dimanche 23 mai 2021

Viaducs ( 2020)

 2020-12-21. Le chroniqueur Jean-François Nadeau, parlant de la symbolique du béton, s’arrête au millier de viaducs parsemés le long de nos autoroutes (Le Devoir, 21 déc., p A-4). Il y a en principe des distinctions à faire entre les mots pont, saut-de-mouton, pont d’étagement et viaduc. Les quatre sont parents. Cependant, en dépit du partage de leur fonction, on peut quand même percevoir une différence entre un viaduc et un pont. Les sauts-de-mouton sont réservés aux chemins de fer. L’expression «pont d’étagement», bricolée au ministère des Transports pour désigner nos petits viaducs, est fort imprécise et elle détonne en français. Si nous avions des maisons d’étagement ou des autobus d’étagement, il serait plus facile de s’y habituer. Pour l’heure, en France, on voit des ponts routiers ou autoroutiers. Même s’il peut y avoir des régionalismes à l’occasion. À Bruxelles, l’équivalent de l’autoroute métropolitaine (Montréal) serait appelé «viaduc». C’est une exception, comme le «tracel» de Cap-Rouge, le seul au monde dénommé ainsi!

Tataouiner (2020)

 2020-12-15. L’ex-député Jean Poirier rappelle (14 décembre) avoir utilisé le verbe «tataouiner» à l’Assemblée ontarienne. Le traducteur d’origine française avait demandé à un page d’aller lui demander comment traduire le verbe en anglais. Il lui avait suggéré de bonnes traductions mais aussi la fantaisiste : «to tatawin». Au-delà du problème de traduction, l’origine du mot reste floue. Il y eut, avant 1938, un bagne français à Tataouine dans le désert tunisien. De là, l’expression «aller à Tataouine» pour signifier «aller au diable vert». Au Québec et en Ontario, on utilise le verbe et ses substantifs dans le sens d’hésiter, d'hésitation. Les mots sont présents dans les dictionnaires Bergeron (1980). Boulanger (1992), D’Apollonia (2010) et surtout dans le Dictionnaire historique… d’Alain Rey. Mais le toponyme franco-tunisien et le régionalisme québécois ne semblent pas être reliés. D’Apollonia en fait un dialectalisme franco-français. Le Rey aussi.

Levée de fonds (2020)

 2020-12-14. Madame ou Monsieur de la Fondation…, Il est exemplaire de protéger les femmes victimes de violence conjugale comme le fait «Jonction pour elle». . Il le serait également si la Fondation de l’organisme le faisait, chemin faisant, pour la langue française aussi. Elle mène, dites-vous, une «campagne de levée de fonds». (Le J. de Qc, 14 déc., p. 14). L’expression est un calque de «fund-raising». En français, il faut dire, au choix, «campagne de souscription», «campagne de financement», «collecte de fonds»… La linguiste et chroniqueuse Annie Bourret écrit : «L’expression ‘levée de fonds’ mérite une levée de boucliers!». Il ne faudrait pas répéter la faute à l’avenir. Inscrivez une note dans votre guide de rédaction ou dans le dictionnaire du bureau.

Préposé aux bénéficiaires ? (2020)

 2020-12-12. Un jeune journaliste, en stage au Soleil, ignore les expressions «aide-soignant» et son féminin. Il connaît «préposée» et «préposée aux bénéficiaires» (12 déc., p. 14). Les deux expressions sont passées de la catégorie «Déconseillé» à la deuxième place de la liste des termes privilégiés de l’Office de la langue, derrière «aide-soignant», en mai ou juin dernier. Pour le moment, «aide-soignant» reste en position de tête. Quand on relève les exemples du Trésor informatisé de la langue française, on s’aperçoit que les préposés le sont à des domaines : à la propreté, au vestiaire. Le Robert donne préposé des douanes. En somme, on ne voit pas : préposé aux visiteurs, préposé aux clients, ni préposé aux bénéficiaires. La définition du terme minore l’importance de la fonction dite subalterne. Pendant ce temps, des ambulanciers militent en faveur d’un anglicisme qui leur semble sans doute plus rentable: «paramedic». «Aide-soignant» serait peut-être plus rentable tout en décrivant mieux la fonction.

Stand-up (2020)

2020-12-11. Le dynamisme du français peut prendre la forme d’un néologisme. Il peut être plus facile d’importer un mot ou une expression américaine, mais cela reste une solution de dernier recours ou une solution temporaire. Il faut, autant que faire se peut, forger et usiner les mots dont on a besoin. Doit-on se contenter de «stand-up»? comme le fait Énergie Québec 98,9. On y pose la question : «Qui sera couronné grand gagnant Le prochain stand-up? (sic, message du 10 décembre). Des expressions sont en lice : seul en scène, spectacle solo, monologuiste, humoriste, solo comique. Cela ne suffit pas? Les gens du milieu devraient libérer la folle du logis. L’imagination langagière découle de la connaissance de sa propre langue. Alors un effort Énergie Québec 98,9!

C'est-tu vrai? (2021)

 2021-05-22. On peut accepter que des habitués de tavernes ou des amis au bar d’un centre sportif s’interrogent grâce à la phrase «C’est-tu vrai ça?» Une telle façon de dire appartient au registre populaire. Le dramaturge Michel Tremblay doit mettre de tels propos dans la bouche de ses personnages. Mais, invité à une entrevue, il n’emploiera pas cette formule et l’intervieweur non plus. La Chambre des notaires est impardonnable de poser la question de cette façon (Le Soleil, 22 mai, p. 13). Elle devrait choisir le bon registre. L’ordre des notaires, organisme paraétatique sinon péri-étatique, devrait employer une langue soignée, digne d’un ordre professionnel, dans ses messages publicitaires. Le laxisme langagier est permis aux humoristes et aux dramaturges qui veulent représenter des personnages. Mais non à un organisme quasi officiel de l’État.

