jeudi 30 septembre 2021

Change et petit change (2020)

2020-09-03. Au moment où le gouvernement québécois envisage un mise à niveau de la Charte de la langue française, il est bon de rappeler une affirmation du sociologue Fernand Dumont : «L’essentiel est dans la qualité de la langue que nous parlons». Mais l’amélioration ne va pas de soi. Tout le monde ou presque sait que «change» ou «petit change» sont des anglicismes qu’on pourrait facilement corriger ou remplacer. Mais les professeurs du grand nombre, les journalistes entre autres, ne font pas tous les efforts dont les auditeurs ont besoin. Le commentateur Alec Castonguay se satisfait encore de l’expression «ça lui prendra tout son petit change», parlant du député Richard Martel nommé lieutenant québécois du chef du Parti conservateur fédéral (1e chaîne, 2 septembre, 16 h 50). Comment pouvons-nous apprendre à dire : «il lui faudra se saigner à blanc», « utiliser toutes ses cartouches»… , «se saigner aux quatre veines»… En somme, le gouvernement peut améliorer la Charte, mais il ne faut pas oublier l’apport (!) des médias.

Évènement (2020)

2020-09-04. La police de Québec met fin à un rassemblement d’amateurs de voitures anciennes. Radio-Canada en présente un compte rendu écrit : «… la direction de la santé publique de la Capitale nationale ne souhaite pas commenter l'évènement. / Jean-Philippe Fortier… indique avoir eu l’accord des policiers avant le déroulement de l'évènement. / On avait demandé l’autorisation au service des évènements spéciaux de la Ville …/… Il croit que c’est en raison de nombreuses plaintes de citoyens que l’évènement a été annulé…. / … Il assure d'ailleurs que le rassemblement comptait moins de 250 personnes… / … L’organisateur dit que l’évènement visait à récolter des dons…» (Ici Québec, 4 sept., 14 h 58). Il semble bien que le mot anglais «event» (et son sens très large) fait oublier celui plus restreint du mot «évènement». Les synonymes idoines ne manquent pas. Le rédacteur a utilisé « rassemblement » , mais il y en a beaucoup d’autres (consulter www.asulf.org... Réalisations… Capsules; également L’Expression juste, décembre 2016, p. 3


Futur ou avenir ? (2020)

 2020-09-07. Les abonnés du Soleil ont l’inopportunité (!) de lire deux manchettes à conserver dans leur écrin de perles (5-11 septembre). D’abord, «Nous voyons de la nourriture dans ton futur» (page couverture publicitaire) et «Le futur est arrivé» (p. 5). Une personne familière du français pourrait rouspéter et soutenir que si le futur est arrivé nous avons court-circuité l’avenir. Et que si quelqu’un voit de la nourriture dans notre futur, on peut affirmer qu’on a affaire à un escroc. Pourquoi? Le français possède deux mots et l’anglais n’a que «future», lequel désigne ou l’avenir immédiat ou l’avenir lointain. Les habitants actuels de la planète Terre connaîtront probablement les années à venir et leurs descendants, le futur. Un métier d’avenir est à la portée de la jeunesse; un métier du futur est destiné aux générations futures. Voilà un cas où l’influence de l’anglais fait oublier une nuance utile.

Météo (2020)

 2020-09-14. Il ne faut pas toujours suivre à la lettre les pratiques langagières françaises. On peut lire les extraits suivants d’un reportage de l’Agence France-Presse portant sur les feux de forêt dans l’Ouest américain : «une météo plus fraîche», «la météo ‘commence à coopérer’» et «… attendaient une météo plus propice» (Le Devoir, 12-13 septembre, p. B 14). La météorologie, c’est avant tout la science. On glisse depuis quelques années, tant en France qu’au Québec, vers l’acception d’«ensemble des conditions atmosphériques». Pris en ce sens, on juge le mot «familier». L’Académie observe : «L’abréviation… météo est bien entrée dans l’usage et s’emploie dans la langue courante en lieu et place du terme météorologie… On veillera toutefois à ne pas confondre cette discipline avec son objet, et on se gardera bien d’utiliser météo pour désigner le temps qu’il fait ou le climat». Le conseil vaut pour l’ouest et l’est de l’Atlantique

Adresse à la nation (2020)

2020-09-25. Une adresse à la nation? «Le premier ministre Trudeau vient de prononcer une adresse à la nation… Encore une fois, le Canada pense en anglais quand il parle en français. Si en anglais on peut s’adresser à la nation, il en est tout autrement en français… .Adresse à la nation s’inspire de l’anglais address to the nation…. :L’expression … est donc un autre calque de l’anglais, avec toutes les apparences de la normalité, raison pour laquelle il passe inaperçu un peu partout . Le premier ministre a tout simplement prononcé un discours au pays, un discours solennel» (Extrait du billet d'André Racicot, Au coeur du français; blogue, 24 septembre 2020).

