lundi 26 avril 2021

Overdose ? (2021)

 2021-04-24. On permet à des journalistes en poste à l’étranger d'utiliser des mots de l’endroit plutôt que l’équivalent français. Faut-il aussi respecter les mots anglais courants à une autre époque pour faire vrai historiquement? Le Soleil consacre un article à l’ancien ministre Jean-François Bertrand et à ses difficultés au cours du dernier quart du XXe siècle. On y relève le mot anglais «overdose» (surdose) et la tournure anglaise «prendre une marche» (faire une marche). Il est possible que le journaliste ait voulu employer le mot et la tournure à titre d’artefact! . Est-ce justifié ? puisque l’ex-ministre ministre, forcé de communiquer par l’écriture, affirme «découvrir une autre façon de communiquer avec notre langue française, si riche de toutes ses subtilités»!

Archipélisation (2021)

2021-04-23. Les chroniques linguistiques servent habituellement à relever des mots mal utilisés ou en voie de disparition. Ainsi au Québec, on néglige «supplémentaire» et on lui préfère «additionnel» (même s’il n’est pas question d’addition). Aujourd’hui, jour faste! L’article du correspondant Christian Rioux du Devoir en France est coiffé du titre : «L’archipélisation» (23 avril, p. A3). Le phénomène baptisé ainsi est celui d’un pays qui se fait de moins en moins nation «faute de ciment social et culturel», dans lequel on observe l’apparition des tribus, des clans, des ethnies, des ghettos, de l’apartheid… Le mot fut lancé par l’Antillais Édouard Glissant (1928-2011). Rioux jette un regard furtif sur le phénomène perceptible au Canada et au Québec (le multiculturalisme canadien, le jugement récent à l’égard de la loi québécoise sur la laïcité). Le mot ne survivra peut-être pas mais, pour l’heure, il illustre la mémoire et le dynamisme d’une langue francophone commune.

Clause (?) dérogatoire (2021)

 2021-04-22. Madame Anglade est prête à invoquer la «clause» dérogatoire afin que l’avenir du français soit mieux assuré. Une telle attitude s’inscrit dans la pensée d’un de ses prédécesseurs à la tête du Parti libéral. Mais il y aurait, parallèlement à une telle décision, de petits pas à faire. Le reportage, signé par la journaliste Marie-Michèle Sioui, porte le titre «La clause dérogatoire….» (Le Devoir, 22 avril, p. A1). L’expression apparaît à quelques reprises dans l’article et dans une citation de la cheffe du Parti. Or il semble que la tournure correcte en français est «disposition de dérogation» ou «… dérogatoire». Le mot «clause» s’applique à des contrats, à des traités ou à des actes unilatéraux de nature privée. Une loi appelle plutôt une «disposition». Le glissement vers le mot «clause» découle de la traduction rapide que l’on fait de «notwithstanding clause». Invoquer la disposition dérogatoire est un acte à effet, utiliser l’expression est un petit pas vers l’amélioration de la qualité de la langue.

Éligible à une compensation (2021)

2021-04-22. La vivacité des correcteurs électroniques des journaux laisse souvent à désirer et les équipes de relecteurs ne revoient pas toujours les titres rédigés dans l’urgence. Le Devoir a « commis » le sous-titre « Une donneuse d’organe… ne sera … pas éligible à une compensation » (20 avril, p. A1). À la donneuse, il eut fallu obtenir l’appui d’électeurs ou de membres avant de poser sa candidature à l’indemnisation! Est-ce un progrès de la démocratie ou la défaite du mot français «admissible», écrasé par le mot anglais «eligible» et un de ses sens? Des indices portent à croire que la pugnacité du mot anglais prévaut. Des répertoires correctifs en témoignent (Multi dictionnaire, Banque de dépannage…, . https://asulf.org/eligible/).

Opérer des charriots (2021)

 2021-04-22. Il est difficile de comprendre comment une entreprise comme les Messageries dynamiques peut exiger, à l’occasion d’une offre d’emploi, que les candidats aient «une carte pour opérer des charriots élévateurs» (Le Journal de Québec, 21 avril, p. 27). Opérer! écrit-on. Si on s’était donné la peine d’allonger le bras et de consulter un dictionnaire correctif, on se serait méfié. On aurait pu aller un peu plus loin et vérifier à l’aide de la Banque de dépannage linguistique ou d’une fiche de l’Asulf (. https://asulf.org/operer/). Les dictionnaires de traduction de l’anglais au français rendent le verbe «to operate», lié à une personne et à une machine, par les verbes français «conduire» et «utiliser». Il y a belle lurette qu’on souligne qu’il ne faut pas opérer une machine, une grue, un chasse-neige, etc. Ni un charriot élévateur, ni un ascenseur. L’entreprise peut exciper du fait que l’anglicisme est généralisé. Mais il faudrait employer un verbe vraiment français la prochaine fois et négliger l’anglicisme sémantique.

Match régulier? (2021)

 2021-04-20. Il est des anglicismes qu’il est difficile d'éradiquer. C’est le cas de «c’est le fonne!», d’«éligible» au sens d’«admissible», de «régulier» dans l’expression «match régulier». On écrit «Patrick Marleau… a enfilé (sic) les patins dans un 1768e match régulier» (J. de Qc, 20 avril, p. 54). S’agit-il d’un match qui a lieu toutes les semaines ou tous les mois? Cela serait effectivement un match régulier. Mais ce n’est pas le sens qu’on donne ici au mot. En anglais, on distingue la «regular season» des «play offs» (les éliminatoires). En français, la «regular season» est tout simplement «la saison». Et les matchs «réguliers» et «irréguliers!» sont tout simplement des matchs ordinaires et des matchs éliminatoires. On propose «match de championnat» dans le Dictionnaire québécois-français, mais Termium, le répertoire fédéral, accepte «match régulier». Peu de répertoires osent relever et critiquer l’anglicisme . Il est vrai qu’il est difficile de patiner à contre-courant de l’usage!

vendredi 23 avril 2021

Je, ... (2018)

 2018-10-23. On peut lire dans le Devoir (23 octobre, p. A 6) un commentaire portant sur la formule de serment « Je, Manon Massé, déclare sous serment… ». Son auteur y affirme qu’elle constitue un « magnifique anglicisme ». Selon le Dictionnaire historique de la langue française, la formule « Je soussigné » serait un vestige de l’usage de ‘je’ comme forme forte accentuée. Au demeurant, personne ne la dénonce. Jean Girodet la qualifie de « tour figée ». On s’éloigne quelque peu du « Je, Manon… ». On peut toutefois souligner que la formule détonne en français contemporain. Il est fort possible qu’on puisse l’assimiler à un anglicisme de maintien, en ce sens qu’elle survit en raison de la présence de sa sœur anglaise, reproduite par le lecteur du journal : « I, Justin Trudeau… ». Sa modernisation est quand même envisageable, comme ce fut le cas pour la féminisation des emplois ou l’ajustement des accents

Tournure: Gagner son point (2018)

2018-10-31. Qui pourrait dire à brûle-pourpoint que les expressions « gagner son point » ou « … l’essentiel du point qu’il tentait de faire passer » sont des anglicismes? Quelques auteurs et quelques remarqueurs les épinglent de même que la Banque de dépannage de l’O.Q.L.F. : en vrac, le Multi dictionnaire (2018), le Colpron (1994 et 1999), Camil Chouinard (2007), Michel Rondeau (2018), Michel Parmentier (2006). Lionel Meney (2017) les relèvent également. En dépit de toutes ces mises en garde, on continue de fauter. La deuxième citation relevée ci-dessus est tirée du Soleil (30 octobre, p. 7, 1e col.). On pardonnerait la faute à un simple locuteur. Mais ici elle est le fait d’un journaliste professionnel de l’écrit, lequel dispose de répertoires correctifs et qui doit se relire. Espérons qu’à la prochaine occasion, il écrira : « … l’essentiel de sa position » ou « … de son argument » ou, encore, quelque chose s’en rapprochant.

