mercredi 29 décembre 2021

Viaduc ou pont ? (2015)

 2015.05.11. La journaliste Annie Morin du Soleil écrit « reconstruction de ponts sur l’autoroute Henri-IV » (9 mai, p. 6). Dans le passé (et l’habitude n’est pas encore complètement perdue), on aurait écrit « reconstruction de viaducs ». Il faut féliciter madame Morin. L’Association pour le soutien et l’usage de la langue française mène le combat contre l’impropriété qui fait désigner les ponts routiers par le mot « viaduc ». Les viaducs sont rares au Québec. Il n’y en a peut-être qu’un seul : celui de Cap-Rouge. L’Asulf propose depuis longtemps l’expression « saut-de-mouton » que les dictionnaires définissaient ainsi : « Passage d’une voie ferrée, d’une route au-dessus d’une autre, pour éviter les croisements » (Le Petit Robert, 1967). Depuis peu, Larousse ignore l’usage du saut-de-mouton sur les routes ou autoroutes. Il le limite aux chemins de fer. La solution proposée par le Soleil et la journaliste est à retenir.

Jugement rendu sur le banc (2015)

 2015.05.15. On devrait dire « jugement rendu séance tenante », «...rendu sur le siège » ou « sans délibéré ». L’Association pour le soutien et l’usage de la langue française (#‎Asulf) en faisait la recommandation en 1994. Par la même occasion, elle soulignait qu’il fallait mettre de côté l’expression calquée de l’anglais « #‎rendu sur le banc ». Pourtant, Alex Castonguay, un chroniqueur habituel de la Première chaine, reprend le calque à propos d’un jugement de la Cour suprême du Canada (14 mai, 17 h 28). De fait, un banc n’est qu’un long siège dur sur lequel plusieurs personnes peuvent s’asseoir. L’Asulf écrivit à l’époque : « S’il fallait que des … compressions budgétaires astreignent les juges à s’asseoir sur un banc, ils protesteraient haut et fort… » (L’Expression juste, 20e bulletin, p. 12). On peut souhaiter que les journalistes essayent de moderniser les expressions héritées du passé.

Let's go ! (2015)

 2015.05.19. On a un langage soignée d’une part et un langage familier d’autre part. L’illustration et la défense de l’un et l’autre est bien menée par l’essayiste A.M.Beaudoin-Bégin (La Langue rapaillée). Mais peut-on tracer une frontière entre les deux? Si l’entraineur-chef du club de hockey de Rimouski dit devant des journalistes : « Il ne reste que quatre clubs (en compétition)…ça se vend cher la livre, alors let’s go! », que le journaliste reproduit l’expression « let’s go » (Le soleil, 17 mai 2015, p. 50, 3e col.), que le titreur l’installe en manchette et que plus de 100 000 lecteurs la balayent des yeux, la phrase de l’entraineur reste-t-elle du langage familier? Langage familier réservé en principe à des amis, à des copains, presque à des apartés, à la parentèle, pense-t-on. À moins que l’expression ne soit rien d’autre que de l’anglais que l’entraineur ne sait pas rendre en français (En avant! Allons! À la victoire!).

Voo Doo ou Vaudou? (2015)

2015.05.24. Le propriétaire du Maurice Nighclub achètera le restaurant #‎Voo Doo logé dans le complexe de la Grande Allée (Québec). Il annonce par la même occasion qu’un nouveau nom sera donné au resto (Le Soleil, 23 mai, p. 30). Sera-t-on tenté une fois de plus par une raison sociale anglaise? Une fenêtre se présente qu’il faudrait utiliser. Les Québécois, comme beaucoup d’hommes et de femmes d’affaires, partout dans le monde, ont tendance à choisir des appellations inspirées de l’américain. Ce fut le cas avec l’entreprise dans le passé. Après coup, on constate que le rayonnement supposé de la graphie anglaise Voo Doo n’a pas assuré la pérennité du restaurant. Tous savent que d’autres facteurs sont en cause cependant. La graphie française «# Vaudou » aurait sans doute été aussi rentable. Et elle aurait facilité la tâche des enseignants qui doivent répéter : v-a-u-d-o-u et celle de tous les scripteurs qui hésitent entre la graphie française et américaine.

