vendredi 22 octobre 2021

Prononciation: J.P. Auclair (2014)

2014.10.01. Il s’appelait Jean-Philippe Auclair. On abrégeait son prénom J.P., normalement prononcé « gi-pé » en français. Mais, à Radio-Canada, on l’a appelé « dji-pi » à la suite de sa mort au Chili (30 septembre), comme s’il se fut prénommé John Philip. On pourrait comprendre qu’on le désigne ainsi au Canada ou au États-Unis. Mais chez lui, à Québec ou dans son quartier natal, Cap-Rouge, c’est incompréhensible et inexplicable, surtout si on est au réseau français. C’est pourtant de cette façon que le chroniqueur sportif (J.P. Martin), le collègue du skieur (P. Larose) et l’animatrice (C. Lachaussée) l’ont présenté à l’auditoire après l’annonce de sa mort (après 17 h 28, le 30 septembre). Il serait temps que les langagiers de la SRC conseillent aux employés et à leurs invités de se servir des sons français. Ce serait une marque de respect et un bon exemple à donner aux auditeurs.


Support ? (2014)

2014.10.02. Le titre de l’article de Québec Express du 1er octobre est « Violence conjugale : Violence-info aide les femmes… » . Mais on lit en page couverture : Violence : 25 ans de support. Trente mille personnes auront lu cette page, laquelle aura accentué la présence de l’anglicisme « support » dans leur vocabulaire personnel. Un titreur prudent aurait consulté un répertoire correctif avant de rédiger la première page. S’il avait consulté le MultiDictionnaire… il aurait lu : « support. Anglicisme au sens de soutien, appui (moral), aide ». Et, pour sa part, Guy Bertrand (Le français au micro) note à propos du mot : « Lorsqu’on l’utilise dans le sens des mots soutien, appui ou aide, support est considéré comme un anglicisme à éviter ». Dire que la journaliste qui a rédigé l'article avait, de son côté, évité le piège!

Tournure: Être à l'emploi de... (2014)

2014.10.03. Il faut reconnaître que les reporteurs de la télé et de la radio s’expriment bien. Malheureusement, ils drainent souvent avec eux des expressions qu’il faudrait corriger ou remplacer. Ainsi en va-t-il de la tournure « être à l’emploi de… », calquée de l’anglais. Au Téléjournal Québec du 2 octobre (18 h 17), le journaliste O. Lemieux a appris aux téléspectateurs que le capitaine du Louis-Joliet était « toujours à l’emploi » de l’entreprise en dépit de l’échouement du navire sur les rives de l’île d’Orléans en mai 2013. Il y aurait eu lieu de dire que le capitaine travaillait toujours chez…, était toujours au service de…, toujours employé par… Mais comment les citoyens apprendront-ils à corriger les expressions fautives ? … si les journalistes les répètent sans cesse et ignorent les équivalents du français standard.

Casting (2014)

2014.10.03. La langue française a les moyens, les mots et les tournures pour dire les réalités contemporaines. Mais il arrive que des locuteurs ou des scripteurs natifs n’arrivent pas à les utiliser. Prenons l’exemple d’une chronique signée F. Bourque (Le Soleil, 3 octobre, p. 5). On y lit tour à tour « Une séance de casting a lieu à Montréal », « … deux séances de casting », « Le succès et la précision… reposent sur la précision du casting et … » et « Dix candidats… ont été invités au casting ». Le tout est coiffé d’un titre transparent (!) : Casting sans adresse… Le journaliste aurait pu écrire Auditions, Sélection (d’un comédien) ou Séances de sélection. S’il était allé au-delà de ces exercices, il aurait pu parler de Distribution, une notion également incluse dans le mot anglais. En somme les mots dont on a besoin se trouvent dans les dictionnaires, mais pas toujours dans la mémoire des scripteurs.

