mardi 18 janvier 2022

Dans la malle (2022)

2022-01-14. La SSQ transmets à ses clients un feuillet d’information portant : «Le chèque est dans la malle! / L’argent est dans le compte!». Le mot malle est un anglicisme et un archaïsme. Telle est l’observation d’Usito («… critiqué comme synonyme non standard de ‘courrier’, ‘poste’») et du Multi dictionnaire («Forme fautive. Archaïsme au sens de poste, courrier»). Il survit ici en raison de la proximité du mot anglais ‘mail’. L. P. Béguin observe que les archaïsmes, comme les mauvaises traductions, conduisent à l’anglicisation du langage quand on cède à la proximité d'un équivalent anglais (Problèmes de langage). Jean Darbelnet, de son côté, écrit : « Par une sorte de télécommande c’est l’anglais qui fait préférer […] ‘malle’ à ‘courrier’ […]. Tous ces mots appartiennent au français authentique et rien n’empêche de s’en servir. Il n’en reste pas moins que l’influence insidieuse de l’anglais détermine le coefficient de fréquence ». L’archaïsme peut expliquer l’utilisation du mot, mais il ne le justifie pas. Si la SSQ reprend son message, il serait de mise d’écrire «Le chèque est dans le courrier». 

Morning man (2022)

2022-01-13. On n’a pas fait beaucoup d’efforts en vue du remplacement de l’expression «morning man». Paul Roux avait pourtant invité les lecteurs de la Presse à trouver un équivalent français il y a seize ans (19 mars 2006, p. 19). Il proposa et évalua «animateur matinal» et «matinier». Richard Therrien rapporte que France Beaudoin, animatrice d’En direct de l’univers, recevra le «morning man» Paul Arcand à son émission du 2 avril prochain (Le Soleil numérique, 13 janvier). Il y a quatre ans, le mot «matinalier» apparut dans le Petit Larousse. C’est bel et bien un journaliste qui officie en matinée dans les médias. Il est à espérer que l'animatrice osera le néologisme. Ce faisant, elle contribuerait à l’enrichissement du français en sol québécois. 

Le lexique de Racine (2022)

2022-01-12. Passage tiré du roman L'Homme de trop de Dominique Fernandez et portant sur l'évolution des mots à travers les ans: «Le lexique de Racine a vieilli. Un grand nombre de mots, qui exprimaient quelque chose de très fort sous Louis XIV, se sont affaiblis au cours des siècles. Par exemple, ennui, chez Racine, signifie un violent chagrin. La gêne n’est pas un banal embarras, mais une véritable torture. Pour d’autres mots, c’est le contraire : disputer n’implique pas qu’on se querelle, c’est une simple discussion. Jouir se prononce jou-ir, en détachant les deux syllabes, pour respecter la métrique […] D’autres mots encore ont tout doucement changé de sens. Évoquer le génie de quelqu’un, c’est se référer à son caractère, à son naturel. Phèdre parle de développer l’embarras d’un labyrinthe. Aujourd’hui elle dirait démêler, dénouer, supprimer, ce qui est presque le contraire du moderne développer» (Paris : Grasset, 2021, p. 234-235).

Opportunité (2022)

2022-01-11. On peut discuter de l’opportunité de la démission de monsieur Arruda. A-t-il pris la bonne décision? Oui, s'il l’a prise au bon moment, si on lui offre un pont d’or, un poste d’ambassadeur, etc. Est-ce à dire, comme on l’écrit dans le Soleil numérique (11 janvier) : «La démission d’Arruda offre une opportunité»? et comme l'a affirmé le médecin lui-même. L’Académie française note que le mot est un substantif de caractère abstrait : on peut discuter de l’opportunité d’une décision, d’une mesure et, on pourrait ajouter, de la démission ou de la rétrogradation d’un haut-fonctionnaire. L’Académie note, au départ : «Employer opportunité dans le sens d’occasion est un anglicisme» (Ne pas dire, dire; 2020). De fait, il serait plus naturel, plus neutre et plus français d’annoncer que la démission offre l’occasion au premier ministre de s’appuyer sur un nouveau spécialiste et de laisser croire que le haut dirigeant était quelque peu responsable des aléas de la pandémie. On peut quand même entamer une discussion sur l’opportunité de la démission.