Académie française (2015)

2015.05.26. L’intronisation de l’écrivain haïtiano-québécois Dany Laferrière à l’#‎Académie française est l’occasion pour Jean-Benoît Nadeau de jeter un regard critique sur l’institution: elle ronronnerait, elle avancerait à pas de tortue et elle vivrait en marge du siècle (Le Devoir, 25 mai, p. A 7). Mais à la lecture de l’article, on se rend compte que le chroniqueur passe sous silence des réalisations contemporaines. L’Académie est présente sur internet (www.Academie-francaise.fr). Son site offre un contenu diversifié, intéressant et utile : mise en garde contre les emprunts inutiles, contre les dérapages, recommandations de néologismes (cyclotaxi, habilitation) et d’une graphie adaptée, présentation d’une liste d’expressions à utiliser par opposition aux « Ne dites pas » traditionnels. Cela dit, il y a peut-être des doubles emplois à corriger et une ouverture sur la francophonie à favoriser. Confions à monsieur Laferrière le soin d’apporter un souffle américain aux Immortels et celui de faire connaître les réalisations de l’Académie aux Québécois.

Toournures: Payer la traite (2015)

2015.05.27. La sociolinguiste A.M. Beaudoin-Bégin s’en prend gentiment à Guy Bertrand lorsqu’il souligne que l’expression « payer la traite » est acceptable en registre familier (La Langue rapaillée, p. 66). La décision appartiendrait au locuteur lui-même et non à un linguiste. Tenons pour acquis que l’essayiste a raison. Mais il arrive qu’un locuteur ignore qu’il utilise une expression du registre familier. Ainsi, a-t-on entendu à la Première chaine (25 ou 26 mai, vers 17 h 20) un économiste utiliser l’expression sous la forme « se payer la traite ». Il parlait du financement des universités et des indemnités de départ. Il est certain que le spécialiste ignore que l’expression n’a pas sa place dans le registre soigné, comme le croit madame B.B. On peut supposer qu’une langue soignée doit être employée au cours des entrevues radiophoniques. Mais qui devrait informer la gent médiatisée? Et l’inviter à utiliser en ondes des expressions idiomatiques (se faire des cadeaux, payer la tournée)?

Comté ou circonscription ? (2015)

2015.05.28. Début juin, il y aura un scrutin dans deux circonscriptions électorales de la région de la capitale. Un collègue observe que des journalistes ont encore l’habitude d’utiliser le mot « comté ». C’est le cas de Marc-André Gagnon du Journal de Québec (24 mai). La présence du mot anglais « county » au Canada et aux États-Unis explique en partie la survivance du mot « comté », lui-même descendant d’un mot anglo-normand. Le dictionnaire Usito précise : « L'emploi de comté... est parfois critiqué comme synonyme non standard de circonscription électorale ». La prudente remarque signifierait qu’on devrait favoriser l’expression contemporaine, celle adoptée par la représentation nationale au cours des dernières décennies. Et cela, même si la formation du mot « comté » pour contourner l’équivalent anglais illustrait l’ingéniosité des ancêtres.

Évènement (2015)

2015.05.31. À la mort de Léon Gambetta en 1882, Clemenceau déclara « Sa mort n’est pas un #‎événement, c’est une nouvelle ». Il n’en n’aimait pas l’opportunisme, mais la flèche n’en marque pas moins la distance qu’il peut y avoir entre la notion d’événement et celle de nouvelle. Aujourd’hui, le mot « événement » recouvre à peu près n’importe quoi, même des activités ou des manifestations à venir qui auront été a posteriori tout au plus une rencontre annuelle, congrès ou colloque régulier d’une association, un coquetel ayant attiré dix ou vingt invités, etc. Constatez : le Centre de congrès et d’exposition de Lévis doit dépasser le cap des 500 événements en 2015 (Le Soleil, 30 mai, p. Y5). On ne prend pas de risque. On annonce que les conférences, les séances de formation, les réceptions d’anniversaire ou de mariage, les rencontres privées, celles d’entreprises, les expositions ou les spectacles seront des événements. Ce qui est fort possible et souhaitable. Mais il y a encore plus de chances que les « événements » soient et restent des activités ou des manifestations sans plus.

Prononciation: WKND (2015)

 2015.05.30. Nombre de Québécois sont plus influencés par l’anglais que par le français. Les propriétaires d’une station de radio ont adopté la raison sociale #‎WKND 91.9 FM. L’abréviation tient lieu de week-end, mot abrégé à l’anglaise. Les animateurs ne prononcent pas W-K-N-D en lettres détachées mais Week-end 91.9. On aurait pu penser à FDS 91.9 FM. Les auditeurs auraient prononcé F-D-S 91.9. Les publicitaires de la maison ne s’arrêtent pas là : leurs auditeurs deviennent des WKNDers (encart publicitaire du Soleil, 29 mai, p. 14). Prononcer le mot en anglais et ensuite en français constitue un bon exercice! Nos pères du début du 19e siècle auraient dit : ouiquendeurs. Il n’est plus possible de faire comme eux, car ils adaptaient les expressions anglaises aux sons français. Nos contemporains baignent dans l’anglais. Ils ont de la difficulté à imaginer des appellations originales en français. Mais ils parviennent à former des dérivations… inspirées par l’anglais. Dire que le français est leur langue maternelle est exagéré Elle doit être leur première langue seconde!

