vendredi 2 février 2024

Mudroom

 2024.01.01. Gaston Bergeron, un spécialiste de la langue parlée dans les régions s’en prend à juste titre à l’affirmation selon laquelle le mot anglais «mudroom» (hall d’entrée ) était employé chez les travailleurs agricoles du début du vingtième siècle (C. E. Carrier, Le Devoir, 23 déc., Cahiers Plaisirs). Chose sûre, pour les Québécois, le mot représente un anglicisme furtif ayant échappé aux radars! Les répertoires d’anglicismes l’ignorent (Lusignan, 1890; Dagenais, 1967; Colpron, 1970...). Publié en 1909, le Parler populaire des Canadiens français note «Entrée, n.f. – Vestibule», mais ne mentionne pas le mot anglais. Il ne faut pas en conclure qu’il était inconnu. L’essentiel est de le reconnaître comme mot anglais et d’utiliser «entrée», «hall», «hall d’entrée» ou «vestiaire». Même si le snobisme journalistique veut qu’on sème des mots anglais dans les articles!

Circulaire ?

2024.01.02. Les épiceries Metro (Métro?) arrosent semaine après semaine les consommateurs d’un courriel dont l’objet est «… voici votre circulaire…» (le plus récent reçu à 9 h 2 le 2 janvier). Le Multi dictionnaire met la puce à l’oreille des locuteurs : «Circulaire. Impropriété au sens de ‘cahier publicitaire’, ‘dépliant’, ‘prospectus’». Même le sérieux Usito (Université de Sherbrooke) note «L'emploi de circulaire (de l'anglais circular) est critiqué comme synonyme non standard de cahier publicitaire…». Pourquoi donc? Lionel Meney explique : «… le terme « circulaire » […] désigne une lettre (ou une note) adressée […] à plusieurs personnes à la fois. Il appartient au vocabulaire de l'administration publique » (Blogue: Le Carnet d'un linguiste). Meney précise : «Le terme […] a un sens plus large que le terme français « circulaire ». […] Utiliser le terme […] dans un contexte commercial est un anglicisme de sens». À Metro de faire la correction !

État ou état ?

 2024.01.03. 2024 est le centième anniversaire de l’Indian Citizenship Act, loi adoptée par le Congrès des États-Unis et étendant la citoyenneté aux Amérindiens. Le Devoir signale l’évènement et précise que ces derniers attendront jusqu’en 1948 pour exercer leur droit de vote «dans certains états» (3 janvier, p. A5). Noter : «états». On peut lire, dans un volume récent «…. ‘État’ s’écrit obligatoirement avec une majuscule, non pas lorsqu’il a le sens général de ‘manière d’être’ […] mais celui plus spécifique ‘d’autorité politique souveraine d’un pays’» (Jean-Max Thomson, La clé anglaise; 2023). Le Multi dictionnaire (Villers) va dans le même sens. On peut faire l’hypothèse que les traducteurs de la nouvelle étatsunienne ont trop fidèlement traduit «in some states». L’essayiste Thomson précise d‘ailleurs que le mot «state» serait le seul exemple d’un mot anglais qui ne prend pas de majuscule alors que le mot français en prend une.

Prononciation: Iowa

2024.01.05. Un auditeur de Radio-Canada écrit au journaliste Frédéric Arnould et lui conseille de prononcer «Iowa» à la française. Le toponyme est un mot amérindien. Les États-uniens le prononcent à l'anglaise. Il serait pour le moins surprenant que les reporteurs francophones du réseau, soumis à la prononciation anglaise du milieu, pensent à prononcer le toponyme en français. Ils participent malgré eux à l'anglicisation du milieu (aï-o-wa, ô-aï-ô) dont ils sont aussi les victimes. Par ailleurs, les directives qu’on leur propose ne sont pas limpides. Un exemple : «Les prononciations de toponymes étrangers doivent tenir compte des phonèmes de la langue française...», «[...] de telle sorte que les locuteurs de la langue à laquelle appartiennent ces toponymes puissent les reconnaître» (La Qualité du français à Radio-Canada : principes directeurs; 2004, p. 5). C’est la quadrature du cercle!

Enjeu

2023.01.06.  On emploie à l’occasion de manière impropre le mot enjeu. On lit dans Le Courrier du soir du Devoir (4 janvier, diffusé à 19 h 9) : «Boudés par Québec en raison d’enjeux de sécurité, les derniers Jeux…». Le texte est d’Alex Fontaine. L’article lui-même publié dans le journal disait plutôt «motif avancé par Québec». Un enjeu est avant tout un prix, une médaille ou une cagnotte que l’on peut gagner ou perdre. Au sens figuré, on peut aller au-delà et considérer que des avantages sociaux pourraient devenir des enjeux lors d’une campagne électorale, comme la permanence des employés de l’État ou l’autonomie politique du pays. Dans la vie quotidienne cependant, ce sont là des problèmes, des préoccupations, des défis. Et si l’on pense «enjeux de sécurité» : motifs, problèmes, questions…

Safe place !

