mercredi 30 décembre 2020

Place Alexandra (2020)

 2020-12-27. Chaque fois que j’aperçois le placard publicitaire périodique de Place Alexandra, je reviens à un passage du mémoire du chroniqueur Pierre Beaudry (1917-1996) à la Commission sur l’avenir du Québec : «Il m’arrive souvent de passer en taxi devant un des ensembles architecturaux affublés de l’anglicisme ‘place’. Si le chauffeur est francophone, je lui dis : ‘Vous savez, ce n’est pas une place, ça’. Et j’enchaîne avec une explication de ce qu’est la place en français, … un élément de la voie publique au même titre que la rue, le boulevard et l’avenue, d’où le ridicule de la mode qui l’a si souvent confondue avec des bâtiments» (février 1995). Dans un autre texte, inédit celui-là, il parle de «nos places à 45 étages»! «Place Alexandra» en a huit fois moins. Mais elle bat quand même place D’Youville qui n’en a même pas un seul!

Timing (2020)

2020-12-29. Le Soleil numérique du 29 décembre reproduit un texte du 16 juillet dernier signé J.F. Cliche. Le chapeau commence ainsi : «Côté timing, le physicien … pouvait difficilement espérer mieux … Sa lettre ouverte dans laquelle il dénonce l'obligation de porter un masque… a été publiée … à peine 48 heures avant que le gouvernement n'annonce que la … mesure s'appliquera…» . Comme «fonne» ou «fun», «timing» signifie tout et n’importe quoi. Pierre Cardinal (VocabulAide, 2009) aligne une trentaine d’équivalents. Dans le contexte, le journaliste aurait pu écrire : Côté calendrier, Côté chronologie, Côté occasion, Côté hasard, Côté actualité… Ces expressions auraient exclu Côté rythme, Côté synchronisme, Côté cadence, Côté chronométrage, Côté réglage, Côté programme. Mais avec le mot anglais, on évite le choix à faire.

Frappé par un tramway (2020)

 2020-12-28. Le temps des fêtes est le moment le plus propice pour souhaiter à Monsieur Labeaume une nouvelle année remplie de succès. En même temps, on lui recommandera de corriger une impropriété utilisée en 2020 et que le Journal de Québec rappelle : il n’a pas envisagé que des élèves «se fassent frapper par un tramway» (28 décembre, p. 14). Tout le monde sait que monsieur Labeaume appelle de ses vœux un véhicule intelligent, donc en mesure de donner une taloche ou un coup de poing, de frapper quelqu’un. Mais les tramways traditionnels peuvent tout au plus heurter, renverser et écraser des gens. Les fabricants ne réussissent pas pour l’heure à y greffer un bras québécois.

Fatbike (2020)

 1163 / 2020-12-27. Une langue dynamique peut intégrer les mots étrangers de bien des façons. Les Britanniques rendent «Infanta de Castilla » par «Elephant and Castle». Les Québécois ont utilisé la même recette à l’occasion (Trestel est devenu tracel à Cap-Rouge, ). On peut aussi chercher dans la réserve de la langue elle-même. Que faire ici de «Fatbike»? Les solutions de rechange sont nombreuses : véloneige, vélo à neige, vélo d’hiver, vélo à gros pneus, vélo tout-terrain (VTT), vélo à pneus surdimensionné (critiqué) et son abréviation, etc. La solution la plus facile est d’adopter le mot anglais, comme le fait Tuque & bicycle (Le Soleil : Le Mag, 26 déc., p. M6). Si le français québécois est dynamique, le mot sera mis de côté un jour ou l’autre. Il faudra toutefois que commerçants, journalistes, médias, locuteurs utilisent les équivalents français. Difficile de le défigurer comme on l’a fait pour «Infante de Castille»!. 

Papier de toilette (2020)

 2020-12-26. On se demande souvent quel doit être le niveau de langage des médias, celui des journalises, des chroniqueurs, des titreurs. Les lecteurs du Soleil de la fin de semaine ont pu lire la manchette «Un rouleau de papier de toilette» (26 décembre, p. 14). Le journaliste Bussières n’a pas laissé le choix au titreur. Il s’est servi de l’expression et d’une autre plus que familière : Papier cul. Il a ignoré «papier hygiénique» Pourtant un survol de dix répertoires ou dictionnaires montre que sept d’entre eux (Le français au micro, Barbeau, Dagenais, Forest, Meney, Roux, Villers) classent «papier de toilette» parmi les calques et le déconseillent. Trois autres (Bélisle, Boulanger et Usito) privilégient « papier hygiénique » sans porter de jugement. Le journaliste légitime le registre familier dans la langue publique et, ce faisant, montre une part de mépris à l'égard des abonnés.

Bilinguisme, une citation (2013)

 2020-12-25. En attendant la nouvelle mouture de la Charte...: « …le moyen le plus ... efficace de faire disparaître une langue est de rendre les locuteurs minoritaires bilingues. Si le bilinguisme individuel est une immense richesse, le bilinguisme collectif pour une minorité politique est un poison mortel. Ce bilinguisme collectif n’existe que le temps de laisser la minorité rejoindre la majorité. /… les bilinguismes collectifs ont généré des génocides… / … deux langues dans une société quand tout le monde parle et comprend la langue majoritaire, c’est une complication inutile. La langue n’aime pas ça. /… les Québécois dans leur ensemble souhaitent devenir bilingues, sans en connaître les conséquences» (Paul Daoust, dans L’Action nationale, vol. 103, nos 3-4, mars avril 2013, p. 92-100)

mardi 29 décembre 2020

Ça chire ? (2014)

 2014.04.21. Le programme Sagir donne lieu à un calembour franglais chez les fonctionnaires de l'État : on en fait le programme « ça chire » (calque du verbe anglais to sheer). L'occasion était trop belle pour le Journal de Québec et ses titreurs de faire la manchette: « Ça chire encore dans le projet... Sagir » (21 avril, p. 9). Ce faisant, on contribue à la survivance d'un anglicisme inutile, lequel prend la place de « dérapage», de « déraillement », de « dérive » dans le présent contexte. En somme, le journal aurait pu se contenter de rappeler le calembour dans l’article sans lui accorder le rayonnement de la manchette et la diffusion qui en résulte.

Lousse ? (2014)

 2014.04.19. Le joual a encore ses partisans. L'animateur Robert Laflamme en est un. Il a lancé une émission web pour les auditeurs de Portneuf qu'il a intitulée "Lâchez lousse" (Le Martinet, 15 avril 2014, p. 4). Il est vrai que Larousse a inséré cet anglicisme dans son dictionnaire il y a une décennie. C'est un anglicisme inutile et ambigu. On pourrait être beaucoup plus précis en faisant appel à des mots français: Laissés libres! La bride sur le cou! Quartier libre! En toute liberté! etc. Mais le joual a ses laudateurs utilisateurs. Ce qui est normal et compréhensible. Ce qui l'est moins, c'est que la société ne puisse rien faire pour protéger et améliorer l'écologie linguistique.

Événement, évènement (2014)

2014.04.16. Le mot événement est en train de bouffer les mots conférence, congrès, réception, incident, accident, incendie, activité, mariage, coquetel, assemblée générale, etc. Une nouvelle victime semble se profiler. Lisez: "Même si la superficie du futur Salon de jeu à Fleur de Lys... sera plus petite que l'espace qui était... réservé à cet événement..." (Le J. de Qc, 15 avril, p. 6, 4e col.). Quel est l'événement? Réponse inscrite dans la citation: le casino, le salon de jeux et, peut-être, les jeux eux-mêmes. Bref, le mot « événement » continue ses ravages. Faudra-t-il alerter le ministère de l'Environnement... linguistique?

Voûte? Une chambre forte ? (2014)

 2014.04.18. Nous utilisons sans raison des mots anglais. Nous employons également des calques. Ceux-ci sont plus difficiles à identifier et à chasser que ceux-là. Les lecteurs attentifs du livre entretien de Jacques Godbout (Le Tour du jardin, Boréal, 2014) constateront que l'écrivain emploie à deux reprises le mot « voûte » au lieu de chambre forte (p. 186 et 190). Quel Québécois peut repérer cette erreur? Le mot est français, mais il signifie « ouvrage de maçonnerie qui a la forme d'un arc ». Les Anglais l'ont transformé en « vault » et lui on donné le sens de chambre forte. Les Québécois, ignorant le lexique français, on importé un calque inutile, un de plus.

Timing, le moment parfait (2014)

2014.04.14. Monsieur Mulcair juge que voilà « le timing parfait pour préparer les élections » (Le Devoir, 14 avril, p. A-4, 2e col.). Le journal en profite pour accorder une « promotion » à la citation et la reproduit en médaillon. La plupart Québécois, dans la même situation, n'auraient pas eu le réflexe d'employer une expression ou un mot français: synchronisme, synchronie parfaite, moment propice, bon moment, occasion, etc. Mais il faudrait que les notables, les médiatisés, les politiques qui parlent français utilisent en priorité les mots qui font partie du lexique français, c'est-à-dire qui sont épinglés dans les dictionnaires. L'ensemble des locuteurs, à n'en pas douter, feront de même par la suite.