Langue des médias (2021)

 2021-05-21. . L’équipe ministérielle veut ralentir le déclin du français. Elle propose quelques solutions dans le projet de loi 96 : francisation des immigrants, limitation de l’accès aux cégeps anglophones, un article de la constitution… . Mais elle néglige le secteur des médias. On prête l’oreille à la radio et on y entend «dépendamment» et «définitivement» (Radio-Canada, Québec, 20 mai, 8 h 30 – 8 h 50), adverbes qui survivent ici en raison de leur proximité avec les locutions anglaises, «live » et «show live» (ibid, 21 mai, 8h 45 – 8 – 50), des emprunts directs à l’anglais. Il est justifié d’adopter des mesures pour arrêter l’anglicisation des nouveaux venus et des francophones, mais l’anglicisation de la langue mériterait les mêmes soins. Il est compréhensible que les invités des réseaux ignorent les mots français idoines, mais les animateurs devraient quant à eux donner l’exemple du bon usage. S’il y a lieu de freiner l’anglicisation de la société, on devrait freiner aussi l’anglicisation de la langue.

Stand-up (2021)

 2021-05-18.  Nos humoristes ne nous donnent pas le bon exemple en matière de qualité de la langue. Souvent ils n’utilisent pas les prémices qui sont sur le marché et que les chalands regardent en se méfiant. Le Devoir (Le Magazine, p. 16) consacre un article à Jean-Philippe Baril Guérard et on y reproduit quelques-unes de ses expressions : «cool», comportements «fuckin’» problématique, du «stand-up», «je m’haïssais», «je me demande à quel point dans un break-up». Il ignore sans doute qu’on peut à peu près tout dire en français. Il n’a peut-être pas envie de chercher. Mais ce faisant, il propage l’habitude chez ses lecteurs ou ses groupies de se contenter des mots anglais. Monsieur dit avoir fait du stand-up. Nos ancêtres ont fait la «cookerie », d’autres furent spotters ou truckers. Après quelques efforts, des descendants ont repéré des équivalents français. Il serait temps d'en mettre de l’avant pour «stand-up» : seul-en-scène, spectacle solo, monologuiste, humoriste. Suivez l’exemple de vos prédécesseurs monsieur Baril Guérard.

Théorie ou plaidoyer? (2021)

 2021-05-16. Les membres du jury au procès de Maxime Lehoux l’ont reconnu coupable : ils n’auraient pas retenu « la théorie » présentée par la défense (Le J. de Qc, 15 mai, p. 15). Le mot signifie « Ensemble de connaissances abstraites, d’idées, qui s’appliquent à un domaine particulier » selon le Multi dictionnaire. Il semble bien, au premier regard, qu’on va trop loin en affirmant que la défense a comme mandat de développer une théorie, comme le font les vrais théoriciens (Weber, Durkheim, Guy Rocher, Léon Dion…). En dépit du sentiment d’inflation verbale, pas un seul répertoire correctif ne la relève. Pourtant, il serait plus juste, à vue de nez, de dire que le jury n’a pas retenu le plaidoyer, l’opinion, l’interprétation, les observations, le point de vue ou les hypothèses de la défense. Cela correspondait davantage à la réalité.

Nos 1,6 million de lecteurs; pluriel (2021)

 2021-05-14. Le Journal de Québec publie des pages d’auto-réclame. On y lit « Merci à nos 1,6 million de lecteurs et lectrices... qui se tournent chaque semaine vers nous...» (14 mai, p. 15). Les publicitaires ont respecté une règle : le pluriel ne s’impose qu’à partir du nombre deux. Mais, ce faisant, la logique commanderait d’écrire «notre 1,6 million de lecteurs… qui se tourne chaque semaine vers nous... ». À vue de nez, utiliser l’adjectif possessif «nos» et laisser «million» au singulier détonne. Je soumets le problème aux reviseurs des journaux de Québecor media.

Clause ? ou Dispositon ? (2021)

 2021-05-12. On ne demande pas à un locuteur lambda de faire la distinction entre une « clause » et une « disposition ». Mais un professionnel de la langue devrait pouvoir la faire. Essentiellement, une clause s’applique à des actes juridiques de nature privée, c’est-à-dire à des conventions, des contrats, des traités ou à des testaments. Et non à des lois. Le mot idoine qu’il faut utiliser en relation avec une loi est «disposition». Le mot anglais «clause» s’applique à la législation. De là le quiproquo à l’origine du glissement. En somme, on ne devrait pas écrire « clause dérogatoire » lorsqu’il s’agit de protéger la volonté des parlementaires exprimée par la Charte de la langue adoptée en 1977 (J. de Qc, 12 mai, p. 4). Il faudrait plutôt parler de « disposition dérogatoire » ou de « disposition de dérogation ». Il y va du sens des mots mais aussi, pour la circonstance, de la qualité de la langue entrevue en filigrane dans la Charte.

Salle de montre? (2021)

 2021-05-10.  Showroom, salle de montre, salle d’exposition : l’expression anglaise, la franglaise (?) et la française. On voit à l’occasion «salle de montre». C’est le cas dans une page publicitaire de l’entreprise Armoires PPM (J. de Qc, 10 mai, p. 19). Le mot, on dirait un calque, survit ici en raison du «showroom» anglais. On peut souligner que le mot « montre » était utilisé au XIVe siècle dans le sens concret de marchandise montrée au public ou de foire destinée à l’étalage de produits. Il serait pour tout dire incroyable que le vieux sens du mot survive ici pour cette raison. Les dictionnaires de traduction proposent «salle d’exposition» comme équivalent. Les répertoires correctifs notent que «salle de montre» est un archaïsme ou un anglicisme (le Multi, le Grand glossaire…, le Colpron… . Le traducteur René Meertens note quand même la traduction «salle de montre», usitée au Canada, et Alfred Gilder (En vrai français dans le texte) commente «salle de montre. Québec. traduction parfaite, la montre étant un ensemble de marchandises exposées à l’étal d’une boutique». C’était vrai il y a belle lurette!

jeudi 13 mai 2021

Fat bike (2021)

 2021-05-09. Le Journal de Québec présente l’accroche «Vélo à pneus surdimensionnés» et la journaliste qui signe le reportage ne peut que se rabattre sur «fat bike» ou à un calque amusant et fantaisiste, «vélo dodu»! (9 mai, p. 22) . Le qualificatif «surdimensionné» est impropre dans le contexte. Il signifie «de dimension supérieure au besoin». Le Multi dit «Dont les dimensions excèdent ce qui est nécessaire». Or on peut tenir pour acquis que les gros pneus du vélo tout terrain conviennent à l’utilisation qu’on en fait en montagne ou sur des sentiers difficiles. De fait, le «fat bike» est tout simplement un «vélo à gros pneus». Les journalistes qui éprouvent le besoin de trouver un synonyme peuvent utiliser ce syntagme sans défrayer de droits d’auteur! Et ils pourraient même lancer le sigle, V.G.P. Cela fait partie de leur compétence sinon de leur savoir-faire.

