lundi 13 juin 2022

Collège des médecins (2020)

2020-01-27. Une manchette du Soleil (27 janvier, p. 5) est l’occasion de remettre en cause l’appellation «Collège des médecins» . En 1994, l’Assemblée nationale a entériné l’appellation «Ordre des médecins» et permis l’usage de «Collège des médecins». Cette dernière est une double faute. Le docteur Jacques Boulay, écrivit à l’époque : «En France, c’est un archaïsme … le mot collège … ne s’applique plus qu’à des organismes privés… sans pouvoir de réglementation de l’exercice professionnel. Au Québec, c’est un anglicisme, puisque l’équivalent de l’Ordre … dans les différentes provinces du Canada s’appelle «college» …» (L’Expression juste, mars 1995, p. 6). L’expression est encore épinglée dans le Grand glossaire des anglicismes (2011) et dans le Petit dictionnaire des québécismes : anglicismes, archaïsmes... (2010). L’anglicisme masqué n’est pas facile à déloger, surtout que l’Ordre met tout son poids à le protéger et à lui donner la vedette dans son site web et dans ses communiqués.

jeudi 9 juin 2022

Live (2022)

 2022-05-31. On assiste actuellement à l'apparition dans l'usage du mot anglais live, souvent associé à son équivalent français en direct dans le vocabulaire des médias. Live prend ainsi inutilement la place d'expressions françaises bien établies et introduit une ambiguïté alors que ces expressions renvoient à des notions distinctes.

En l'occurrence, le mot anglais live ne se substitue pas au français direct mais les deux mots sont souvent combinés pour former un nouveau vocable hybride (direct live, en direct live) qui amalgame deux notions distinctes : le spectacle lui-même, joué en présence de spectateurs, désigné par live, et une retransmission en temps réel, qu'elle soit radiophonique, télévisée ou diffusée par l'internet, désignée par en direct. Cet amalgame s'explique par le fait qu'en anglais le mot live possède une double signification : ainsi parle-t-on de concert live pour désigner un concert donné en public, et de live broadcast pour une émission en direct. […]

La Commission générale [de terminologie et de néologie] recommande d'utiliser, soit seules, soit en les combinant selon les cas, les expressions françaises public, en public et direct, en direct, qui, par leur précision, rendent clairement chacun des deux sens souhaités. (France, Journal officiel du 5 mars 2009).

NRA (prononciation) (2022)

2022-05-29. Les nombreuses tueries perpétrées dans les établissements d’enseignement et dans les centres commerciaux des États-Unis mettent au premier plan de l’actualité la National Rifle Association. Il va de soi que le nom de l’organisme doit être utilisé sur les ondes, même si on peut en présenter un équivalent dans la langue de l’auditoire. Mais les chroniqueurs ou les journalistes devraient prononcer le sigle ou l’acronyme dans la langue des auditeurs. Donc, en français au Québec. Ainsi, à l’occasion de la tragédie d’Uvalde du 24 mai, on s’est dépassé en nous répétant le sigle à l’américaine. Pourtant, N.R.A., prononcé en français, serait plus clair pour les francophones que nous sommes. On observe une telle façon de faire à l'étranger. Il y aurait lieu que les services linguistiques de Radio-Canada donnent à cet égard des conseils ou des directives à ses collaborateurs.

Médication ou médicament (2022)

2022-05-27.  À l’IUCPQ. La Fondation de l’Institut, en appui à ses campagnes de financement, publie et diffuse des témoignages de patients. On peut lire dans le feuillet distribuée fin de mai «… la prise d’une médication adéquate». Il semble bien qu’on ne prend pas une «médication», mais plutôt un médicament. On lit à l’article «Médication» du Multi dictionnaire : «Ne pas confondre avec le nom ‘médicament’, substance destinée à soulager ou à guérir un malade». Lionel Meney, un observateur critique du français parlé au Québec, épingle l’expression «prendre des médications» (Dictionnaire québécois-français) et il juge qu’elle est un calque de l’anglais. Une observation semblable est faite par Jean Forest, lequel classe le mot «médication» parmi les anglicismes lorsqu’on lui donne le sens de «médicament». On pardonnera à un patient d’ignorer la distinction à faire. Mais les correcteurs de l’IUCPQ ne devraient pas entériner et reproduire l’erreur dans une campagne de financement.