Timing (2017)

 2017-03-13.  On peut fort bien se demander si l’attaché de presse du maire de Québec connaît bien les mots du lexique français. À la suite de l’annulation de la pièce Djihad de l’auteur marocain-belge Ismaël Saidi, il ne trouve pas mieux que de dire : « C’est vraiment une affaire de perception et de timing » (Le Soleil, 8 mars 2017, p. 5). Le mot anglais « timing » signifie beaucoup de choses dans le contexte : conjoncture, circonstances, opportunité. L’attaché de presse ignorait sans doute qu’il est possible de contourner le mot anglais. Il aurait pu dire : « … affaire de perception et de conjoncture » ou « …. de circonstances » ou encore « … d’opportunité ». Encore eût-il fallu qu’il doute et réfléchisse quelques secondes. « Quelques… »? Cela est déjà trop quand on doit répondre tout à trac à des journalistes. Par ailleurs, on ne peut que le constater, l’inconscience de l’attaché facilite la tâche du titreur qui y voit l’occasion de porter l’expression en manchette. À votre tour, lecteurs de journaux, de chercher la voie de contournement du mot «timing».

Biais ou préjugé ? (2020)

2020-06-11. On pourrait très bien, pensant à un cours de sensibilisation au racisme envisagé à l’Université Laval et destiné aux cadres, annoncer des séances de formation sur «les biais implicites». Le mal n’épargne personne du locuteur lambda à un journaliste du Téléjournal-Québec (10 juin, 18 h 11). Tous sont excusables, mais ce dernier, alerté par ses patrons ou par des auditeurs, devrait soumettre l’expression à un examen, même solliciter un avis des conseillers linguistiques du réseau. Le Multi dictionnaire y voit une forme fautive. Pour Pierre Cardinal, le mot «biais» pris au sens de préjugé, d’idée préconçue, d’a priori, de «penchant», etc., nous est soufflé par l’anglais «bias» (Le VocabulAide). Annie Bourret (Pour l'humour du français) dit avoir été hantée par l’expression voisine «par le biais de…». En somme, il faut voir si le français, en la circonstance, ne possède pas les mots qu’il faut.

Dû, dus pour... (2020)

2020-06-08. Il y a quelques jours, l'auteure du Multi dictionnaire dénonçait une tournure calquée sur l’anglais utilisée par la ministre de la Culture. Le premier ministre lui-même ne donne pas le bon exemple. Il vient de déclarer, parlant du racisme au Québec, systémique ou supposé : «On est dus pour une évolution tranquille» (Le courrier du soir, Le Devoir, 8 juin). En principe, employer un tel calque, c’est saboter le travail de l’État et de ses services linguistiques. On lit dans la Banque de dépannage de l’OQLF : «…, dû est utilisé à tort dans diverses expressions calquées de l’anglais to be due for au sens d’« être mûr pour », « avoir besoin de »... Idem dans Usito, un dictionnaire largement subventionné par le gouvernement : «L'emploi de être dû pour (de l'anglais to be due for) est critiqué comme synonyme non standard de avoir besoin de, être mûr pour.» Sabotage!… derrière le paravent évoqué de la Révolution tranquille et des services linguistiques nés à l’époque

  

Timing, timé, détimé (2020)

2020-06-07. Il y a quinze ans, Alain Feutry, un chroniqueur linguistique du Figaro, consacra un billet à des verbes oubliés (27 mai 2005, p. 23). Il en énuméra une douzaine, parmi lesquels Affriander (attirer par quelque chose d’agréable), Politiquer (gloser sur les affaires publiques), Journaliser (écrire dans les journaux), Desheurer (déranger la régularité de ses occupations). Desheurer? Il pourrait combler un vide. Les Québécois et leurs cousins d’outre-frontières utilisent souvent l’expression «timé (minuté, synchronisé) ou «détimé» (son antonyme). On a perdu ses repères depuis le début du Confinement, on serait porté à dire «je suis détimé». Ne pourrait-on pas dire «je suis desheuré»? Les exemples d’utilisations sont rares, mais le Larousse de 1948 en contient un : «Un homme desheuré».

lundi 28 décembre 2020

Québec cité (2018)

 2018-10-02. Un ex-collègue relève l’incongruité de l’accroche publicitaire choisi par l’Office de tourisme de Québec (Le Soleil, 26 septembre;https://www.lesoleil.com/…/carrefour…/une-ville-pas-une-cite). Il écrit : «Québec cité» ? Qu’est-ce que c’est ça? Un résidu de «Quebec City» ? / La charte de Québec définit cette dernière comme une ville et non comme une cité. Voir à ce sujet le fichier terminologique de l’Office de la langue française sous le mot «ville» : ‘Il ne faut pas confondre la ville et la cité, qui consiste en un ensemble de constructions vouées à une finalité commune (par exemple, une cité universitaire). Au Québec, aucune ville ne comporte, dans sa dénomination, le générique cité’… / «Québec cité», c’est du français écrit en anglais, une bien mauvaise expression… » (Gaston Deschênes). Le filon des anglicismes est la voie royale, elle n’exige pas d’efforts : Inutile donc de relire les lignes écrites sur le sujet! Mieux vaut ne pas lire le commentaire « Cité n’est pas un terme des vocabulaires administratif et juridique. Employé au sens de ville dont la population dépasse un certain chiffre, c’est un anglicisme » (G. Dagenais, Dictionnaire des difficultés…, 1967, p. 168).

Bucket list (2018)

2018-10-04. Les remarqueurs ont tendance à relever avant tout les bévues et les fautes. À la lecture d’un excellent article sur la survie de la presse régionale, on accroche sur les derniers mots, les tout derniers, « Je peux maintenant cocher ça sur ma bucket list » (Le Soleil, 3 octobre, p. 37). Il aurait pourtant été très facile de dire « … ma liste des choses faites ». L’expression anglaise est opaque pour la majorité des lecteurs du journal. Mais ce n’est peut-être qu’un xénisme. Dans l’édition du jour (4 octobre, p. 10), on voit un rez-de-chaussée publicitaire qui aurait pu reproduire deux calques courants, et se lire : « Mets l’épaule à la roue / Joins l’équipe le Manoir ». Le restaurant, soucieux de la qualité de la langue, a plutôt choisi « Mets la main à la pâte / Joins-toi à l’équipe… ». Mais les bévues, comme les mauvaises nouvelles, cambriolages ou exactions, retiennent plus facilement l’attention que les actions modèles. C’est regrettable.

Enregistrement live (2018)

 2018-10-08. Le Soleil (Québec) reproduit une nouvelle de l’Agence France Presse portant « Brel ne nous quitte pas » (9 octobre, p. 30). On y lit dans le premier paragraphe : « … enregistrements studio et live ». Pourquoi « live »? Le mot est-il essentiel? N’a-t-il pas d’équivalents français? N’aurait-on pas pu écrire «… studio et scène », « studio et public » ou, mieux, « … en studio et sur scène »? L’Académie dénonce l’affreux « en live », mais ne se prononce pas encore sur le seul « live » pourtant ambigu en français (sur scène, en concert, sur le vif). Si l’Agence met un guide de rédaction à la disposition de ses journalistes, elle devrait y ajouter une entrée au mot « live » et y inscrire les solutions de rechange au mot facilement contournable en français et des solutions plus précises.

Définitivement! (2018)

2018-10-13. À Alexandre Taillefer. La déclaration faite à propos de votre intérêt pour le poste de chef du Parti libéral du Québec est ambigüe. Vous avez dit : « Ça pourrait être quelque chose que je vais envisager, définitivement » (Le Soleil, 12 octobre, p. 7, 1e col.). Littéralement, c’est affirmer que vous visez la chefferie libérale pour l’éternité, mais sans jamais en prendre la décision. Peut-être auriez-vous dû utiliser un autre adverbe : certainement, peut-être, nécessairement, possiblement… moins coupant ou moins absolu que celui qui vous avez prononcé. Vous avez peut-être pensé « definitly », mais le mot n’occupe pas le même territoire que sa traduction. Il faut certainement s’en méfier définitivement! Vous l’avez échappé bel : le titreur aurait pu écrire « Taillefer intéressé à succéder définitivement à Couillard », c’est-à-dire pour toujours!