Capitale-Nationale ou Capitale nationale ? (2020)

 2020-09-18.  Les journaux devraient éviter les galipettes québécoises incompréhensibles pour des étrangers, fussent-ils francophones. Qu’y a-t-il à comprendre de la manchette : «Capitale-Nationale : toujours dans le jaune…» ? (Le Soleil, 18 septembre). Comment leur expliquer qu’une majuscule et un trait d’union repoussent les limites de la capitale loin de la ville elle-même? Un organisme de l’État s’appelle Commission de la capitale nationale. Il intervient à Québec, à Lévis, à l’Ile d’Orléans, bref de Saint-Augustin à Saint-Tite-des-Caps. L’ajout d’une majuscule à «n» et d’un trait-d’union pousse la frontière jusqu’au Saguenay d’un côté et jusqu’à l’ouest de Portneuf de l’«autre. Comme les journaux doivent être le plus limpide possible, on devrait écrire «capitale nationale» quand il s’agit de la ville et «région de la capitale nationale» (et non Capitale-Nationale») quand on va au-delà

Institution ? (2020)

 2020-09-16. Une institution n’est pas un établissement. Il faut distinguer les deux réalités. Le bureau du ministre fédéral de la Sécurité publique observe, parlant des CHLSD québécois, «Bien que les conditions se soient améliorées dans ces importantes institutions…»(Le Devoir, 16 septembre, p. A 6). Le Multi dictionnaire précise : «Institution : Anglicisme au sens de ‘établissement scolaire’». L’observation vaut, mutatis mutandis, pour le réseau hospitalier. Pierre Cardinal note que le mot est utilisé «sous l’influence de l’anglais». J. Darbelnet explique mieux que personne la distinction : «Un établissement est localisé, une institution est générale…. Un hospice est un établissement hospitalier… mais… la Banque et la Santé publique font partie des institutions d’un pays…» (Dictionnaires des particularités de l’usage). Le français fédéral appauvrit souvent le français québécois en masquant des distinctions que le français standard fait encore

Médecin de famille ? (2020)

2020-09-12. Médecin de famille? Si on se fie à la signification des mots, c’est un médecin qui prend en charge des familles. Comme si on disait «coiffeur de famille», «dentiste de famille». C’est chose rare. Les parents, les frères, les sœurs ont plutôt chacun leur médecin. Les médecins qui prennent en charge une famille sont l’exception. L’expression est française, mais elle semble constituer une impropriété. Les définitions sont fantaisistes. «Généraliste qui soigne ... une même famille» (GDT). ou «Omnipraticien dont le rôle est la prise en charge ... d’une clientèle déterminée» (Usito). D’autres répertoires gardent le silence. L’expression fait manchette quand même (Surtitre du Devoir, 11 sept., 1e p., éditorial du 12, p. B 8). On peut souhaiter que les éditeurs de la Banque de dépannage linguistique publieront bientôt une fiche sur le sujet.

Toponyme: Rue du Petit-Champlain ? (2020)

2020-09-13. L’odonyme «rue du Petit-Champlain» est une traduction littérale de l’anglais. Tout le monde devine qu’au départ l’adjectif s’appliquait à la rue et non au fondateur de la capitale du Québec. C’est pourquoi le premier odonyme fut plutôt «Petite rue Champlain». La ville conserve sans doute le toponyme calqué afin d’illustrer l’anglicisation systémique et historique du français en sol québécois! Mais, détail oublié, l’anthroponyme Champlain signifie «champ s’étendant dans une vaste plaine». Il est sans doute un cousin des Longchamp, des Beauchamp, etc. ! En somme, la rue du Petit-Champlain serait «la rue du petit champ de la vaste plaine». Les familiers de la topographie de Québec et de la localisation de la rue, coincée entre le cap aux diamants et le Saint-Laurent, n’y verront pas la vaste plaine. Serait-ce une raison supplémentaire de revenir à «Petite rue Champlain»?

mercredi 22 septembre 2021

Viaduc (2013)

2013.08.07. Vous avez déjà vu un VIADUC passer sous un boulevard? Un journaliste du Soleil (7 août, p. 2) en a vu un: le « viaduc du CN qui passe sous le boulevard Champlain ». Une telle œuvre d'art devrait constituer un attrait touristique supplémentaire de la capitale québécoise. Monsieur Labeaume sera content. Il faut imaginer un ouvrage routier ou ferroviaire construit à une grande hauteur, afin d'enjamber une vallée, passant sous une voie de circulation! Il faudrait que ce viaduc soit illico reconnu comme une merveille du Monde. Un moment! Un moment! Il y a eu méprise: le viaduc imaginé est un simple tunnel (le journal en montre la photo à la Une). 