Opérer un charriot ? (2022)

2022-05-25. Les Messageries dynamiques cherchent des préposés d’entrepôt et ils notent que la possession d’une carte «pour opérer des charriots élévateurs« serait un atout (Le J. de Qc, 24 mai, p. 21). En sol québécois, on emploie beaucoup le franglicisme «opérer» sous l’influence originelle de l’anglais selon Pierre Cardinal (Le VocabulAide). On ignore les verbes français qui peuvent s’appliquer à une machine : actionner, conduire, faire fonctionner, manœuvrer, utiliser…. On connait quand même les expressions «conduire une déneigeuse», «… un char d’assaut», «… une niveleuse», «une moissonneuse-batteuse» ou une grue. On tient bien pour acquis que celles ou ceux qui conduisent une déneigeuse, une surfaceuse, une niveleuse ou une balayeuse municipale exécutent d’autres fonctions que celle de conduire leur engin. Alors pourquoi s’en tenir à «carte pour opérer des charriots élévateurs…»?

Barbier ? Raisons sociales (2022)

2022-05-22. À Québec, capitale de la francophonie américaine, des salons de coiffure portent le nom de Blades Barbier, de Color Sha (Le Soleil : le Mag, 21 mai, p. M5). Ce n’est pas très français. À la décharge du fondateur Pablo Jimenez, il faut bien reconnaître que la société québécoise ignore si le français est sa langue commune. Jimenez a ouvert son premier salon en 1977, soit au moment de l’adoption de la Charte de la langue française. C’est dire que la loi n’a pas influencé l’homme d’affaires. Au demeurant, il a sans doute fait ce que les Québécois faisaient déjà. Le mot «barbier» survivait ici en raison de la proximité du mot «barber». On choisit trop souvent encore des raisons sociales anglaises. On a un salon qui s’appelle Cut in à Québec. Il est à espérer que le français deviendra une langue de prestige pour toutes les entreprises et pour tous les habitants du territoire, la langue dans le vent, de plein emploi, rentable, prestigieuse…

Liquidation d'inventaire ? (2022)

2022-05-21. Les magasins Sports Expert annoncent une «liquidation d’inventaire» dans les deux quotidiens de la capitale nationale (Le J. de Qc, 21 mai, p. 25; Le Soleil, 21 mai, p. 6). L’expression est juste si elle est l’équivalent de «liquidation du printemps», de «liquidation mensuelle» ou de «liquidation après-inventaire» ou «… avant-inventaire» (le mot inventaire pris au sens correct de «dénombrement de la marchandise»). Cependant, l’inventaire n’est pas le stock ou la marchandise en magasin ou en entrepôt. Si on veut lui donner cette signification, on commet un anglicisme. En français, l’inventaire n’est pas la marchandise en magasin, comme c’est le cas en anglais. Il faut souligner que les Québécois sont inconsciemment familiers de la forme fautive. Une entreprise ne devrait pas miser sur cette familiarité et ainsi contribuer à la renforcer.

Contrôle, dites-vous? (2022)

2022-05-20. Quand on lit le bout de phrase «… trimer dur pour reprendre le contrôle de leur série… » (Le Soleil numérique, 20 mai), on peut se demander si le journaliste Mikaël Lalancette a eu la sagesse de consulter les observations faites à propos du mot «contrôle». Le Muti dictionnaire note qu’on le critique au sens de «domination», mais qu’il est passé dans l’usage. On relève l’expression dans le Dictionnaire québécois-français. On y note : [calque de l’angl. ‘control’; le français standard subit également une forte infl. de l’anglais dans l’emploi du mot ‘contrôle; en principe, en français standard, le mot ‘contrôle’ est syn. de ‘vérification’; s’il est employé dans le sens de ‘maîtrise’, il s’agit d’un anglic.] . Les lecteurs du Soleil ne sont pas tenus de contrôler (oui!) le vocabulaire d’un journaliste. Mais ce dernier se devrait de consulter les dictionnaires correctifs même s’il peut passer outre à leurs observations.

Biais ? (2022)

2022-05-17. Monsieur Dimitri Girier de l’Université de Montréal donne une séance de formation sous l’égide de la Fédération du monde de la documentation et l’intitule «Les biais inconscients» et la première phrase de présentation se décline : «Les biais inconscients nous amènent parfois à poser un jugement hâtif sur des personnes…» (Infolettre, 17 mai). Le conseiller de l’Université est sans doute au fait que le mot «biais», par ailleurs parfaitement français, est un anglicisme lorsqu’on lui donne le sens de «préjugé», «a priori», «idée préconçue», «parti pris», etc. L’anglicisme sémantique ne met pas en péril la survie du français au Québec. Il n’affecte pas la syntaxe de la langue. Mais il illustre le fait que le français est sous influence et en état de dépendance. 