Élèves, étudiants, professeurs (2021)

2021-05-08. Le Journal… est à la recherche des meilleurs «professeurs» du Québec, ceux qui savent inspirer leurs «élèves» (Le #Journal de Québec, 8 mai, p. 4). Normalement, on distingue les professeurs des #instituteurs. Ceux-ci enseignent à des élèves; ceux-là, à des étudiants. Le Journal a le choix : il peut rechercher des professeurs à succès et alors on sollicitera les étudiants. Si l’opération vise les instituteurs, ce sera les propositions des élèves qu’il faudra rechercher. Le Journal pourrait désirer identifier les meilleurs enseignants (donc, instituteurs et professeurs confondus) et solliciter les propositions à la fois des élèves et des étudiants. La propension à utiliser indistinctement «professeur» vient probablement du fait qu’en anglais on n’a que des «teachers». Il est possible aussi que les distinctions traditionnelles en français soient en train de disparaître. Le placard du Journal illustre sans doute une tendance. 

Cash (2021)

 2021-05-07. Question de «cash»? Au Réseau des caisses DesjardinsJe vois l'accroche utilisée sur votre site internet : «Question de cash!» Je sais bien que nous, Québécois, distinguons mal un dictionnaire anglais d'un dictionnaire français. L'employé ou le publicitaire qui a proposé «cash» est sans doute un vrai Québécois. On pourrait lui pardonner sa méprise si le mot n'avait pas eu d'équivalents en français. Mais il en a beaucoup, et pour tous les goûts : argent, artiche, blé, capital, dollars, espèces, foin, flouze, fric, grisbi, liquidités, oseille, numéraire, pécule, pognon, thune.. et des dizaines d'autres. Mais il faut consulter des usuels français pour les dénicher .

À l'effet que... (2021)

 2021-05-04. Le premier ministre du Québec sait qu’il ne parle pas très bien français. Il devine ou il sent qu’il utilise nombre d’expressions calquées sur l’anglais. Ses amis ou ses conseillers le lui font sans doute remarquer… après coup. Il vient de déclarer, à la suite de la démission d’une ministre : «On a eu des informations […] à l’effet qu’il y avait un climat de travail…» (La Presse+, 4 mai, 13 h 42). La tournure «à l’effet que» n’est pas française. Elle est un calque pur sucre de l’anglais (to the effect that). En français, on dit plutôt : «selon lesquelles…» ou «suivant lesquelles…». Une fois la phrase dite et enregistrée par les médias, elle est officielle. Qui oserait y remplacer le franglicisme par une tournure française? Même si la correction ne fait que suivre un conseil de l’OQLF !

Passe ? (2021)

2021-05-03. L’administrateur Yvon Charest ne semble pas très préoccupé par la qualité de la langue. Il glisse des expressions discutables dans un texte publié dans le Soleil (1er mai, p. 53) : «...embarquer dans le tramway», «fenêtre d’opportunité» et, surtout, le mal nommé mouvement «J’ai ma passe». On a baptisé ainsi le mouvement en mars 2019. Dix ans auparavant, le professeur Cardinal écrivit; «Au sens de ‘laissez-passer’ et de ‘billet de train gratuit’, une ‘passe’ (au féminin) s’est déjà employé en français général […] On le considère aujourd’hui comme désuet; son maintien en français canadien a été favorisé par l’anglais ‘pass’» (Le VocabulAide). Il y a trois ans, on écrivait dans le Multi dictionnaire : «Forme fautive. Passe. Au sens de laissez-passer, carte d’abonnement […] ce mot est un archaïsme». On peut espérer qu’une fois le tramway sur les rails le groupe de pression optera pour «J’ai mon laissez-passer» et qu'il négligera le franglicisme archaïque! 

Exécutif (2021)

2021-05-02. Québec solidaire expérimente des affrontements internes. De tels situations sont courantes dans les partis idéologiques. Les partis d’intérêts ont davantage de facilité à régler leurs différends en coulisses. Tous peuvent quand même imaginer des opérations de diversion. La lecture de la chronique de Joseph Facal publiée dans le Journal de Québec (1er mai, p. 10) révèle un filon. QS pourrait profiter de l’occasion pour changer l’appellation «exécutif national». Un débat sur le sujet devrait intéresser les théoriciens. On peut lire à l’article «Bureau» d’une publication de l’O.Q.L.F. : «Termes à éviter : exécutif […] L’usage du terme […] au sens de «bureau» est une impropriété employée sous l’influence de l’anglais. En français, l’adjectif […] s’applique à ce qui est relatif à l’exécution des lois […] tandis que le nom […] désigne un organe ayant le pouvoir de faire appliquer les décisions d’une assemblée…» (Vocabulaire des relations professionnelles; 2009). Le débat ferait manchette au moment où les Québécois attendent la nouvelle Charte.


Swamp (2021)

 2021-05-02. Des lecteurs du Soleil ont dû se demander, en lisant le titre «C’est juste une swamp!», quel est le mot français équivalent? (#Le Soleil, 1er mai, p. 54). Comme tout bon québécois, je suis resté à quia. Rien ne remontait de ma mémoire. Mais le mot hérité de la langue campagnarde de la côte-du-Sud, pour ne pas dire de ma langue maternelle, était bien «swampe!». Résigné, j’ai consulté un dictionnaire de traduction. Deux mots français y sont proposés : «marais» et «marécage». J’ai relu le long article signé des deux spécialistes, Marc Brullemans et Jacques Benoit. Ces derniers ignorent le mot «marécage» et utilisent «marais» dans une énumération («forêt, marais, pré»), sans noter la parenté avec le mot anglais. Le titreur du Soleil ne devait pas connaître, lui non plus, les mots français. Il a repêché le mot anglais utilisé à trois reprises, heureux de pouvoir négliger l’expression «zones humides». Bref, spécialistes et titreurs, ont les mêmes lacunes qu’un fils de cultivateur. Ils ne peuvent donner l’exemple et dire : Rien qu’un marécage! … qu’un marais!