Tournure: Se payer la traite (2014)

2014.10.05. Une journaliste du Soleil écrit à propos de la chanteuse Salomé Leclerc (3 octobre, p. 29) : « Disons qu’elle s’est payé la traite… ». Le mot « traite » n’a pas la signification de « régal » ou de « tournée » comme l’a son pendant anglais « treat ». Mais l’anglicisme s’est installé ici. On l’a utilisé dans un roman publié en 1873. N.E. Dionne l’a inséré dans Le Parler populaire… en 1909. Depuis, on ne manque pas de le montrer du doigt : G. Dagenais en 1967, G. Colpron en 1970, M.É. de Villers depuis les années 1980 et L. Meney en relève des exemples d’utilisation à la toute fin du XXe siècle. Tous proposent des solutions de rechange. La journaliste, si elle avait douté face à l’expression calquée, aurait pu écrire : s’est régalée, s’en est donné à cœur joie, s’est amusée, s’est gâtée, s’est fait plaisir, etc. Mais il faut admettre que voilà un anglicisme difficile à démasquer tant il a une allure française.

Anglomanie (2014)

2014.10.06. Il y a quelque temps le sociologue Gérard Bouchard a fait part d’une observation au sujet de l’anglicisation de la langue des Québécois : par le passé, les mots et les expressions anglaises s’impatronisaient d’abord dans les grands centres urbains avant d’émigrer vers les régions périphériques. Aujourd’hui, selon lui, les anglicismes semblent prendre pied de manière simultanée à un endroit ou à l’autre. Serait-ce une illustration de l’hypothèse du prof Bouchard? une formation musicale de Portneuf, mise sur pied en 2013, porte le nom de « Flying Cupcakes » (InfoPortneuf, 6 octobre). Pourtant, la formation poursuit des objectifs sociaux méritoires : subventionner les collations dans les écoles. Mais comment est-il possible de ne pas voir la contradiction ? On aide les élèves à se bien nourrir des produits et des compétences locales et on leur laisse croire que le français n’a pas les mots ni la flexibilité pour nommer le groupe. Et, cela, dans Portneuf! Pourquoi? Snobisme, ignorance du français, facilité, rentabilité?

Opportuniré ou occasion ? (2014)

2014.10.07. Faut-i l distinguer « occasion » et « opportunité »? On lit les deux phrases suivantes, prononcées par le hockeyeur A. Duclair, et citées dans le Soleil (7 octobre, p. 47) : « j’ai eu l’opportunité de jouer avec de très bons joueurs » et, plus loin, « ils m’ont donné une opportunité de jouer des matchs ». On pourrait entériner le premier extrait, car une opportunité serait une occasion positive. Et il est vrai que jouer avec les meilleurs joueurs de son équipe facilite sa propre prestation. En comparaison, le fait de participer à quelques parties avant la saison constitue simplement une occasion de se faire valoir, comme les autres candidats. Michel Mourlet, directeur de France Univers, écrit : « … opportunité, selon Littré, a deux sens : qualité de ce qui est opportun et, par trope de la qualité à la chose, occasion favorable… / … Ce qu’il faut voir, c’est qu’une occasion n’est pas nécessairement opportune : elle ne tombe pas nécessairement à point nommé ». Le calque « opportunité » est fort répandu. Mais peut-être est-il opportun de rappeler les distinctions qui s’imposent puisque l’occasion s’en présente!

Contrôle ou maîtrise ? (2014)

2014.10.09. Le professeur Gérard Bergeron, dans les années 1960, faisait une distinction entre « contrôle » et « maîtrise ». Aussi pouvait-il parler du contrôle de l’Assemblée sur le gouvernement mais de la maîtrise ou de la direction imprimée par le gouvernement sur la fonction publique. La distinction ne vaut-elle pas aussi pour le monde des affaires? Exiger que P.K. Péladeau renonce à une position « de contrôle » ou à son titre d’actionnaire « de contrôle » (Soleil, 9 octobre, p. 3) signifie tout au plus qu’il ne pourrait plus poser de question après-coup, une fois un projet en cours ou le programme complété. En somme, l’essentiel est que le député, et peut-être l’éventuel ministre, ne puisse pas rester aux commandes de ses entreprises, qu’il renonce à les diriger, à les influencer. C’est la base de départ. Lui demander de renoncer au contrôle, c’est assez secondaire… selon des définitions classiques. Mais les mots changent de sens avec les ans.