Prononciation: CUSM (2015)

2015.05.11. « Ku-zum », « ku-zeum », « C-U-S-M » ou « Kusm(e) ». Comment faut-il prononcer le sigle ou l’acronyme tenant lieu de Centre universitaire de santé McGill? Les occasions de critiquer des animateurs des réseaux français de radio et de télévision ont été nombreuses par le passé. Deux entrefilets ont été publiés ici (21 mai 2014 et 16 mars 2015). Les éditeurs du Français au micro ont publié une capsule sur le sujet. En voici l’essentiel : « … CUSM est un sigle/acronyme français (Centre universitaire de santé McGill)… CUSM peut être un sigle. On peut donc le prononcer lettre par lettre (C-U-S-M). On peut également le considérer comme un acronyme. Le cas échéant… il faut prononcer KUSM, à la française… ». Les auditeurs du Téléjournal Québec auront entendu l’animateur Bruno Savard (11 mai, 18 h 15) prononcer correctement le sigle K-U-S.M. à deux reprises au moins. Il faut l’en féliciter. 

mardi 14 décembre 2021

Spécial, Spéciaux (2020)

 2020-10-31. La doutance devrait être de principe quand on utilise un mot au Québec. On peut s’arrêter à un anglicisme bien installé : le substantif «spécial». Les magasins Latulippe l’utilisent. Un message publicitaire diffusé le 31 octobre (7 h 31) proclame «Spéciaux … dans nos magasins… ». P. Cardinal observe dans VocabulAide : «Sous l’influence de l’anglais». Le Multi dictionnaire note «spéciaux. Anglicisme au sens de soldes». Une contre-vérification dans la Banque de dépannage de l’OQLF confirme le point de vue. Le français offre plusieurs solutions de rechange : soldes, promotions (exceptionnelles), en promotion, prix réduit, offres spéciales… Latulippe connaît déjà «solde». Le mot apparaît dans la manchette du courriel et en rappel à la suite de la phrase critiquée. La correction sera facile à faire.

Un vraie grosse vente (2021)

2021.12.10. Les marchands et leurs publicitaires ont souvent de la difficulté à distinguer des soldes ou des ventes au rabais d’une vente importante. Mais voici une illustration limpide d’un bon usage du mot : «La plus grosse vente de l’histoire; une propriété de Westmount a été vendue pour 18,5 M$...» (Le Journal de Québec, 10 décembre, p. 31). La manchette sur quatre colonnes est illustrée par la photo d’un château, lequel comprendrait dix chambres à coucher et autant de salles de bain. Des accroches récentes : grande vente, méga vente, super vente, pourraient bien s’appliquer à un tel achat ou à une telle vente. On est loin d’une vente au rabais ou de soldes.


cash (2021)

2021.12.09. On se sent légèrement ridicule d’épingler le titre sur huit colonnes «Préparez-vous à sortir le cash» (Le Journal de Québec, 9 décembre, p. 5). Dans le contexte le mot anglais signifie simplement «argent». Mais il désigne surtout de l’argent comptant. Or le consommateur actuel paye de moins en moins en espèces. C’est dire que le titreur ne tient pas compte de l’évolution! Il aurait pourtant été plus juste d’écrire : Préparez-vous à payer, à casquer, à cracher, etc. en demeurant dans le sillage de l’expression utilisée. Il ne s’est pas posé de question : il est allé à l’expression courante au Québec. Le Glossaire du parler français au Canada, publié en 1930, lui consacre un article. Depuis, cependant, nombreux sont les chroniqueurs qui en dénoncent l’utilisation, car des solutions de rechange sont nombreuses.