Après avoir frappé un chevreuil (2018)

 2018.10.16. Un titreur du Soleil est tombé dans un traquenard posé, sans doute involontairement, par une journaliste de la Tribune (Sherbrooke). Cette dernière a écrit : « Après avoir frappé un chevreuil qui se trouvait sur la chaussée, l'homme a été éjecté de sa monture (il était à moto) puis écrasé mortellement par un véhicule… ». Le titreur a répété l’expression : ... après avoir frappé un chevreuil » (15 octobre, p. 15). Tout le monde sait ou devrait le savoir : un homme peut frapper un chevreuil à coups de poing, avec ses pieds, avec une hache ou avec un bâton. Ce sont des gestes volontaires. D’un autre côté, une voiture écrase, heurte, renverse, blesse, percute, tue... mais ne peut frapper un piéton. On peut faire l’hypothèse que la facilité amène tout le monde à traduire les expressions américaines (par exemple «to hit a pedestrian ») par « frapper… ». Il y a des distinctions qu’on néglige de faire, mais qu'on pourrait faire en français.

dimanche 27 décembre 2020

Lâché lousse (2016)

 2016.05.05. Il est incompréhensible, inacceptable même, que Radio-Canada maintienne le titre de l’émission « médium large », un anglicisme déjà épinglé ici, à l’air tout à fait français et presque impossible à détecter même par des locuteurs sur leurs gardes. Il en va de même pour le titre courant d’une chronique signée Louise Gendron dans Châtelaine : « Lâchée lousse » (Voir livraison de mars, p. 52). Quel francophone peut deviner que l’expression est un calque de « to let loose »? Le passage du mot « loose » à « lousse » est pourtant récent. Au début du XXe siècle (1909), Narcisse-Eutrope Dionne le retient sous sa forme anglaise. Vingt ans plus tard, Adjutor Rivard fait comme Dionne. Victor Barbeau lui donne une graphie française (!) par la suite comme Gaston Dulong (1969) et Bélisle (1979). Mais l’expression reste un anglicisme. Un magazine sérieux pourrait l’éviter et le remplacer : Liberté totale, En liberté, En toute liberté, Sans contrainte, La bride sur le cou, etc. Mais on fait souvent comme s’il fallait assurer la survie d’un bel anglicisme né du terreau québécois.

Plaza vs Place (2016)

2016.05.09. Le Devoir a publié un intéressant dossier sur la toponymie québécoise en fin de semaine (7-8 mai, p. A1, A4-A6). Les aspects normatifs en sont cependant absents. Or, il y aurait des appellations à dénoncer. Ainsi, on peut lire, dans le Carrefour de Québec daté du 4 mai (p. 15), la manchette : « Retour de la Plaza Limoilou ». Le mot « plaza » se prononce facilement en français, mais c’est un mot espagnol qui nous vient par le truchement des États-Unis. Il ne fait pas partie de la nomenclature française. L’auteure de l’article utilise l’expression « place publique » à deux reprises. Elle note en fin d’article « La ville de Québec investit 55 000 $ dans l’aménagement de la Plaza…». On peut supposer que la ville favorise encore le mot. Pourtant une norme de la Commission de toponymie proclame : « L’élément générique est en français ». Sans doute la ville veut-elle conserver un « accent d’Amérique!

Second vs Deuxième (2016)

2016.05.21. Si vous avez déjà en main le livre de Louis Cornellier, vous comprendrez qu’on puisse affirmer que l’auteur, journaliste ou titreur, de la manchette « Second incendie aux serres Fortier : le proprio dévasté » (Le Soleil, 20 mai, p. 2) est optimiste en dépit de tout. Pourquoi? En français, « second » et « deuxième » ont des connotations différentes. Si on dit d’un copain qu’il en est à son second mariage, on suppose qu’il n’y en aura pas de troisième. Au contraire, si on parle du deuxième mariage, la route vers un troisième ou même un quatrième reste une possibilité. Cornellier évoque l’appellation « Deuxième Guerre mondiale » et il commente tout en ayant l’air de ne pas y toucher : « si on était sûr qu’il n’y en aura pas d’autres, on dirait ‘seconde’ » (p. 45). Le simple locuteur ne connaît pas nécessairement de tels détails ou raffinements. Mais ces derniers devraient passionner les professionnels de la langue : journalistes ou titreurs.

Majeur (2016)

 2016.05.26. Alerte « majeure »!?! « Dans les journaux comme dans les livres, tout est abondamment majeur. Parle-t-on d’un problème? C’est un problème majeur. Y a-t-il quelque part un conflit dont la presse se fait l’écho? C’est un conflit majeur. Voulez-vous insister sur tel intérêt de telle chose? Cet intérêt est majeur. Un incident? Majeur. Une contradiction? Majeure. Un empêchement? Majeur. Un ennui? Majeur. Un enjeu? Majeur… La responsabilité sociale du gouvernement est majeure…; la difficulté à laquelle il se heurte est majeure; et, du coup, la résoudre est le souci majeur des ministres; et les raisons qu’ils donnent pour justifier telle ou telle initiative sont forcément majeures elles-aussi » (A. Bladuche-Delage, Petit traité des finesses… de la langue française, 2006).

Place Jean-Béliveau (2016)

 2016.05.27. Les Québécois ont trouvé une parade et une solution à une aporie toponymique: la place Jean-Béliveau sera plus qu’une place : elle sera une #place publique (Le Soleil, 27 mai, p. 2). Cette dernière n’est ni encadrée ni traversée par des voies de communications comme le sont les simples places (la place D'Youville par exemple). La place publique partage certaines caractéristiques de ces dernières : ainsi, elle est un espace découvert. Mais au lieu d’être traversée ou limitée par des rues, elle sera délimitée tantôt par un boisé et tantôt par un marché public. La distinction mérite la reconnaissance des autorités toponymiques et l’ajout immédiat du générique « place publique » à côté de « place ». Les guides spécialisés pourront préciser que les deux types de place sont des espaces publics. On prendra soin de faire un renvoi du mot « esplanade » à «place publique »et un « voir aussi » menant de « place » à « place publique » et à « placette ». Il faut souligner les efforts d’imagination, mais aussi faire en sorte que les analogies restent présentes dans la nomenclature.

Représentations (2018)

2018.03.20. La FrancoFête devrait être l’occasion non seulement d’inciter les Québécois à être fiers de leur langue mais également de leur apprendre à jeter un regard critique sur la façon dont ils la parlent et l’écrivent. On lit dans le Devoir qu’une association d’éditeurs vient d’engager un lobbyiste afin qu’il mène des «représentations » en faveur de ses membres (20 mars, p. B 8). Les mots anglais et français se ressemblent si souvent qu’on n’en distingue pas toujours le sens distinct qu’ils peuvent prendre. Il faut que les journalistes apprennent à douter des expressions que la société ou la communauté a déposées dans la besace de leur langue maternelle. «Mener des représentations» ? Faisons un crochet par la Banque de dépannage de l’Office : «La locution faire des représentations est un anglicisme : elle est en effet calquée sur l’anglais to make representations. On la remplacera donc par … ». Reste à trouver la façon de dire propre au français. Mais la moitié du travail est fait… grâce au doute. 

Finale (liquidation) (2018)

 2018.03.11. L’entreprise Performance Bégin fait paraitre un rez-de-chaussée publicitaire dans le Soleil (9 mars, p. 3, 11 mars, p. 5). On y annonce une «Liquidation finale». Qui, à vue de nez, y verra un anglicisme sémantique? En français, le mot «final» signifie «qui est à la fin». C’est dire que la liquidation viendrait après des liquidations périodiques et qu’elle en serait la dernière. Comme l’«édition finale» d’un quotidien. Le qualificatif «final» semble ici ajouter du clinquant, sans plus. Performance Bégin pourrait profiter de la FrancoFête (12-25 mars) pour consulter ses publicitaires. Sans doute, pourront-ils ensemble, sinon trouver une solution de rechange à l’anglicisme douteux, du moins expliquer le sens qu’ils lui donnent.

samedi 26 décembre 2020

Emprunts : Elephant and Castle (2018)

2018.03.07. Les anglais et les emprunts: «L’anglais plus que toute autre langue emprunte, puis fait sien le vocabulaire venu d’autres horizons. La langue qui se targue d’être la plus internationale puise ainsi ses racines dans pas moins de 350 autres. / Ces mots empruntés s’intègrent si bien à la langue que les Anglais n’en ont pas conscience. (…) / La bouche anglaise a du mal à mâcher la nourriture continentale et fait de son mieux pour intégrer ces emprunts. Cette gêne phonétique est évidente dans l’appellation d’un quartier de Londres : Elephant and Castle… Il tiendrait son nom de ‘l’Infanta’ Éléonore de Castille, courtisée au XVIe siècle par de nombreux aristocrates anglais. On voulut rebaptiser ce quartier en son hommage. Mais cela constitua hélas un tel défi de prononciation pour les Londoniens que ceux-ci le transformèrent en Elephant and Castle» (Alex Taylor, Bouche bée, tout ouïe… «Point, 2572; Paris : JC Lattès, 2011, p. 121-122).