 2022-05.16. Un ami vient d’abandonner son téléphone fixe pour un cellulaire ou un téléphone de poche. La mise à jour de mon carnet d’adresses me permet de constater la présence d’un anglicisme masqué, mais bien incrusté : «portable». Selon Noëlle Guilloton, est portable ce qu’on peut porter, transporter, mais qui n’est pas conçu spécialement à cette fin et est portatif ce qui est conçu pour être facilement transporté avec soi (Mots pratiques, mots magiques; 1997). Un seul mot existe en anglais pour les deux notions : «portable». Alain Rey note : «… le nom est en fait un anglicisme…» (200 drôles de mots… ; 2017). En somme, la distinction a été balayée sous la pression du mot anglais. Mais cela ne veut pas dire qu’il faille baisser pavillon. Que les locuteurs sensibles à la valeur sémantique des deux mots les mémorisent, les distinguent et les utilisent : portatif (ou cellulaire) d’une part et portable d’autre part.

Place Jean Béliveau ? (2022)

2022-05-15. Un particulier pourrait avoir la fantaisie d’appeler la cour avant de sa maison Place Béliveau. Vous en rirez avec raison. Une place (publique) est un espace découvert délimitée par des rues. Il n’y a aucune mesure entre la cour avant d’une maison et une place. Reste que la cour d’une maison n’est pas bordée par quatre rues. À la limite, il y en a une seule, en façade. On définit une place : «Espace découvert, généralement assez vaste, sur lequel débouchent plusieurs voies de circulation» (Le Multi dictionnaire). Et la Place Jean-Béliveau alors? Une seule rue limitrophe. La «place» Jean-Béliveau ne serait-elle pas une «esplanade»? Selon l’usuel cité, une esplanade est un espace uni et découvert situé en avant d’un édifice». C’est dire que le SNOfest Pee-wee de Place Jean-Béliveau (Le J. de Qc, 14 mai) aura lieu plus justement à l’«esplanade Jean-Béliveau»!

Steak house (2022)

2022-05-11. Gaétan Genois d’InfoPortneuf (11 mai) utilise une expression sous deux formes. Tantôt il écrit «Un Steak House» comme s’il s’agissait d’une raison sociale; tantôt, un «premier steak house» ou un «un steak house», comme si on voulait désigner un type de restaurant (exemples : «pizzéria», «comptoir à sushi» ou «casse-croûte»). Tenons pour acquis que c’est la dernière hypothèse qui prévaut. Le journaliste aurait dû consulter la Banque de dépannage linguistique. Il aurait constaté que l’expression anglaise a deux équivalents en français : «grilladerie» ou rôtisserie». Les restaurateurs n’ont pas toujours le loisir ou l’habitude de se poser des questions de langage, mais un professionnel qui vit de sa plume devrait s’imposer de tels détours.

Morning man (2022)

2022-05-09. André Arthur n’est plus. Vedette de la radio à la fin du siècle dernier, les auditeurs et la presse ont eu de la difficulté à fixer son titre : animateur de radio, «annonceur», «morning man». Les expressions françaises sont imprécises; l’anglaise n’est pas très «française»! Elle existe au moins depuis 1970 dans le paysage québécois. Un lecteur du Soleil, en août 2014, rend hommage à un collègue qui venait de mourir et qui fut un jeune morning man montréalais 35 ans plus tôt. Bonne nouvelle : depuis 2018, le Larousse contient une entrée au mot «matinalier». La définition en est : «journaliste assurant la présentation d’une ‘matinale’ à la radio ou à la télévision». C’est dire qu’on a maintenant le choix. Mais André Arthur, homme de culture, ne sera pas là pour rappeler qu’il fut «matinalier» durant deux décennies! 

Toponymie: rue du Petit-Champlain ? (2022)

2022-05-07. On reproduit dans Le Doux Temps d’avril 2022 (bulletin de l’AREQ, secteur Cap-aux-Diamants) la fiche toponymique de la rue (dite) du Petit-Champlain. On y lit : «Au recensement de 1792, la rue De Meulles est inscrite sous le nom de rue Champlain. Sur une carte de 1874, cette rue est identifiée comme étant la petite rue Champlain pour la différencier de la nouvelle grande rue Champlain. Les anglophones parlant alors de la Little Champlain Street, les francophones adoptent peu à peu la traduction « rue du Petit-Champlain » qui s'impose progressivement au 20e siècle et remplace définitivement, dans les années 1960, les noms de rue Champlain ou de petite rue Champlain». On n’ose pas souligner que «rue du Petit-Champlain» est une traduction maladroite de l’anglais. La correcte, en français, est Petite Rue Champlain. Il serait temps de revenir à un odonyme respectant le français («petit» qualifie la rue, non le fondateur de la ville). 