Initier (2018)

2018-10-30. Il est impardonnable que des groupes de défense du français succombent à l’anglicisme sémantique « initier ». On concédera que le statut politique de la langue est plus important que sa qualité. Le laxisme et le langage bâclé des organismes à l’avant-garde (MQF, PQF, Impératif français, sociétés nationales) sont inexcusables. Ainsi la manchette « Les Partenaires pour un Québec français (PQF) se sont rencontrés pour initier leur plan d’action » (Infolettre du MQF, octobre 2018) est à corriger, tout au moins à ne pas répéter. On excipera peut-être du fait que le verbe s’implante de plus en plus dans l’usage courant. Les organismes militants, plus sensibles au statut et à la qualité que les locuteurs lambda, se doivent d’être doublement sur leur garde. Sinon, on nous répétera une phrase de P.E.Trudeau : « Les Québécois sont.. des placoteux qui parlent un lousy french de bécosse! » 

Clause nonobstant (2018)

2018-10-26. Trop de journalistes suivent à la lettre une consigne de Frédéric Dard : « Entre deux mots, il faut choisir le pire ». Les uns tiennent à des mots anglais (Black Friday, Boxing day), d’autres à des tournures calquées (paver la voie, mettre l’épaule à la roue, perdre le contrôle de sa voiture), d’autres aux expressions joualisantes de leurs témoins (c’est le fonne! Il s’est fait frapper par un camion), etc. Mais, parallèlement, il y en a d’autres qui s’efforcent de tenir compte des recommandations des langagiers. Un exemple récent (Le Devoir, 25 octobre, p. A 3) : le chroniqueur Michel David. Il est conscient du fait que l’expression « clause nonobstant » est une traduction littérale de l’anglais et qu’en français soigné on dit plutôt « disposition de dérogation » ou « disposition dérogatoire ». Il écrit : « … prêt à invoquer la disposition dérogatoire (« clause nonobstant ») prévue dans les chartes… ». Ce faisant il constate que l’expression guillemetée est utilisée mais qu’elle n’est pas recommandée et que, pour sa part, il choisit l'expression jugée la meilleure. 

Clause nonobstant (2018)

2018-10-09. Le président honoraire de l’Asulf, Robert Auclair, dirige une guérilla contre l’expression « clause nonobstant ». Il ne va pas jusqu’à répéter le fort qualificatif que lui réservait le journaliste Michel Vastel : « La maudite nonobstant » (L’Expression juste, avril 2005, p. 9). Elle serait doublement fautive. En français, une clause ne s’applique pas à la réalité législative, mais plutôt à des contrats ou à des traités. Il s’agit plutôt d’une disposition. Par ailleurs, « nonobstant » est un adverbe qu’on peut considérer comme un anglicisme de maintien ou un régionalisme québécois. On l’emploi ici en raison de sa proximité avec l’adverbe anglais. Les légistes le négligent habituellement et le remplacent par « dérogation ». En somme, il est préférable de parler de « disposition dérogatoire » ou de « disposition de dérogation ». Espérons que nos médias tiendront compte des remarques du citoyen Auclair.

jeudi 22 avril 2021

Bonjour! Hi! (2017)

 2017.12.01. La représentation nationale se prononce en faveur de «Bonjour! » sans aller jusqu’à dénoncer «Bonjour! Hi!». Ce doit être une première. Habituellement, les députés exercent leur fiat sur le langage parlementaire et ils ne vont pas au-delà. Aussi, reproduisons-nous la résolution adoptée hier à l’unanimité à l’Assemblée : «Que l’Assemblée nationale réaffirme clairement que le français est la langue officielle et commune du Québec; qu’elle prenne acte que 94 % des résidents du Québec comprennent le français; qu’elle rappelle que le mot ‘bonjour’ est un des mots de la langue française les plus connus chez les non-francophones du monde; qu’elle rappelle que ce mot exprime magnifiquement la convivialité québécoise; qu’en conséquence, elle invite tous les commerçants et tous les salariés qui sont en contact avec la clientèle locale et internationale à les accueillir chaleureusement avec le mot ‘bonjour’». Les députés québécois n’ont jamais défendu «arrêt stop», «au revoir! bye!», «thank you! merci!». Ce n’est pas plus exemplaire ni plus recommandable que «bonjour! Hi !». Mais plus facile à extirper que « service de valet », «café régulier » ou «bar à salades ».

Service de valet ? (2017)

2017.12.02. Comment reconnaître à vue de nez que «service de valet » est un pur calque inutile de l’expression anglaise «valet parking»? Impossible. Les mots ont cours en français et ils se présentent dans un ordre tout à fait logique. L’expression est traduite malhabilement de l’américain et dans l’ignorance totale de l’expression idiomatique en français : service de voiturier ou, tout simplement, voiturier. Les dictionnaires de traduction rendent de la sorte l’expression anglaise. Par ailleurs, un locuteur sensible au poids des mots n’ignore pas que le mot «valet » est quelque peu péjoratif. Bref, on n’aurait pas dû écrire «le Cochon Dingue jouit (…) du service de valet du centre commercial» (Le Soleil, 1er déc. p. 17) mais plutôt « … du service de voiturier…».

Paul Byron: prononciation (2017)

2017.12.04 Le hockeyeur Paul Byron souhaite qu’on prononce son nom à la française (Le Soleil, 4 déc. p. 48). La requête adressée en 2016 aux dirigeants du Centre Bell vaut son pesant d’or et elle marque un désir d’intégration à la communauté québécoise. Elle détonne par rapport à la levée de boucliers observée à la suite du souhait de l’Asulf (Association pour le soutien et l’usage de la langue française) en décembre 2015 d’entendre les journalistes prononcer Pé Ka plutôt que Pi Ké (P.K. Subban). Le sympathique défenseur n’avait pas alors exprimé de préférence. Sans doute s’était-il rendu compte qu’il ne lui revenait pas de choisir la prononciation des initiales de son prénom. Le choix est normalement du ressort de la société d’accueil et de sa langue commune. En demandant qu’on prononce son patronyme à la française, Byron évite aux Québécois les hésitations et les débats de l’affaire Subban. Il leur dit : faites comme si je m’appelais Biron. Cela s'inscrit dans le droit fil des pratiques observées ailleurs.

Parler des deux côtés de la bouche ! (2017)

 2017.12.06. La journaliste du Soleil, É. Fleury, reproduit, sans mise en garde, une tournure calquée sur l’anglais dont il existe plusieurs équivalents en français. La tournure apparaît dans le chapeau de l’article et le titreur, sans vergogne, l’a promue dans le sous-titre : «Les spécialistes accusent Barrette de PARLER DES DEUX CÔTÉS DE LA BOUCHE…» (Le Soleil, 2 décembre, p. 36). Elle est la traduction littérale de « to speak on both sides of one’s mouth ». Le professeur Meney la classe comme expression franbécoise. Le Grand Robert & Collins anglais-français la rend par «retourner sa veste sans arrêt». En français, on connaît aussi de nombreuses expressions idiomatiques : faire entendre deux sons de cloche, jouer double jeu, ménager la chèvre et le chou, tenir un double langage (propositions du professeur Michel Parmentier), Pour sa part, le grammairien Guy Bertrand de Radio-Canada ajoute : changer constamment d’opinion, virer à tout vent et tenir un discours contradictoire. La traduction bébête de l’anglais est amusante et fait image pour les caricaturistes. Faut-il la conserver pour cela?