Levée de fonds (2014)

2014.10.10. Les internautes peuvent lire une manchette d’InfoPortneuf (9 octobre, 10 h 50) qui se lit: « Levée de fond en cours pour Collation-Santé-Portneuf ». L’auteur de l’article n’y est peut-être pour rien. La phrase ne se trouve pas dans son texte. On y a oublié le « s » du mot fonds. Mais faute moins pardonnable, on répète un calque relevé et dénoncé par le Multidictionnaire (M.É. de Villers), par le Français au bureau (Radio-Canada), par Usito, etc. L’expression fautive, cela va de soi, est ignorée par le dictionnaire anglais-français Le Robert & Collins. Et pour cause! On y propose « collecte de fonds » comme équivalent de « fund-raising ». Les conseillers linguistiques de Radio-Canada font trois propositions : « … dans le cas des partis politiques et des organismes à but lucratif, on doit remplacer l’anglicisme levée de fonds par campagne de financement. Pour les œuvres caritatives (Centraide, Guignolée des médias, etc.), on parle d’une campagne de souscription. Le fait de recueillir ponctuellement de l’argent (pour venir en aide à des sinistrés, par exemple), on utilisera le terme collecte de fonds ». Les solutions de rechange sont donc à portée de clavier.

Skykline ? (2014)

2014.10.13. Un Québécois francophone normalement constitué saurait-il dire en français ? ce que le chroniqueur F. Bourque ne réussit pas complètement : « L’élégant immeuble de la rue Saint-Amable redéfinit le sky line du centre-ville » (Le Soleil, 12 octobre, p. 34, 5e col.). À première vue, si on y réfléchit un tant soit peu, on pourrait remplacer le mot anglais par « profil » ou par « silhouette ». Un piéton marchant sur les berges de la Saint-Charles aperçoit très bien la silhouette ou le profil de la ville, même s’il est modifié par un beau nouvel immeuble d’une dizaine d’étages. Des traducteurs proposent : ligne des toits et panorama urbain. Comme le mot anglais signifie d’abord « horizon », donc un regard vers le lointain, on entérinera probablement l’une ou l’autre des possibilités. Mais le journaliste les ignore ou les a ignorées.


Tailgate (2014)

2014.10.14. Sait-on ce qu’on écrit quand on rédige la manchette « La saison des tailgates »? (Le Journal de Québec, 8 octobre, p. 53). Les Américains le savent probablement. Mais les francophone du continent seraient bien surpris si on leur disait à brûle-pourpoint que le titre se traduit par « La saison des hayons ». Cela n’a pas plus de sens en français que la saison des capots, que celle des tableaux de bord ou des plages arrière, même si on peut y déposer sa bière comme sur le hayon ou sur le panneau arrière. Il faut vraiment acheter chat en poche pour se faire passer un tel ersatz. S’il y avait un service de protection des consommateurs (de mots étrangers), on nous mettrait en garde. On nous dirait qu’on en est à la saison des éliminatoires de football, des fêtes d’avant-match ou simplement des avant-matchs. Ce qui serait facilement compréhensible.

mercredi 20 octobre 2021

Chips ou croustilles (2021)

2021-10-14. Faut-il dire «tchips» ou «croustilles»? Le titre d’un article du Journal de Québec est «Chips aux insectes…» (14 octobre, p. 16). Le journaliste écrit dans son premier paragraphe «Les Québécois pourront bientôt se régaler de croustilles à base de d’insectes…». Il utilise le mot à six reprises et le traditionnel «chips», une fois. La question se pose : faut-il employer «croustilles» à tout prix pour assurer la survie du français? Bien sûr que non. Deux auteures françaises, Maria Candea et Laélia Véron, écrivent : «…le soutien public à la création en langue française est incomparablement plus utile à la vitalité du français que les croisades de l’Académie pour remplacer «podcast» par « balladodiffusion » (Le Français est à nous). Mesdames Candea et Véron concéderont certainement que «croustilles» a une saveur et un accent français et que «chips» présente une graphie (chip) et une prononciation disparates (Tchip). 

Ce (adjectif démonstratif) (2021)

2021-10-12. Il y a quelques années, un chroniqueur de la revue Défense de la langue française dénonçait un tic de ‘p(a)resse. Il écrivit : «le minuscule démonstratif ‘ce’ associé au jour de l’événement relaté ou annoncé, fait à lui seul le boulot des trois adverbes ‘hier’, ‘aujourd’hui’ et ‘demain’» et il illustrait le tic sur un calendrier. Le titreur du Journal de Québec en fournit un exemple aux habitués du quotidien dans le numéro de dimanche (10 octobre, p. 5) : « Des manifestants prévoient obstruer des routes ce vendredi…». Soit cinq jours plus tard. Guy Bertrand fait la remarque suivante aux journalistes de Radio-Canada : «Pour qualifier un jour de la semaine qui viendra dans moins de sept jours, on utilise l’adjectif ‘prochain’. […] ‘prochain’ désigne la première occurrence de ce jour à partir du moment où on parle » (400 capsules linguistiques, vol. II). Il explique également que la manie serait inspirée de l’anglais. Bref, la manifestation aura lieu vendredi! Mais les réviseurs devraient ajouter une note à la «marche» du journal.