Récipiendaire (2022)

 2022-05-05. Peut-on devenir le récipiendaire d’un trophée? La question me tarabuste à la suite de la lecture d’une phrase de Jean-François Chaumont du Journal de Montréal : «Hedman, le récipiendaire du trophée Conn-Smythe en 2020…» (J. de Qc, 5 mai, p. 78). À l’époque, dans les années 1960, les chroniqueurs du sport disait «gagnant du trophée…». Il est vrai que la langue évolue en trois-quarts de siècle. Mais guides et dictionnaires correctifs du XXIe siècle mettent encore les locuteurs et scripteurs en garde. Le Girodet (Dictionnaire des pièges et difficultés…; 2001) note : «Ne doit pas désigner celui qui reçoit un diplôme, une nomination, une récompense, etc.». Paul Roux écrit,«… quelqu’un qui reçoit un prix, gagne un concours ou remporte une épreuve est un lauréat, un gagnant ou un vainqueur» (Lexique des difficultés du français…; 2004). Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’avant d’utiliser le mot, il y a lieu d’y regarder de près.

Événement (2022)

2022-05-04. Métropolis Bleu annonce son festival annuel, lequel aura lieu du 28 avril au 8 mai. On pourrait juger qu’il constitue en lui-même un événement pour le milieu culturel et la société québécoise. Le rez-de-chaussée publicitaire du festival annonce sans vergogne 150 événements (Le Devoir, 4 mai, 1e p.). C’est impressionnant! On peut supposer qu’on baptise du mot «événement» des lancements, des séances de signature, des tables-rondes, des conférences, une séance d’ouverture et une de clôture, etc. De fait, ce sont avant tout des activités. Une capsule linguistique de la Direction des communications de l’Assemblée nationale observe : «Le mot ‘événement’ au sens d’activité, est employé sous l’influence du mot anglais ‘event’ qui a un sens plus large. En français, un événement est un fait marquant» (décembre 2009). L’Asulf présente un avis semblable dans son site (https://asulf.org/evenement/). C’est dire que les dirigeants du festival devraient envisager un recalibrage de leur message publicitaire.

Biais ou préjugé? (2022)

 2022-05-03. «Biais» inconscients, lit-on dans l’Infolettre de la Fédération des milieux documentaires datée du 3 mai. Un premier passage : «Les biais inconscients nous amènent parfois à poser un jugement hâtif sur des personnes…». Un deuxième : « prendre conscience de ses biais permet de faire…». L’auteur, Dimitri Girier, est un cadre de l’Université de Montréal. Il ignore sans doute que, ce faisant, il utilise un anglicisme sémantique, s’il donne au mot le sens de «préjugé», de «parti pris», d’«idée préconçue». Il est facile d’importer un sens de l’anglais «bias» si on est un locuteur lambda. Mais il est impardonnable qu’un universitaire tombe dans le panneau. (https://fmdoc.org/.../formation-webinaire-le-31-mai-2022.../)

Paramédic (2022)

2022-05-01. On a souvent l’impression que le Soleil ne met pas de guide de rédaction à la disposition de ses journalistes et que ces derniers ignorent les observations de la Banque de dépannage de l’OQLF. En voici un indice. Marc Allard signe un reportage sur les services ambulanciers (30 avril). Il n’en a que pour l’anglicisme «paramédic». Il l’utilise une quinzaine de fois. Il daigne cependant nommer le Regroupement des techniciens ambulanciers et les «services ambulanciers» à une reprise. Or la Banque ... , ouverte à tous les citoyens et à tous les journalistes, produit une fiche sur le sujet. Le titre en est : Technicien ambulancier paramédical ou «TAP». On y déconseille précisément le mot employé en exclusivité par le journaliste et on y explique que «paramédic» ne s’intègre pas au système de la langue française : le mot «medic», lequel signifie en anglais «médecin» ou «étudiant en médicine» n’existe pas en français.

  

Exclamations: Fuck!

2024.03.01. La chroniqueuse Josée Blanchette aime bien parsemer ses textes de mots anglais. L’habitude fait partie de son style. Dans le Dev...