Temps supplémentaire (2021)

2021.12.08. Comment le Syndicat interprofessionnels du CHU de Québec et la Fédération des infirmières du Québec (FIQ) peuvent-ils ignorer les observations de l’État québécois à propos de l’expression «temps supplémentaire obligatoire». Les deux groupes publient le message suivant dans le Journal de Québec (8 décembre, p. 16) : «Au CHU de Québec, depuis le 15 novembre 2021, 377 TSO ont été dénoncés / Combien d’autres sont-ils passés sous silence? M. Dubé, la population est en danger. Le temps supplémentaire obligatoire fait couler le réseau». Le phénomène relevé pénalise peut-être le réseau mais l’expression «temps supplémentaire» coule également le français. Je cite un extrait d’un petit volume que les administrateurs du syndicat et de la fédération doivent consulter à l’occasion : «Les heures supplémentaires peuvent comporter des majoration de salaires et d’autres avantages […] L’expression temps supplémentaire […] est impropre en ce sens» (Vocabulaire des relations professionnelles / OQLF, 2009, p. 80). De fait, parlerait-on de 377 TVO (Temps de vacances obligatoires)?

Spécial, Spéciaux (2021)

2021-12-07. Pierre Cardinal, professeur honoraire de l’Université du Québec en Outaouais, consacre quatre articles à l’anglicisme «spécial, spéciaux» pris tantôt comme adjectif, locution ou nom (Le VocabulAide). Cela n’empêche pas Rossy d’annoncer «Spéciaux de Noël du gérant = Manager’s Christmas specials» dans son prospectus des 9-15 décembre 2021. Cardinal observe, l’air de ne pas y toucher, «Sous l’influence de l’anglais…». On note dans le Multi dictionnaire : «Spéciaux. Anglicisme au sens de soldes». Les observations de la Banque de dépannage linguistique (OQLF) et du dictionnaire Usito (Université de Sherbrooke) vont dans le même sens. En somme, tous sont du même avis. On se demande avec raison comment les publicitaires de Rossy parviennent à ignorer ces usuels et à faire mousser l’anglicisme déjà bien installé chez la clientèle francophone.


Corporation... Désalcoolisé (2021)

2021.12.04. Si vous avez l’occasion d’acheter une simple bouteille de vin mousseux de l’entreprise «I.D. Foods Corporation des aliment I.D.» d’ici à Noël, vous pourrez évaluer le poids du rouleau compresseur de l’anglicisation. D’abord, le mot «corporation» qu’on oublie de traduire en français (société). Et puis la marque du vin : «St. Regis». On a remplacé le trait d’union par le point abréviatif, inutile en français, et on a négligé le trait d’union. On a aussi oublié l’accent aigu. Ce sont des pratiques d’écriture prosaïques qu’on oublie mais qui constituent des indices du raz-de-marée. Puis, on habitue les francophones québécois au calque «désalcoolisé». En français, on dit «non alcoolisé» ou «sans alcool». On a beau être des «bilingues de naissance», on finira bien par oublier le français standard.


Snowbirds (2021)

2021.12.04. Le 17 novembre dernier la Caisse de Limoilou transmettait un message à ses membres. Il portait le titre : «Conseils avant-départ pour les Snowbirds». On pourrait penser qu’à une autre époque Desjardins n’aurait pas osé écrire : «Conseils aux frogs avant leur départ» vers le Sud ou, encore, «Conseils aux tabarnacos avant leur départ» pour le Mexique. Ce sont des sobriquets réducteurs et péjoratifs inventés par des étrangers qui voient à travers leur prisme. Il peut nous arriver de faire la même chose et de parler des «angliches», des «rosbifs», des «macaronis». Mais il ne viendrait pas à l’esprit de leurs établissements financiers de rédiger des notes et de les intituler : «Conseils aux rosbifs qui visiteront Québec en 2022» ou «Conseils aux macaronis…». Ce serait légèrement injurieux. Mieux eut valu écrire : «Conseils aux estivants…». Cela sonne mieux aux oreilles locales et plus respectueux des niveaux de langage.


Prononciation: sigles étrangers (2021)

2021.12.03. Nos chefs d’antenne aiment bien montrer qu’ils peuvent prononcer des mots, des expressions et même des sigles en anglais. Guillaume Dumas nous l’a montré il y a peu (Première chaîne, 2 décembre, vers 15 h 40). Il était question du Centre de ski Mont-Sainte-Anne. Son interlocuteur était Mario Bédard. Il y fut question de l’entreprise Resorts of the Canadian Rockies (RCR). Le journaliste fut le premier à employer le sigle. Il l’a prononcé à l’anglaise et son invité a hésité par la suite. Ce dernier a quand même persisté à prononcer les lettres du sigle à la française. Le chef d’antenne a oublié, élément capital, que son auditoire est francophone. Elle comprendra toujours plus facilement l’abréviation prononcée dans sa langue. Il lui faudra cependant respecter le nom original de l’entreprise. Les conseillers linguistiques du réseau devraient proposer des directives en la matière.