«Item», «prix régulier» (2021)

2021-10-11. À l'entreprise Caméléon. En descendant la rue de la Fabrique cet après-midi, j’ai lu l’annonce publicitaire placée sur le trottoir face au magasin. J’y ai décelé deux anglicismes : «items» et «régulier». Le premier mot, d’origine latine, est utilisé en anglais. En français, on dit «article» dans le même contexte. Le mot régulier est lui aussi un anglicisme. En français, on dit : courant, affiché ou ordinaire. Les bons dictionnaires, usuels ou correctifs, devraient confirmer mes observations. Bref, il me semble que vous avez fait une traduction rapide et littérale de l’anglais : «Buy 2 items at regular price and the third is free». Par ailleurs, je crois que l’invitation devrait se faire grâce à l’impératif si vous souhaitez être fidèle à l’anglais : «Achetez deux articles au prix courant et le 3e sera gratuit». Il est sans doute trop tard pour corriger ces anglicismes cette année. Pour le moment, il serait peut-être possible de le faire dans le site internet du magasin qui affiche le même panonceau.

Durable (2021)

2021-10-10. Le Petit Robert donne le sens suivant à l’adjectif «durable» : «De nature à durer longtemps». On le lie à nombre de substantifs : construction durable, situation…, amour… , entreprise…, préjugé…, etc. Quand on lit la manchette du Devoir «Le Canada à la traîne sur la finance durable» (8 octobre, p. B5), doit-on comprendre qu’elle doit seulement durer longtemps ou perdurer? Il semble que non. Un Québécois, Roger Beauchemin, sans doute au fait du sens des mots, précise : «Il faut regarder la durabilité au-delà du climat. Il faut regarder les aspects sociaux, la justice sociale… ». En somme, «durable» ou «durabilité» semblent insuffisants pour traduire le mot anglais «sustainable».. Les termes «holistique» et «globaliste» ne seraient-ils pas plus justes?

Beneva (prononciation) (2021)

2021-10-09. La SSQ et la Capitale fusionnent et la nouvelle compagnie d’assurances devient la Beneva. On explique dans le site (beneva.ca») : «La force du nom Beneva réside dans son sens […] bénéfique […] de nature bienveillante. L’étymologie même du nom – bene (bien / good) et va (aller) – pointe vers le positif». Le site en anglais ne va pas aussi loin : on ne précise pas qu’il veut dire également «bien»! La justification est superficielle. Mais la raison sociale elle-même reste difficile à prononcer pour un francophone. L’absence d’accents, probablement sous l’influence de l’anglais, voudrait qu’on prononce «be-ne-va». Une correspondante de la compagnie affirme que la prononciation sera bé-né-va. Il va falloir, comme dans le cas de Metro (les épiceries) tricher et ne pas se fier à la graphie. On pourra dire qu’on respecte le «principe de Metro». massacrer les pratiques du français afin de mordre sur le marché canadien! Donc négliger les accents.

Détour ou déviation ? (2021)

2021-10-08. Début octobre, Robert Auclair encourageait les membres de l’Asulf à dénoncer une décision de l’Office : celle de favoriser «détour» contre «déviation». C’était en 2000. Depuis deux décennies, l’OQLF recommandait «déviation». Le français distingue les deux mots : un détour désigne un parcours choisi librement et une déviation est un parcours imposé. Les deux mots sont donc français. Lionel Meney écrit, à propos du détour obligatoire : «Dans ce contexte, en français standard, on attend […] le panneau ‘déviation’». Un petit scandale a marqué le demi-tour impromptu de l'Office. La Commission de terminologie recommandait «déviation». Mais le ministère des Transports tenait mordicus à ‘détour’ et il emporta le morceau. Cela fut un révélateur de la faiblesse de l’Office par rapport à la Fonction publique.

Paramédics ?