Bucké ? (2022)

 2022.01.09. Les titreurs ne font pas toujours d’efforts pour enrichir la langue. Souvent, ils s’efforcent de diffuser les anglicismes qui forment écran devant les mots français. C’est le cas des titreurs du Journal de Québec. Le chroniqueurs Richard Martineau a utilisé le mot «bucké» vers la fin d’un article et ils n’hésitent pas à en faire une manchette en première page (9 janvier). Ce faisant, ils inculquent l’anglicisme dans la mémoire des lecteurs et le renforce. Selon L’Oreille tendue, l’adjectif viendrait du verbe anglais «to buck» (s’opposer, résister). Somme toute, les titreurs de Québecor allongent, haussent, «améliorent» le mur de mots anglais qui masquent les équivalents français : entêté, têtu, buté. On dira sans doute qu’ils ne signifient pas tout à fait la même chose!

Sortie seulement ou Entrée seulement (2022)

2022-01-08. Il vous arrive de faire des emplettes dans des épiceries qui réservent des portes à l’entrée et d’autres à la sortie. On y voit parfois des affiches portant «Entrée seulement» et «Sortie seulement». Cela vient de m’arriver. Et je me suis posé la question : pourquoi informe-t-on les clients qui ont fait leur marché que la porte est une «Sortie seulement»?. L’information est superfétatoire pour ce client, comme l’est «Entrée seulement» pour celui qui arrive. Ce dernier ne cherche pas la sortie et celui-là ne cherche pas l’entrée! Il y a un quart de siècle, l’Asulf a relevé les expressions dans un Winners de Sainte-Foy. La société avait fait valoir que «seulement» ajoutait une précision. L’Asulf répondit : oui, en anglais peut-être! Mais pas pour des francophones. (L’Expression juste, décembre 1988, p. 16). Aux chalands que vous êtes, je confie mon observation.

Événement (2022)

 2022-01-07. On ne réfléchit pas toujours aux mots utilisés. On intègre les modes et on y cède sans trop réfléchir. Des exemples : D’abord, des expressions acceptables : «… appuyer les grands événements», «Les événements font partie de ce qui est important» (Le J. de Qc, 7 janvier, p. 13), «ce qui a mis […] les participants à l’événement dans l’embarras (Le Devoir, 7 janvier, p. A2). Mais il y a les perles : «annuler des événements» (B. Marchand) , «mon premier événement de voyage» (J.W. Awad) et «avoir appliqué des règles […] exemplaires lors de son événement». Si témoins et journalistes avaient le loisir de réfléchir, ils écriraient peut-être : les participants à la fête, annuler des manifestations, ma première organisation de voyage, lors du trajet. L’impérialisme de l’équivalent américain est rarement relevé. Au moins une fois. «Le mot événement, au sens d’activité, est employé sous l’influence du mot anglais ‘event’ qui a un sens plus large» (Capsules linguistiques de l’Assemblée nationale).

Ajouter l'insulte à l'injure ! (2022)

2022-01-06.  Billet adressé à Jérémie Bernier (Québecormédia): Vous ou votre collègue Olivier Faucher écrivez : «une insulte ajoutée à l’injure» (Le Journal de Qc, 31 déc., p. 5) . Il faut consulter le Multi Dictionnaire : «Injure : Parole, action qui offense» et «Insulte : Parole blessante, injure». En somme les deux mots sont synonymes. Les Québécois traduisent mal la tournure anglaise et le mot «injury». Ce dernier mot se rend par «tort» en français. Donc il vous aurait fallu écrire : «une insulte ajoutée au tort» ou «une insulte ou une injure». Mais il existe des expressions courantes en français. Le Muli suggère : «et pour comble de malheur», «et comme si cela ne suffisait pas». Michel Parmentier (Dictionnaire des expressions… calquées sur l’anglais) propose : «par surcroît», «pour comble», «pour couronner le tout»… L’expression est à ajouter à votre guide de rédaction personnel ou mieux à celui de l’ensemble des journaux de la chaîne.