Quartier Petit Champlain ? (2017)

2017.12.06. Un article du Québec Express daté du 6 décembre (p. 6) portant sur les activités à venir du «quartier Petit Champlain» me fait prendre conscience que le toponyme correct en français, «Petit quartier Champlain», n’est pas reconnu officiellement. Il faudrait le faire reconnaître avant que le calque «rue du Petit Champlain» ne déteigne sur l’appellation officielle du quartier. De là la recommandation adressée à la Commission de toponymie de la ville : On a déjà «rue du Petit Champlain» (mauvaise traduction). On n'a pas encore, officiellement s'entend, de «Petit quartier Champlain». Il y aurait lieu d'adopter le toponyme correct en français avant qu'on inscrive dans le marbre, par mimétisme, «Quartier du Petit Champlain». À Montréal, on a des petits quartiers (Petite Bourgogne, Petite Italie, Petite Patrie, Petit Maghreb) mais on n’est jamais allé jusqu'à utiliser un patronyme et à lui accoler le qualificatif de «petit».

Patate chaude (2017)

2017.12.07. De nombreuses expressions se présentent au portillon pour qui a la tentation d’écrire ou de prononcer «patate chaude» : problème épineux, casse-tête, question brûlante, affaire embarrassante, épine au pied, etc. L’emploi de l’expression devrait se limiter à la langue familière selon Guy Bertrand (400 capsules…, vol. 2), qui la trouve toutefois sympathique. Usito note : «… est parfois critiqué au Québec». M.É. de Villers la classe comme «forme fautive ». Le Robert la reproduit mais note qu’elle est un calque de l’anglais. Pourtant un journaliste, G. Lavoie, l’utilise dans un article et le titreur la hisse dans le titre de l’article («Les deux patates chaudes », Le Soleil, 7 déc. p. 7). En amont, les réviseurs l’avaient déjà laissé passer en dépit de tous les clignotants. 

Tournure: Avoir de la misère (2017)

2017.12.09. Hier, on pouvait lire dans le Soleil (6 déc. p. 16, 4e col.) une citation d’un Bellechassois : «… on a eu de plus en plus de misère» (à tirer notre épingle du jeu). Aujourd’hui, la même expression d’un Ivoirien, au Québec depuis 2013, est reproduite dans le Devoir : «J’ai vraiment eu de la misère. Souvent, on soulignait le fait que je ne parlais pas anglais » (7 déc. p. A-5, 2e col.). On retrouve, dans la même livraison, une phrase de madame la ministre Kathleen Weil : «… les Québécois de langue anglaise (…) ont de la misère à suivre ce qui se passe… » (p. A-3, 2e col.). Il y a cinquante ans, Gérard Dagenais (Dictionnaire des difficultés…) épinglait l’expression : «Il semble bien que ce soit un ancêtre venu du massif de l’Ardenne qui a apporté en Nouvelle-France le mot ‘misère’ au sens de ‘peine, difficulté’ (…) C’était une acception patoise et ce barbarisme qui survit malheureusement est à proscrire ». Depuis 2015, on peut lire dans le Multidictionnaire : «Cette expression est de niveau familier. Dans un texte de style courant ou soutenu, on emploiera plutôt…». C’est dire qu’on peut encore s’améliorer!

Voix passive (2017)

2017.12.09. Note adressée à Monsieur Jean-François Nadeau. Le professeur Lionel Meney relève l’utilisation de la voix passive au lieu de la voix active, sous l’influence de l’anglais, dans les écrits québécois. Il donne les exemples suivants : « X a vu ses efforts être récompensés» et «une entrevue à être diffusée». Il observe que le couple « être » + part. » du premier exemple est inutile en français. De fait, tous comprennent : «… a vu ses efforts récompensés». Le second exemple est lui aussi inspirée de l’anglais (to be shown = à être diffusée). Pour votre part, vous écrivez : «… Mackenzie King (…) a vu son image être (…) perturbée… » (Le Devoir, 9 déc. p. A 1). Il me semble qu’il faudrait écrire : «… a vu son image (… ) perturbée… ». Le linguiste Jean Darbelnet observa il y a cinquante ans que ce type d’anglicisme est plus préjudiciable au français québécois que les simples mots anglais, identifiables au premier regard.

Quartier du Petit Champlain ? (2017)

2017.12.10. On a déjà «rue du Petit Champlain» (calque ou mauvaise traduction). On n'a pas encore, officiellement s'entend, de «Petit quartier Champlain» ni de «Quartier du Petit Champlain». Mais cette dernière appellation circule à l’occasion. Il y aurait lieu que la Ville adopte l’appellation correcte en français (Petit quartier…) qu’on traduira par Little Champlain Quarter qu’on retraduira peut-être littéralement par «Quartier du Petit-Champlain» ou, pis encore, par «Quartier du Tout-petit-Champlain». Mieux vaut prévenir que guérir! Et réserver dès maintenant le toponyme « Petit quartier Champlain ».

 

Support, Supporté (2017)

2017.12.10. Les pages du Service de la promotion du Soleil se multiplient. On peut espérer que les reviseurs habituels du journal scrutent les textes à publier et qu’ils se servent des guides correctifs du journal. La page L’Annonceur maison du 10 décembre (p. 46) contient les expressions «… apprécie le SUPPORT du paternel » et «SUPPORTÉE par sa mère, Sylvie…». La Banque de dépannage linguistique (OQLF) met la note suivante à la disposition des scripteurs et des locuteurs : «Sous l’influence de l’anglais, on emploie supporter (…) dans la langue générale à la place de soutenir, appuyer, aider, voire parrainer, commanditer. On évitera ces emprunts sémantiques à l’anglais to support (ou support)…». Le Multidictionnaire classe les deux expressions parmi les formes fautives. Usito note, sans avoir l’air d’y toucher : parfois critiqué… ou critiqué comme synonyme de soutenir, d’appuyer, d’encourager. On peut supposer qu’Antidote, commanditaire du Mot du jour quotidien, met aussi en garde ses abonnés contre le dérapage sémantique. Faudra-t-il recommander au Soleil de consulter le recueil Les Mots dits (2016) de Jacques Lafontaine du Journal de Montréal?

 

Viaduc (2017)

2017.12. 12. Il est toujours amusant d’entendre M.A. Boivin, le tirebouchonneur (!) de la circulation à la 1e chaîne, évoquer les «viaducs» qui traversent les autoroutes (12 déc. 8 h 12). En 1923, on se contentait de ponts. Voici comment Ivan Vallée, ingénieur en chef du ministère des Travaux publics, présentait les choses (Le Terroir, avril 1923, p. 536) : «Les ponts… servent à franchir… les obstacles tels que ravins, rivières, fleuves et même bras de mer, qui interrompent la continuité des voies de communications : routes, chemin de fer ou canaux. (…) On les dénomme en conséquence, suivant leur usage : ponts-routes, ponts de chemin de fer… (…) Parmi les ponts fixes on distingue, d’une manière quelque peu arbitraire, les ponts proprement dits et les viaducs qui sont généralement des ouvrages de plus grande hauteur franchissant souvent des vallées où ne coulent aucune rivière ». De plus grande hauteur, dit-il. Viaduc de Cap-Rouge et «viaduc » de la route Lagueux : même hauteur?

 

Wow! ou Ouah! (2017)

2017.12.17. Michel Lamarche de la Presse canadienne raconte la réaction de l’entraineur Keith Schaefer lorsqu’il a vu patiner Paul Byron : «… j’ai dit ‘wow’!» (Le Devoir, 16-17 déc. p. A 10, 5e col.). M.L. a sans doute traduit la citation. Si c’est le cas, il aurait pu rendre l’interjection par «ouah!», «chapeau!», «formidable! ». Il n’est pas allé jusque-là. Il s’est imaginé que l’interjection est à la fois américaine et française. De fait, il semble qu’on commence à s’en servir en France. Cela ne veut pas dire qu’il faille lui céder tout l’espace. La résistance serait même justifiée. Les exclamations d’origine française ne sont plus très présentes au Québec. Selon le professeur Jean Forest, elles ont souffert des jurons dans le passé et reculent actuellement devant les emprunts à l’anglais. Faudra-t-il dire «wô!» à «wow!»? comme on le lançait autrefois aux chevaux.