Trash (2021)

 2021-05-01. Madame Amélie Lanctôt (Le Devoir), Quand on tient une chronique dans un journal de langue française, il ne faut pas se satisfaire d’importer les mots étrangers pour parler d’un phénomène à la fois local et universel. Si l’on veut désigner un «ex-animateur trash» des États-Unis ou du Canada, cela est fort à propos. Mais employer l’expression en parlant de Stéphane Gendron, un Québécois, francophone de surcroit, c’est inapproprié (Le Devoir, 30 avril). Il y a lieu de faire un remue-méninges et de trouver des équivalents : mal-engueulé, fort en gueule, fouille-merde, salisseur, boutefeu, lance-flamme, «radioteurs»… À chacun son effort : le français s’en portera mieux. Nos ancêtres ont nommé le pays. Les contemporains devraient contribuer à actualiser le langage du moment. Nous sommes les premiers responsables de la langue et de son enrichissement.

mardi 4 mai 2021

Céduler ? (2019)

2019-05-09.  Monsieur Yves Lévesque, ancien maire de Trois-Rivières, lorgne une députation dans la circonscription du même nom. Il vient de déclarer à un journaliste qu’il était « en train de céduler ça » (Le Soleil, 8 mai, p. 14). Le verbe n’existe pas en français. J. Darbelnet le juge une dérive du verbe «to schedule». Il faut reconnaître cependant que la « translittération » ou adaptation du verbe anglais peut tromper nombre de locuteurs. La graphie et la prononciation sont françaises! À première vue, le candidat en puissance semble donc très perméable à l’anglais. Sa fréquentation de la capitale fédérale l’amènera sans doute à adopter d’autres anglicismes, à les importer dans sa circonscription et à les enseigner à ses électeurs. Pour l’heure, ces derniers devraient lui faire remarquer que «céduler » se rend, en français par « programmer » ou par «fixer » dans le présent contexte. Et l’inviter à plus de vigilance à l’avenir.

Impliqué (Être...) (2019)

2019-05-12. Au début du siècle, Pierre Bénard, un remarqueur français, a écrit : «… il y a vingt ans, on ne se réjouissait pas d’être impliqué, car c’était toujours dans une accusation». Un traductrice des Nations unies observe de son côté : «Être impliqué signifie une participation coupable… » (Myriam de Beaulieu). On a également écrit : « On est impliqué dans une affaire jugée compromettante » (Terminologie, Univ. Laval, mars 1984). Aussi, la phrase : «le ministère de la Culture sera impliqué dans le projet»(Le Soleil, 11 mai, p. 3) a-t-elle un sens péjoratif. Mieux aurait valu dire : participera au projet, sera partie prenante. Usito se contente de préciser : « … parfois critiqué comme synonyme non standard de s’engager activement dans un projet ,…». On emploie cependant le verbe et le Robert le note. Pour sa part, la conclusion de Terminologie précisait à l’époque : «Le Comité (… de la qualité du français) ne voit pas la nécessité de ce détournement de sens».

Adresser un problème ? (2019)

 2019-05-14. Il est dans l’ordre des choses qu’un locuteur lambda parle d’instinct sa langue maternelle, sans réfléchir aux expressions qu’il utilise. Mais une personnalité médiatisée, un élu ou un spécialiste doit se montrer plus critique. Prenons le cas de monsieur Pierre Luc Lachance, conseiller municipal, interviewé à l’émission C’est encore mieux l’après-midi (première chaîne, 15 mai, vers 17 h 25). Il a répété à cinq ou six reprises l’expression «adresser le problème » ou « adresser une question ». Cela est du franglais. On dit «to address a task » en anglais. La Banque de dépannage… de l’Office observe: « Le verbe anglais to address possède plusieurs sens qui diffèrent des sens habituels du verbe français adresser. Ainsi, on ne dira pas adresser un problème, mais aborder un problème, …». L’Académie française explique : «(le) verbe anglais admet un complément d’objet inanimé… l’on préférera le verbe aborder qui...admet des compléments d’objet animés et inanimés».Voilà une correction à mettre dans son carquois

Vols «domestiques» ? (2019)

2019-05-17. Il faut savoir gré aux élus et à aux ministres québécois de consacrer une part des crédits à la défense de la langue. Cela implique, cela va de soi, qu’ils devraient s’efforcer de s’inspirer des observations faites par les organismes qui relèvent de leur compétence. Aussi, au moment où il est question de la vente d’Air Transat, le premier ministre Legault utilise l’expression « vols domestiques ». (Le Devoir, 17 mai, p. 2). Or la Banque de dépannage linguistique, un service de l’État, note qu’elle constitue un anglicisme lorsqu’on l’emploie pour désigner ce qui concerne un pays ou un territoire bien délimité. Les auteurs de la Banque indiquent qu’on devrait corriger cet emploi et favoriser « interne», «intérieur» ou «national». Un exemple illustre la façon de dire : . « Les vols intérieurs ne partent pas du même aéroport que les vols internationaux. (et non : les vols domestiques)». Monsieur le premier ministre aura sans doute l’occasion, au cours des semaines à venir, de suivre les conseils des services linguistiques de l’État.

Place Ville-Marie (2019)

2019-05-18. Leoh Ming Pei, architecte de renom vient de mourir. La presse mentionne quelques-unes de ses réalisations bien nommées : bibliothèque commémorative…, pyramide du Louvre, le Temple de la renommée…, etc. Une réalisation mal nommée appartient à Montréal : « Place » Ville-Marie. Si l’on veut respecter le sens du mot, il faudrait l’appliquer en exclusivité aux espaces découverts, à l’esplanade, au déambulatoire et non à la tour. Un extrait de Wikipedia illustre l’ambiguïté : « Place Ville Marie est un complexe immobilier …constitué de quatre immeubles de bureaux situés au-dessus d'une galerie marchande. Les immeubles sont groupés autour d'une place située sur le toit de cette galerie et portant aussi le nom de Place Ville Marie. …Le nom … désigne toutefois généralement l'immeuble principal de ce complexe… ». Vite! un Guide Michelin pour éclaircir tout cela: une place sur le toit et une place-immeuble.