Biais (2022)

2022-01-06. Les nationalistes québécois, de quelques nuances qu’ils soient, version PLQ, version CAQ ou version PQ, ne sont pas toujours conscients d’aller à l’encontre de leurs convictions politiques lorsqu’ils commettent un franglicisme ou simplement un mot anglais. Telle est l’hypothèse qu’un citoyen peut faire en lisant «… disposé à recenser les biais […] que tout professionnel du métier…» (Jean-François Lisée, Le Devoir, 5 janvier, p. A4). Biais? Le Multi dictionnaire commente : Biais. Anglicisme au sens de a priori, idée préconçue, parti pris, préjugé». Pierre Cardinal observe quant à lui : «Sous l’influence originelle de l’anglais bias» (Le VocabulAide). Utiliser le mot, inconsciemment si l’on veut, n’est-il pas reconnaître la domination culturelle des voisins?

Bien partir l'année (2022)

2022-01-04. Le verbe «partir»est à la source d’un nombre impressionnant de formes fautives. M.É. de Villers en identifie six dans le Multi dictionnaire (2021), Jean Forest, dix dans le Grand glossaire des anglicismes (2008), Lionel Meney, plus de vingt-cinq dans Le français québécois… (2017). On peut donc s’expliquer que le titreur du Soleil numérique concocte la manchette «Les bracelets rouges : ça part bien 2022» (3 décembre) et en fasse profiter (!) les lecteurs. Comme nombre de Québécois, il ignore que le verbe «partir» est intransitif. Guy Bertrand (400 capsules linguistiques; 1999) aligne justement un exemple parmi une vingtaine, qui ressemble étrangement à la manchette du Soleil «partir la journée». Il propose son remplacement par « commencer la journée ». Bref, mieux eut valu titrer : «… Ça commence bien 2022».

Tournures: Souhaiter des voeux (2022)

2022-01.03. Je profite du début de l’année pour reproduire ci-dessous un extrait du billet signé Pierre Bénard et publié dans Le Figaro du 31 décembre 2004. Je contresigne à la fois les souhaits et la leçon de français qui suit.

« Mille regrets et autant d’excuses, mais je ne vous souhaite pas mes vœux de bonne année. Je vous souhaite douze mois délicieux, une santé florissante, sans l’ombre d’un rhumatisme, des bonheurs à vous couper le souffle et des rentrées d’argent à ne savoir qu’en faire, je vous souhaite le possible et même l’improbable, je vous souhaite tout, sauf mes bons vœux.

Ces vœux d’heureuse année, on les offre, on les présente aux personnes qui nous sont chères […] On ne leur souhaite pas. […]

Reste que je souhaite des vœux si j’en attends, si j’en espère […] Souhaiter des vœux, c’est concevoir le souhait d’en recevoir »

Historique ? (2022)

 2022-01-02. Il est un adjectif - «historique» - dont on abuse et qu’on ne pense pas critiquer. On s’habitue, c’est tout, comme le chantait Jacques Brel. Mais il arrive que le mot fasse encore sursauter. On peut lire dans le Devoir «Le Colorado […] connaît une sécheresse historique…» (31 décembre, p. B9). La dépêche est de l’Agence France-Presse. Comme pare-feu, voici une observation de Maurice Druon : «Aujourd’hui tout est historique, dans l’instant» alors qu’autrefois l’adjectif définissait ce qui était mémorable dans le passé. On peut prévoir que la sécheresse vécue au Colorado fin 2021 restera dans les annales. Mais pour le moment, il serait préférable de parler d’une sécheresse exceptionnelle, inhabituelle, inimaginable. Au fait, si l’État connaissait demain une pire sécheresse que celle qu’il vient de connaître, cette dernière perdrait-elle alors son titre de «sécheresse historique»?

Tournures: Frapper un mur (2022)

2022-01-01. La chroniqueuse Josiane Cossette écrit, à la fin d’un article portant sur la gestion étatique de la covid, «… surmonter le mur qu’on a frappé» et le titreur le raccourcit : «Frapper un mur» (Le Devoir, 31 décembre, p. B12). Un vieux guide de la Presse canadienne (2006) précise au mot «frapper» : «Marteler délibérément». Paul Roux (Lexique…; Éditions La Presse) aborde le sujet en 2004. Récemment, le linguiste Lionel Meney y a consacré un billet étoffé. Il observe :«Sous l’influence de ‘to hit’, le verbe ‘frapper’, en français québécois couvre les sens de frapper et de heurter en français standard …». Meney reconnait que l’expression «se heurter à un mur» est «plus correcte», mais que le calque est ressenti comme plus fort en contexte québécois. Est-ce une raison suffisante pour l’employer? (https://carnetdunlinguiste.blogspot.com/search...) 