Sigles MMA (2013)

2013.08.08. On a entendu aux nouvelles diffusées en boucle à RDI aujourd'hui (8 août), le ministre R. Hébert et l'animateur S. Bovet prononcer en anglais, donc MMÉ, le sigle MMA (Montreal, Maine &...). Pourtant l'un et l'autre devraient naturellement adopter les sons du français lorsqu'ils utilisent cette langue. Les auditeurs du réseau anglais et ceux du réseau français n'ont pas besoin de connaître les deux langues courantes au Canada pour comprendre les bulletins qui leur sont destinés. De plus, rappelons tant au ministre qu'à l'animateur que « le système des sons d'une langue constitue une composante de celle-ci aussi primordiale que celui de la syntaxe ou du lexique » (André Belleau). Bref...

Tought (2013)

 2013.08.10. Le chef du Parti libéral (P. Couillard) se dit un « tough » (Le Soleil, 10 août, p. ) . Il n'y a sans doute pas de mots exacts (!) pour rendre la qualité ou le défaut dans la langue de Molière! Tout le monde semble savoir cela, même si les dictionnaires de traduction osent en aligner une dizaine, dont dur, fort, endurant, inflexible, obstiné, opiniâtre, tenace, etc. Mais on ajoute aussi, c'est là le mauvais côté des choses : apache, bandit, galapiat. En somme n'aurait-il pas été plus prudent et plus clair de choisir un mot français? Surtout si on est un homme politique.

Unités de logement (2013)

 2013.08.24. Une journaliste écrit, à propos de logements dont la construction est envisagée à Québec: 1) « 250 000 $ par unité » et 2) « 700 unités » (Le Soleil, 23 août, p. 5). Dans le premier cas, il serait beaucoup plus français de dire « 250 000 $ chacun » et, dans le second « 700 logements ». Les deux passages sont calqués de l'anglais « per unit » et « dwelling unit ». L'anglicisation des Québécois est-elle si avancée qu'il faille écrire en franglais ou encore calquer l'américain pour être compris des lecteurs? Probablement pas, mais les journalistes succombent facilement aux tournures de l'anglais.

Bashing (2013)

 2013.08.30. Il est courant de parler du « Quebec bashing ». L'expression, dans la bouche d'un Québécois, désigne le dénigrement systématique du Québec, de ses politiques et de ses petits défauts par des groupes ou par des notables, par des journaux ou d'autres médias d'outre-frontières. Si les critiques viennent de l'intérieur, de concitoyens, il serait plus logique de parler de dénigrement, de critique systématique, d’éreintage. Donc, le "Quebec bashing" serait le fait des milieux canadiens; des attaques semblables venant de l'intérieur seraient du dénigrement, ou de l’acharnement. Somme toute, il ne faut pas négliger les mots français quand ils conviennent.

Tuiles, Spécial, régulier, inventaire (2021)

2021-09-20. Les pages publicitaires de Demers Tapis de Thetford présentent un bon choix d’anglicismes. Regardons celle publiée dans le Journal de Québec du 19 septembre (p. 19). On y trouve de «bons mauvais» exemples : 1) «Tuiles» de tapis commercial : sans doute des carreaux; 2) Prix «régulier» : plutôt «courant»; 3) Céramique en «inventaire» : probablement «en stock»; 4) «Spécial!» : Prix réduit; 5) «Prélart» flottant : linoléum?. Le relevé est celui d’un profane. Des réviseurs en trouveraient peut-être d’autres. Il est à espérer que le marchand trouve parmi ses collaborateurs une personne sensible à la qualité de la langue et qui pourrait consulter les répertoires correctifs à portée de main ou de clavier (Le Multi dictionnaire, la Banque de dépannage linguistique…). Le bon usage viendrait aisément.


Toponymie: Cap Diamant ? (2021)

2021-09-19. L’historienne Anne-Marie Sicotte prépare une biographie de Louis-Joseph Papineau. Elle en propose une perspective dans le Devoir («Papineau, froussard et misogyne»? 18-19 septembre, p. B9). On y relève le toponyme «cap Diamant» («En 1827 […] l’Assemblée législative, installée […] sur la falaise du cap Diamant»). Les services toponymiques l’ont entériné en 1964 après une longue hésitation. Dans sa forme actuelle, on a l’impression qu’il rend hommage à une personnalité du nom de Diamant. En réalité, le toponyme vient d’une mauvaise traduction. Au départ, ce fut «Cap aux diamants». Sous le régime anglais, on l’a traduit par «Cape Diamond» et il devint, au XIXe siècle, «Cap Diamant» à la suite de la traduction littérale. Il est à espérer que l’historienne saura écrire, le moment venu, «… installée fièrement sur la falaise du cap aux Diamants», de façon à respecter et l’histoire et la langue.