2021-10-06. Les titreurs ne respectent pas toujours la langue. Une nouvelle du Journal de Québec (5 octobre, p. 13) nomme à quatre reprises le mot «ambulancier» et une fois, «technicien ambulancier». Le titreur sort «paramédics» de son chapeau ou peut-être d’un dictionnaires anglais. Il n’a pas eu la sagesse de consulter un dictionnaire de traduction. Pourtant, il aurait constaté que le substantif se rend en français par «auxiliaire médical». L’expression ne s’applique pas de soi aux ambulanciers ou aux techniciens ambulanciers. L’auxiliaire médical est sans doute l’auxiliaire d’un médecin. On pourrait correctement nommer les ambulanciers aux connaissances et aux techniques actualisées, «ambulanciers paramédicaux». Mais l’acquisition de nouvelles connaissances et de nouveaux instruments ne justifie pas toujours un nouveau nom. Les médecins contemporains, eux, sont toujours des médecins en dépit des changements et progrès des siècles passés.

Salle de montre (2021)

2021-10-05. Monsieur ou Madame (Armoires PPM). Votre entreprise se proclame «Le numéro 1 au Québec» en matière d’armoires. Nombreux sont les clients qui vous reconnaissent ce titre. Est-il quand même possible d’améliorer ce palmarès et de faire mieux? Dans la page publicitaire publiée le 5 octobre (Journal de Québec, p. 11), vous invitez les gens à venir vous rencontrer à votre «salle de montre». L’expression semble un anglicisme ou, si vous préférez, un franglicisme, une traduction littérale de «showroom». En soi, cela serait acceptable si le français n’avait pas d’expression de rechange. Mais on y trouve «salle d’exposition». L’utilisation du calque s’explique en partie par la proximité de l’expression anglaise. En somme, en un mot comme en trente, votre entreprise devrait opter, à la première occasion, pour l’expression française courante : salle d’exposition.

Dernier droit (2021)

 2021-10-04. Les conseillers du premier ministre ne privilégient pas la qualité du français et les médias publicisent les dérapages. Un reportage de La Presse + (4 octobre) fait état d’une opération «Dernier droit» planifiée par l’entourage du chef de gouvernement. C’est ce qu’on apprend à la toute fin du reportage. Comme il se doit, le journal porte l’expression franglaise en manchette : «Legault lance l’opération ‘dernier droit’». Cela fait vrai! Tant au journal qu’au bureau du p.m., on ignore que la locution est une impropriété dénoncée par l’Office québécois de la langue, par le Multi dictionnaire, par Paul Roux (Lexique des difficultés…, édité par La Presse en 2004). Roux note : « La locution [...] est un anglicisme. En français, on parle plutôt de la ‘dernière ligne droite’». D’autres spécialistes ajoutent : dernier sprint, dernière étape, dernier effort. Il est à espérer qu'on se corrigera à l'avenir au bureau du p.m et à La Presse.

Élu par acclamation ? (2021)

2021-10-03. Il est exagéré d’annoncer en manchette : «Plus de 500 maires élus par acclamation» (Le Devoir, 2-3 décembre, p. A-6). L’expression laisse entendre avant tout : unanimité et enthousiasme, et peut-être aussi sans scrutin et à main levée. Le texte de l’entrefilet du Devoir est plus mesuré : «3995 candidats élus sans opposition, dont 505 maires ». On peut lire dans le 5e Cahier de l’Office (1970) : «Élu sans concurrent […] Forme fautive : ‘élu par acclamation’. Cette expression comporte une idée de choix unanime : elle ne peut par conséquent s’appliquer à un candidat élu du fait qu’il n’a pas eu de concurrent ». En somme, les deux expressions sont correctes, mais l’accent est mis sur deux éléments différents. : choix unanime et enthousiaste d’une part, élu sans concurrent d’autre part.