Fatbike? Vélo à pneus surdimensionnés ? (2018)

2018.03.03. Essentiel d’une note d’un collègue de l’Asulf affichée dans le site web du Mont-Sainte-Anne : «À quand le véloneige ? Avec les bordées de neige qui se suivent, les amateurs de promenades à vélo sont de plus en plus nombreux à circuler dans nos parcs nationaux. Malheureusement pour la langue française, ils le font avec un « fat bike ». Ce mot anglais, court et expressif, rallie les sportifs amateurs. Ils écartent … l’appellation « vélo à pneus surdimensionnés »… Il ne faut pas réfléchir longtemps pour choisir entre deux appellations, l’une anglaise, consistant en 2 mots, formés de 7 lettres… et l’autre, dite française, comportant 4 mots, 25 lettres… En outre, cette dernière appellation… est inexacte. … le mot « surdimensionné » se dit de quelque chose qui a des dimensions plus grandes qu’il n’est nécessaire. Or, il s’agit ici de pneus bien adaptés… Bref, on ne pouvait mieux faire pour amener la population à opter pour l’appellation anglaise. Pourtant, il eût été facile de suggérer un mot court …, qui dit bien ce qu’il veut dire, soit véloneige, tout comme motoneige… On y va avec le véloneige!» (Robert Auclair). 

vendredi 25 décembre 2020

Une voiture frappe un arbre (2017)

 2017.10.10. On sentait bien que la voiture «intelligente » rôdait dans les parages. La #Presse canadienne rapporte sa présence à Joliette. Elle a frappé un arbre (Le Devoir, 10 oct. p. A 4, 6e col.). Oui! Naguère, et même autrefois, une telle action était réservée aux humains. Ces derniers pouvaient frapper un adversaire, un enfant, une femme. Les autocars, les automobiles, les trains étaient rares qui «frappaient » des piétons ou des arbres. Ils se contentaient de les heurter », de les percuter, de les tamponner, de les emboutir, etc. On n’arrête pas le progrès… et l’intelligence. De fait, il est possible que les répertoires de traduction de l’agence de presse ne daignent pas suggérer une traduction du verbe «to hit» (to hit a tree = s’écraser contre…).

Un autre bon 25 ... (2017)

 2017.10.15. La journaliste chargée des prévisions du temps (Téléjournal Québec, 15 oct. 18 h 28) a annoncé «un autre bon 25 ml (de pluie) à venir ». Si elle a des doutes, elle consultera un dictionnaire de traduction. «We wait a good fifteen minutes = nous avons attendu un bon quart d’heure (non «un bon quinze minutes»). En 1999, L. Meney avait relevé des tournures semblables. Depuis, il en a relevé d’autres : «un bon 5 cm de neige», «un bon trois pieds» (Le Français québécois entre réalité et idéologie, 2017, p. 250). Il observe alors qu’en français, on dit «cinq bons cm de neige» et il explique la tournure critiquée par analogie ou par influence de l’anglais. Pour sa part, Guy Bertrand, a fait la recommandation suivante aux journalistes de Radio-Canada : «Il faut éviter l’utilisation de termes au singulier comme «un bon», «un autre»… devant des termes au pluriel» (400 capsules linguistiques, 1999, p. 173). Bref, une autre possibilité d’amélioration.

Bagel (2017)

2017.10.21. La qualité du français à l’émission «On n’est pas sorti de l’auberge » ne semble préoccuper ni l’animateur ni les invités. Ainsi les oreilles francophones auront pu vibrer en entendant (21 octobre entre 14 h 55 et 15 h 9 environ) le mot «winwin», l’expression «coming out alimentaire » et la prononciation anglaise «beigl». Oublions les deux mots anglais, winwin et coming out, faciles à rendre en français à qui désire enrichir son vocabulaire… français. Arrêtons-nous à la prononciation «beigl». Le mot s’écrit «bagel » en anglais. On l’écrit de la même manière en français mais on peut aussi écrire «baguel ». L’OQLF recommande cette graphie, laquelle a l’avantage d’être plus facilement traduite en sons français. Mais l’aspérité essentielle vient du fait que l’animateur de la première chaîne (francophone) ne connaît que la prononciation anglaise du populaire anneau ou beignet. Pourtant, une radio francophone devrait franciser la prononciation quand cela est possible. Cela est possible avec «baguel».

Frappé par une auto ! (2017)

 2017.10.23. Un scripteur prudent garde à sa portée un répertoire correctif. Il devrait en être de même, mutatis mutandis, des entreprises de presse et des médias électroniques. Mais on y laisse tellement passer d’impropriétés, de formes fautives ou de calques qu’on peut affirmer que les sas correctifs sont contournés. Par exemple, le correcteur du journaliste G. Piedboeuf ne décèle pas l’expression «frappé par une auto» (Le Soleil, 23 oct. p. 16). La journée précédente, la Presse canadienne annonce qu’un agent a été frappé par une voiture (c’est-à-dire heurté) et, quelques ligne plus loin, que le conducteur est sorti du véhicule et a frappé (bien dit!) le policier (Ibid., 22 oct. p. 12). Normalement, les outils correctifs signalent le guet-apens. C’est le cas de la Banque de dépannage linguistique, du Français au micro (Radio-Canada), d’Usito (Université de Sherbrooke). Sans oublier les recueils de chroniques de Camil Chouinard (2007), de Paul Roux (1997) et même de l’Office (1994). Serait-ce à dire que les médias sont des «cordonniers mal chaussés» en regard de la qualité de la langue?

Top (2020)

2017.10.20. Il est des mots anglais qui entrent «sans visa » tant en France et qu’au Québec. Tel est le cas de «top». Le mot relevé ici est avant tout prétexte à publiciser la parution du 4e  volume de la collection «Dire, ne pas dire» (2017, 190 p.; 30 $ en librairie; le 1er fut publié en 2014) de l’Académie française. On y lit à l’entrée «Être au top, être dans le top cinq» : «La forme anglaise top peut être nom, adjectif ou verbe. Elle signifie, suivant les cas, « sommet », « élevé » ou « surmonter ». Le nom anglais top se rencontre dans la locution composite au top, un hybride qui ne dit rien de plus qu’« au sommet ». Quant à la forme être dans le top cinq, elle ne diffère en rien, pour le sens, de la locution « être dans les cinq meilleurs ». On trouve d’autres tournures avec cet anglicisme ; toutes ont des équivalents français qu’il serait dommage de laisser inemployés. On dit : Faire partie des trois meilleurs, C’est très bien, c’est formidable; on ne dit pas : Être dans le top trois, C’est top, C’est top génial ». Les internautes peuvent consulter les 700 chroniques publiées depuis 2014 dans le site de l’Académie française.

mercredi 23 décembre 2020

Attitudes face aux emprunts (2018)

 2018.05.01. L’attitude des Québécois face aux emprunts de mots anglais n’est pas très différentes de celles d’autres peuples. Mais il ne faut pas exagérer le danger des emprunts («La fausse menace», Le Devoir, 30 avril, p. A 7). Tout à fait d’accord. Mais l’assimilation des locuteurs contribue sans doute ici à inquiéter les francophones. Ceci dit, en matière d’emprunts, on devrait distinguer le passé et l’avenir.  D’abord, le recensement des emprunts épinglés à partir des années 1840 et leur intégration ou leur abandon complet un siècle plus tard. Les vieux emprunts alignés par Thomas Maguire (1841) ou Jean-Philippe Boucher-Belleville (1855) ont sans doute été décimés. Les survivants, peu nombreux, ont été intégrés. Ils vivent en harmonie avec les français de souche. Puis,  seconde perspective, les emprunts actuels et le sort qui les attend. Ces derniers suscitent des débats, peut-être des passions. Les échanges qui les entourent sont sains, stimulants, roboratifs. Ils seront peut-être inutiles, mais peu importe. Ex post, dans un autre siècle, on appréciera les préoccupations et les discussions de nos contemporains. Les descendants constateront que nous aurons été des Québécois normaux, passionnés par des questions de langue, et que nous aurons élagué beaucoup de candidats inutiles, redondants et même inassimilables.

Sur le comité (2018)

2018.05.11. Monsieur Jonatan Julien, vice-président du comité exécutif de l’administration Labeaume, remettra peut-être une enveloppe scellée à son successeur afin de lui donner des conseils. Il pourrait en profiter pour lui conseiller de dire, si on lui en fournit l’occasion, qu’on lui a fait l’honneur «de le nommer au conseil». Monsieur Julien, pour sa part, a noté que le maire qui lui avait fait l’honneur de le nommer «sur» le comité (Le Soleil, 11 mai,p. 2, 4e col.). C’est excusable puisque qu’on dit «on the committee » dans la langue de Shakespeare». Mais un administrateur responsable se doit de mettre son successeur au courant des chausse-trappes du métier, fussent-elles simplement d’ordre linguistique. Il acceptera sans doute cette petite mission, lui dont on a dit : «Voici un dossier de merde. Julien va aller au ‘bat’ (ibid, 5e col.) » (sic), c’est-à-dire «au bâton».