jeudi 13 janvier 2022

Scrap (2014)

2014.08.17. Les titreurs du Soleil ne manquent pas une occasion de mettre des mots anglais inutiles (mais toujours partie de la nomenclature du joual) sous les projecteurs. On lit dans l’édition du dimanche 17 aout (p. 15) : « Des épaves prendront le chemin de la ‘scrap’ ». La correspondante avait eu la sagesse d’écrire dans le premier paragraphe de son article : « … les deux barges… seront envoyées à la ferraille ». Malheureusement, dans le deuxième, on cite un directeur de Groupe Océan qui annonce qu’on va découper les navires et leur faire « prendre la route vers la scrap ». Ce témoin n’a sans doute pas eu la prudence ni le temps de consulter un dictionnaire. Pour le titreur, la présence d’un mot anglais dans une citation est l’occasion d’en régaler le lectorat du journal, lequel ne demande pas un tel cadeau, superfétatoire et, pour tout dire, empoisonné.

Équipe régulière (2014)

2014.08.19. « Anyck Béraud est rentrée de Paris et se joint à l’équipe régulière de l’Heure du Monde » (Première chaine, 18 aout, 18 h 23). L’animateur Jean-Sébastien Bernatchez n’est pas le premier à tomber dans le panneau et à répandre le calque « régulière ». Témoin de la faute trop souvent entendue, le grammairien de Radio-Canada écrit « il n’y a pas plus de classes régulières que de classes irrégulières » (Le français au micro) à l’intention de ceux qui voudraient que leurs enfants soient intégrés à une classe « régulière ». Et il suggère de dire « classe ordinaire ». Mais aurait-on des équipes régulières et des équipes irrégulières à Radio-Canada? Si c’est le cas, l’animateur a fait le bon choix! Sinon, il lui faudra se limiter à parler de l’équipe de l’Heure du Monde.

Température ou Temps? (2014)

2014.08.22. On excusera un locuteur soumis à la noria des mauvaises utilisations des mots « température » et « temps » de les confondre à son tour. Mais il est impardonnable qu’un média écrit laisse passer « Si la température de la fin de semaine était incertaine… » (Info-Portneuf, 21 août; article signé G. Germain). Le mot température renvoie à chaleur, à froid ou, encore, à humidité. « Temps », quant à lui, recouvre la présence du soleil, des nuages, du vent, de la pluie ou de la neige. Il est clair que la journaliste voulait dire qu’on attendait de la pluie, peut-être des orages, que le ciel était nuageux. Donc, il était question de temps et non de température. La chaleur n’empêche pas un match de balle ni la visite d’une exposition de voitures anciennes. L’été québécois est quand même tempéré. 

Mettre la pédale douce (2014)

2014.08.23. L’expression utilisée par la journaliste V. Gaudreau du Soleil (23 août, p. 13) pour résumer l’attitude du maire et de l’administration de Québec face aux nombreux travaux routiers (« Labeaume veut mettre la pédale douce ») est fort ambigüe. Au départ, elle est une référence au domaine de la musique : on appuie sur la pédale de certains instruments pour exprimer de façon plus intense les sentiments que l'on cherche à transmettre (Intern@aute.com). Mais, à l'opposé, il faut mettre la "pédale douce" lorsque l'on cherche à se modérer dans ses paroles. On est encore loin des travaux publics. Si on applique l’expression à ce domaine, on pourrait supposer qu’il peut y avoir possibilité de mettre une « pédale forte ». Ce faisant, on voit bien que l’expression, inspirée de l’anglais, est insatisfaisante. Mieux vaudrait dire : … veut y aller mollo, veut ralentir les travaux, etc.