Mansplaining ou «pénispliquer» (2021)

 2021.12.03. Madame Ruba Ghazal, comme tous les Québécois, est prompte à utiliser les néologismes étatsuniens. Cela est plus facile que de chercher l’expression française équivalente ou un néologisme francophone. La députée a lancé au ministre Jolin-Barrette : «Heille! arrête de faire du mansplaining» (Le Journal de Québec, 27 nov., p. 20). Une maîtresse de conférence en linguistique à la Sorbonne, a commenté le mot-valise américain servant à dénoncer une variété de masculinité toxique : «… mansplaining […] tendance avérée qu’ont certains hommes à vouloir expliquer aux femmes comment faire» et elle fait part d’une solution de rechange qu’on n’osera pas prononcer à l’Assemblée nationale : «pénispliquer» (Julie Neveux, Je parle comme je suis;, 2020, p 129). Mais il reste qu’on peut s’inspirer du filon.

One-woman show, party, chums (2021)

2021.12.01. De nombreux citoyens apprécient les organismes qui font des appels de fonds ou qui invitent les consommateurs à assister à un spectacle tout en leur fournissant un prétexte de décliner une offre. Rouge FM (107,5) fait la promotion d’un spectacle de Christine Morency. La dernière phrase du message publicitaire se décline ainsi : «… on rira beaucoup dans ce one-woman show qui prendra des airs d’un gros party entre chums! » (message diffusé à 20 h le 1er décembre). Rouge FM connait l’expression «spectacle solo». Ses rédacteurs l’ont utilisée dans l’objet du message. On ignorait peut-être «seul-en-scène» ou «seule-en-scène», «seule-sur-scène». Le «party» («parté», «partez?) est généralisé, mais on pourrait très bien le remplacer par «fête», «ribouldingue», «festouille», «bamboula», etc. Et le classique «chum» ou «tchomme! se rend aisément par «copain» ou «copine». Mais il faut remercier Rouge FM d’offrir une justification à ceux qui hésitaient à gommer l’invitation.

mercredi 1 décembre 2021

Vente (2021)

2021.11.30. L’Asulf et ses membres soulignent à toutes les occasions que l’utilisation du mot «vente», pris au sens de «soldes» ou de «vente au rabais» constitue un anglicisme ou une forme fautive. Le périodique de l’Association (L’Expression juste) daté de novembre 1988 proclame : «l’Asulf doit faire des interventions ponctuelles [­­­] contre l’utilisation abusive du mot «vente» au lieu de « solde» par les entreprises commerciales». Les répertoires correctifs soulignent l’errement (Banque de dépannage linguistique, Multi dictionnaire, Usito…). La tâche reste herculéenne. En 2001, l’Asulf sollicitait une aide ponctuelle de l’OQLF, lequel «pourrait mener», écrivait-on, «une action […] avec imagination et ténacité pour implanter [­­­] le mot solde au lieu de vente…» (Mémoire à la Commission des États généraux). L’Asulf poursuit son combat «mot à mot», mais l’appui stratégique de l’État serait des plus utiles.

Snowbirds (2021)

2021.11.29. Le sobriquet «snowbirds» que les Étatsuniens donnent aux Canadiens et aux Québécois qui migrent vers le Sud durant les mois d’hiver semblent convenir indistinctement à ces derniers, francophones ou anglophones. Les médias québécois ne font pas beaucoup d’efforts pour adopter un équivalent. Pourtant, le mot reste ambigu. Les oiseaux des neiges peuvent être ceux qui vivent là où il y a de la neige. Ils peuvent être aussi ceux qui fuient le froid. Donc des colibris ou des mésanges! L’Office de la langue recommande une solution de rechange qui serait limpide : des «hivernants». : « Personne qui, l'hiver, quitte son lieu d'habitation pour séjourner dans un pays ou une région au climat plus doux». Toutefois, on ne l’utilise pas. C’est le cas d’un reportage récent publié dans le #Journal de Québec (27 novembre, p. 15) : «Des maisons mobiles de snowbirds vont être démolies». Pourtant, une fois donné le contexte, l’équivalent français pourrait prendre la relève. Ce serait un indice de la vigueur du français d'ici.