Racisme systémique ? (2021)

2021-10-02. Racisme «systémique»? Que veut dire l’adjectif? Que le racisme serait élaboré, pensé, commandé, mis en page et mis en vigueur, stimulé à l’intérieur d’un territoire, d’un pays, d’une société, d’institutions, d’associations ou de regroupements, de villes, de conseils scolaires, etc. Si de telles entités, le Québec, le Canada, l’Organisation des Nations unies, Joliette, son hôpital, planifiaient des pratiques de racisme, la chose serait contrôlable et probante, c’est-à-dire claire et vérifiable. Il est fort possible que l’hypothèse soit une baudruche ou que le langage soit mal choisi. Il serait sans doute plus juste de parler de racisme inconscient, souvent individuel, de racisme atavique, de racisme sociologique, civilisationnel (!)… La typologie du phénomène mériterait un ajustement et un recours aux dictionnaires. 

dimanche 10 octobre 2021

Perdurer (2021)

2021-09-30. La Conférence des évêques catholiques du Canada s’excuse pour les pensionnats autochtones ( J.de Qc, 25 septembre, p. 28). On dit reconnaître « l’héritage de souffrance […] qui perdure encore … ». Le verbe signifie « qui dure longtemps », « qui continue longtemps. On fait donc un pléonasme en écrivant «qui perdure encore ». On avait le choix entre «… dure encore » ou simplement de « perdure». Mais il y a plus : l’air du temps. Le verbe fait un tabac depuis une trentaine d’années. Jean Dutourd observe méchamment à son sujet : « Les analphabètes contemporains affectionnent le verbe ‘perdurer’, qu’ils emploient de préférence à durer. Le préfixe ‘per’ doit leur sembler très distingué, très culturel ». Il a plus d’éclat que son banal voisin. Un autre commentateur note qu’il sent le technicien et le fin analyste. Pas surprenant qu’on en mésuse!

Petit Champlain (Quartier du...) (2021)

2021-09-29. Un canular peut faire éclater des tabous. Tous connaissent la rue du Petit-Champlain et le quartier du même nom. Ces toponymes sont des franglicismes. L’un est la traduction servile de Little Champlain street, l’autre est né dans le sillage. Au cours des derniers mois, l’air de ne pas y toucher, j’ai proposé à quelques personnalités de rendre hommage au maire sortant en renommant le quartier en son honneur : Quartier du Petit Labeaume. On peut tenir pour acquis que la majorité des citoyens de Québec est d’accord sur le bien-fondé de la proposition. Même si elle arrive trop tôt. Mais l’appellation suggérée leur serait inacceptable: elle n’a pas de sens en français. Pourtant, rue ou quartier du Petit Champlain ne font pas problème! Les deux toponymes font partie du paysage. On s’y est habitué.  Rien de mieux que de lire «Tendances automnales au Quartier Petit Champlain» (Journal de Québec, 29 septembre, p. 16) et imaginer «… au Quartier Petit Labeaume». L’exercice devrait mener à la correction du toponyme.

Émettre des constats d'infraction (2021)

 2021-09-28. Le verbe «émettre», sous l’influence de l’anglais «to deliver» ou de «to issue», est utilisé à toutes les sauces. Il prend la place de nombreux verbes voisins et les neutralise. On note dans le Soleil : « Québec continue d’émettre des constats d’infraction » (édition numérique, 28 septembre). La Coopérative de l’information devrait inscrire dans son guide de rédaction un renvoi à l’article «Émettre» du Lexique … (2004) de Paul Roux destiné aux médias. On y lit : «… largement contaminé chez nous par l’anglais […] le français emploie plusieurs verbes là où l’anglais s’en tient à ‘to deliver’». Le verbe suppose une mise en circulation. Les contraventions sont plutôt données ou remises à des citoyens dont la voiture est garée à l’encontre d’un règlement.

Un pack ? (2021)

2021-09-27. Une solution de rechange au mot «pack» ou «six-pack»? Rares sont ceux qui se sont posé la question. En consultant les chroniques de Jacques Cellard publiées dans le Monde de 1971 à 1975, on lit  : « Quand au ‘cluster pack’ […] l’emballage aujourd’hui courant de quatre ou six petites bouteilles vendues ensemble, c’est ‘trochet’ qui devrait le remplacer. Le mot est un diminutif de ‘troche’ […] en ancien français un groupe serré, une grappe… » (La Vie du langage; Chroniques, 1979, p. 51). Le mot «pack», au sens d’emballage d'un lot d’une même marchandise, semble s’être imposé dans le français en 1970 selon le Petit Robert. Le ‘trochet» évoqué par Cellard n’a pas surnagé. Mais, surprise! un correspondant m’apprend que les laiteries de Québec des années 1950 ou 1960 connaissaient le mot : on demandait aux laitiers de laisser un trochet de lait chez tel ou tel client! Il sera difficile de remplacer le mot anglais, mais on aurait pu avoir une solution de rechange…