Screening (2014)

2014.08.27. Des gens sensibles à l’environnement, à la qualité de l’air ou à la dégradation des paysages ne parviennent pas toujours à étendre leurs préoccupations à la qualité de la langue. On a présenté une entrevue de la présidente de l’Association des femmes autochtones du Québec et du Canada, Michèle Audette, à la Première chaine (27 août, 16 h 39 +). La rencontre portait sur les femmes autochtones disparues au cours des trois dernières décennies. Quand est venu le moment de parler de la difficulté de repérer ou d’identifier ces disparues dans les listes générales de la police, seul le mot « screening » a attiré son attention. Elle s’est excusée, mais le mal était fait. Des milliers d’auditeurs ont entendu le mot. Ils le répéteront à leur tour et ignoreront au moment idoine les équivalents français, repérage ou identification (des femmes), dépouillement ou balayage (des listes). Espérons que la prochaine fois, madame Audette saura utiliser des mots du lexique français

Morning man (2014)

2014.08.25. Un lecteur du Soleil rend hommage (24 août, p. 24) à son confrère et collègue décédé, Christian Lavoie. Il rappelle qu’il fut le plus jeune « morning man » montréalais vers 1970. Le lecteur rappelle aussi qu’on l’appelait « Chris the Voice ». Oublions le surnom : un simple phénomène de suivisme anglophile. Mais « morning man »? Rien n’indique dans l’expression qu’on a affaire à un animateur radiophonique. Ce pourrait être un lève-tôt, un matinal ou un matinalier (ce dernier mot est apparu en France), un matineux, un matinier, un réveille-matin. Et même un matineur ou un matutinier, si l’on veut adopter un néologisme. C’est dire que si l’on se donnait la peine de chercher des équivalents français - aussi ambigus que l’expression anglaise - on pourrait en trouver, des mots oubliés ou des créations.

samedi 1 janvier 2022

Boxing day ? (2021)

2021-12-30. Les magasins Latulippe ont trouvé une solution de rechange à Boxing Day : «Super solde interfêtes» (site de la maison, 30 décembre). L’expression anglaise désignait le lendemain de Noël. Elle semble élargir son emprise sur des soldes d’avant et d’après Noël. Jusqu’à maintenant, la solution de rechange proposée était «Solde d’après-Noël» ou du lendemain de Noël. L’expression utilisée, et peut-être lancée par Latulippe, a un grand mérite : elle montre qu’on peut faire preuve d’imagination tout en se servant de mots français. Très souvent les entreprises commerciales donnent l'impression d'être plus habiles en anglais qu’en français. Les publicitaires de Latulippe semblent préoccupés, depuis quelques années, par la qualité de leurs annonces. Ils ont mis de côté «vente» pris au sens de «solde», ils utilisent «Vendredi fou» plutôt que «Black Friday et maintenant «Solde interfêtes» à la place de «Boxing Day». Il faut les en féliciter.

Prononciation: C.R.A.Z.Y. (2021)

2021-12-29. Le cinéaste Jean Marc Vallée est mort. La liste de ses réalisations est impressionnante. Revenons sur le titre du film intitulé C.R.A.Z.Y. On peut faire l’hypothèse que peu de Québécois ou de francophones auront prononcé le sigle lettre par lettre, comme on le fait pour C.S.N. ou, si on en fait un acronyme, «crasi» rimant avec «moisi». . La proximité de l’abréviation et du mot anglais «crazy» menait directement à la prononciation anglaise du titre du film. Vallée ne s’est probablement pas rendu compte du danger (!). Au demeurant, personne n’a tenu compte de ce qu’il y avait sous le boisseau, les prénoms français des personnages : Christian, Raymond, Antoine, Zac et Yvan. Un autre sigle connaît le même sort : CUSM, c’est-à-dire, en clair, Centre universitaire de santé McGill. Encore récemment une journaliste de la radio a soufflé aux auditeurs «keuzoum’). Autant C.R.A.Z.Y. que CUSM furent des guet-apens efficaces!