La lumière de la rue... (2018)

 2018.05.25. Les journalistes de Radio-Canada devraient s’astreindre à consulter, sinon à compulser périodiquement, le répertoire correctif édité par le réseau à leur intention : Le français au micro. Cela éviterait certains dérapages comme cela arrive au spécialiste de la circulation automobile de la capitale, M.A. Boivin. Il y a deux jours, il a glissé sur une pelure de banane (22 mai à 7 h 59): «la lumière de la rue de la Concorde »! Il doit savoir qu’il est préférable de parler de «feu » ou de «feu de circulation…». Surtout que le conseiller linguistique du réseau a déjà abordé le sujet. Voici sa note qu’il affiche sur le site: «Dans le vocabulaire de la circulation, lumières est le calque de l’anglais (traffic) lights. On appelle feux (de circulation) les signaux lumineux qui servent à régulariser la circulation dans les rues des villes. …». La lecture de la remarque répétée à quelques reprises lui évitera sans doute de nouveaux écarts à l'avenir.

Cap Diamant (2018)

 2018.05.29. Il est réconfortant de voir à l’occasion des toponymes inexacts faire place à des toponymes corrects. Les lecteurs du Soleil ont sous les yeux la manchette «Tronçon sous le cap aux Diamants » dans l’édition du 29 mai  (p. 3). Il arrive encore de voir des organismes, dont l’Areq-Québec ou la Fondation Cap Diamant, osciller entre le zist et le zest et accepter la traduction franglaise de «Cape Diamond » : «Cap Diamant». Rien n’y fait, même pas la justification d’un changement adopté en 1997 : «L'avenue du Cap-aux-Diamants s'appelait autrefois avenue du Cap-Diamant. Cette dénomination a été changée parce que l'appellation Cap-Diamant est considérée par les historiens et les linguistes comme une traduction littérale de Cape Diamond, elle-même traduction de la dénomination française d'origine « Cap-aux-Diamants ». On peut espérer que la manchette relevée dans le Soleil contribuera à faire connaître le bon nom géographique.

lundi 21 décembre 2020

Boxing day (2020)

2020-12-20. Le fait de ne pas chercher à nommer en français des réalités, des phénomènes ou des fêtes importés en sol québécois peut être considéré comme une faille dans le dynamisme langagier francophone. Avalanche publicise «Boxing day avant l’heure» (Le J. de Qc, 20 décembre, p. 17 et site internet). Ce faisant, l’entreprise semble en retard sur la mise au rancart graduelle de l’expression anglaise. L’Expression juste de mars 2020 (www.asulf.org) faisait part de la tendance. Un relevé des numéros du Soleil et du Journal de Québec datées du 24 au 28 décembre 2019 montrait que l’expression «Après-Noël» l’emportait de 26 à 2 sur 38 placards. Six marchands avaient utilisé des solutions de rechange. Espérons qu’Avalanche fera mieux l’an prochain, que la compagnie participera à l’enrichissement du français d’ici et qu’elle s’inspirera des recommandations de l’Office québécois de la langue. 

Tournure: Ajouter l'insulte à l'injure (2020)

2020-12-19. Madame M.É. Martel, La Voix de l'Est. Vous employez une vieille expression québécoise mal traduite de l’anglais : «ajouter l’insulte à l’injure» (Le Soleil, 19 décembre, p. 53). Prenez l’expression anglaise (to add insult to injury) et décortiquez-la. On insulte quelqu’un en l’injuriant, en lui adressant des paroles offensantes. Bref. la tournure calquée sur l’anglais constitue un pléonasme. En anglais, les deux mots (insult et injury) signifient deux choses différentes : insulte et tort (ou dommage, préjudice). Bref, il faudrait dire : ajouter l’insulte au tort, si l’on veut y aller au plus près. Habituellement, on recommande plutôt «tourner le fer dans la plaie», «c’est doubler ses torts d’un affront», «par surcroît, pour comble», etc. Un professeur de l’Estrie a commenté la tournure (Michel Parmentier, Dictionnaire des expressions et tournures… 2006).

Tournure: Mettre l'épaule à la roue (2020)

2020-12-18. Jean-François Lisée, parlant des réticences des entreprises françaises à investir au Québec et des efforts de De Gaulle pour les y convaincre, écrit : «Il pousse à la roue» (De Gaulle l'indépendantiste, 2020, p. 61). Bravo! Habituellement, nous utilisons la tournure franglaise «Mettre l’épaule à la roue» (To put one’s shoulder to the wheel). Il y a vingt-cinq ans, le chroniqueur Pierre Beaudry relevait dans une longue lettre retrouvée dans ses archives et destinée au journal la Presse d’autres tournures calquées : «Faire une histoire courte» / To make a long story short; mieux : Bref, En deux mots; «Ajouter l’insulte à l’injure »/ To add insult to injury ; mieux : Pour couronner le tout. Michel Parmentier (Dictionnaire des expressions et tournures…,2006) relève 700 expressions semblables. Il faudra pousser à la roue si l’on veut les éradiquer. 

Boxing day (2020)

2020-12-17. Matelas Confort invite ses clients à «acheter local» (Le J. de Qc, 17 déc., p. couv.). Tous les citoyens entérinent la proposition. Malheureusement, l’invitation ne va pas jusqu’à proposer une appellation locale pour désigner la journée de soldes. Le manufacturier se satisfait d’une expression importée «Boxing day». Pourtant, l’Asulf propose depuis 1993, au nom des Québécois et de l’enrichissement du français, «lendemain de Noël», «après-Noël» ou «soldes d’après Noël. En 2019, un inventaire des annonces publiées dans le Journal de Québec (28 décembre) et dans le Soleil (24-28 décembre) montrait qu’on avait utilisé 26 fois sur 38 l’expression «Après-NoëL». L’expression anglaise fut employée à deux reprises seulement. Il est à souhaiter qu’à la prochaine occasion on invitera les chalands non seulement à acheter les produits locaux, mais à utiliser aussi les mots d’ici.

Wow! (2020)

 2020-12-16. Le français est-il en danger au Québec? Chaque citoyen peut aligner nombre d’indices qui confirmeraient l’hypothèse. Des mots anglais prennent la place de mots français, des tournures calquées font oublier les expressions françaises, des façons américaines d’abréger les mots s’imposent, les exclamations sont inspirées par le voisinage. Une entreprise de Thetford annonce des soldes d’aggloméré de plancher flottant à 0.69 $ le pied carré alors que le prix courant est 1.39 $. Avec raison, l’offre appelle un «wow! tonitruant (Le J. de Qc, 16 déc., p. 13). L’interjection américaine fait partie du décor publicitaire. Personne ne connaît l’équivalent français «Ouah!». Ce n’est pas une faute grave. Mais elle révèle la profondeur du recul du français. Jean Forest note que nos interjections sont inspirées des États-Unis et que nous ignorons les françaises.. Il écrit : «…celles de la francophonie conservant toujours quelques chose d’exotique pour nous» (Anatomie du québécois, 1996).

Pole position (2013)

 2013.04.07. Les Québécois sont habituellement familiers du hockey. Un quotidien de la capitale a donné le titre suivant à un article signé de Michel Bergeron: Les Penguins en pole position (le Soleil, 30 mars, p. 69). La manchette est doublement erronée. Il n'y a pas de position de tête au hockey. Il y a, bien sûr, une première position au classement... Et, s'il y en avait une, celle-là et non celle-ci, il n'y aurait aucune raison de se contenter de l'expression anglaise. Réservons cette dernière aux compétitions en pays anglophones et à des sports qui prévoient une telle pratique.

Viaduc, tracel (2013)

 2013.04.10. Les Québécois ont le mot "viaduc" en odeur de sainteté. Ils l'ont semé à tous les cinq ou dix kilomètres de long de leurs autoroutes. Si bien qu'aujourd'hui, on peut dire que le Québec est le pays des (faux) viaducs. On a affaire à de simples ponts  routiers, à des sauts-de-moutons. Mais il y en a un vrai: le viaduc de Cap-Rouge. Alors là, c'était au début du XXe siècle, les Carougeois et leurs concitoyens, plutôt que de se servir du mot français, ont inventé un calque de l’anglais : tracel. Le mot se prononce bien. On marque le centenaire du mot et de la construction en 2013. Dire qu’on aurait pu étendre le mot à tous les faux viaducs et faire du Québec le pays des tracels !