Toponymie: Avenue Belvédère (2021)

2021-09-26. La chronique photographique « D’hier à aujourd’hui » du Soleil (25 septembre, p. 51) rappelle qu’il existe une rue dénommée «avenue Belvédère» à Québec. Les citoyens de la ville se sont habitués à l’odonyme. Il fait partie du décor. Heureusement le raccourci utilisé semble minoritaire. Selon le répertoire des toponymes, on en trouve une dizaine dans l’ensemble du Québec. L’odonyme correct (… du Belvédère) prévaut. On en a au moins 34. La règle de la Commission de toponymie veut que le générique (ici «avenue») soit relié au spécifique (belvédère) à l’aide d’une particule de liaison (à, de, du)…. si celui-ci est un nom commun. Il y aurait donc lieu de corriger l’appellation et d’afficher « Avenue du Belvédère ». C’est la pratique : rue du Couvent, rue du Presbytère, etc.

Hamburger ? (2021)

 2021-09-25. Vous arrive-t-il de préférer un hambourgeois à un hamburger? Le Grand dictionnaire terminologique donne sa préférence à celui-ci, mais accepte également celui-là. Pourtant le terme francisé a plus de sens que le mot anglais. Ce sandwich ne contient pas de jambon, comme pourrait le laisser croire le mot «ham» et ses cousins «cheeseburger», «eggburger», «fishburger». La confusion vient du fait que ce type de croque-monsieur s’est imposé aux États-Unis dans le sillage des immigrants allemands et des marins en provenance de Hambourg. Il semble que le mot «hambourgeois» serait plus près de la réalité que le «hamburger» (sans jambon) de l’Amérique.

«Démotion» (2021)

2021-09-24. Il est des mots anglais qu’on prononce sans difficulté en français et qui passent facilement sous le radar des locuteurs francophones. Aujourd’hui (24 septembre), la journaliste Chantal Hébert fut victime d’une telle proximité (Midi info, vers 12 h 35). Nommer madame Freeland à la tête d’un nouveau ministère et lui enlever le prestigieux ministère des Finances serait une «démotion». Le mot est anglais et il ne fait pas partie des Robert ou des Larousse. Si la journaliste ignore ce fait, qu’elle y met l’accent aigu (!) tout naturellement et qu’elle le prononce à la française, les auditeurs en très grande proportion le goberont, seront portés à l’utiliser sans se poser de question et en laissant de côté « rétrogradation » ou « déclassement ». La leçon de vocabulaire de la journaliste à 30 000 auditeurs sera difficile à annuler par les professeurs de français s’adressant à deux douzaines d’étudiants.

Opérer des charriots (2021)

2021-09-23. Les Messageries dynamiques publient depuis quelques semaines une offre d’emploi de préposés pour leur entrepôt de Québec (J. de Qc, 19 septembre, p. 25 et 23 sept., p. 37). On y note que la possession d’une «carte pour opérer des charriots élévateurs» constituerait un atout pour les postulants. Le verbe «opérer» est un anglicisme courant ici et il est difficile de le déloger. Il y a quand même des candidats (!) à sa succession : conduire, manœuvrer, actionner, faire fonctionner. On pourrait aussi faire appel au substantif «conducteur». La carte de compétence de conducteur de charriots élévateurs deviendrait un atout. Bref, en dépit des efforts à faire, il est possible d’utiliser les bons mots du français : … pour conduire, pour manœuvrer, pour utiliser des charriots..., etc.

Au final (2021)

2021-09-21. On lit dans le Courrier du soir du Devoir «Au final, que devrait-on retenir de ces élections …? » (21 septembre). L’expression «au final» fait fureur. Un peu comme « dernier droit». On ne se pose pas de question sur leur valeur ou leur utilité. Pourtant, l’Académie française écrit à propos de la première : «On fait de l'adjectif 'final' un substantif dans la construction 'au final', grammaticalement fautive, qui se répand sans que rien la justifie» (Dire, ne pas dire; Paris: Philippe Rey, 2020, p. 57). Un chroniqueur du Monde, Didier Pourquery, fit une critique semblable et proposa des solutions de rechange : finalement, pour finir, en dernier lieu, en dernière analyse, en fin de compte, au bout du compte, en définitive. La Banque de dépannage de l’OQLF partage le même avis. En somme, les journaux québécois devraient mettre la puce à l’oreille de leurs collaborateurs.