Vente ? de fermeture (2021)

2021.11.26. Note destinée aux Fourrures du Vieux-port, Votre entreprise annonce une «Vente de fermeture» (Le Journal de Québec, 27 novembre, p. 7). Vous annoncerez peut-être une vente au rabais à l’occasion de l’ouverture prochaine du magasin web. Ce serait acceptable. Il y aurait lieu, c’est une autre possibilité, de profiter de la richesse du français et de vous servir de l’expression «Solde». En anglais, on ne se sert que du mot «Sale» pour signifier l’action de vendre et les ventes au rabais. Dès lors, l’emploi du seul mot «Vente» constitue un anglicisme sémantique ou, tout au moins, une forme fautive. En gros, il me semble que vous devriez, dans les messages publicitaires à venir, faire appel à l’expression : «Solde de fermeture» ou, si vous tenez au mot «vente» , à en préciser le sens et à écrire «Vente au rabais». Si vous en avez la possibilité, vous pouvez contre-vérifier mes observations à l’aide de deux répertoires correctifs : le Multi dictionnaire (2021) ou une capsule de l’Asulf (https://asulf.org/vente/). 

Black friday et vendredi fou (2021)

2021.11.25. Le Pointdevente.com entame ainsi son prospectus diffusé en matinée : «Spécial Black Friday / C'est le Black Friday chez Lepointdevente.com : bénéficiez de rabais sur plusieurs événements à venir!» Un Québécois le moindrement sensible à la qualité de la langue ne devrait pas poursuivre la lecture du message. C’est du franglais. En français, on pourrait écrire : «Promo du Vendredi fou : C’est le Vendredi fou au Pointdevente.com : bénéficiez de rabais sur plusieurs activités... ». Un relecteur aurait décelé la forme fautive «spécial», employé l’expression courante «Vendredi fou», proposé la préposition «Au» avec l’expression Point de rencontre, noté que le mot «événement» a un sens plus restreint que son pendant anglais «event». Les gestionnaires du guichet devraient faire appel à un réviseur à l’avenir.

Cap-Diamants ou Cap-aux-Diamants? (2021)

2021.11.24. À l’Areq Cap-Diamant. Je m’en prends depuis une dizaine d’années à des anglicismes toponymiques, à «rue Belvédère», à «rue du Petit-Champlain et également à «Cap Diamant» (que je lis dans Le Temps doux de novembre). Le toponyme vient de Cap-aux-Diamants, lequel fut bien traduit en anglais par Diamond Cape et mal retraduit en français. Votre association utilise encore le toponyme franglais. «Diamant» n’est pas un patronyme. C’est le nom des «pierres précieuses» imaginées par Jacques Cartier. S’il avait plutôt parlé de roches, dirait-on aujourd’hui «Cap-Roche»? Bref, si l’occasion s’en présente, n’hésitez pas à employer «Secteur Cap-aux-Diamants», plus juste historiquement et linguistiquement.

Vétéran et ancien combattant (2021)

2021.11.23. La députée de Beauport-Limoilou à la Chambre des communes, Julie Vignola, a rendu hommage aux anciens combattants à l’occasion de l’anniversaire de l’Armistice officialisée le 11 novembre 1918. Un rez-de-chaussée publié dans le Carrefour de Québec porte «Je me souviens… de nos vétéran(e)s» (17 novembre, 1e p.). Un vétéran est d’abord une personne d’expérience dans un domaine qui est toujours le sien. Aussi le ministère fédéral prend-il, en français, le nom de ministère des Anciens combattants. Donc, des retraités des Forces armées. Les dictionnaires québécois entérinent le mot «vétéran» pour ces retraités. Cela constitue une exception par rapport aux définitions des usuels français. Cela s’explique par l’extension sémantique du mot en anglais. Mais les férus d’acribologie voudront sans doute garder en mémoire la distinction entre les deux quasi-synonymes.

«Mettre les balances aux vidanges» (2021)

2021.11.22. Il est difficile d’amener les Québécois à améliorer leur langue. Les mauvais exemples sont multiples et ils sont inévitablement répétés. Les lecteurs du Soleil auront lu le titre sur la largeur de la page : «Mettre les balances aux vidanges» (20 novembre, p. 24). D’abord, le titreur ne fait pas la distinction entre une balance et un pèse-personne. La balance sert à peser des marchandises. Puis, le mot «vidange» ne désigne pas les déchets ou les ordures ménagères, mais l’opération qui consiste à vider un réservoir, un puisard ou une fosse septique. Il n’y a aucune raison de jeter les pèse-personnes aux vidanges. On devrait les jeter aux ordures. De fait, les observations linguistiques destinées aux médias (Paul Roux, Lexique des difficultés…ou Presse canadienne, Guide de rédaction) sont ignorées par la titraille.