Viaduc (2015)

 2015.11.17. Un viaduc sur l’autoroute Henri-IV? La venue prévue de quelques milliers de migrants au Québec est l’occasion de chercher désespérément le ‎viaduc d’une autoroute de la capitale sur lequel on aurait fixé une banderole (Michel Corbeil, Le Soleil, 15 novembre, 12 h 17). Il n’y en pas, sauf si on ratatine ce que l’on désignait habituellement comme un viaduc en français : un long pont qui enjambe une vallée. Mais le mot semble souffrir de déflation, comme les mots « site », « institution », « événement », lesquels désignent de plus en plus un terrain, un établissement, une rencontre sociale ou les soldes de voitures. Les viaducs du passé étaient du type de celui de Cap-Rouge. La définition donnée dans le Nouveau petit Robert a été calibrée. Celle publiée dans l’édition de 2002 se lit : « Pont de grande longueur servant au passage d’une voie ferrée, d’une route ». À première vue, on pourrait penser que le calibrage de la définition a été inspiré par l’usage québécois. On avait 1000 ponts autoroutiers qu’on ne savait pas nommer sauf par le mot « viaduc ». Les mots « saut-de-mouton », « pont routier » ou même l’étrange « pont d’étagement » semblent destinés aux rayons des antiquités.

vendredi 18 décembre 2020

Tournure: Mettre l'épaule à la roue (2019)

2019-05-09. Quand des entreprises font des efforts pour utiliser des tournures françaises plutôt que de reproduire automatiquement celles qui sont calquées sur l’anglais, il ne faut pas hésiter à les mettre sous les projecteurs. Ainsi, le placard publicitaire d’un restaurant de Québec, parue dans le Soleil (9 mai, p. 5), se lit : « Mets la main à la pâte ». On aurait pu céder à la tournure calquée sur l’anglais « Mets l’épaule à la roue» (plus que fidèle traduction de «Put your shoulder to the wheel» et négliger les locutions françaises : Pousse à la roue, donne un coup de main ou celle que l’on peut lire dans l’annonce, laquelle colle on ne peut mieux au type de plats offerts au restaurant. 

Talk show (2020)

 2020-04-07. Belle trouvaille de Mathieu Dufour : le Show-Rona virus (Le Devoir, 7 avril). C’est à se demander si les quincailleries Rona ne subventionnent pas le «talk-show» téléphonique. Cette dernière expression est plus difficile à remplacer que le jeu de mot conjoncturel. Il faudrait quand même faire preuve d’imagination et en tailler de nouvelles à l’aide du stock de mots français. On comprend le choix de l’humoriste cependant. La fiche du Grand dictionnaire terminologique se lit comme suit : Talk-show FR – Talk-show EN. C’est dire que l’expression serait française. L’humoriste ne le croira pas, mais Termium (du gouvernement fédéral), à l’article Talk-show, précise : «à éviter, anglicisme». Mais les traductions entr’aperçues (émission-débat, débat-spectacle, conversade, jasette) ou rêvées (causerie, toutatrac, bigofonne, aufildutel) sont insatisfaisantes. En somme, tous les auditeurs, l’humoriste et ses hôtes sont invités à imaginer un titre à partir du terreau local.

Tournures: Pour faire une histoire courte (2020)

 2020-04-06. Il serait de mise que les animateurs ou chefs d’antenne de la première chaîne, la radio de référence, tiennent compte des remarques rédigées par leurs services linguistiques. Ces derniers en ont sans doute rédigé des milliers depuis la création des services en 1960. Les auditeurs ont entendu l’expression «Pour faire une histoire courte » lors de l’émission Dessine-moi un dimanche (5 avril, 9 h 15). Vérification faite, à droite ou à gauche, on note qu’elle est une tournure calquée sur l’anglais. Tel est l’avis de Bruno Colpron (1982), de Michel Parmentier 2006), de Marie-Éva de Villers (2018). Et c’est aussi l’avis des grammairiens du réseau. D’abord de Camil Chouinard (1500 pièges…; 2007) et surtout des contemporains, Guy Bertrand et ses collègues du Français au micro, lesquels écrivent: «Il vaut mieux dire, selon le contexte, ‘en somme’, ‘pour abréger’, ‘pour résumer’, ‘en un mot’, ‘pour en venir aux faits’» et même, ajoutent-ils, ‘bref’.

Tournures : Ajouter l'insulte à l'injure (2020)

/ 2020-02-13. C’est un vingtième anniversaire! L’expression «ajouter l’insulte à l’injure», calquée sur l’anglais «to add insult to injury», sert de titre à un article portant sur la gouverne scolaire (Le Devoir, 13 février : A 2). En janvier 2000, on expliqua dans l’Expression juste (www.asulf.org) que la tournure française était pléonastique : l’insulte ou l’injure sont des paroles offensantes, sans plus. En revanche, l’expression anglaise est significative : «Le mot anglais ‘insult’ a un sens équivalent à celui du mot français ‘insulte’, mais ‘injury’… signifie tort, dommage, préjudice». La BDL ajoute : blessure. Donc, «si quelqu’un fait du tort (injury) à une autre personne et … qu’il l’insulte (insult) en plus, c’est le comble». Les solutions de rechange au calque se comptent par dizaines, mais le calque a des racines profondes ici (voir Mots de tête, bis / Frèdelin Leroux fils, 2013) 

Formes passives (2019)

1019-12-18. «Des témoins sont actuellement rencontrés par des policiers» (Le Soleil, 18 déc., p. 11). Cette phrase, à la voix passive, est répétée comme un mot de passe par les services policiers du Québec. On trouve : «Le suspect sera rencontré…» (16 janvier 2018, p. 14) et «Le suspect a été rencontré» (7 août 2019, p. 7). La tournure est possible et acceptable. Le grammairien des journaux de Québecor, J. Lafontaine, a donné son avis : «À part créer une phrase lourde, le verbe ‘rencontrer’ à la forme passive est – oui - tout à fait acceptable». La voix passive est inspirée par la tournure courante en anglais et Jean Darbelnet juge – c’était en 1965 – qu’un tel anglicisme syntaxique est plus préjudiciable au français que l’emprunt de mots étrangers. Il faudrait soumettre l’observation aux autorités policières. 

Pizza «large» (2019)

2019-12-23. La publicité peut contribuer à la correction comme à la dégradation de la langue. Vers 1960, elle a aidé à la diffusion du mot «cuisinière». Aujourd’hui, elle contribue à la perpétuation de «pizza large». Telle est l’accroche des pizzérias Stratos sur les publisacs distribués aux portes des consommateurs de la capitale (22 décembre). Pourquoi large? Les photos montrent des pizza circulaires. La vraie raison est qu’on reproduit le mot anglais. On le fait encore en parlant de la taille des vêtements («petit, moyen, «large»). Stratos le fait en restauration. Le Dictionnaire québécois d’aujourd’hui (1992) donnait pourtant un exemple correct : «Une petite, une moyenne, une grande pizza». Par la suite, d’autres usuels ont relevé l’anglicisme (Meney en 1999, Forest en 2008, Cardinal en 2009, D’Apollonia en 2010 et Usito actuellement. Il serait approprié que Stratos corrige l’appellation franglaise. 

Vente, solde ou vente au rabais (2019)

2019-12-21 Les interventions des amoureux de la langue sont-elles efficaces? Prenons le cas du mot «vente», anglicisme sémantique, utilisé au sens de «solde». Le mot ne signifie pas «solde». L’Asulf critique et dénonce l’anglicisme depuis 1988 (Bulletin, nov. 1988, p. 2). Un relevé des placards publicitaires publiés dans le Journal de Québec et dans le Soleil du jour (21 décembre) indique que six d’entre eux utilisent «solde», quatre, «vente» et cinq, des solutions de rechanges (liquidation, temps des aubaines, blitz, des occasions…). Le coup de sonde n’est pas très significatif. Il indique une légère avance du mot «solde», mais qu’il faut rester aux créneaux et poursuivre les explications et les pressions auprès des marchands et des publicitaires.

jeudi 17 décembre 2020

Place des Canotiers c. Quai Paquet (2017)

 2017.06.26. Québec et Lévis se distinguent par plus d’une caractéristique. Sur la rive nord, on a la « place » des Canotiers; sur la rive sud, le «quai Paquet ». Les deux aménagements sont vis-à-vis l’un de l’autre. Les deux ont une façade sur le Saint-Laurent, les deux sont bordées par une rue (Dalhousie à Québec; Saint-Laurent à Lévis). À Québec comme à Lévis, on a planté des arbustes, on a aménagé des jeux d’eau, des sentiers de promenade et des espaces de détente. En somme, le quai Paquet et la «place» des Canotiers sont deux frères. Seuls les génériques les distinguent. Le maire Labeaume a tenu mordicus à imposer le mot « place », souvent mal employé, qui désigne souvent des maisons de rapport, des centres commerciaux, des parcs, etc. Pour sa part, le maire Lehouillier a fait la distinction entre « place » (espace découvert bordé par des bâtiments et des voies de communication) et « quai » (bordé d’eau). Bravo!