Passer la patate chaude ? (2019)

2019-05-19. Monsieur Ricard-Châtelain, Vous n’avez sans doute pas souvent le loisir de vous demander pourquoi nous employons la formule «passer la patate chaude» insérée dans le chapeau d’un article récent (Le Soleil, 16 mai, p. 3). En français, on dit plutôt : refiler le problème, l’affaire ou la question épineuse. Les Québécois ont influencé les Français et ces derniers utilisent à l’occasion le calque de «hot potato ». Si bien que le Petit Robert note l’expression « Se refiler la patate chaude » tout en précisant : calque... . L’influence de l’anglais est reconnue ici par les linguistes Pierre Cardinal (Le VocabulAide), Marie-Éva de Villers (Multi dictionnaire et Lionel Meney (Dictionnaire québécois français). Reste à savoir si on doit favoriser les expressions propres au français ou traduire mot à mot celles qui nous viennent d’outre-frontières.

L'Institut canadien (2019)

2019.05.19. L’anglicisation du français québécois est un phénomène observé au 19e siècle. Il en reste des relents en typographie. En voici un exemple. L’Institut canadien de Québec envoie à ses membres une invitation qui contient les passages suivants (noter les majuscules) : « Il nous fait plaisir de vous convier à la 171e assemblée … de L’Institut Canadien / L’Institut a terminé l’exercice… / Par ailleurs, L’Institut a procédé à… la proposition… sera soumise pour ratification à l’assemblée… des membres de L’Institut.». On lit aussi sur le carton : « Les membres de L’Institut Canadien… sont convoqués `…». L’emploi de la majuscule L à l’intérieur des phrases est une réminiscence inutile. Le texte français de la loi de l’Institut votée en 1848 est alignée sur la pratique anglaise : «The Canadian Institute » donne « L’institut canadien» à l’intérieur des phrases. Après 170 ans, on devrait adopter la règle d’écriture du français à moins de tenir à illustrer l’anglicisation vécue il y a deux siècles.

Tête de violon ? (2019)

2019-05-20. «… un petit nombre de personnes déterminées peut changer le cours des mots et infléchir le vocabulaire». La citation est de Claude Duneton, un romancier français. On peut l’illustrer d’un exemple laurentien. La fruiterie Pomme Salade (1e Avenue, Québec) annonçait au printemps 2018 des «têtes de violon » (traduction littérale de l’anglais «fiddlehead»). Des remarques de clients ont convaincu la fruiterie de donner la vedette à l’expression française « crosses de fougère », expression présente dans le Petit Robert et dans l’Encyclopédie des aliments (Québec Amérique), recommandée par l’OQLF et Noëlle Guilloton (Mots pratiques, mots magiques). Pour l’heure, la désignation prioritaire du légume est l’expression française. Le calque est toutefois présent en deuxième place sur les étiquettes des rayons et sur les emballages. Malheureusement, les facturettes n’ont pas encore été modifiées. Les chalands francophones devraient féliciter les propriétaires de l’entreprise et l’inciter à poursuivre ses efforts.

Challenger ? (2019)

2019-05-25. Le directeur général du cimetière Saint-Charles vient de déclarer « On a décidé de challenger les entreprises d’ici » (Le Soleil, 25 mai, p. 3). Pourquoi « challenger »? Connaissance déficiente du français, psittacisme, mode ou snobisme peut-être. Le verbe anglais était réservé au sport. Le Robert l’enregistre à ce titre et le qualifie d’anglicisme. Le challenge, prononcé à la française «chalange» et non«tchallennge», est une compétition au cours de laquelle le champion est défié. Le directeur général l’applique au monde des affaires, un sport qu’on espère différent de la boxe ou de la lutte. Un remarqueur français a commenté l’emprunt du mot anglais. Selon lui, son inutilité flagrante «ne peut servir qu’à Gribouille, qui va chercher dans la poche de son voisin ce qu’il possède sans le savoir » ( Michel Mourlet). Il est vrai que les locuteurs québécois ont à leur disposition le verbe « défier » et les expressions « lancer un défi aux… », . « proposer une gageure à.. », etc 

Complétion ? (2019)

2019-05-30. Monsieur Ricard-Châtelain, Votre effort pour améliorer ou enrichir le français ne donne pas toujours de bons résultats. Vous écrivez dans le chapeau de l’article portant sur les études relatives au réaménagement de la tête des ponts de la rive gauche : «Mais il y a loin de la complétion des travaux… (Le Soleil, 29 mai, p. 7). Le mot «complétion» manquait jusqu’ici au lexique du français. Le Petit Robert en ignore l’existence. Le Trésor de la langue française en signale l’apparition au Canada dans les années 1930 et on suppose que sa formation a été inspirée de l’anglais. De fait, le mot anglais existe depuis le XVIIe siècle. Le traducteur P. Daviault a relevé (vers 1975) l’absence d’un substantif dérivé au verbe «compléter ». Il proposa les équivalents : « achèvement », « parachèvement », « réalisation », etc. On pourrait penser aussi à «fin des travaux ». Avons-nous besoin du mot anglais? Contribue-t-il à enrichir le français? Voilà la question.