2023.01.07. Le Carrefour de Québec du 10 janvier présente le Saint-Suave, une librairie-café située au cœur de Saint-Sauveur. Le reportage est agréable à lire. Il va de soi que l’existence de la librairie-café peut rayonner à titre de lieu de rencontre et d’animation pour les communautés LGBTQ2IA. Située dans un quartier, dans une ville et dans un pays francophone, la librairie-café se veut un lieu de rencontre de groupes et de leurs sympathisants. Mais qualifier l’endroit de «safe place» n’est pas très flatteur pour la langue française. On dira que les traductions «espace sûr», «club privé», «chez -soi», «chez-nous», etc. manquent d’allant. Mais le Saint-Suave pourrait être tout cela sans se faire qualifier d’une expression anglaise qui en a encore moins.

Tournures: Être dans l'eau chaude

 2023.01.08. Un auditeur attentif de la télé de Radio-Canada adresse une remarque à une cheffe d’antenne : il lui rappelle qu’elle ne devrait pas dire que la police de Toronto «est dans l’eau chaude» mais plutôt «dans le pétrin» (8 janvier). Il aurait pu multiplier les solutions de rechange : « a des ennuis », «est dans de beaux draps», «se trouve en mauvaise posture»... La tournure critiquée reste compréhensible, mais elle n’est pas une «fille légitime!» : elle est une copie de l’anglais «to be in hot water». Elle est notée et critiquée par Michel Parmentier (Dictionnaire des expressions… calquées… ; 2006), par M.É. de Villers (Multi dictionnaire…) et par Guy Bertrand de Radio-Canada (400 capsules linguistiques…; 1999).

Tournures: Dans le cadre

2024.01.09. L’étudiant du Collège Charles-Lemoyne a-t-il entarté de manière violente sa professeure «dans le cadre d’un défi…»? Vraiment «dans le cadre?» L’incident fait l’objet d’une nouvelle de l’Infolettre de Québecor média (17 h 22, 9 janvier). L’expression est tout à fait correcte en elle-même. Mais il est difficile de l’accepter à propos d’un dérapage, d’un échec ou d’une catastrophe. On n’écrirait pas «Le chauffeur est mort dans le cadre de l’accident…». L’activité annuelle d’entartage était planifiée et sa réalisation attendue. Donc, «dans le cadre de…» convenait fort bien. Mais, après coup, il aurait été préférable d’employer une autre tournure. Par exemple. «à la suite d’un défi…», «à l’occasion d’une activité…». Il ne faut pas exclure l’expression cependant.

 

Générer

2024.01.10. On lit dans le Courrier du soir du Devoir (10 janvier, 19 h 7) : «Les virus respiratoires génèrent environ 1000 visites quotidiennes…». Le Multi dictionnaire dit (!) à propos du verbe : «… est employé sous l’influence de l’anglais ‘to generate’, mais il est maintenant passé dans l’usage français». Est-ce qu’il faut pour autant baisser les bras et l’accepter sans hésiter, sans le remettre en question? On peut désirer que l’influence de l’anglais et de l’américain soit illustrée de manière constante. On peut par ailleurs souhaiter une vigueur interne du français, et faire en sorte que l’autonomie politique, culturelle ou économique souhaitée stimule son dynamisme. Le Devoir prône l’amour du français (édito du 6-7 janvier). Opter pour «Les virus respiratoires, cause de 1000 visites…» serait sans doute une illustration de ce voeu.

Circulaire ?

2024.01.11. Chasseur de formes fautives, j’ai sursauté (de nouveau) en apercevant un message publicitaire numérique de la Société des alcools : «Découvrez la nouvelle circulaire» (diffusé à 10 h 41 le 11 janvier). Bien du monde a critiqué «circulaire» pris au sens de feuillet publicitaire : Guy Bertrand et Lionel Meney en 1999, Camil Chouinard en 2007, Jean Forest en 2008, M.É. de Villers en 2009, Lionel Meney de nouveau en 2013 et 2017. Ce dernier écrit dans son blogue : «… ‘circular ‘ a un sens plus large que le terme français […] il désigne ‘a printed advertisement […] intended for mass distribution’. Utiliser le terme ‘circulaire’ dans un contexte commercial est un anglicisme de sens». Mais l’Office de la langue n’est pas du même avis :« Le terme [...] est acceptable en français. Les réserves déjà émises [...] n'ont plus lieu d'être». Nombreux sont ceux qui ont erré! L’Office et l’usage prévalent.

 

Mère monoparentale !

2024.01.12. La première phrase d’un article signé par François Lévesque commence ainsi : « Travailleuse sociale et mère monoparentale » (Le Devoir, 12 janvier, 1e p.). Le Petit Robert fixe l’apparition de l’adjectif « monoparental » à 1975 et l’explique par les mots «Où il y un seul parent». Lionel Meney l’insère, vingt-cinq ans plus tard, dans son Dictionnaire québécois-français, reprend telle quelle l’explication du Robert et ajoute « une famille peut être monoparentale, pas une mère ». On retrouve les mêmes observations dans le dictionnaire numérique québécois Usito : « Qui ne comporte qu'un parent. Famille monoparentale. Père de famille monoparentale. [...]. L'adjectif monoparental se dit d'une famille, mais non d'une personne… ». L’entrée du Multi dictionnaire ne dit pas autrement. Les journalistes n’ont plus d’excuses de succomber à l’impropriété.

 

Exclamations: Fuck!

2024.03.01. La chroniqueuse Josée Blanchette aime bien parsemer ses textes de mots anglais. L’habitude fait partie de son style. Dans le Dev...