Crinqué ? et l'impérialiste français! (2017)

 2017.06.20. La professeure A.M. Beaudoin-Bégin accuse souvent les Québécois de céder à l’influence culturelle de la France. Chaque jour pourtant des faits contredisent son hypothèse. Une déclaration récente du ministre de l’Éducation, monsieur Sébastien Proulx, fait douter de l’assertion : « Je souhaite m’entourer d’un groupe de crinqués… » (Le Soleil, 20 juin 2017, p. 8). Crinqué ? Ce serait pourtant un mot que les français semblent ignorer. Ils doivent l’utiliser sans s’en rendre compte! Le Robert et le Larousse l’ignorent. Pour sa part, le collègue d’A.M.B.B., L. Meney (Dictionnaire québécois français, 2003), affirme que le verbe «crinquer » constitue un emprunt direct à l’anglais (to crank). Qui a raison? Par ailleurs, le ministre aurait pu dire autrement : s’entourer de mordus, de motivés, de gonflés à bloc, d’enthousiastes. Là, ce serait peut-être l'influence française.

Programmation ou programme? (2016)

 2016.11.01. On a beaucoup de difficultés à distinguer un « programme » de la « programmation». Hier,  31 septembre, les habitués de l’Anglicane de Lévis recevaient un message publicitaire numérique intitulé « Ajouts à la programmation ». Le Petit Robert précise pourtant que la notion signifie « établissement ou organisation des programmes » et non le programme lui-même. Les définitions n’ont pas varié depuis près de cent ans: On fait toujours la distinction. En 1972, on employait « programmation » en parlant de l’action d’inscription d’une émission au programme d’un réseau, de l’agencement rationnel des émissions formant le programme et, bien sûr, de l’élaboration des programmes (Encyclopédie du bon usage… / Dupré). Quatre décennies plus tard, on aligne encore les mêmes définitions. Mais les dictionnaires correctifs ne relèvent pas le dérapage apparent : ni la Banque de dépannage linguistique, ni le Multidictionnaire…, ni Le Français au micro… Les dictionnaires d’usage ne bronchent pas non plus : les définitions traditionnelles tiennent le coup.

mercredi 16 décembre 2020

Fermer le gouvernement 2018)

 2018.03.12. Le Devoir publie un reportage sur les problèmes financiers de l’État québécois en 1993 et sur la possibilité alors envisagée de «fermer le gouvernement» (13 mars, p.1). Fermer le gouvernement, c’est fermer le conseil des ministres, le cabinet et son secrétariat, peut-être les bureaux des ministres et de leurs conseillers. Autrefois et encore aujourd’hui, sous l’influence de l’anglais, des citoyens s’imaginent travailler au «gouvernement» alors qu’ils travaillent au sein de l’Administration ou de la fonction publique. Les ministres d’il y a 25 ans, des hommes et des femmes dans la cinquantaine à l’époque, utilisaient encore l’expression «travailler pour le gouvernement ». Il est vrai que le gouvernement, le conseil exécutif ou le cabinet, a autorité sur l’Administration comme il exerce une tutelle sur le réseau de la santé ou sur le système d’enseignement. En somme, comme le français offre la possibilité de distinguer le «gouvernement » (le cabinet), l’Administration (la fonction publique) et la fonction législative (l’Assemblée nationale), il faut s’en servir… au moins à l’occasion de la FrancoFête (12-25 mars)!

Tournures «Nos pâtes feront votre journée» (2018)

2018.03.09. L’amélioration de la qualité du français au Québec dépend, pour une grande part, de l’attitude des locuteurs. En voici un exemple? Le Manoir (du spaghetti) publiait périodiquement une annonce dans le Soleil (une occurrence notée en décembre 2016 et une autre fin décembre 2017), laquelle proclamait «Nos pâtes feront votre journée». Un membre de l’Asulf s’est adressé au restaurateur et lui a signalé que l’expression était un calque, qu’en français on disposait d’expressions idiomatiques («… ensoleilleront votre journée», «… combleront votre journée», etc.) et qu’il y aurait lieu de remplacer la tournure fautive. Au lieu de se braquer, le propriétaire a répondu «nous ne savions pas que c’était un calque… Nous en ferons part à notre équipe…». Les délibérations de l’équipe ont mené à l’adoption de l’accroche «Nos pâtes embelliront votre journée » (voir Le Soleil, 9 mars 2018, p. 5). Bravo! Puisse l’exemple du Manoir faire boule de neige. 

Wow! ou Ouah! (2018)

 2018.03.13. Les commerçants n’ont pas souvent le loisir de se demander si une interjection est française ou si elle est anglaise. Le plus récent publisac distribué aux citoyens de la capitale (semaine du 12 mars) contient des prospectus illustrés de flamboyants «wow». Ce sont ceux de Brunet, de Familiprix, de Métro, de Provigo et de Super C. Leurs administrateurs ignorent probablement que l’interjection employée fait partie du vocabulaire anglais, mais non du français. Mieux, ils ne se sont sans doute jamais posé la question. Mais comme tout locuteur lambda, la publicité américaine ou canadienne les influence inconsciemment. Il faut leur donner un conseil : voir quels sont les dictionnaires d’usage qui contiennent «wow !» et lesquels retiennent «Ouah!» et voir quels sont les équivalents proposés d’une langue à l’autre. La FrancoFête est l’occasion de faire un petit crochet vers les dictionnaires.

Wow! ou Ouah! (2020)

 2020-07-19. Quand un chroniqueur de la trempe de Richard Martineau, après avoir noté que le premier ministre ignorait combien Ottawa verse à sa famille immédiate pour faire des conférences, réagit en lançant «Wow» (Le J. de Qc, 16 juillet, p. 7), il ne se rend pas compte qu’il emploie une interjection de la langue anglaise. De fait, tous les publicitaires, tous les humoristes, tous les commentateurs partagent la même ignorance. Par ailleurs, le sens de l’interjection pourrait très bien signifier : «Ça suffit!», «c’est assez!». Habituellement, en sol québécois, on l’emploie pour marquer sa surprise, sa satisfaction, son enthousiasme : «Wow!, quel spectacle!» ou «Wow! quelle athlète!». Dans les deux cas, il existe des interjections en français, mais elles sont ignorées : «Wô!» ou «Ho!» pour «c’est assez», et «Ouah!» pour marquer son appréciation. Bref, l’anglicisation au Québec ne se résume pas à l’utilisation de substantifs. La très grande majorité des exclamations en est aussi un indice

mardi 15 décembre 2020

Anticiper (2014)

 2014.02.16. Le sens premier du verbe « anticiper » est exécuter avant la date prévue. On lit dans InfoPortneuf (14 février) « les libéraux anticipent des élections sous peu ». Si l’on consulte le Multidictionnaire, on voit que le verbe « anticiper », au sens de prévoir, serait critiqué, mais qu’il est passé dans l’usage et qu’on peut le considérer comme un néologisme. Des gens critiquent la dérive sémantique pendant que d’autres l'ignorent. C’est dire, si l’on veut, «votre voiture pollue, mais vous pouvez continuer de l’utiliser ». Dans le cas de la voiture ou du mot, la solution est un pis-aller. S’il y a urgence, on pourra prendre la voiture; s’il est absolument nécessaire d’utiliser le verbe «anticiper» dans son sens anglais, on peut le faire. Mais on peut en douter : le journaliste C. Laviolette aurait pu écrire : prévoient, s’attendent à, entrevoient, espèrent, appréhendent…

Défrayer (2014)

 2014.02.10. On peut illustrer les lacunes du français au Québec par l'utilisation de fautes bien installées dans le langage. Ainsi en est-il du sort qu'on réserve au verbe « défrayer ». Par exemple, on aura lu en page éditorial du Soleil du 1er février : « Le reste de la note… est défrayé par l’ensemble des contribuables. » En français, on défraie quelqu’un de quelque chose, c'est-à-dire qu’on paie les dépenses de quelqu’un, qu’on les lui rembourse ou qu’on les couvre. Dans la phrase relevée, il aurait fallu dire que la note est payée par l'ensemble des contribuables ou des citoyens. Somme toute, en français, on défraye une personne ou un organisme de ses frais mais on les lui rembourse. Il faut savoir distinguer les deux formules.