«J'ai ma passe» (2019)

2019-05-26. Une controverse a éclaté à l’hôtel de Ville de Québec : on a engagé 20 000 $ pour le mouvement «Jai ma passe». L’opposition aurait eu pourtant une autre raison de monter aux créneaux. L’appellation du mouvement est une insulte à la langue française. Les membres de comités ou de regroupements laissent toujours à d'autres le soin du choix des mots. Ils ne se méfient pas. Le mot «passe» a l’allure d’un mot français. Cependant, il n’a pas le sens de billet, ni de carte d’autobus, de métro ou de tramway, ni de laissez-passer. Il nous est imposé, disons suggéré, par le voisinage du mot anglais «pass». La qualité de la langue ne préoccupe pas les gestionnaires. C’est là une question jugée secondaire par rapport à une dépense de quelques milliers de dollars. Elle ne justifierait pas la consultation d’un dictionnaire. Pourtant, proposer un mot du lexique anglais au-dépens du français constitue du sabotage culturel et linguistique.  

dimanche 2 mai 2021

Valet (2018)

2018.02.06. Le poids du monde anglo-saxon se fait sentir depuis plus de 200 ans sur le Québec. L’Asulf propose depuis dix ans que restaurateurs et hôteliers remplacent , sur leurs tréteaux, le mot «Valet» par «Voiturier». Une campagne à cet effet a connu un franc succès en 2009. Mais l’hydre renaît sans cesse. Les piétons qui déambulent Grande-Allée à Québec peuvent voir, devant le restaurant Ophélia (au numéro 364) : Valet / Service gratuit. Le site web de l’entreprise reproduit la même annonce. Les Québécois s’expliquent facilement la survie du calque : en américain, on dit «valet parking». La facilité conduit à la traduction littérale. Cela dit, il faut réagir : corriger l’expression si on est de la maison ; l’exiger si on est un locuteur.

Fuck you (2018)

 2018.02.11. Nous humoristes ignorent les exclamations françaises et, en plus ils ne parviennent pas à distinguer les niveaux de langage. Prenez Lynda Dion. Les exclamations «merde », «va te faire foutre», «va te faire niquer», elle ne les connaît pas. On peut se consoler : cela ne nuira pas à sa carrière. Ses talents de comédiennes compenseront facilement une telle lacune. Mais, elle connait «Fuck you» et elle l’utilise même en entrevue à la Tribune de Sherbrooke. «… être en surpoids, c’est comme un grand ‘fuck you’ à l’univers» (Le Soleil, 11 février, p. 31, 4e col.). Elle aurait pu dire : «c’est comme un pied de nez à l’univers», «c’est comme se moquer de l’univers». De telles expressions conviennent mieux aux pages d’un journal. Mais il faut les avoir en réserve et savoir s’en servir le moment venu. Il faut peser ses mots, comme le dit le titre de l'article reproduit dans le Soleil.

Rencontrer des objectifs (2018)

 2018.02.12. Un correspondant, François Brunet, fait remarquer à madame Sonia Dubé de Radio-Canada qu’on ne «rencontre pas des objectifs» mais qu’on peut les atteindre. La remarque m’amène à consulter les recueils de capsules linguistiques de Guy Bertrand, le grammairien du réseau, et à relire celle intitulée «Avez-vous déjà rencontré un problème?» (vol. 2, p. 86). Il est stupéfiant de constater le gaspillage (!) de mots qu’on fait en français!!! On devrait dire «satisfaire un besoin », «remplir une condition», «respecter un délai», «suffire à une demande», «payer une dette», «éprouver une difficulté», «tenir un engagement», «répondre à une exigence», «supporter des frais», «s’acquitter d’une obligation» et, bien sûr, «atteindre un objectif». Lionel Meney  relève pas moins de vingt-quatre exemples d’utilisation de «rencontrer… » dans son récent volume (Le français québécois entre réalité et idéologie). Grâce à l’anglais (to meet… =rencontrer), nos annonceurs parviennent à faire d’importantes économies. «Rencontrer» est un verbe tout-terrain!

Ride-cul (2018)

2018.02.13. Les Québécois ont du talent pour former des mots nouveaux. Pas nécessairement à partir des mots du passé, pas nécessairement à l’aide du lexique français. Mais ils en inventent avec le peu d’anglais qu’ils connaissent. Un jeune de Saint-Élie-de-Caxton vient d’imaginer une expression : un «ride-cul» (Le Soleil, 10 février, p. 12). On connait le verbe «to ride» rendu par «raîîder» (aller vite) et le substantif «raîîde» (voyage, virée). Comme il se doit, les organisateurs du Carnaval de Québec se sont imaginés avoir affaire à une invention du dernier cri. Une expression franglaise en était le symbole parfait, car le jouet est tout au plus une contrefaçon. Il y avait dans le passé, il y a soixante-dix ans, un traineau artisanal (un ski surmonté d’un banc rudimentaire dont on se servait pour jouer, pour descendre une pente en se dirigeant avec les pieds). Sur la Côte-du-Sud, on appelait ce vélo rudimentaire un «glisse-pet». Une dizaine d’autres mots le désignait aussi. Conclusion : un mot franglais peut berner bien du monde, même les administrateurs du Carnaval

Rapport d'impôt (2018)

 2018.02.15. On peut se poser une question. Les animateurs et les chefs d’antenne ont-ils des guides correctifs à leur disposition : Banque de dépannage linguistique, Multi dictionnaire ou même, à Radio-Canada, le Français au micro? Les auditeurs que nous sommes, nous pouvons leur pardonner un premier dérapage. C’est le traitement qu’on peut accorder à Monsieur Claude Bernatchez qui a utilisé l’expression impropre «rapport d’impôt » (1e chaîne, 15 février, 8 h 33). Il doit lui arriver, après-coup, de se rappeler vaguement qu’il est recommandé de dire plutôt «déclaration de revenus», que les répertoires correctifs prônent le redressement (même ceux de son collègue Guy Bertrand (400 capsules linguistiques; 1999, p. 27) ou de Camil Chouinard, ex-conseiller linguistique du réseau (1500 pièges du français…, 2007). L’État québécois est passé à «déclaration de revenus» vers 1985 et l’État fédéral – dont relève le réseau radiophonique – en 1988 (il y a trente ans cette année). Les mauvaises habitudes langagières sont difficiles à corriger!