Juridiction (2021)

 2021-09-18. Note adressée à Mario Dumont, Vous écrivez dans votre chronique du 18 septembre : «Erin O’Toole entend respecter les juridictions des provinces» (J. de Qc, p. 21). Le mot «juridiction» vous est sans doute inspiré par son homonyme anglais. On lit «Le terme anglais juridiction se rend en français par compétence, sauf lorsqu’il désigne une entité géographique […] , auquel cas il se rend par État, territoire ou ressort et non par [juridiction]». C'est tiré du volume de L. Beaudoin et M. Mailhot (Expressions juridiques en un clin d’œil). On y lit aussi un exemple. D’abord l’expression à éviter : «Les provinces ont juridiction exclusive pour légiférer sur l’éducation». Et par la suite l’expression à employer : «Les provinces ont compétence exclusive pour légiférer…». Pas besoin d’insister davantage. Le diplômé en droit que vous êtes saura, de lui-même, creuser davantage l’observation de Beaudoin et Mailhot.

Déployer, Dernier droit ?

2021-09-17. 17 septembre, 19 h 30 à la première chaîne de Radio-Canada (Québec). Madame Alexandra Duval a succombé aux charmes et frissons de voir «'déployer' un militaire» en Afghanistan et de la tournure «dans le dernier droit» (droit constitutionnel?! ou public?!). Il faudrait apprendre à «envoyer un militaire» et à dire: «la dernière ligne droite», «les derniers jours», etc. On déploie une équipe ou des troupes cependant. On ne dit pas un droit et une courbe, mais une droite et une courbe. De nombreux élèves auditeurs souhaitent de bons exemples.

All in ! (2021)

 2021-09-17. Monsieur Labeaume et les autorités municipales sont «all in» face au projet de parc d’innovation agricole gouvernemental sur les terres de Saint-Michel-Archange (Le Journal de Québec, 16 septembre, p. 19). D’après le contexte et l’explication de la ministre Guilbault, responsable de la Capitale nationale, il a sans doute voulu dire « complètement d’accord ». Les citoyens de Québec se posent la question : comment monsieur Labeaume, pourtant de langue maternelle française, maire de la capitale de l’Amérique française, peut-il ignorer la façon d’exprimer sa pensée en français? Mais une autre question se pose : pourquoi le quotidien se contente-t-il de l’expression en manchette? Si on avait écrit : «Labeaume se dit d’accord avec le projet d’agro-parc» ou quelque chose de semblable, cela aurait été plus limpide… et en français.

Québec bashing (2021)

2021-09-16. L’expression «Québec bashing» est revenue dans les médias à la suite du débat en anglais des élections fédérales et de la question pipée de l’animatrice. Profitons-en pour relever un commentaire sur le sujet : «… 'Bashing' [...] connaît un engouement récent en français, notamment dans les médias […] En anglais, le nom 'bashing' signifie « volée de coups », puis « insulte, attaque verbale », et est dérivé du verbe 'to bash', « frapper, cogner ; houspiller ». Le français a à sa disposition de nombreux termes équivalents comme attaque, éreintage, dénigrement, lynchage, persiflage ou, dans une langue plus familière, démolissage et bien d’autres encore.» Le commentaire, publié en 2013, vient de la Mère patrie et de l’Académie. Il faut le noter.

Vente ? (2021)

 2021-09-15. Le prospectus des pharmacies Uniprix de la semaine du 16 septembre au 22 septembre annonce une «Vente anniversaire». L’expression, en français, ne signifie pas «vente au rabais» ni «soldes». La confusion vient de l’influence du mot anglais «Sale» et de sa traduction littérale. Ce mot couvre deux sens, l’«action de vendre» d’une part et «soldes» d’autre part. Les pharmacies pourraient faire une vente anniversaire comme elles pourraient faire une «acquisition anniversaire» ou un «achat anniversaire», sans que cela implique un montant mirobolant décisif. Le mot «vente» signifie l’équivalent inverse. Bref, la «vente anniversaire» annoncée est une vente au rabais et l’expression «soldes anniversaire» serait plus précise et plus claire en français.

Titre de fonction (2021)

2021-09-13. L'Administration portuaire de Montréal annonce trois nominations. Elle utilise, dans le communiqué daté du 30 août, un langage d'affiche. On y lit les manchettes: « (Une Telle), vice-présidente, affaires publiques... », « (Un Tel), vice-président, croissance et développement », « (Une telle), vice-présidente finances ». De tels raccourcis, acceptables dans un titre ou sur un panonceau, semblent contre-indiqués dans le corps d'un texte. On écrit « L'Administration portuaire […] est heureuse d'annoncer la nomination de (Un Tel) comme vice-président, croissance et développement » et « ... la nomination de (Une Telle) au poste de vice-présidente, finances ». Une langue soignée devrait suivre le modèle adopté dans l'annonce de la première nomination: « (Une telle) est vice-présidente des affaires publiques ... » alors qu'on s'était contenté de la formule courte dans le titre. On devrait éviter le style télégraphique à l’intérieur du texte proprement-dit.