Éligible (2017)

 2017.12.18. Les Québécois ont, semble-il, une certaine influence sur la langue des Français. L’anglicisme sémantique «éligible » (au sens d’admissible) était implanté ici en 1967 et les répertoires correctifs le dénoncent depuis. En France, pas une seule dénonciation avant 2015. Cependant, L. Meney note dans le Dictionnaire québécois-français (1999) : «Cet anglicisme pénètre actuellement en Europe francophone». L’Académie française le relève en 2015 : «... éligible n’a pour sens que : qui se trouve dans les conditions requises pour être candidat à une élection. On se gardera donc bien d’en faire un synonyme d’expressions comme ‘qui a droit à’, ‘qui est en droit de’…» (Dire, ne pas dire, vol. 2). Or on l’utilise à TV5 (Entendu à 18 h 33 HNE le18 déc.). Pour sa part, le professeur Meney ne l’inscrit pas dans son volume récent (Le Français québécois, 2017). C’est dire que l’exemple québécois a été exporté avec succès!

Tournure: Sorti du bois (Ne pas être) (2021)

 2021-04-19. Le premier ministre Trudeau est un médiocre traducteur. Il rend l’expression anglaise «We’re not out of the wood» par «Nous ne sommes pas sortis du bois» (Le Devoir, 19 avril, 1e p). La locution est présente dans le Dictionnaire des expressions et tournures calquées sur l’anglais du professeur Michel Parmentier (2006). L’Office de la langue juge que l’expression est acceptable tout en la jugeant familière. C’est dire qu’un politique devrait la négliger au cours de ses fonctions officielles et médiatisées même si elle est généralisée. Parmentier propose des équivalents : «Ne pas être au bout de ses peines», «Ne pas en voir la fin». Le Robert & Collins de son côté suggère : «On n’est pas encore tiré d’affaire» et «… sorti de l’auberge», locution jugée familière par l’Office. Le moins qu’on puisse dire c’est que la traduction mot à mot de l’anglais vers le français conduit à l’abandon des tournures françaises.

Inventaire ? (2021)

2021-04-18. Le gouvernement du Québec ne peut tout faire en matière de langue. Une grande part de l’amélioration à y apporter repose sur la sensibilité des locuteurs et des entreprises. Certaines de ces dernières sont insensibles à la qualité et au choix des mots. Demers Tapis de Thetford continue de publiciser ses soldes par l’expression «50 % céramique en inventaire» (page entière du Journal de Québec, 18 avril, p. 15). La Banque de dépannage a beau expliquer qu’un inventaire n’est pas le stock, mais une opération de dénombrement, on persiste à utiliser l’anglicisme sémantique. Le magasin tient aussi à (prix) «régulier» malgré les mises en garde (en français : «prix courant, ordinaire, normal, initial…». Mais il reste à faire un choix. L’État ne s’attardera pas à la question de la qualité dans la nouvelle charte qu’il envisage. Mais il devrait donner le moyen à ses services linguistiques d’encourager les entreprises à une plus grande ouverture à l’égard du bon usage

Dès (2021)

2021-04-18. Des subtilités du français se perdent. L’Uqar (Université du Québec à Rimouski) fournit une illustration du phénomène. Sa page publicitaire (Le Soleil, 17 avril, p. 19) porte en manchette : «La maîtrise en gestion des personnes en milieu de travail offerte à distance dès cet automne». La préposition «dès» laisse sous-entendre qu’on devait offrir normalement la maîtrise à distance plus tard, à la session d’hiver ou à celle du printemps. Et qu’exceptionnellement, on l’avancerait ou l’anticiperait pour une raison quelconque. Or le programme comme tel existe depuis plus de deux décennies. La précocité entr’aperçue ou supposée de l’enseignement à distance n’est pas évidente. Si bien que la première phrase du texte se lit comme suit : «L’Université… va offrir à distance, à compter de l’automne, sa maîtrise en gestion…». L’expression «à compter de…» exprime la normalité plutôt que la précocité suggérée par le titre.

Liberté d'oppression ? (2021)

2021-04-17. On ignore souvent le sens des mots. Des députés et des citoyens lancent un mouvement tout à fait justifié. Ils l’appellent «Liberté d’oppression » (Le Soleil, 17 avril, p. 3). Comme ils auraient pu le baptiser : Liberté de fraude, Liberté de mensonge, Liberté d’éreintage, Liberté d’intoxication. La nouvelle et son objet est un contresens ou peut-être une fallace du registre d’un ex-président. Les personnalités à l’origine du mouvement sont des progressistes (Catherine Dorion, Amir Khadir, Ghislain Picard, Boufeldja Benabdallah, Pierre Curzi…). Ils ne sont pas en faveur de l’oppression, semble-t-il. D’où vient un tel dérapage? Une accroche pour retenir l’attention des médias et des citoyens ? Habituellement, les Québécois ne sont pas obsédés par le sens des expressions au point de se soulever et de monter aux barricades. Autre hypothèse: la nouvelle devait être lancée le 1er avril. La moitié du mois est passée. C’est raté!

Inventaire ou stock ? (2021)

2021-04.16. Les Vélos Sphérik ont publié une annonce dans les pages du Journal de Québec (8 avril, p. 13). On y lit «Vaste inventaire disponible». Le mot inventaire est ici un anglicisme. On le catégorise ainsi dans les répertoires correctifs. Prenons le Multi dictionnaire. On y écrit : «En français, le terme inventaire ne peut désigner que le dénombrement (d’articles, de marchandises, etc.) et le document qui en résulte. C’est sous l’influence du terme anglais ‘inventory’, qui, outre les acceptions du français, désigne également les marchandises en magasin, que l’on emploie improprement le nom Inventaire et ce sens» La méprise à l’égard du mot est généralisée dans tout le Québec et dans tous les magasins. Une entreprise préoccupée par la qualité de la langue remplacera l’expression par «Vaste sélection», «Stock imposant». Il sera sans doute trop tard pour amender la publicité actuelle, mais l’an prochain ou à la prochaine occasion, qui sait?

Accord de proximité (2021)

2021-04-15. Jacques Maurais consacre un court article à une manchette tarabiscotée du Devoir : «La gestion d'une éclosion par un gym voisin critiquée» (15 avril 2021, 1e p.). Voici l'article tiré de son blogue: «À l’heure où des militants essaient de faire prévaloir l’accord de proximité en français (« les médecins et les infirmières présentes »), il est curieux de voir ce titre où l’accord se fait non avec le mot voisin mais avec un mot séparé par plusieurs autres. Il y a là plus qu’un problème de style. Il s’agit d’abord d’une question de clarté : il faut un moment de réflexion pour comprendre que ce qui est critiqué, ce n’est pas le gym ni l'éclosion mais sa gestion. On voit à quoi conduit l’abus des tournures passives. Je ne serai sûrement pas le premier à y voir une influence de l’anglais.» 

Agressif ? (2021)

2021-04-13. Le Devoir met en médaillon une citation : «Je crois qu’on a été beaucoup plus agressif» (14 avril, 1e p.). Elle est d’un professeur de l’Uqam, lequel comparait la réaction du Québec par rapport à celle de l’Ontario face à la covid. Il est compréhensible que le prof utilise l’homonyme américain «agressive» dans un sens différent de celui qu’on lui donne en français. Tous les répertoires correctifs déconseillent le mot dans le contexte et font des mises en garde. Parmi eux, se trouvent le Guide de rédaction de la P.C. , les billets du Français au micro et le Dictionnaire des difficultés du français dans les médias de Paul Roux. Sans oublier le Multi dictionnaire, présent sur presque tous les bureaux. La liste des solutions de rechanges comprend : «audacieux, combatif, dynamique, énergique, offensif, persuasif». Bref, un universitaire peut se méprendre sur la définition d’un mot, le journal peut le citer, mais il devrait se garder de le mettre en médaillon.