Fausses représentations (2014)

 2014.02.05. Il est incompréhensible qu'un journaliste et qu'un lecteur de nouvelles disent et répètent : on aurait vendu des garanties prolongées sous de fausses représentations (Téléjournal, 5 février, 18 h 6). Qu'un simple citoyen se le permette, tous comprendront. Mais des professionnels de Radio-Canada! L'expression, un calque de l'anglais (Under false pretences), est épinglée dans le Multidictionnaire de la langue française et même par le conseiller linguistique de la chaîne (400 capsules, vol. 2). En français, on pourrait dire: on aurait vendu frauduleusement, on aurait vendu... grâce à des renseignements trompeurs, etc. Il sera difficile d'améliorer la langue des Québécois tant que les haut-parleurs ne donneront pas le bon exemple.

Tracel (2014)

 2014.02.01. Drôle de pays, le Québec! Il compte 500 simili viaducs: les passages supérieurs que l'on croise sur les autoroutes, les sauts-de-mouton si l'on veut, et des ponts ferroviaires. Il compte un vrai viaduc et sans doute un ou deux de plus. Dans la région de la capitale nationale, on en a un: celui de Cap-Rouge. Mais on n'ose pas lui accoler le générique "viaduc". Voyez: le Soleil du jour (1er février, p. 43) fait état des efforts de modélisation de la structure réalisés à l'Université Laval, mais on ignore totalement le générique. Pour l'auteur, le pont est un tracel (calque d'un mot anglais). En somme, mieux vaut le calque que le mot français. Les Québécois méritent le pompon! Il existe un tracel dans le monde: il est dans la capitale du pays.

lundi 14 décembre 2020

Meilleur avant... (2013)

 2013.10.14. Tout le monde connaît le fromage Boursin. Il y a cinquante ans, les Québécois de passage à Paris en rapportaient. Sur l'emballage, on lisait l'avis: Consommer de préférence avant (telle ou telle date). Depuis quelque temps, le Boursin est fabriqué au Québec. L'avis est devenu: Meilleur avant / Best before (suit une date). C'était dit dans un meilleur français. Pourquoi la fromagerie productrice n'a-t-elle pas adopté la phraséologie française? Ce serait mieux dire. Et plus juste, car un consommateur pourrait proclamer : J'ai mangé le fromage avant la date indiquée, mais il n'était pas meilleur. Personne ne pourrait contester l'affirmation. Cela montre que le calque de l'anglais est flou et incorrect.

En autant que faire se peut ? (2020)

 2020-12-13. Un abonné à la page écrit : «on m'a déjà dit que l'expression "autant que faire se peut" n'était pas française». Elle est répertoriée dans le Dictionnaire des expressions idiomatiques françaises (Livre de poche, 8077) et on lui donne le sens suivant : ‘Dans la mesure du possible’. D’après G. Dagenais (Dictionnaire des difficultés…), des phrases telles que «Autant que faire se peut, je vous donnerai une réponse d’ici à… » ou «Autant que faire se peut, mes avocats entreront en communication…» sont correctes. Il ne faudrait pas cependant aller jusqu’à dire ‘En autant que’. Au demeurant, le Multi dictionnaire juge l'expression «forme fautive». Le calque de ‘in as much as’ est un solécisme. Il revient à dire : ‘En dans la mesure où’. Cela ne se dit pas en français. Somme toute, il faut garder la tournure 'en autant que...' à l’œil.

Préposé aux bénificiaires ? (2020)

 2020-12-12. Un jeune journaliste, en stage au Soleil, ignore les expressions «aide-soignant» et son féminin. Il connaît «préposée» et «préposée aux bénéficiaires» (12 déc., p. 14). Les deux expressions sont passées de la catégorie «Déconseillé» à la deuxième place de la liste des termes privilégiés de l’Office de la langue, derrière «aide-soignant», en mai ou juin dernier. Pour le moment, «aide-soignant» reste en position de tête. Quand on relève les exemples du Trésor informatisé de la langue française, on s’aperçoit que les préposés le sont à des domaines : à la propreté, au vestiaire. Le Robert donne préposé des douanes. En somme, on ne voit pas : préposé aux visiteurs, préposé aux clients, ni préposé aux bénéficiaires. La définition du terme minore l’importance de la fonction dite subalterne. Pendant ce temps, des ambulanciers militent en faveur d’un anglicisme qui leur semble sans doute plus rentable: «paramedic». «Aide-soignant» serait peut-être plus rentable tout en décrivant mieux la fonction.

Stand-up (2020)

 2020-12-11. Le dynamisme du français peut prendre la forme d’un néologisme. Il peut être plus facile d’importer un mot ou une expression américaine, mais cela reste une solution de dernier recours ou une solution temporaire. Il faut, autant que faire se peut, forger et usiner les mots dont on a besoin. Doit-on se contenter de «stand-up»? comme le fait Énergie Québec 98,9. On y pose la question : «Qui sera couronné grand gagnant Le prochain stand-up? (sic, message du 10 décembre). Des expressions sont en lice : seul en scène, spectacle solo, monologuiste, humoriste, solo comique. Cela ne suffit pas? Les gens du milieu devraient libérer la folle du logis. L’imagination langagière découle de la connaissance de sa propre langue. Alors un effort Énergie Québec 98,9!

Boost (2020)

 2020-12-10. La station Énergie Québec 98,9 manque d’imagination ou connaît mal le français. Une émission matinale s’appelle «Le Boost» et ses animateurs «sont à la barre du Boost» (publicité diffusée à 8 h 40 le 10 déc.). On ne sait pas ce que cela signifie exactement. «Le bousté!» sans doute. Peut-être «l’amélioré», «le dopé», «le fouetté». «le gonflé», «le pistonné» «le stimulé», «le survolté», «le ranimé». À moins que les animateurs se considèrent comme «des survolteurs». La tendance à importer des mots anglais, la plupart du temps inutiles et remplaçables, freine l’amélioration du français et contribue à son anglicisation mot à mot, à sa créolisation. Les propriétaires n’en sont sans doute pas conscients. À l’occasion, ils doivent d’ailleurs se proclamer défenseurs émérites du fait français laurentien!

Juridiction? (2020)

 2020-12-09. Défendre le français peut prendre deux couleurs : statut ou qualité. Les ex-premiers ministres dans leur lettre commune parlent bien de «compétence fédérale». Mais les journalistes, sans s’en rendre compte, traduisent «compétence» par «juridiction». C’est ce que fait P. Bellerose (Le J. de Qc, 9 déc., p. 6). Une simple consultation des répertoires correctifs du milieu alerterait la médiasphère, ceux de Camil Chouinard (2007), de Paul Roux (2004), de la Presse canadienne (2006). Sans compter les usuels généraux (Banque de dépannage…, Multi dictionnaire, Usito) et des blogues. Par exemple, on peut lire dans celui du traducteur André Racicot (Au cœur du français) : «… un État ne peut être une juridiction. Ce mot relève strictement du domaine judiciaire. Il désigne le domaine de compétence d’un tribunal… Le mot juridiction devient erroné lorsqu’il est employé pour désigner une autorité administrative, comme un État, un gouvernement. Il s’agit d’un anglicisme». En somme, douter, vérifier, corriger.

Opportunité (2015)

 2015.11.05. Une citation de monsieur Legault est l’occasion rêvée d’aborder la signification de l’expression « bonne ‎opportunité ». L’homme politique a affirmé « … M. Péladeau a manqué une bonne opportunité de dénoncer… » (Le Soleil, 5 novembre, p. 14, 5e col.). Peut-on avoir des bonnes et des mauvaises opportunités? Une opportunité semble une occasion favorable, une belle et bonne occasion. Dire « bonne opportunité » semble un pléonasme. Ou peut-être veut-on tout uniment renforcir l’expression. Un effort supplémentaire mènera sans doute un jour à « mauvaise opportunité » et à « excellente inopportunité ». Tous les dérapages sont en puissance dans les langues.

Levée de fonds (2015)

 2015.11.02. Faudrait-il proposer à ‎Dany Turcotte, la mascotte de l’émission Tout le Monde en parle, de retourner sur les bancs de l’école? Ou de faire de l’auto-formation? Il y a des expressions idiomatiques françaises qu’il ignore. Ainsi lors de l’émission du 1er novembre, au tout début, il a servi à son auditoire l’expression « levée de fonds », un calque du syntagme anglais « fund raising ». En français, on emploie plutôt « collecte », « collecte de fonds », « campagne de souscription », « campagne de financement ». Cependant a-t-on l’assurance qu’à l’école il trouvera un enseignant qui ne répétera pas lui aussi le calque diffusé par les médias? Mieux vaudrait que le comédien ou le réalisateur de l’émission recrute un conseiller linguistique qui serait chargé de relever les fautes courantes entendues lors d’une émission et d’en proposer les corrigés. L’équipe a des maquilleurs, des recherchistes, des conseillers vestimentaires. Pourquoi pas un langagier?

Exclamations: Fuck!

2024.03.01. La chroniqueuse Josée Blanchette aime bien parsemer ses textes de mots anglais. L’habitude fait partie de son style. Dans le Dev...