«Ça a ,,, » (2021)

 2021-09-12. Personne ne s’attend à ce que Jean Chrétien, l’ancien chef du gouvernement canadien, donne le diapason du bon usage. La manchette du Soleil «Ç'a changé nos vies» (l'attaque du 11 septembre 2001) illustre bien sa façon de parler. Il a même contresigné sa façon de parler : «Ç'a entraîné des coûts qui sont encore là» (Le Soleil, 11 septembre 2021, p. 35). Un tel langage est courant et populaire. On l’entend dans la rue, dans les tavernes, à l’occasion de rencontres amicales. Un premier ministre devrait en principe utiliser un niveau soigné de langage. Il est un peu tard maintenant pour qu’il se corrige. Mais pourquoi un journal de la Coopérative… met-il la citation en manchette? Il est normal qu’on la reproduise dans l’article. Mais le guide du journal devrait recommander des voies de contournement : une expression exemplaire (Cela a…) ou une autre citation. Jean Chrétien apprécierait sans doute qu’on le corrige!

«Loadé» ou «pipé» ? (2021)

1372 / 2021-09-11. Le premier ministre Legault ne digère pas la question posée à Yves-François Blanchet au début du débats en anglais des chefs politiques. Le Devoir fait part de sa réaction : « … la question était «loadée» , n’avait «pas de bons sens», et pas «sa «place» (Le Devoir, 11 septembre, p. A3). On lui pardonnera son incapacité à repêcher un mot français. Mais il lui faudrait se rendre compte que les intentions du gouvernement d’assurer la survie du français doivent être étayées par la volonté d’utiliser les mots français lorsqu’ils existent. L’adjectif franglais «loadé» est souvent utilisé ici à la place de «chargé» (une carte de crédit…), ou «débordé» (un employé…). Mais dans le contexte de l’entrevue, il est un autre petit mot, tout simple et plus court que le franglicisme : «pipé». Les citoyens de langue française aurait bien compris : «… la question était pipée». Donc, va pour le projet de loi 96! mais à la condition qu’on le justifie par le bon usage.

Déploiement et Déployer (2021)

2021-09-08. On comprend très bien un frère de s’opposer au « déploiement » de sa sœur en Afghanistan (Le Devoir, 8 septembre, p. A9). On comprend très bien aussi qu’on puisse procéder au déploiement d’une armée ou d’une brigade de pompiers. Mais, normalement, il est risqué d’appliquer la même technique à une pompière ou à une soldate. De fait, les dictionnaires, greffiers des faits et des pratiques, ignorent le déploiement d’une seule personne. À la limite, on pourrait en déployer deux ou trois. Mais cela ferait rire les journalistes tant la tartinade serait mince sur le territoire afghan. Ce serait en quelque sorte, écarteler, martyriser, écraser, torturer! À moins qu’on ait affaire à un simple barbarisme. Ce qui serait moins dramatique. 

Médecin de famille (2021)

 2021-09-07. Le Devoir consacre un reportage au manque de «médecins de famille» (7 septembre). De fait, l’espèce semble rare en sol québécois. On a déjà osé écrire : «… nos médecins de famille ne sont pas des médecins de famille» (D. Lamonde, Français québécois). En France, ils semblent exister. Le Trésor de la langue française les définit ainsi : « Médecin de famille. Médecin qui traite habituellement une famille, qui la suit dans son évolution au cours des générations ». Au Canada également. Dans Termium, on dit à son sujet: « A medical specialist who plans and provides the comprehensive primary health care of all members of a family…». Le GDT est prudent : «Médecin généraliste qui soigne habituellement les membres d’une même famille». La lecture de ces définitions inspire une question : Combien de familles québécoises ont vraiment leur médecin de famille?

Vente ? ou Soldes? (2021)

2021-09-04. Il peut arriver qu’on fasse une grande vente sur un terrain de golf, dans une chambre d’hôtel ou même dans une rue. C’est-à-dire une vente importante : sa moto, son bateau ou une montre en or. Mais ce n’est pas ce type de transaction que la boutique Avalanche propose : «Grande vente sous la tente / jusqu’à 70 % de rabais» (Le J. de Qc 4 septembre, p. 10). Le magasin devrait préciser qu’elle fait une «vente au rabais» ou des «soldes». Le mot «vente» n’a jamais eu le sens de ‘mise en vente de marchandises au rabais’, l’une des significations du mot anglais ‘sale’. L’observation date de 1967 et elle est de Gérard Dagenais (Dictionnaire des difficultés…). Il y a quinze ans, un professeur de l’Université de Sherbrooke’ Jean Forest, notait que le sens américain donné au mot français découlait d’une traduction irréfléchie (Jean Forest, Les anglicismes de la vie quotidienne…). De plus en plus d’entreprises tiennent compte de la distinction à faire. Avalanche devrait suivre le mouvement.