Supporter (2021)

2021-09-20. Les Québécois, en grande majorité, héritent d’une langue maternelle ou familiale : le français. C’est un facteur important que le projet de loi 96 cherche à généraliser et à pérenniser. La démarche est prioritaire, mais il faut, par ailleurs, que les locuteurs apprennent leur langue et parviennent à l’améliorer. On lit une phrase de madame Nathalie Normandeau : «On m’a arrêtée […] sans preuve permettant de supporter les accusations…» (J. de Qc, 20 septembre, p. 5). En bon français, on dirait plutôt «sans preuve à l’appui des accusations», «sans preuve étayant les accusations… . Le verbe «supporter» est un anglicisme sémantique et un archaïsme fort populaire ici. En français, il n’a pas ou n’a plus le sens d’appuyer, de corroborer, de soutenir. La phrase aurait été correcte si l’ex-ministre avait voulu dire : «… sans preuve permettant d’endurer les accusations»!

samedi 9 octobre 2021

Cap-Diamant (2017)

 2017-04-19. L’Association des retraités… de l’éducation publie un bulletin trimestriel (Le Doux temps) dont le timbre l’identifie comme publication du secteur « Cap-Diamant ». On vient de diffuser la livraison du mois d’avril. L’Areq n’ose pas corriger le toponyme. Les Québécois se rendent compte que l’appellation « Cap-Diamant » n’a ni queue ni tête en français. On ne rend pas hommage à une personnalité portant le patronyme Diamant. L’administration municipale a reconnu l’erreur. L’arrondissement est devenu l’arrondissement Cap-aux-Diamants. Il est clair comme de l’eau de roche qu’un toponyme comme « montagne Desroches » n’est pas l’équivalent de «montagne des Roches ». Jacques Cartier a cru voir des diamants dans le promontoire. L’appellation met sa vision sous les projecteurs. L’Areq devrait suivre les brisées de la ville

Flyé (2017)

2017-04-21. Une association diffuse l’annonce d’une conférence d’un regroupement qui loge à l’enseigne des « Retraités flyés ». L’expression est connue au Québec. On a sans doute reproché aux administrateurs de s’être rabattus sur un terme anglais, car on en trouve une justification simpliste dans le site électronique : « Le mot «flyé» est un québécisme dont nous pouvons être fiers. De toute évidence, il a été emprunté à l’anglais, mais il exprime une fantaisie que les mots «flying» et «to fly» ne reflètent pas ». La définition ne suit pas cependant. Que serait-ce ? débridé, capoté, cinglé, déjanté, dingue, excentrique, extravagant, farfelu, originaux… La fierté est probablement ici une fierté propre à des locuteurs qui ignoraient le vocabulaire du français. Les Québécois réussissent souvent à faire œuvre originale à partir de l’anglais. Ils ont peut-être plus de difficultés à le faire à partir du français. Mais il faudrait de toute urgence que le dynamique organisme donne une définition du mot « flyé », absent des dictionnaires. Il est vrai que Léandre Bergeron l’a inséré dans le sien (1980) en en francisant la graphie (« flaillé »). 

Durable (2017)

2017-04-17. Il est difficile de comprendre pourquoi on se limite à parler de « développement durable », tant le verbe « durer » se fait souvent damer le pion par « perdurer ». L’expression « développement perdurable » aurait un aspect savant que n’a pas « durable ». Ce dernier signifie tout au plus « ce qui dure longtemps ». Ne pourrait-on exagérer davantage et employer «développement perdurable » (qui dure très, très longtemps). Mais on se contente du mot le plus court. Le Québec a un ministère des Transport, de la Mobilité durable… (mouvement perpétuel?); une revue québécoise planifie une livraison spéciale portant « Les bibliothèque … face au développement durable ». Le qualificatif s’impose en dépit de son incongruité. L’Office note qu’il se dit d’un objet, d’une action ou d’une activité qui vise à satisfaire à des principes de respect à long terme de l’environnement physique, social et économique. On n’explique pas le lien entre l’acception traditionnelle du mot et celui qu’on lui donne. Le développement serait durable parce qu’il tient compte de l’environnement!

Exclamations: Fuck!

2024.03.01. La chroniqueuse Josée Blanchette aime bien parsemer ses textes de mots anglais. L’habitude fait partie de son style. Dans le Dev...