Wow! (2018)

2018.02.16. On critique facilement les mots anglais inutiles que l’on emploie tous les jours. On s’en prend beaucoup moins souvent aux exclamations, aux onomatopées et aux interjections que nous importons des États-Unis, mais assez peu de France. On n’a pas conscience que l’interjection «Wow! est un emprunt direct à l’anglais. Il est à peu près certain que les magasins Metro (sans accent!) ignorent ce fait. Le prospectus daté du 15 – 21 février fait clignoter deux «WOW!» sur les pages couverture, l’intégrale et une semi-page. Les prospectus du réseau sont présentés en français et en anglais. Ainsi « Eau de source gazéifiée Montellier» est rendu par «Montellier carbonates spring water». Mais, les équivalents français de l’interjection anglaise sont absents : «Ouah!», «Oh là là!», «sensass!», «super!», etc. Le bilinguisme du cahier publicitaire devrait s’étendre à l’interjection et à ses semblables.

Grande finale? (2018)

2018.02.17. Un doute passe, comme dirait Devos. Une journaliste du téléjournal (R.C. Québec, 17 février, 18 h 25) utilise l’expression «grande finale». Elle parle d’un concours de danse. La question se pose : peut-on parler de «grande finale»? sans faire un pléonasme. Robert définit le mot «finale» : «Dernière épreuve… qui, après les éliminatoires et parfois le repêchage, désigne le vainqueur ». Dire «grande finale», c’est sous-entendre qu’il pourrait exister une «petite finale». De fait, cela serait. Le Robert précise : «Petite finale : disputée entre les demi-finalistes pour la troisième place». Mais on n'y a pas épinglé «grande finale». Bref, je suis confondu. Et vous? chers correspondants et chères correspondantes. 

«Change» (2018)

2018.02.18. Un avis est affiché (18 février) sur le poste de péage du stationnement de Bois-de-Coulonge. On y lit «L’horodateur ne donne pas le change». Le change!? Usito note prudemment «L'emploi de change (de l'anglais ...) est critiqué comme synonyme non standard de monnaie, menue monnaie, petite monnaie». Le Multi dictionnaire écrit simplement : «Anglicisme au sens de monnaie». Le Grand dictionnaire terminologique traduit «small change» par «petite monnaie», mais on n’y donne pas de conseil. On s’explique mal une telle prudence. Sans doute juge-t-on que le franglicisme est si répandu qu’il est inutile d’essayer de le chasser. Le mot français «change» n’a pas le sens de monnaie. Si l’avis doit rester en place, il y aurait lieu que la Commission de la capitale nationale le corrige. L’administration publique a un devoir d’exemplarité. 

Coulage d'information (2018)

 2018.02.19. Un correspondant dénonce sans répit les journalistes de Radio-Canada qui parlent de «coulage d’informations ». Entre autres, A.M. Dussault et D. Lessard. La politique Martine Ouellet vient de glisser à son tour sur la mauvaise traduction de l’expression anglaise «information leak» : «Du coulage, juste avant…» (Le Soleil, 18 février, p. 14). C’est le cercle infernal. Les journalistes diffusent la forme fautive, les élus et les électeurs la répètent. Ces derniers l’emploient et les médias la répètent pour être fidèles. Pourtant le Multi dictionnaire, Usito et la Banque de dépannage notent le dérapage et proposent des solutions de rechange : «fuite», «indiscrétion», «révélation», «divulgation». Qui brisera le cercle vicieux ou infernal?

Récipiendaire (2018)

2018.12.20. Un récipiendaire peut-il recevoir une médaille? Le Multi dictionnaire accepte cette possibilité. Le Robert note que le récipiendaire peut recevoir un diplôme ou une nomination, mais ne va pas au-delà. Le mot, d’origine latine, signifie «qui doit être reçu ». C’est-à-dire dans un cercle, dans une institution, à l’Académie française ou à la Compagnie des Cents-Associés. Aussi, Jean Girodet (Dictionnaire Bordas des pièges….) affirme, catégorique, «Ne doit pas désigner celui qui reçoit un diplôme, une nomination, une récompense, etc. ». On observe un glissement en territoire québécois. On écrit dans le Soleil que l’historien Jean-Marie Lebel, déjà «récipiendaire de la médaille de l’Assemblée nationale» vient de recevoir le prix de la Société des Dix (20 février, p. 16). On aurait pu contourner la difficulté : «médaillé de l’Assemblée nationale» ou, encore, «décoré de la médaille de…». Les mérites de l’historien n’en auraient pas été moindres

Tailgate (2018)

2018.02.21. Le «tailgate» est une rencontre festive liée au monde du football. L’Asulf (Association pour le soutien… de la langue française) est parvenue par le passé à convaincre l’Université Laval d’utiliser l’expression «Fête d’avant-match » ou, simplement, «Avant-match » pour ces manifestations de solidarité sportive. La récupération de l’expression anglaise par le #Carnaval pour une manifestation étrangère au football est incompréhensible. On en fait une manchette : «La première édition du Tailgate du Carnaval… » (Le Journal de Sillery / Saint-Louis-de-France, 16 février). Peut-être s’explique-t-elle par l’anglomanie ou le snobisme, par l’ignorance ou par la bêtise. Les photos de la fête organisée rue Maguire ne montrait pas de voitures, encore moins de hayons baissés ou de coffres ouverts. Si les Québécois veulent suivre les brisées du Carnaval, ils organiseront bientôt des «tailgates» à tout propos. Il faut concéder que nommer de telles manifestations est plus facile pour certains en anglais qu’en français! La créativité (d’imitation) passe par l’anglais chez les dirigeants du Carnaval. Ce faisant, ils oublient que la qualité d’une langue s’incarne avant tout dans ses propres mots.

Réaliser que... (2018)

 2018.02.28. Le 1er février dernier, l’Académie française publiait une fiche corrective portant sur l’expression  «Réaliser que… » dans le sens d’«admettre comme réel… ». La BDL en contient également une. Voici celle de l’Académie. «D’excellents auteurs comme Charles Baudelaire, André Gide ou François Mauriac ont parfois donné au verbe réaliser le sens d’« admettre comme réel en esprit » : Il ne réalise pas encore pleinement sa perte. Si cet emploi ne saurait être considéré comme fautif, l’utilisation abusive du verbe réaliser, au sens affaibli de « se rendre compte » est en revanche un anglicisme à éviter. Ainsi, on ne dira pas Il a réalisé qu’il devait partir, mais, par exemple, Il s’est aperçu, il a compris qu’il devait partir».