Chaque deux semaines ? Meilleur vendeur! (2021)

2021-09-02. Note adressée à madame  Pénélope McQuade. Je tiens pour acquis qu’à titre de chef d’antenne à la radio française vous accepterez qu’un auditeur occasionnel vous fasse une remarque d’ordre langagier. En début d’émission (2 septembre, 9 h 8 +), vous avez utilisé deux expressions fautives en français : «chaque deux semaines» et «meilleur vendeur». En français, il faudrait dire «toutes les deux semaines». Le déterminant «chaque » ne s’emploie que devant un nom singulier. Vous pourriez dire «chaque semaine». Par ailleurs, l’expression «meilleur vendeur» serait tout à fait correcte si vous parlez d’un commis. Mais on ne peut désigner un produit comme le meilleur vendeur». Il est normal et compréhensible que vous tombiez dans le panneau : les deux formes fautives sont courantes en sol québécois. Mais à titre d’animatrice ou de chef d’antenne, il serait préférable que vous ne les répétiez pas : vous êtes l’enseignante d’un grand nombre d’auditeurs!

Inventaire (2021)

 2021-09-01. Un placard publicitaire d’Écho Sports proclame «Plus de 300 vélos électriques en stock» (Le J. de Qc, 1er septembre, p. 19). On ne voit pas cela souvent une entreprise qui choisit le mot français d’origine anglaise (stock) au lieu de l’anglicisme sémantique (inventaire). La France a emprunté le mot au milieu du XVIe siècle. Il se révéla utile. Et il ne remplaça pas un mot existant. Il combla un vide. Il a aujourd’hui son passeport français et signifie «quantité de marchandise en magasin». D’origine latine, le mot inventaire désigne en français le recensement ou la description détaillée du stock. En anglais cependant, «inventory» est devenu le stock lui-même. De là, l’habitude de nombreux commerces québécois d’annoncer «soldes de vélos en inventaire». C’est dire que par peur du mot anglais naturalisé français, on donne au mot «inventaire» un sens qu’il n’a pas en français. Un tel anglicisme «masqué» n’est pas facile à identifier.

 

vendredi 3 septembre 2021

Tu (abus du pronom) (2016)

2016.01.25. On a souvent noté que les Québécois ne tiennent pas compte des niveaux de langage. ‎Marie-Maude Denis, enquêteuse vedette de Radio-Canada, se confie au journal Le Soleil : « Tu vis, tu dors, tu manges avec ton sujet. Et des fois, t’en dors pas, parce que la nuit, tu te demandes comment tu vas faire pour démêler tout ça » (21 janvier, p. 25). Le #« tu » peut prendre une valeur indéterminée en langage familier. On peut lui accorder le sens de « on », de « vous ». Dans le présent extrait, il peut signifier « nous », l’équipe de l’émission Enquête. Madame Denis était pourtant dans une situation qui aurait commandé un langage soigné et plus précis: elle accordait une entrevue destinée au public. Ce n’était pas une confidence familiale. Une utilisation aussi familière du pronom est ignorée des dictionnaires d’usage (Petit Robert, Usito) et des dictionnaires correctifs. Le professeur Benoît Melançon note quand même une méthode économique et simplifiée: l’apprentissage des verbes à la deuxième personne du singulier seulement (Dictionnaire québécois instantané).

Programmation (2016)

2016.01.27. On semble confondre de plus en plus les deux mots « programme » et « programmation ». On lit sur la page d’accueil du site web d’Info Porneuf (27 janvier) un message à éclipses du Cinéma Alouette (Saint-Raymond) qui se lit comme suit : « Cliquez ici / … programmation complète ». La programmation, si on se fie aux dictionnaires d’usage, est l'établissement ou l’organisation des programmes. Le programme, de son côté, serait plutôt l'ensemble des films présentés au cours d'une période. Il semble qu’on assiste à un glissement injustifié. Les spécialistes diront qu’en confondant les deux notions on fait un barbarisme ou on utilise une impropriété. Pour le moment, les radars correcteurs ne semblent pas détecter le dérapage. On critique l’emploi de « programme » au sens d’« émission » mais pas celui de « programmation » à la place de « programme ». Peut-être faudrait-il rappeler, pour illustrer la distinction, que le mot « programmation » appliqué aux médias se traduit en anglais par « programming ».