Par le biais de... (2021)

2021-04-12. Le Parti Québécois lance une pétition en faveur d’une enquête indépendante sur la covid. Un électeur, qui s’en tiendrait au sens des mots, pourrait hésiter à la contresigner. On y lit «…nous croyons que l'insatisfaction… sera bien mieux canalisée par le biais d'un examen complet… » (message diffusé le 12 mars, 18 h 7). Or l’expression « par le biais d'un examen complet» signifie «par le moyen détourné». Mieux vaudrait la remplacer par «mieux canalisée par un examen complet» ou «au moyen d’un examen…». On note dans le Multi dictionnaire : «La locution ne devrait pas s’employer au sens neutre de «à l’aide de, au moyen de». En somme, il n’est pas un parti politique qui oserait, parlant de ses positions, employer la tournure. Mais on pourrait s’en servir pour accuser un adversaire!

lundi 12 avril 2021

Changement d'huile (2021)

2024-04-11. La mal nommée Corporation Mobilis (elle n’a rien d’une corporation en français) fait dans la franglicisation de la langue. Elle publie une page publicitaire et invite les automobilistes à ne pas négliger les «changements d’huile» (Le Journal de Québec, 11 avril, p. 51). On acceptera l’expression de la part d’un simple locuteur qui s’adresse à son garagiste. Mais le regroupement des concessionnaires de voitures, qui se paye une page entière dans un quotidien tiré à plusieurs milliers d’exemplaires, se doit de publiciser l’expression française : #vidange d’huile ou, en contexte, vidange. L’expression fautive, bien connue en sol québécois, n’est rien d’autre qu’un calque de l’anglais «oil change». On peut bien accepter qu’il soit préférable d’utiliser le calque plutôt que les mots anglais eux-mêmes, mais l’idéal serait d’écrire et de prononcer «vidange» au printemps 2022. 

Commission des liqueurs (2021)

2021-04-10. Les efforts d’amélioration du français québécois est une constante des deux derniers siècles. La parution d’un article sur le commerce clandestin de l’alcool vers 1920 (Y. Cormier et J. Labarussias, Le Devoir, 10-11 avril, p. B8) rappelle l’existence d’un organisme au nom doublement fautif : Commission des liqueurs. La «Commission» n’en était pas une et le réseau de vente offrait non seulement des liqueurs, mais aussi du vin et d’autres boissons alcooliques. De nombreux remarqueurs ont dénoncé l’impropriété du générique et le calque à partir des années 1950. Relevons deux observations du grammairien Gérard Dagenais : «La Commission des liqueurs n’est pas une commission…. c’est en français, la Régie des alcools» (Le Devoir, 26 octobre 1959) et «Cet emploi abusif de ‘liqueur’, vient de ce que le terme anglais 'liquor' a le sens général de ‘boisson alcoolique’» (La Presse, 11 mars 1966) . Les avis et conseils des remarqueurs ne sont pas tous couronnés de succès, mais cela arrive.

L'exécutif de l'année (2021)

2021-04-09. Le placard publicitaire intitulé «Stéphanie Huot, Exécutif de l’année» (J. de Qc, 9 avril, p. 15) ne plaira pas à ceux qui préconisent la féminisation des titres ni aux défenseurs du bon usage. Il est vrai que «Exécutive de l’année… . Les défenseurs de la qualité de la langue, devant l’anglicisme épinglé par l’Office de la langue française, proposeront des solutions de rechange : administrateur, cadre, cadre supérieur, chef, directeur, dirigeant, gestionnaire, patron, responsable… Le choix est difficile! Le Regroupement des jeunes chambres de commerce pourra consulter un dictionnaire de traduction dans les mois à venir et s’arrêter au substantif «Executive». À titre d’encouragement, voici une courte citation : «… n’est pas recommandé… d’appliquer ‘exécutif’ à une personne qui exerce des fonctions d’administrateurs… » (Jean Darbelnet, 1986).

Pièce législative (2021)

 2021-04-08. Le journaliste Boris Proulx, basé au parlement fédéral, a sans doute fait une traduction littérale. Il écrit : «Une résolution visant à ce que le NPD s’oppose et condamne la pièce législative québécoise…» (Le Devoir, 8 avril, p. A8) Il y a un zeugme fautif. Mais il y a plus : l’expression «pièce législative», laquelle désigne la loi sur la laïcité adoptée en 2019. Le grammairien G. Dagenais l’a employée dans un sens péjoratif en 1971 : «… j’ai qualifié cette pièce législative de fumisterie»). Linguee rend «legislative piece» par «mesure législative», par «projet de loi» et par «texte législatif». Ici, le NPD s’en prend à une loi. La manchette du Devoir en fait mention, mais le calque est reproduit dans le sous-titre. Son utilisation n’est pas une première. Le Meney l’épingle en 1999, On devrait le noter dans les guides de rédaction des médias.

Commémorer (2021)

2021-04-07. Le Devoir propose à ses lecteurs la manchette «Faut-il commémorer Napoléon?» (7 avril, p. A8). Le verbe est-il bien celui qu’il fallait utiliser? Les dictionnaires donnent la définition : marquer par une cérémonie le souvenir d’un événement ou de quelqu’un. Va pour les événements : adoption de la Charte de la langue française, défaite électorale d’un parti au pouvoir. Mais commémore-t-on des personnalités? Règle générale, on commémore leur naissance, leur mort, des exploits, la publication d’une œuvre capitale, etc. Les faits marquants de leur vie. Un dictionnaire correctif français ajoute un petit détail : «rappeler à date fixe le souvenir d’un événement important» (J.P. Colin). Le débat est intéressant. Il ne faudrait pas cependant qu’il détourne les Québécois de la modernisation à venir de la Charte. 

Faut-tu être colon ? (2021)

2021-04-07. Quand monsieur Labeaume s’adresse à des médias, il devrait se rappeler qu’il s’exprime au nom de la ville et qu’il doit dans les circonstances utiliser une langue soignée. Par exemple, quand il commente un acte vandalisme à l’encontre d’œuvres d’art installées parc Cartier-Brébeuf et qu’il réagit comme s’il était en compagnie de copains au bar du coin: « Faut-tu être colon! … aller ‘slider’ sur le parc… faut le faire!» (J. de Québec, 7 avril, p. 8). En principe, la fonction de maire d’une ville suppose qu’on ne massacre pas la langue officielle de l’État. C'est la ville qui parle par sa bouche. Ses conseillers devraient le lui rappeler et lui indiquer le registre de circonstance, la façon de faire des phrases interrogatives, le sens de la préposition «sur» ou des tournures qui lui auraient permis de contourner le verbe franglais.


vendredi 9 avril 2021

Incident (2018)

2018.04.30. Le Devoir et le Soleil publient le même jour des chroniques de J.B. Nadeau et de Mylène Moisan. Le premier fait état du peu d’effet des anglicismes sur l’avenir du français et la seconde relève un anglicisme sémantique méconnu jusqu’ici : J. Trudeau considère que la tuerie de Toronto est un «incident », c’est-à-dire un événement secondaire (Le Soleil, 30 avril, p. 6)! De fait, le premier ministre ignore le poids relatif du mot français habitué qu’il est à sa signification plus ample en anglais. On peut souhaiter qu’il se corrige, mais il est probablement trop tard : il a d’autres chats à fouetter. L’anglicisme, si on l’a employé, est passé sous les radars par le passé. Les outils de consultation l’ignorent totalement (une exception : Évitez de dire… Dites plutôt / B. Laygues, 2003). Il y a là une lacune à combler.

