimilé : le mot qui vient à l’esprit n’est pas français mais anglais. Le colonisé n’imagine même pas que le français a les ressources pour dire «c’est pas ta game»!» Pourtant, avec un peu d’imagination, on aurait pu choisir : «ce n’est pas ton truc!», «ce n’est pas ton fort!», «ce n’est pas ton exutoire!», «ce n’est pas ton obsession», «ce n'est pas ta dépendance!, etc. Pour réussir, il fallait faire provincial et franglisé! C’est réussi!

Passé date ? (2022)

2022-04-04. Une poète a tous les droits en matière de langue. Elle peut jouer avec les mots, les déformer, les torturer. Si elle devient députée, une telle fantaisie lui sera mesurée et elle devra se rapprocher d’une langue soignée, une langue de représentante des commettants et même un peu de l’État. Madame C. Dorion trouve les cadres de l’Assemblée nationale «rigides, vieux, passés date» (Le Courrier du soir, Le Devoir, 4 avril). Elle a sans doute raison. Mais elle aurait pu, comme elle est une professionnelle de la langue, éviter l’anglicisme «passé date». Il est vrai qu’il est courant depuis belle lurette. Jean-Marie Laurence le critiqua en 1938. L’OQLF le critique encore et propose nombre de solutions de rechange : périmé, archaïque, démodé… Espérons que cette critique sera plus agréable à l’élue que le décor de l’Assemblée! 

Appliquer ? (2022)

2022-04.05. Un jeune essayiste, Radjoul Mouhamadou, vient de lancer un petit pavé dans la mare : il propose la créolisation du québécois. Une annonce de la Vallée secrète publiée le 5 avril (InfoPortneuf) en fournit peut-être un exemple : «Perles rares recherchées / Préposé à l’accueil […] Appliquez et venez nous rencontrer le 25 mars» (sic). Le verbe «appliquer», employé ici, constitue-t-il une illustration de créolisation si la langue dominante impose ses mots à la langue dominée? En anglais, on dit «to apply». En français, on dirait plutôt «postuler», «candidater», «poser sa candidature», etc. Mais le contact inégalitaire entre l’anglais et le français masque les expressions françaises et conduit à un calque. Les administrateurs de la Vallée secrète sont sans doute inconscients du glissement. La créolisation se fait lentement, inconsciemment. La question essentielle reste celle-ci : le passage de «postuler» à «appliquer» peut-il constituer un exemple du créole québécois? distinct à la fois du français et de l’anglais.

Problématique ou problèmes? (2022)

2022-04-06. Les journaux devraient demander aux journalistes de prendre connaissance des notes linguistiques des collègues. Par exemple, celles du directeur de la révision des journaux de Québecor, Jacques Lafontaine. Il en a rédigé des centaines. Il a démontré qu’il faut distinguer «problématique» et «problème». Sa note sur le sujet aurait été fort utile à la journaliste Catherine Bouchard qui ne parvient pas à distinguer les deux notions (Le J. de Qc, 6 avril, p. 30). Elle parte indistinctement des problèmes et des problématiques posés par le nouvel emplacement de la Maison Lauberivière. Lafontaine écrit : «Un problème est une question à résoudre, un ennui, une difficulté. Une problématique est l’art de poser les problèmes ou un ensemble de problèmes qui se posent sur un sujet» (Les Mots dits; 2016). D’autres répertoires correctifs vont dans le même sens, mais un premier pas serait fait. 

Patch?

2022-04-07. Se trompe-t-on en soutenant que le québécois se créolise depuis longtemps? Radjoul Mouhamadou (Créoliser le québécois) pense que les Québécois devraient viser la créolisation de leur langue. Le processus semble pourtant en marche depuis longtemps sans qu’on l’ait choisi de manière volontaire. On voit aujourd’hui le mot «patch» pour désigner l’insigne, l’emblème ou le blason que portent à l’épaule les mercenaires du groupe Wagner déployés en Ukraine (Le Journal de Québec, 7 avril, p. 4). Le mot est présent dans le Dictionnaire de la langue québécoise de Léandre Bergeron, publié il y a quarante ans. Mais il ne couvre pas, à ce moment-là, un insigne, mais seulement une rustine et une pièce de tissus. Depuis, on a formé le verbe «#patcher» (rapiécer, réparer, rafistoler). La multiplication de tels «améliorations!» se fait spontanément. Cela ne découle pas d’une volonté collective.

Paramédic? (2022)

2022-04-08. Les employés paramédicaux sont justifiés de rechercher une reconnaissance collective de leur spécialité et de se distinguer de leurs collègues ambulanciers. Mais il est contre-indiqué d’adopter le mot «paramédic», emprunt direct à l’anglais et franglicisé. C’est pourtant l’appellation monopolistique employée dans le reportage portant sur les conditions de travail d’un groupe de l’Estrie (L’Aut’journal, avril 2022, p. 13). Elle apparaît dans le titre de l’article, dans la légende de l’illustration, dans le chapeau et une douzaine de fois dans l’article lui-même. Pourtant, le Grand Dictionnaire terminologique la déconseille et propose des solutions de rechange : technicien ambulancier paramédical, technicien ambulancier, ambulancier paramédical et paramédical, avec leurs formes féminines et les pluriels. C’est dire que le mot anglais est facilement remplaçable. Aussi y aurait-il lieu que l’Aut’journal adopte une expression correcte à l’avenir et inscrive une mise en garde à l'intention de ses collaborateurs.