Pizza large ? (2021)

2021-12-27. Les remarqueurs occasionnels qui invitent des entreprises à remplacer un barbarisme ou un anglicisme par un mot correct doutent souvent de leur influence. Pourtant, il n’est pas rare que des démarches soient couronnées de succès. L’un d'eux a pu lire sur la pochette publicitaire distribuée aujourd'hui : «Grande pizza ». Or il avait écrit à la chaîne à la fin d’avril 2018. Il y disait : «Le publisac distribué aux portes (semaine du 22 avril) est illustré d’une pizza fumante des restaurants Stratos : elle est grillée à point et bien ronde, bien circulaire. […] on précise : «Pizza large» ou «Large garnie». Pourquoi insiste-t-on sur la largeur? Une assiette a-t-elle une largeur? Une tarte? Non. […] On applique le mot «large» à une pizza sous l’influence de l’anglais. […] recommandons […] de soumettre le calque à leurs publicitaires […] s’ils hésitent à le remplacer illico par «grande ».  À l’occasion, la démarche réussit. :

Individu ou personne? (2021)

 2021-12-26. Personne ou individu?  «L’usage indifférencié que font nombre de journalistes des mots ‘personne’ et ‘individu’ […] brouille la compréhension […] Une personne , désignée comme telle, est souvent sympathique, de qualité, de confiance ou porteuse d’autres qualités qui la rendent de bonne compagnie. Un ‘individu’ signale le plus souvent un énergumène peu recommandable, malhonnête, voire pernicieux; qualifié de triste ou de sinistre, l’individu devient un vrai danger. Il est donc malsonnant d’entendre traiter d’’individu’ la victime d’une agression, tandis que son bourreau est désigné comme ‘personne’ simplement parce que ces deux appellations sont interchangeables dans le vocabulaire indigent du commentateur» (Maurice Véret, dans Défense de la langue française, 4e trimestre 2021, p. 48).

Boxing day (2021)

2021-12-23. La compagnie Avalanche fait preuve d’incivisme linguistique. Elle publie un placard publicitaire dans les journaux de Québecor : «Boxing day jusqu’à 50 % de rabais…» (Le J. de Qc, 22 déc., p. 15; 23 déc., p. 13). En sol américain francophone, les jours fériés, les fêtes religieuses et les journées de soldes sont désignées en français. On dit jour du travail, Action de grâces, fête des mères, Noël, Pâques, Vendredi fou, etc. En ce qui a trait au Boxing day, l’expression Après-Noël fait consensus depuis quelques années. On peut lire dans L’Expression juste de mars 2020 (www.asulf.org): «Un inventaire des annonces publiées dans sept livraisons du Soleil […] et dans le Journal de Québec (28 décembre) révèle une nette domination de l’expression ‘après Noël’ et la marginalisation de l’expression anglaise. Cette dernière n’est retenue qu’à deux reprises dans les 38 placards publicitaires relevés ». Espérons qu’Avalanche ne répétera pas sa félonie en 2022.

Raisons sociales (2021)

2021-12-22. Le contexte ne facilite pas l’amélioration du français au pays québécois. Le Devoir publie une lettre d’un lecteur dénonçant la raison sociale Bumper to Bumper (22 déc., p. A6). Un correspondant en a établi une liste d’autres exemples reçue il y a peu. On y trouve entre autres : «Cookie Bluff Café», «Chainesawsome Games», «Ueat», «Sold out Project», «Super dips aliments», etc. Des billets portant «Cut in» (un salon de coiffure) et «Eye Am soins oculaires» ont fait l’objet de billets dans la présente page. De tels exemples illustrent l’inconscience des administrateurs qui n’hésiteront pas, au besoin, à proclamer leur dévouement envers le français! Pour leur part, les consommateurs sont souvent indifférents et l’Office de la langue ne parvient pas à convaincre le bureau du Registraire des entreprises d’imposer des règles plus strictes. Il est important que des citoyens restent à l’affut, proposent des solutions de rechange, contribuent à sensibiliser la population et l’État.

Cheap (2021)

2021-12-21. Le mot «cheap», noté comme mot anglais dans le Robert, comme anglicisme au Québec, est mis en vedette par le Devoir (21 déc., 1e p). On le place d’abord en sur-titre («Un monde cheap»),on l’insère dans le chapeau («l’économie cheap»), le journaliste S.Baillargeon écrit «L’énergie cheap réduit les coûts … » après avoir noté la publication du volume «Comment notre monde est devenu cheap». Le mot signifie tout et n’importe quoi. Un Québécois y lira successivement «monde mesquin», «économie rudimentaire», «énergie à bon marché» et le volume doit porter, pourra-t-on penser, sur l’évolution du monde vers la mesquinerie. Comme on le voit, l’anglicisme est devenu un mot passe-partout. On peut s’en servir de manière familière mais il n’a pas sa place dans un journal de la qualité du Devoir. Au demeurant, tous les répertoires correctifs, même les plus laxistes, le critiquent.