Etc. (2018)

2018.02.27. L’abréviation «etc.» est soumise à certaines règles d’usage. Il faut l’écrire correctement (pas «ect.»), on ne la répète pas (etc., etc.) à moins d’un besoin absolu d’insister, on ne la fait pas suivre de points (etc….). À l’oral, il est une façon de dire qu’on juge incorrecte. C’est d’employer «et cetera» trop rapidement ou après un seul élément. On entend souvent des personnes interviewées parler d’un phénomène ou d’un article et ajouter illico l’expression latine : « nous avons eu de la grêle, et cetera », «il faut que j’aille acheter du pain, et cetera». La convention veut que l’on emploie la locution à la suite d’une énumération (… du vent, de la pluie, etc.; … du pain, du lait, du beurre, etc.). Cela reste un détail, mais il est parfois agaçant d’entendre un conférencier céder au tic et multiplier sans raison les «et cetera» hâtifs.

Et / ou (2018)

2018.02.24. Il est toujours surprenant de lire dans un article de journal la tournure «et / ou». Elle nous vient de l’anglais. En français, elle est presque un pléonasme : notre «ou » signifie aussi «et» (Pierre ou Julie viendront). Son problème vient de son ambiguïté. Quand un chroniqueur écrit (Le Soleil, 22 février, p. 4, 4e col.): «Pourquoi balancer un chiffre quand on ne sait pas où passera le pont et / ou le tunnel…», cela peut vouloir dire : un pont, un tunnel, ou les deux. Donc, n’importe quoi! En anglais, on comprendrait : peut-être un pont, peut-être un tunnel, mais pas les deux. En français, la phrase réécrite « … où passera le pont ou le tunnel » suppose l'un des deux. Si on écrit «… où passeront le pont ou le tunnel », on comprendra qu’il y aura un pont et un tunnel. Le «ou» en français a une nuance de « et ». Traduire le «and / or» américain par «et / ou», c’est acheter chat en poche ou presque.

Coming out (2021)

2021-04-29. Nous avons une série télévisée qui s’appelle «Histoires de coming out». Le journaliste, Richard Therrien, note qu’«on a fait des pas de géants» en matière de relations entre personnes de même sexe» (le Soleil numérique, 29 avril). Mais une chose n’a pas changé : la difficulté à nommer cette évolution. Le journaliste glisse sur l’expression «sortie du placard». Il se contente de l’expression américaine. Pourtant le phénomène est universel et ni le mot anglais (un faux anglicisme selon A. Rey) ni l’expression française au relent péjoratif ne sont satisfaisants. Des solutions de rechange sont proposées : affirmation, aveu, déclaration, dévoilement, révélation (de son homosexualité). Elles pourraient servir en contexte. Pour l’heure, «coming-out», pour un francophone, a un sens univoque. Il ne faudrait pas qu’il débouche sur les habitudes alimentaires ou sur les tendances politiques! ni qu’on révèle qu’il vient de «coming out of the closet»!

Et / ou (2021)

 2021-04-28. On connaît la double conjonction «et / ou». Les auteurs du Français au bureau font une mise en garde : «La tournure … , qui indique à la fois une addition et un choix, peut être ambiguë, et il est préférable de l’éviter» On écrit dans le Multi dictionnaire : «À l’exception de contextes très particuliers, l’emploi de la locution ‘et / ou’ est inutile…». Voyons ce qu’il en est. TC Transcontinental recherche des camelots et on en précise les conditions de travail : «Journées de distribution : mardi et/ou mercredi» (feuillet distribué dans la semaine du 25 avril). Donc la distribution peut avoir lieu deux jours, mais aussi une seule journée. C’est exactement ce que signifierait : «Mardi ou mercredi». La conjonction «ou» n’est pas exclusive comme est l’anglais «or». Le Multi en donne une illustration : «Marie ou Benoit sont admissibles». Bref, «il n’y a absolument pas de raison de singer les anglophones et de se servir de ‘et/ou’» (L.P. Béguin, 1978). À moins qu’on veuille illustrer le recul du français au Québec, mais par un élément qualitatif cette fois-ci.

Soi-disant (2021)

 2021-04-27. Mathieu Bock-Côté écrit dans le Figaro. Oui, de France! On pourra donc lui rappeler des conseils linguistiques non seulement des services du Québec mais aussi de France. Profitons-en. Il écrit : «… il n’existe rien qui ressemble de près ou de loin à un soi-disant test des tribunaux...» ( J. de Qc, 27 avril, p. 21). Soi-disant test? L’Académie a prévu le coup! On y écrit : «La locution adjectivale 'soi-disant' signifie ‘qui se prétend tel. On ne doit donc l’employer qu’avec des êtres vivants susceptibles de parler et de dire quelque chose les concernant. Si l’on peut […] dire : ‘le soi-disant avocat était un escroc’, on ne peut dire : ‘La soi-disant broche en or n’était qu’un bijou de pacotille’ (Dire, ne pas dire, 2014). Mais le chroniqueur pourra comparer les conseils des académiciens et ceux de des linguistes de l’Office et opter pour ceux qui lui plaisent le plus!

Clean (2021)

2021-04-27. Il est difficile de s’en prendre à des organismes qui font un travail admirable, même s’ils font preuve de suivisme en matière de langue. L’entreprise s’appelle Clean International. C’est déjà du franglais. Mais en matière de raison sociale, il y a la mode, il y a le courant général. Le phénomène est international! Mais on exagère quand on va jusqu’à présenter l’accroche : «Quand c’est clean, c’est Clean International!» (cahier Foire de l’emploi, p. 22; joint au Journal de Québec, 24 avril). Le mot anglais est un vieil anglicisme, un vieux virus pourrait-on dire, d’origine britannique, dont un des variants est américain. On a commencé à le soigner dans les années 1920. Mais il réapparaît à l’occasion. À la prochaine vague, Clean international devrait «vacciner» son titre en lui injectant la dose «Quand c’est propre, c’est…». Le Québec inc. doit faire sa part contre le virus, fut-il seulement langagier. 

Exclamations: Fuck!

2024.03.01. La chroniqueuse Josée Blanchette aime bien parsemer ses textes de mots anglais. L’habitude fait partie de son style. Dans le Dev...