Durable? (2016)

 2016.01.31. L’adjectif « durable » sert de moins à moins à signifier stable, permanent, viable, etc. Le gouvernement a depuis quelques jours un ministre chargé de la Mobilité durable et un autre du Développement durable. Le développement dit durable est celui qui serait empreint d’une conscience écologique, sociale, équitable et économique. On peut supposer que la mobilité durable tiendrait compte des mêmes facteurs. Mais à première vue, il est difficile de tenir pour acquis que la prise en compte de plusieurs facteurs fait du développement ou de la mobilité des réalisations durables au sens traditionnel. De fait, des dictionnaires ont intégré le sens nouveau (le Petit Robert, G.D.T. et Usito entre autres). Ni l’un ni l’autre ne notent le grand écart imposé au mot (durable? on tient compte d’un faisceau de facteurs). Dans quelques années, on fera le rapprochement avec « plausible », avec « sophistiqué » ou « formidable », lesquels n’ont rien à voir avec leur signification d’origine.

Médium large? (2016)

2016.01.30. Serait-ce la fin de l’émission « Médium large »? On a noté ces derniers temps que l’animatrice Catherine Perrin ne l’identifie pas sur les ondes par son appellation traditionnelle. Elle salue simplement l’auditoire en disant : « Bonjour, c’est Catherine Perrin avec vous ». Certains auditeurs pourront critiquer cette entrée en ondes répétée chaque matin. Mais tenons-nous-en à l’absence partielle du titre de l’émission. Partielle, car le tableau de la journée annonce toujours « Médium large ». Mais on semble avoir fait l’impasse sur la prononciation du titre. On est probablement conscient qu’on a affaire à un double anglicisme. L’expression est qualifiée telle par Camil Chouinard, par Marie-Éva de Villers, par Usito. François d’Apollonia note à propos de « médium » : mot français contrefait par la greffe d’une désinence française… Il s’agit de l’adoption d’un mot anglais qui est pris pour un mot français… ». La disparition du titre de l’émission et son remplacement serait une bonne décision.

Jusqu'à date (2016)

2016.01.26. Nos élus n’ont pas toujours le temps de corriger les barbarismes, solécismes ou anglicismes qu’ils utilisent et publicisent lors des conférences ou points de presse. Le maire de Québec, monsieur Labeaume, a servi aux journalistes, lors de la journée, l’expression « ‎jusqu’à date » (Téléjournal Québec, 26 janvier, 18 h 4). C’est un anglicisme morphologique selon l’OQLF. Et ses langagiers ajoutent : «... si on veut indiquer que le moment où l’on parle constitue une limite dans le temps, on peut utiliser les locutions à ce jour, jusqu’à présent, jusqu’à maintenant ou jusqu’ici ». La plupart des remarqueurs abondent dans le même sens (Dagenais dans les années 1960, Camil Chouinard en 2007, Marie-Éva de Villers en 2015, les grammairiens du Français au micro, les auteurs d’Usito, etc.). On comprend que les politiques ne puissent pas consulter un dictionnaire ou un collaborateur lors d’une conférence de presse. Tout au moins un conseiller devrait-il leur faire part de l’expression correcte après coup et les mettre en garde en prévision des semaines et des mois à venir. On sait que le calque a de profondes racines dans les subconscients laurentiens. Et qu'il sera difficile à éradiquer.

Vente ou soldes? (2021)

2021-08-24. Deux cahiers publicitaires distribués aux portes au début de la semaine du 23 août portent les accroches «Familivente» et «Super-solde! Super sale!» Les auteurs de la première ne tiennent pas compte du fait qu’on distingue en français «vente» (l’action de vendre) et «vente au rabais» qu’on désigne aussi du mot «soldes». «Vente», utilisé au sens de «vente au rabais», constitue un calque de l’anglais. Le mot «sale» recouvre deux réalités : l’action de vendre («J’ai fait une vente importante : mon terrain…») et les soldes. Ce qui n’est pas le cas en français. Retenons cette observation de Paul Roux : «Les marchandises d’un magasin sont toujours ‘en vente’, ce qui ne veut pas dire que les prix soient réduits. L’emploi de ‘vente’ au sens de ‘soldes’, de ‘rabais’, de ‘vente à rabais’ est un anglicisme» (Lexique des difficultés du français, 2004). Félicitons Pharmaprix et espérons que Familiprix soit plus alerte à l’avenir.