À les Escoumins ou Aux Escoumins ? (2022)

2022-04-09. On lit dans la chronique nécrologique de Richard Beaulieu (Le Soleil, 9 avril, p. 65) : «… né à Les Escoumins». Le toponyme n’est pas le seul de sa catégorie à présenter un problème de traitement. Nous avons aussi Les Cèdres, Les Éboulements, Les Méchins, Saint-Jean-Baptiste-de-Les Écureuils (sic), etc. Le Français au bureau (2014) observe que de tels toponymes commençant par l’article «le» ou «les» se contractent après une préposition. Des exemples suivent. On revient des Éboulements et non «de Les Éboulements», la réunion se déroulera aux Boules et non «à Les Boules», le maire des Côteaux et non «de les Côteaux. Sauf exception, La même recette s’applique aux toponymes étrangers : La Ciotat, La Nouvelle-Orléans, Le Caire, Le Mans En somme, Richard Beaulieu est né aux Escoumins même si la ville s’appelle Les Escoumins.

Paramédic ? (2022)

2022-04-12. Les périodiques deviennent des documents qu’on parcourt. Les illustrations, les tableaux, les cartes attirent l'oeil. À l’occasion, ils annulent des efforts. Les journalistes peuvent éviter un mot anglais dans leurs reportages, mais une illustration peut l’imposer. Jean-François Cliche, dans la chronique Vérification faite du 9 avril (Le Soleil, p. 6-7), analyse le nombre de morts dû à la covid depuis certains assouplissements. On a illustré l’article de la photo d’un technicien paramédical ou d’un ambulancier vu de dos et portant l'identification «Paramedic». Les metteurs en page doivent savoir que ce mot est anglais, que l’Office québécois de la langue française propose qu’on le remplace, au choix, par «ambulancier», par «ambulancier paramédical, par «technicien ambulancier paramédical» ou «TAP». Les journaux acceptent l’argent de l’État consacré à la publicité des mesures sanitaires. Ils devraient s’inspirer de ses conseils en matière de langue.

Talk show ou ... ? (2022)

2022-04-12. La Première Chaîne de Radio-Canada présentera une nouvelle émission animée par Marie-Louise Arsenault le samedi après-midi à compter de l’automne (Le Courrier du soir; Le Devoir, 12 avril). Malheureusement, on ne semble pas avoir trouvé une façon française pour désigner ce genre d’émission. On se contente de «talk-show», c’est-à-dire «spectacle de conversation»! Si l’expression américaine était sans équivalents français potentiels, il faudrait rendre les armes. Mais tel ne semble pas le cas. En vrac, on a suggéré «causerie», «conversade», «débat-spectacle», «émission-débat», «entretien télévisé», «face-à-face», «info-variété», «interview-variétés», «jasette»», «parlerie», «plateau-débat», «téléparlote», «tout-à-trac»… En dépit d’une telle brochette, on lit dans Usito : «L’emploi de «talk-show» , parfois critiqué, n’a pas d’équivalent standard usuel». Mais les candidats sont nombreux.


Bus, Métrobus (la ou le)? (2022)

2022-04-13. Émilie Nicolas du Devoir voulait lancer une pique aux citoyens de la capitale et leur rappeler qu'ils féminisent «bus, aphérèse d’«autobus». Elle déraille quelque peu. Elle écrit : «Tu es sur Honoré-Mercier […] Tu attends la bus – oui, LA bus. La Métrobus plus précisément.» Plus loin, elle déraille au point d’écrire : «… les services de la RTC», c’est-à-dire du Réseau de transport de la capitale. Léandre Bergeron (Dictionnaire de la langue québécoise, 1980) note les mots «bus» et «autobus». Il fait du premier un mot masculin et il accorde au second les deux genres. Jean Darbelnet note également qu’on entend souvent au Québec «la onze» pour «le onze» (Dictionnaire des particularités…, 1986). Mais il signale aussi qu’il arrive, tant ici qu’en France, que certains mots commençant par une voyelle sont féminins dans l’usage populaire». Pourtant, les dictionnaires d’usage (Le Petit Robert; Dictionnaire québécois d’aujourd’hui) notent que l’aphérèse est masculin. Quoiqu’il en soit, beau côté des choses, la féminisation du mot «bus» par les riverains de Québec mènerait à la nécessité d’un tramway! Le chaos linguistique et la noria anarchique des bus y conduisent!

Exclamations: Fuck!

2024.03.01. La chroniqueuse Josée Blanchette aime bien parsemer ses textes de mots anglais. L’habitude fait partie de son style. Dans le Dev...