Toponymie: rue Des (?) Grands-Lacs (2021)

2021-12-21. Est-il correct d’écrire une adresse de la façon qui suit : 75, rue Des Grands-Lacs? Telle est la façon de faire employée par Cuisine Malimousse sur un de ses produits, la mayonnaise Mag. A-t-on raison de mettre une majuscule à l’article «des»? il semble bien que non. Dans le même «voisinage» de forme, on peut observer : rue des Érables, rue de l’Église, rue des Parlementaires. De plus, le Guide de l’affichage odonymique (Toponymie. gouv.qc.ca) édicte «… les articles et particules de liaison […] s’écrivent en minuscule». Il faut quand même souligner que la mayonnaise reste excellente en dépit de la majuscule. L’entreprise n’ignore pas la règle typographique établie par les éditeurs du Guide. L’adresse présentée dans le site internet est tout à fait correcte. Reste à corriger celle du pot de mayonnaise lorsqu’on arrivera à la réimpression de l’étiquette.

Levée de fonds? (2021)

2021-12-19. La chronique de Normand Baillargeon s’intitule «L’indispensable liberté universitaire». En regard, la première phrase de Michel David est «La levée de fonds lancée …» (Le Devoir, 18-19 déc., p. A4 et A5). Les deux expressions méritent qu’on s’y arrête. L’une est recommandée (liberté universitaire, à la place de liberté académique), l’autre est habituellement critiquée au profit de «campagne de financement». Ce qui est intéressant, c’est la position d’un professionnel de la langue (www.LeMorisset) face aux deux alternatives. Il reconnait qu’on a affaire à des expressions critiquées dans les deux cas, mais qu’elles sont implantées ici et qu’elles s’implantent en France. Dès lors, leur présence dans la langue courante serait tout à fait acceptable. Le Devoir aurait pu offrir un calque sémantique à ses lecteurs et Michel David avait le loisir d’ignorer «campagne de financement». :

One-man show, stand-up (2021)

 2021-12-18. Des observateurs notent à l’occasion que Radio-Canada n’est plus un modèle en matière de qualité de la langue. Ils ont sans doute raison. Un peu avant 16 h (17 décembre), le chef d’antenne de «C'est encore mieux...» et sa collègue n’ont pas fait mieux que de se contenter des expressions «one-man show», «stand-up» et «joke», et d’abréger par «Djo» le prénom de Jonathan Cormier. Inévitablement, les mots et la prononciation anglaise n’entrent pas indument dans 40 000 oreilles. Les auditeurs les répéteront à leur tour. La gravité des lacunes est surtout liée à l’incapacité de trouver les mots français au débotté. Un spectacle solo ou un seul-en-scène peut continuer sans problème à se nommer «one-man show» aux États-Unis. Même chose pour «stand-up» (humoriste) et «joke» (blague). À tout le moins, les professionnels du réseau pourraient réserver leur langage spontané et relâché à leurs copains et en épargner leur auditoire.

Pre-game show (2021)

2021-12-17. Monsieur Thomas Mulcair publie périodiquement des chroniques dans le Journal de Québec. Aujourd’hui, 17 décembre, il aborde la partie de ping-pong éventuelle entre les tribunaux à propos de la loi sur la laïcité. Il écrit, pour ses lecteurs francophones «Ce jeux de ping-pong […] n’est que le ‘pre-game show’» (p. 23). Bilingues de naissance (!), enclavés dans l’Amérique anglophone, les Québécois comprendront sans doute l’expression. Mais si on leur demandait, à brûle-pourpoint, ce qu’ils diraient, plusieurs resteraient bouche bée. De là, la tâche des médias : trouver les mots français et les proposer au lectorat. Alors quelle expression monsieur Mulcair aurait-il pu utiliser? Spectacle d’avant-match? Avant-première? Période de réchauffement? Show d'avant-match (et sa nuance péjorative)?l

Anticiper le pire (2021)