Avoir plus de fun que... (2021)

2021.11.21. «Ma grand-mère a plus de fun que la tienne», telle est l’accroche des Jardins de la noblesse du Groupe Jacques (Le Soleil, 20-26 nov., p. 18). La popularité de «fonne», dans le langage familier s’expliquerait par le besoin de ménager ses efforts. En publicité faut-il s’astreindre à une telle économie? L’accroche est quelque peu «joualisante». De plus, elle ne signifie rien. «L’expression ‘être le fun’ […] peut signifier n’importe quoi» écrit le linguiste Robert Dubuc. Mais l’économie joue à n’en pas douter. Jean Forest (Grand glossaire des anglicismes…) aligne quinze expressions mettant «fun» à l’avant-plan face à une trentaine d’équivalents. Pourquoi chercher midi à quatorze heures?

Câler une shot (2021)

2021.11.20.  Un élu doit parler la langue de l’État qu’il représente. Il doit aussi faire la distinction entre sa langue familiale ou de rue et le registre soigné qui doit être le sien quand il prend la parole en public ou qu’il répond aux questions d’un média. Madame Geneviève Guilbault a oublié ces principes en affirmant «… il faut que le fédéral call la shot» (Le Devoir, 18 novembre, A-3). Peut-être voulait-elle se faire comprendre de ceux qui parlent le français fédéral! Mais quel était le sens de sa phrase? Le grammairien de Radio-Canada a relevé l’expression «caller des shots». Il l’a interprétée comme «prendre des décisions et les imposer». La ministre d’un gouvernement supposé autonomiste devrait se méfier. Le grammairien propose d’autres filons : «mener le jeu», «diriger les opérations», «mener la barque»… Ce serait déjà mieux à tous les titres. 

Le troisième lien ? (2021)

 2021.11.17. Personne n’a mis en doute l’expression «troisième lien» pour désigner une nouvelle voie de circulation entre la rive nord à la rive sud dans la région de la capitale. D’abord, il y la question : quels sont les deux premiers? Le pont de Québec et le pont Pierre-Laporte? On néglige donc la traverse maritime entre la capitale et Lévis. Et puis, si on s’amuse à compulser les dictionnaires, on se rendra compte que le mot ne sert pas à désigner les voies de communication entre deux lieux. On le vérifiera en feuilletant le Robert québécois, le Petit Robert et le Trésor de la langue française informatisé. Le mot habituellement employé est plutôt «liaison» . On lit dans le TLFi : «relations régulièrement assurées (entre deux personnes, deux communautés, deux localités) par des moyens de communications spécialisés». Ne parle-t-on pas d’ailleurs de la liaison (maritime) entre Rivière-du-Loup et Saint-Siméon?

Un autre quatre ans? (2021)

Monsieur Legault est, dit-on, fort conscient de ses lacunes en français. Il n’a sans doute pas le temps ni le désir de gommer les tournures anglaises auxquelles il succombe. Abordant les prochaines élections législatives, il déclare : «… je suis prêt à y aller pour un autre quatre ans» (Le Devoir, 15 novembre, p. A3). Un autre quatre ans? La tournure est calquée sur l’anglais «another four years». C’est du franglais! On devrait plutôt dire «quatre autres années», «pour encore quatre ans», etc. Le calque est épinglé par Jacques Laurin (Nos anglicismes), par Jean Forest (Le Grand glossaire des anglicismes…) et par Guy Bertrand (400 capsules linguistiques). Ce dernier affirme : «Il faut éviter l’utilisation de termes au singulier comme ‘un bon’, ‘un autre’, ‘un gros’, etc., devant des termes au pluriel». On ne peut demander à un premier ministre d’assimiler les expressions françaises, mais au moins peut-on les recommander aux locuteurs lambda.

Premier et dernier droit? (2021)

2021.11.15. Bruno Marchand, le nouveau maire de Québec, perdait au début de la soirée électorale. Il aura peut-être constaté que la dauphine avait pris de l’avance « dans le premier droit», mais que son avance s’est amenuisée «dans le droit suivant». Heureusement, le candidat de QFF a doublé la concurrente dans «le dernier droit». Il dit : «… notre travail pendant le dernier droit…» (Le Carrefour de Québec, 17 novembre 2001, p. 13). Victoire en poche, l’élu aura peut-être le loisir de constater qu’on ne dit pas «un droit» en français, mais plutôt «une droite», «la dernière ligne droite» ou «le sprint final». Ses collaborateurs immédiats devraient lui passer une note : «Dernier droit n’est pas une expression française; traduction littérale de l’anglais». Si Monsieur le maire souhaite une explication, ils pourront lui glisser un commentaire de la Banque de dépannage de l’Office : « L’expression […] est utilisée uniquement au Québec. […] On peut penser que l’emploi de 'droit' (qui n’a pas le sens de « ligne droite » en français) est influencé par l’anglais […] last straight, finishing straight ou home straight […] et home stretch…».