Jusqu'à date ? (2021)

2021-08-25. Il y aura des élections municipales à Québec cet automne. Les valeureux candidats au poste de maire ou de conseillers doivent être conscients d’une astreinte : les mots et expressions qu’ils utiliseront à titre d’élus ne seront plus les leurs mais ceux d’une institution de l’État. Aussi serait-il important qu’ils soient disposés à abandonner des tournures jugées fautives par les auteurs de répertoires correctifs (le Multi par exemple). Ainsi, lors de sa première entrevue (le J. de Qc, 25 août, p. 6), monsieur Bruno Marchand s’est contenté de l’expression «jusqu’à date», un calque de «up to date. En français, on a les équivalents «jusqu’ici», «jusqu’à maintenant», «jusqu’à présent»… Un simple citoyen peut répéter des tournures critiquées. Peut-être un candidat. Mais pas un élu.

Frapper un mur (2021)

1362 / 2021-08-26. «Québec 'va frapper un mur’ s’il n’investit pas plus », telle est la manchette du Journal de Québec (26 août, p. 14). Elle est guillemetée. Sans doute le journaliste y a-t-il vu un calque de l’anglais. Avec raison si l’on se fie à un avis du Français au micro (Radio-Canada), d’une note de Jacques Laurin, lequel relève l’expression et en désigne l’origine (to hit the wall) et de Lionel Meney. Deux professeurs, une Américaine et une Québécoise, Eugénie Fortin et Gilberte Dubé, signalent la tournure « frapper un nœud» ou «… un mur» et jugent qu’elle constitue un québécisme (Dictionnaire des expressions imagées). Par ailleurs, les deux expressions sont absentes des répertoires français. Il y a tout lieu de croire qu’elles sont des québécismes inspirés de l'américain. En français, la tournure voudrait dire «donner des coups au mur» On est loin du sens recherché : se heurter à un mur, à une difficulté, à un obstacle ou encore «Québec court à l’échec s’il… ».

Tournure: Faire du sens (2021)

2021-08-28. Michel Parmentier a dressé une liste d’environ 650 tournures québécoises calquées sur l’anglais (Dictionnaires des expressions... 2006). Une autre liste établie par Jean Forest (Grand glossaire des anglicismes; 2008) en contient 800. Dans les deux, on relève l’expression « faire du sens» que-François Lisée a glissée dans sa chronique (Le Devoir, 28 août, p. B12). On y lit : « …des éléments qui peuvent faire du sens ». La tournure est critiquée par tous les auteurs de répertoires correctifs (Pierre Cardinal, M. É. De Villers, Guy Bertrand, Paul Roux…). Les solutions de rechange sont nombreuses : avoir du sens, être sensé, être logique, être raisonnable, se tenir. Michel Rondeau explique «En français, une chose ne fait pas du sens […], elle en a. Ou pas. Le cooccurrent naturel de sens est ‘avoir’…» (L’insidieuse invasion; 2018).

Évènement ? (2021)

 2021-08-29. Le mot «événement» neutralise nombre de mots français. Deux exemples. D’abord, un sous-titre du Journal de Québec : «La Gendarmerie […] a dû annuler un événement… » (29 août, p. 17). Et, un bout de phrase du journaliste Patrice Roy lors des entrevues des chefs de partis en campagne électorale (RDI, 29 août, 21 h 2) : «… ont empêché Trudeau de faire son événement». En principe, on désigne comme événement un fait qui a déjà eu lieu et qui se révèle important. On n’organise pas des événements, mais plutôt des réunions, des assemblées, des manifestations, des conférences, des coquetels, etc. On lit dans la Banque de dépannage (OQLF): «Le mot […], aussi écrit évènement, signifie ‘ce qui arrive, se produit et est digne d’attention ou a une certaine importance ‘». Myriam de Beaulieu, traductrice à l'ONU, écrit : «Un événement par définition n’est pas organisé mais spontané [­­­...] ou imprévu ou rare...». Bref, en français, on n’annule ni ne sabote un événement. Mais une assemblée, oui.

Prononciation: Dgym ou Gym? (2021)

2021-08-31. Au réseau Énergie Cardio : Je suis un vieil abonné du réseau. Je lis à l’occasion les conditions de réservation présentées à qui veut choisir ses heures de présence à un de vos gymnases, dont l’apocope est «gym». J’ignore comment vous prononcez (!?) les deux mots quand vous les écrivez. «Jimnase» vient sans doute naturellement et «Jim» plus difficilement. Le mot «gymnase» se prononce «jim-nase» à l’égal des mots de la même famille : gymnasien, gymnaste, gymnastique, gymnasiarque ou le verbe gymnastiquer, Les Québécois sont souvent américanisés et ils ont importé la prononciation «djim» de l’anglais (gym ou gymnasium). En somme, il y aurait lieu d’écrire à quelques occasions, dans vos texte, l’expression «gymnase ou gym» afin que les abonnés du réseau se rendent compte de l’erreur de prononciation et du changement de code.

Exclamations: Fuck!

2024.03.01. La chroniqueuse Josée Blanchette aime bien parsemer ses textes de mots anglais. L’habitude fait partie de son style. Dans le Dev...