Avertissement de ... (2018)

2018.04.28. Il pleuvra dans deux jours, il ventera. C’est un temps auquel nous sommes habitués. Par la suite, le soleil se montrera et la température montera. Pourquoi faut-il que les journalistes de la première chaine nous donnent-ils des «avertissements » alors que pluie et mauvais temps sont choses courantes en territoire laurentien? Le mot a quelque chose d’impératif, de comminatoire ou de négatif, d’une mise en garde ou même d’une réprimande. À la limite, on comprendrait «un avertissement» de pluie abondante, d’une pluie diluvienne, d’une chute de neige de 30 cm ou de vents violents. On comprendrait que les services météorologiques donnent l’alerte face à de telles prévisions. Mais les journalistes lancent sans raison des «avertissements» de température et de temps normaux. Espérons qu’ils n’iront pas jusqu’à lancer des «avertissements » de temps doux et agréables pour les mois à venir (Commentaire établi à la suite du Téléjournal Québec du 28 avril).

Dernier droit ? (2018)

2018.04.27. À Monsieur G. Dumas. Les Québécois peuvent être fiers de certains de leurs néologismes (courriel, traversier...) mais, très souvent, les supposés néologismes ne sont que des traductions littérales. Ainsi en va-t-il de «dernier droit». Vous l’avez utilisé en ondes (1e chaine, 27 avril, à 8 h 9). La tournure québécoise n'est qu’un décalque de «last straight». La Banque de dépannage recommande Dernière ligne droite, Dernière étape, Fin de parcours, Dernier sprint… Les solutions de rechange ne manquent pas. Si vous êtes sensible à la qualité de la langue, ce qui me semble le cas, il y aurait là un ajustement à faire. Vous n’êtes pas le seul à tomber dans le panneau du démarquage. Des remarqueurs ont relevé la migration du calque des courses attelées à la langue générale il y a deux décennies. Il n’est peut-être pas trop tard pour le contrer. 

Représentation sur la peine (2018)

2018.04.26. Les auditeurs que nous sommes voudraient bien apprendre les expressions correctes en français. Nous aimerions apprendre à dire de manière spontanée « observations sur la peine» ou «plaidoyer avant la sentence ». Malheureusement, les journalistes, professeurs du grand nombre, nous serinent encore «représentation sur la peine». Les auditeurs de la première chaîne auront eu cette chance (!) de l’entendre au cours de deux émissions (Midi info et Cet après-midi, 26 avril). Il est vrai qu’il est plus aisé de se contenter de la traduction littérale de l’expression anglaise («representations on sentencing») que de chercher un bon équivalent français. Comme nos «professeurs du grand nombre » ont à l'occasion des lacunes ou des trous de mémoire, il ne faudra pas demander aux locuteurs lambda que nous sommes peu ou prou de se rappeler la bonne expression.

Cap Diamant, Petit Champlain (2018)

2018.04.25. Les citoyens sont souvent réticents face à des propositions de changement de raisons sociales ou même de toponymes. C’est le cas de l’appellation pour le moins infantilisante de «petit Champlain » (rue du Petit…; théâtre du…). C’est le cas du nom géographique «cap Diamant », faux historiquement. L’infantilisme et les dérapages ou les déformations ne sont pas pris en compte même s’ils mènent à des calques de l’anglais. Mais voilà que le Théâtre Blanc devient la Carte Blanche afin d’éviter toute connotation raciale (Le Soleil, 24 avril, p. 37). Bravo! Espérons qu’un jour, les ajustements seront faits et qu’on retrouvera la «Petite rue Champlain » et le «Cap-aux-Diamants », appellations perdues au cours de la succession de traductions du français à l’anglais et de l’anglais au français

Pizza large (2018)

2018.04.25. De belles pizzas! Le publisac distribué aux portes (semaine du 22 avril) est illustré d’une pizza fumante des restaurants Stratos : elle est grillée à point et bien ronde, bien circulaire. La pochette contient un dépliant de Salvatore agrémenté d’une pizza sans doute aussi savoureuse. Dans les deux cas, on précise : «Pizza large» ou «Large garnie». Pourquoi insiste-t-on sur leur largeur? Une assiette a-t-elle une largeur? Une tarte? Non. On parlera de sa grandeur, de son diamètre. On applique le mot «large» à une pizza sous l’influence de l’anglais. Telle est l’observation de Robert Cardinal (VacabulAide) et de Lionel Meney (Dictionnaire québécois-français). En somme, recommandons aux deux restaurateurs de soumettre le calque à leurs publicitaires ou à leurs conseillers linguistiques s’ils hésitent à le remplacer illico par «grande ». 

Fabricant ou constructeur ? (2018)

 2018.04.23. Les automobiles Nissan publient une page publicitaire dans le Soleil (23 avril, p. 15). L’accroche est la suivante : «Approuvé par le fabricant Nissan». Deux illustrations montrent que l’entreprise se définit comme «fabricant» de véhicules. Or une fabrique est, de nos jours, «un établissement industriel d’importance moyenne, peu mécanisé, dont l’activité n’exige pas beaucoup d’outillage» (N. Guilloton, Mots pratiques... , 1997). On fabrique des chaussures, des boutons, des montures de lunette, etc. Si on envisage de lancer sur le marché des véhicules, des avions, de grosses machines et même des ordinateurs, on devra d’abord les construire et se considérer comme un «constructeur». N. Guilloton note que «fabricant » et «constructeur » ont des points en commun. Aussi est-il nécessaire de faire un effort pour les bien distinguer.

T'est dû pour... (2018)

2018.04.18. Il est impardonnable que la lunetterie New Look se serve de l’anglicisme «T’es due » comme accroche publicitaire (Le Québec express, 18 avril, p. 3). Le franglicisme «due pour » est plus difficile à déceler, il est vrai, que l’expression empruntée «New look ». Mais la lunetterie et ses publicitaires devraient à l’avenir consulter les répertoires correctifs existants avant de lancer un tel message publicitaire. La Banque de dépannage de l’Office observe : «dû est utilisé à tort dans diverses expressions calquées de l’anglais to be due for au sens d’« être mûr pour », « avoir besoin de », « être attendu pour » ou « qui doit arriver ». Le Multi Dictionnaire et Usito vont dans le même sens. La bévue contribue à saper les efforts d’amélioration du français en sol québécois et à perpétuer le calque.

Coaching (2018)

 2018.04.22. Les bureaux de Coaching Québec accordent le monopole au mot anglais. L’enseigne de la rue (3281, chemin Sainte-Foy) annonce : Coaching Québec /Formation PNL – Coaching; à l’intérieur du centre commercial, on lit, en plus, «coaching d’affaires» et «coaching de vie ». Il y aurait lieu de considérer l’utilisation possible de synonymes français. Usito note que le mot est critiqué comme synonyme de mentorat, d’accompagnement. L’écrivain Michel Tournier a exhumé un vieux mot français sauvé par l’anglais : «guidance» (Le Pied de la lettre; Folio, 2881; p. 72). On pourrait le rapatrier étant donné la difficulté à trouver des équivalents à «coaching », mot difficile à intégrer dans le système linguistique français. Sans modifier la raison sociale de l’organisme, on pourrait s’en servir dans l'énumération des services offerts : Guidance familiale, Guidance infantile, Guidance psychologique, Guidance d’affaires, etc. Cela contribuerait à l’enrichissement de la langue d’ici et du français international.