Petit Champlain et Petit Labeaume (2021)

2021-11-14. «Faire l’âne pour avoir du son» peut à l’occasion donner de bons résultats. Je me suis servi à quelques occasions de la popularité d’Andrée Boucher et de monsieur Labeaume pour justifier le redressement du calque «Petit Champlain» par l’absurde. J’ai proposé l’adoption de «Coopérative du Petit Labeaume» et «Quartier Petit-Labeaume» en lieu et place de «Coopérative du Petit-Champlain» et de «quartier du Petit-Champlain» à la directrice de la coop (24 juillet 2021) et au nouveau maire de Québec (25 août). Dans un sens, j’ai fait chou blanc. Mes correspondants ont subodoré que l’appellation un tantinet péjorative ne pouvait s’appliquer à monsieur Labeaume. Mais alors, pour Champlain? On lit aujourd’hui (J. de Qc, 14 novembre, p. 19) la manchette : «Le cirque débarque au Petit … » et on annonce «Noël au quartier Petit …». Imaginez la levée de bouclier si…! Sauf votre honneur, monsieur Labeaume.

Antidote et Le Solel (2021)

2021-11-13. Le Soleil, en collaboration avec le correcteur Antidote, invite chaque semaine ses abonnés à trouver «le mot caché» derrière une série de lettres en désordre et à l’aide d’une définition. Le jeu semble ignorer la réalité du français québécois et ses problèmes. Ainsi, les expressions «photo finish», «épicerie-dépanneur», «ben ben», «le grand move» se trouvent dans la même page (13 novembre, p. ). Pendant ce temps, on invite les lecteurs à trouver un mot caché! Il serait pourtant mieux justifié de proposer des équivalents aux expressions fautives : photo ou film d’arrivée au lieu de «photo finish», épicerie-dépannerie (!) ou épicier-dépanneur, beaucoup à la place de «ben ben», le grand pas ou le grand choix, etc. En somme, le Soleil et Antidote devraient viser d’abord l’enrichissement du français et l’amusement par la suite.

Sur le comité... (2021)

2021-11-12. Le journaliste Taïeb Moalla écrit «Bruno Marchand […] confirme son désir de voir l’opposition représentée au sein de son futur comité exécutif». Il reproduit une citation du nouveau maire : «… ce serait l’idéal d’avoir des gens […] de l’extérieur de Québec Forte et Fière (QFF) au sein de l’exécutif». Mais hélas! le titreur impose : «… sur le comité exécutif» (J. de Qc, 12 novembre, p. 7). Il est sans doute marqué par la tournure anglaise : «to sit on» et il aura oublié la façon de la traduire : «siéger à…», «faire partie de…», «être membre de», etc. Peut-on proposer que le guide de rédaction des journaux de Québecor intègre une remarque de Paul Roux ? «… on n’est pas ‘sur’ un comité. On en est ‘membre’, on y ‘siège’ (Lexique des difficultés du français dans les médias /La Presse, 2004). Le Guide de rédaction de la Presse canadienne (2006) contient une mise en garde semblable.

Fake news (2021)

2021-11-11. Les langues empruntent des mots étrangers. Le phénomène n’est pas nouveau. Et il se perpétuera. Cela ne veut pas dire qu’il faille s’en contenter. Le développement interne d’une langue est son principal moyen de renouvèlement. Gilles Proulx juge que «Montréal , territoire mohawk» est une «fake news» (J. de Qc, 11 nov., p. 30). On a proposé des solutions de rechange : canular, fausse nouvelle, contrevérité et même «fallace». Un essayiste français a exhumé du passé le dernier mot. Il est vieux, mais on le trouve dans un dictionnaire contemporain (2004) et on le définit ainsi : «Action de tromper en quelque mauvaise intention» (Le Nouveau Littré). Exactement ce que veut dire l’expression anglaise. On pourrait écrire pendant quelque temps : «Fake news (une fallace)» et il pourrait revivre. En somme l’hypothèse de «Montréal, territoire mohawk°» serait vue comme une fallace ou une affirmation fallacieuse!.

Exclamations: Fuck!

2024.03.01. La chroniqueuse Josée Blanchette aime bien parsemer ses textes de mots anglais. L’habitude fait partie de son style. Dans le Dev...