2021-12-16. Le Devoir annonce une bonne nouvelle : «Le variant Omicron […], Montréal anticipe le pire» (16 déc., 1e p.). Le pire, sans doute prévu durant les Fêtes, fera ses dommages avant Noël! On parvient à anticiper des paiements. On peut anticiper une vague de la covid! Mais le journal peut employer le verbe dans le sens d’annoncer, d’appréhender, de prédire ou de prévoir, comme cela se fait en anglais. On précise dans le Multi dictionnaire que de tels emplois sont critiqués par certains auteurs mais sont passés dans l’usage. Jean Dutourd doit être l’un d’eux. Il écrit à leur propos « Il faut faire attention à ces envahisseurs hypocrites. Sous leur air bénin, ce sont des tueurs. Ils mangent les mots justes comme les ogres mangent les enfants» (À la recherche du français perdu). «Opportunité» a tué «occasion» selon Dutourd. «Anticiper» pourrait faire de même avec «prévoir».

Dre ou la docteure ? (2021)

2121-12-15. Les notices nécrologiques ne respectent pas toujours les règles d’écriture et la qualité du français. Je lis dans celle d’un ex-collègue publiée sous l’égide des salons Lépine Cloutier : «Un merci très sincère à Dre Pascale Chouinard…» (15 décembre). En français soigné, il faudrait écrire : «Un merci très sincère à la docteure Pascale…». La formule «Dre Pascale…» a sa place sur le panonceau du médecin, mais pas dans une notice nécrologique ou dans une lettre… Le linguiste Lionel Meney a détecté ce calque de l’anglais il y a plus de quatre ans. Il écrit : «Dans les hôpitaux […], beaucoup de préposé(e)s à l'accueil des patients ont pris l'habitude de vous demander si « vous avez rendez-vous avec docteur Untel » plutôt que de vous demander si « vous avez rendez-vous avec le docteur Untel» (le blogue Carnet d’un linguiste). Le glissement entr’aperçu semble s'implanter.

Tournures : Paver la voie (2021)

2021-12-14. Il est courant que les titreurs des journaux «corrigent!» les journalistes et illustrent ainsi un conseil de San-Antonio : «Entre deux mots, il faut choisir le pire». Isabelle Légaré, chroniqueuse au Nouvelliste, écrit «Nicole Juteau a ouvert la voie de ce métier» (celui de policière; article publié dans le Soleil, 11 décembre, p. 48). L’expression est idiomatique en français. Les Québécois en connaissent surtout la traduction littérale de «To pave the way», comme le fait le titreur: «La policière qui a pavé la voie». Le sens concret en est asphalter, macadamiser ou bitumer une voie. Cela n’exprime pas clairement l’idée souhaitée : «ouvrir la voie», comme l’a précisé la journaliste. Voudrait-on d’autres équivalents? Ils sont nombreux : préparer la voie, le terrain, ouvrir la porte à, etc. Mais l’essentiel serait que les titreurs ne sabotent pas le travail des journalistes.

Fatbike, pneus surdimensionnés ? (2021)

2021-12-11. Le bulletin municipal Ma Ville contient un article sur les activités extérieures (Hiver 2021-2022, p. 6). On y invite les citoyens à faire du «fatbike» ou du «vélo à pneus surdimensionnés » (quatre occurrences contre deux). On peut croire que la capitale de l’Amérique française souhaiterait trouver un équivalent dans la langue de Jean-Paul L’Allier et de ses successeurs. Les rédacteurs ont sans doute des réticences à utiliser l’expression choisie par l’Office québécois de la langue en 2016. Les vélos dont il est question n’ont pas de pneus surdimensionnés. L’adjectif signifie que les vélos seraient «chaussés» de pneus trop gros pour les besoins. Ils ont des pneus qui conviennent pour la circulation sur la neige ou la glace. Les appellations de rechange ne manquent pas : vélo à gros pneus ou gros-pneus, vélo d’hiver, véloneige (dans le sillage de «autoneige», de «motoneige»). À la prochaine occasion, la Ville devrait choisir une expression appropriée en attendant que l’Office révise sa fiche.

Exclamations: Fuck!

2024.03.01. La chroniqueuse Josée Blanchette aime bien parsemer ses textes de mots anglais. L’habitude fait partie de son style. Dans le Dev...