«Pu capable» (Joual) (2018)

2018.04.21. Il est regrettable qu’un journal de Québec, le plus ancien, se mette à jouer la carte du «jaunisme» et du sensationnalisme. Il fait fond sur tous les scandales du milieu (meurtres, viols, braquages, etc.). Il met en exergue le langage populaire et le «joual ». Un exemple : «Pu capable de l’entendre. Fais de quoi!» (Le Soleil, 20 avril, p. 2). Il est compréhensible que les journalistes et les titreurs profitent des perles et des «bons mots» des témoins : cela ne peut qu’être du pur jus, du vrai, du local, du terroir. La manchette joualisante n’ajoute rien à la nouvelle ou à l’explication d’un phénomène. Mais elle habitue l’œil québécois à la graphie réductrice de «pu » ou «pus » ou, encore, de «pis » (puis). Leur langue et leurs doigts suivront le sillage un jour. 

jeudi 8 avril 2021

Médium large (2018)

 2018.04.20. Madame Isabelle Craig. Vous n’êtes pas sans savoir que le titre «Médium Large » est un calque fantaisiste de l’anglais. Vos collègues sont au courant. Des auditeurs ont même noté la gêne des animateurs à utiliser l’expression. On se contente souvent de «Bonjour, ici X.Y. avec vous». En matinée (19 avril, à 10 h +), vous avez entonné « On se retrouve après les nouvelles pour la 2e heure de Médium Large » et, six minutes plus tard, «Vous écoutez Médium Large». Même si le sens supposé de l’expression (média qui ratisse large) a peu à voir avec son utilisation dans le monde de la gastronomie ou de la confection, elle a pour effet, diffusée sur les ondes, de raffermir une mauvaise habitude langagière des Québécois et des francophones canadiens. Les animateurs et les animatrices, sensibles aux difficultés vécues par le français en Amérique, devraient éviter l’anglicisme en ondes même si le guide horaire continue d’annoncer le titre choisi il y a une dizaine d’années.

Récipiendaire (2018)

 2018.04.06. Il est probable que l’équipe chargée de l'émission «Radio-Canada cet après-midi» tient des séances de débreffage. On doit y aborder les dérapages linguistiques et les formes fautives utilisés tout à trac. En voici une entendue vers 15 h 35 (6 avril). Un chroniqueur a parlé des «récipiendaires» de courriels. À la première occasion, il faut faire un détour par le Robert ou le Larousse : un récipiendaire est une personne reçue dans un cercle ou à qui on remet un diplôme ou une décoration. Certains ont osé, par le passé, en qualifier le gagnant d’un concours. On les a critiqués. Ici, un journaliste en rajoute: des destinataires deviennent des «récipiendaires» de messages, de lettres, de courriels… Il faudra suggérer à Guy Bertrand, le conseiller linguistique de Radio-Canada et de ses employés, de mettre à jour ses commentaires sur le mot (400 capsules linguistiques, vol. 1, 1999, p. 150)!

Prendre pour acquis ? (2018)

2018.04.04. Chère Madame Latraverse. Je roulais sur l’autoroute Félix-Leclerc (4 avril, un peu après 14 h) et je vous ai écoutée parler du volume portant «La Vie cachée de Gandhi». J’ai noté votre esprit critique. Vous m’aurez sensibilisé à l’intérêt de la biographie. Mais j’ai été déçu que employiez à trois reprises l’expression «Prendre pour acquis ». Comme je suis retraité, j’ai le loisir de consulter des répertoires correctifs. Je constate que les professeurs Michel Parmentier (2006) et Lionel Meney (1999) relèvent la tournure calquée sur l’anglais. Mais le plus significatif pour vous sera, sans doute, l’avis de deux conseillers linguistiques de Radio-Canada, votre employeur, Camil Chouinard et Guy Bertrand, lesquels proposent son remplacement par «tenir pour acquis». Pour sa part, Meney aligne une dizaine d’équivalents. Je tiens pour acquis que vous partagerez mon opinion qu’il n’est jamais trop tard pour corriger sa langue maternelle et l’enrichir.


Aller aux sucres ? (2018)

2018.04.03. C’est le temps de rappeler une observation du linguiste Gérard Dagenais : «On ne va pas ‘aux sucres’ mais ‘à l’érablière’. Au lieu du ‘temps des sucres’, il faut parler du ‘temps du sucre d’érable’ et c’est une ‘partie d’érablière’ qu’on fait, non une partie de ‘sucre’» (Dictionnaire des difficultés de la langue…, 1967). Les trois expressions sont des solécismes selon Dagenais (1913-1981). Il illustre ainsi son propos : «On va aux fraises et il y a le temps des fraises, parce que les fraises se mesurent par unités. / …mais pas le sucre. D’un autre côté, le sucre est un objet. Ce n’est pas une sorte d’activité… On fait une partie de pêche ou une partie de campagne, pas une partie ‘de brochet’ ou une partie ‘de champ’». Les linguistes s’attardent peu de nos jours aux expressions épinglées par Dagenais. On les note (Meney) ou on en fait des laurentianismes (Villers, Usito). Les sonneurs de grelots sont rares. Mais il serait de mise d’organiser une partie d’érablière et d’y aller. 

Opérateur (?) d'autobus (2018)

 2018.03.02. Réussira-t-on à corriger nos anglicismes? Le défi est gigantesque. Il est difficile d’engrener tous les efforts, ceux des locuteurs lambda et ceux des médias. Un journaliste de la première chaine parle du «plus grand opérateur d’autobus scolaires» du Québec» (Nouvelles de 14 h, 1er avril, diffusées dans la capitale). Quinze ou 20 000 auditeurs auront entendu l’expression, l’auront intériorisée et la répéteront sans doute… Un opérateur? Une personne qui fait fonctionner un appareil. Mais un autobus n’est pas un appareil. La confusion vient de la proximité du mot anglais : «… operator désigne aussi bien la personne qui conduit un véhicule que celle qui fait fonctionner un appareil, qui manœuvre une machine ou qui actionne un dispositif. En français l’emploi du terme ‘operateur’ est plus limité. On le réserve pour désigner le technicien qui règle et fait fonctionner certains appareils…». Si mille exemplaires du Vocabulaire des relations professionnelles (2009), source de la mise en garde, circulent, son influence ne sera que vingt fois moins importante que celle du journaliste. Peut-on espérer que les locuteurs utiliseront «gestionnaire », «conducteur», «propriétaire»… un jour? Le calque a toutes les chances de l’emporter.

Small, medium, large (2018)

 2018.04.05. Les clients de l’IUCPQ pouvaient lire sur les tablettes des chemises mises à leur disposition la déclinaison «Small, Medium, Large » et même «X Large» dans les cabines de déshabillage du local C1153, voisin de la salle des rayons X. C’était encore le cas il y a un mois. Mais on ne devrait pas la revoir à l’avenir. L’hôpital la changera. En français, il faudrait écrire : Chemises: Petites, Moyennes, Grandes, Très grandes. Ou Chemises : Petite taille, Taille moyenne, Grande taille, Très grande taille. Pendant ce temps, la première chaîne continue de nommer une populaire émission «Médium large », c'est-à-dire «Média à large spectre». Cela reste du franglais. On peut supposer que les dirigeants ont été alertés : on n’entend plus le nom de l’émission au moment de l’entrée en ondes. On se contente d’une ritournelle et du «Bonjour! Ici Catherine Perrin avec vous». Il serait justifié que Radio-Canada suive l’exemple de l’IUCPQ et envisage un changement de l’appellation de l’émission.

Poser un geste (2018)

 2018.04.12. Un correspondant signale régulièrement à des animateurs de Radio-Canada que l’expression «poser un geste » est un régionalisme à éviter sur les ondes. La lecture de l’expression dans une brochure de La Bordée (Lucky Lady, p. 2) est l’occasion de voir ce qu’il en est. On y lit : «Nous vous invitons… à poser un geste pour… ». Selon Usito l’expression employée comme synonyme de ‘accomplir un acte, faire un geste' … est critiquée à l’occasion. L’Office abonde dans le même sens et précise qu’elle constitue un régionalisme et qu’on la considère comme une impropriété. Somme toute, un locuteur peut l’utiliser dans son patelin et s’en montrer fier. Mais les ondes publiques devraient plutôt miser sur «faire un geste ».

Splitter (2018)

 2018.04.10. Un deuxième maire de la région de la capitale, l’alter ego de Régis Labeaume, devrait faire appel à ses conseillers linguistiques. Il est des mots qui manquent à son répertoire. Une illustration : comme il le dit, il refuse de «splitter» les travaux envisagés à la patinoire de Lévis (Le Soleil, 10 avril, p. 6). Un dictionnaire de traduction lui aurait appris des équivalents français : diviser, séparer, partager, etc. Il peut arriver que ces derniers verbes ne lui conviennent pas. Le contexte présenté laisse deviner que le verbe «étaler » aurait pu lui être utile. On permettra à Gilles Lehouillier de ne pas consulter de dictionnaire lors des entrevues ou conférences de presse. Mais une fois la faute signalée et les solutions de rechange évoquées, il lui sera peut-être possible d’éviter, la prochaine fois, le calque apprêté à la sauce laurentienne.

Pièce législative ? (2018)

 2018.04.16. Ce n’est pas tous les jours qu’on a l’occasion de se frotter à l’expression «pièce législative ». Justin Trudeau a déclaré qu’une «pièce législative» était envisagée afin de réaffirmer la compétence de l’État fédéral en matière de transport des hydrocarbures (Le Devoir, 16 avril, p. A 8, 1e col.). Lionel Meney en signale des exemples dans le Dictionnaire québécois-français (2003). Il note de nouveau l’expression en 2017 (Le Français québécois entre réalité et idéologie, p. 252). Il la présente comme un anglicisme de combinaison (une « combinaison de mots plus ou moins figée calquée sur une combinaison anglaise»). L’expression s’y trouve encadrée par des «consoeurs » bien masquées elles aussi : «papier sablé », «personnel clérical» et «projet domiciliaire». Comment peut-on rendre «peace of legislation » en français? Quelques possibilités : projet de loi, texte de loi, mesure législative.

Vente ou soldes? (2021)

 2021-04-05. L’Univers du store publicise ses produits en soulignant qu’ils sont fabriqués au Québec. À l’occasion, il va plus loin et il leur donne un accent d’Amérique. Ainsi dans un rez-de-chaussée publicitaire publié dans le Devoir des 3 et 4 avril (p. A5), il annonce «Vente / 50 % de rabais ou installation gratuite». L’entreprise vend en tout temps, mais elle propose des rabais à l’occasion. Il faut dès lors parler de vente au rabais ou de soldes. En anglais, on ne fait pas la distinction. Aussi, sommes-nous portés à confondre les deux notions. Une formule correcte pourrait être : «Soldes / 50 % de rabais ou installation gratuite». À l’heure où le gouvernement s’apprête à renforcer le statut de la langue, il faudrait que les citoyens et les entreprises s’intéressent à sa qualité et à ses caractéristiques.

Booster (2021)

 2021-04-05. La presse observe à l’occasion que les «bottines ne suivent pas la babines». Il arrive aussi que «les souliers ne suivent pas les claviers». Un exemple : le Journal de Québec mène, depuis un mois ou deux, une importante campagne en faveur du renforcement de la langue. Mais en même temps, on assène aux lecteurs trois manchettes (deux à la Une : «Booster (sic) votre système immunitaire» et «Trucs pour booster sa santé…» et, cette dernière, reprise à la première page du dossier (4 avril). Il aurait été facile de trouver un verbe français pour remplacer le franglicisme «booster» : améliorer, renforcer, stimuler et même doper. La défense du français (statut, attrait, rayonnement, rentabilité…) est un préalable, mais il ne faut pas négliger sa qualité et, en principe, son pouvoir et son devoir de tout dire avec les mots qui lui sont propres.

Poste régulier ? (2021)

 2021-04-04. L’offre d’emploi «rédacteur / rédactrice en chef» au journal Le Droit publiée dans le Soleil (3 avril, p. 57) précise, à sa toute fin, «Poste régulier». L’adjectif est la plupart du temps considéré comme un anglicisme. Le Multi en relève dix. Pierre Cardinal identifie une quinzaine de situations dans lesquelles on tombe dans le panneau. Mais l’expression utilisée ne fait pas partie des exemples à proscrire tant dans la Banque de dépannage (OQLF) que dans le Multi ou dans le VocabulAide de Cardinal. On y conseille cependant le syntagme voisin : emploi ou personnel permanent. Usito donne aussi un exemple de bon usage «Poste à temps plein, permanent, vacant», mais il reste silencieux à l’égard de «poste régulier». En revanche, Termium l’accepte comme équivalent de «regular position» Il est possible que les traducteurs fédéraux aient accepté le calque en raison de son usage courant dans l’administration fédérale. Il serait peut-être opportun que Le Droit «revisite», comme on dit, l’expression. à la première occasion.

Tournure: Prendre la mesure de... (2021)

 2021-04-02. Le Soleil nous offre la manchette «… le Canadien prend la mesure des Sénateurs 4-1» (2 avril). La Ligue nationale a présenté une manchette semblable le 16 mai 2007 : «Les Sabres sauvent leur peau en prenant la mesure des Sénateurs 3-2». La locution est présente dans le Dictionnaire de la langue québécoise (1980) et dans le Dictionnaire québécois d’aujourd’hui (1992). Dans ce dernier on donne un exemple : «’Prendre la mesure d’un adversaire’, le vaincre» mais sans plus. Faut-il s’en méfier? Le verbe «prendre» est lié à nombre d’anglicismes : neuf dans Usito, une quinzaine dans le Multi, une vingtaine dans le dictionnaire des tournures de M. Parmentier et plus de trente dans le Grand glossaire (J. Forest). L’expression serait-elle un produit québécois qu’il faut acheter comme chat en poche? ou exiger une expertise.

Depolicing (2021)

2021-04-01. Un journaliste peut se retrouver de but en blanc devant un mot étranger et ne pas savoir comment le rendre en français. De là l’utilisation de l’expression #«depolicing» utilisée par une spécialiste et le sous-titre d’un article : «L’École nationale de police entame une étude sur le phénomène de 'depolicing'» (le Devoir, 1er avril, A8). Le journaliste traduit la notion par «désengagement». Il revient à la chercheuse de trouver un équivalent acceptable. Des linguistes pourront sans doute l’appuyer. En passant, voici une piste à explorer. Le verbe «policer» a eu un premier sens: «administrer, régir par une police» (Dict. hist. de la langue française) . À partir du verbe, il est possible de former le verbe «dépolicer» et les substantifs «dépoliciarisation» ou sous-policiarisation». Les correcteurs ne les accepteront pas. Mais, ils n’acceptent pas non plus le mot anglais. Il faut savoir adapter et moderniser le français à partir de qu’il fut et de ce qu’il est. 

mardi 6 avril 2021

Appliquer (?) sur un poste (2015)

2015.09.20. Les Québécois connaissent ‎Denys Arcand et apprécient ses films. Mais un reportage fait à la suite de sa présence au Festival de cinéma de Québec (FCVQ) commence bien mal. On reproduit ses paroles : « Je suis venu au cinéma par hasard. J’ai appliqué sur un poste d’annonceur… » (Le Devoir, 19-20 septembre, A 1). On peut pardonner au cinéaste d’employer l’expression « appliqué sur… », une forme fautive fort répandue dans le monde du travail. Mais le journaliste, qui la reproduit littéralement, est sans excuse. Il aurait pu utiliser une expression correcte : « j’ai postulé un poste d’annonceur », « j’ai posé ma candidature à… », « j’ai postulé un emploi d’… ». Tous les répertoires correctifs (Multi, BDL, Français au micro…) signalent la faute. Et, habituellement, les professionnels acceptent les corrections qui ne modifient pas leur pensée. On peut supposer que le cinéaste aurait apprécié qu’on corrige l’impropriété inspirée de l’anglais « to apply » et dont tous les Québécois sont victimes.

Exclamations: Fuck!

2024.03.01. La chroniqueuse Josée Blanchette aime bien parsemer ses textes de mots anglais. L’habitude fait partie de son style. Dans le Dev...