samedi 30 mai 2020

Flabergasté???

Monsieur Martin Matte,
Vous vous dites «flabergasté» par les réactions négatives face à un message publicitaire. Le journaliste vous fait dire »… je suis désolé pour les personnes qui se sont sentis offensées» et il note que vous vous seriez dit «flabergasté» (Le J. de Qc, 29 mai 2020, p. 6, 5e col.). Que vouliez vous dire? Abasourdi, Affecté, Confondu, Décontenancé, Découragé, Déséquilibré, Ébahi, Ébaubi, Éberlué, Émerveillé, Ému, Encouragé, Enthousiasmé, Époustouflé, Estomaqué, Étonné, Heureux, Interloqué, Médusé, Pétrifié, Renversé, Scié, Sidéré, Soufflé, Stupéfait, Stupéfié, Surpris? Il est possible qu’il faille allonger la liste. Je vous en confie la tâche, mais d’abord expliciter concrètement ce que vous vouliez-dire par ce long mot? Cela me turlupine. D’autant plus que le mot cache une partie de mon adresse courriel (BGaston…) et que mon patronyme commence par «Ber». J'en suis soufflé!

lundi 25 mai 2020

«Évènement» (Myriam de Beaulieu)


«Le mot n’est pas employé au sens habituel d’ «un heureux événement » ni au sens d’ « événement historique ». A défaut d’événement tout devient un événement diraient certains. Un événement par définition n’est pas organisé mais spontané (une révolution, un mouvement de contestation) ou imprévu ou rare (une naissance). Tuer la notion d’événement, c’est essayer d’encadrer, de formater tous azimuts.
Si on oublie le sens d’événement historique, comment comprendre l’expression « l’histoire événementielle » et celle de Braudel qui repose sur des tendances à long terme ?» (Dites-le en français / Nations unies, 2020).

Évènement (2020)


2020.01.22..  La Société du Centre des congrès de Québec cherche des manutentionnaires et des monteurs de salle (Le Soleil, 22 janvier, p. 23). L’avis de recherche de candidats insiste sur la multiplicité des «événements» organisés au Centre, et sur l’appréciation des «organisateurs d’événements» à l’égard du travail des équipes retenues jusqu’à maintenant, travail essentiel au bon déroulement de «leurs événements». On abuse du mot «événement». Mais il faut dire que l’abus n’a pas été dénoncé très souvent. L’Office québécois de la langue n’aborde pas le sujet. Un traducteur, Frèdelin Leroux fils, lui consacre un long article (Mots de tête, bis; 2013) et il aligne plusieurs façons d’éviter sa déformation. L’Asulf affiche une courte fiche corrective sur le sujet (www.asulf.org/evenement/). Les solutions de rechange proposées sont, entre autres, manifestation, rendez-vous, activité, rencontre. Mais la question posée par Leroux est toujours d’actualité : comment expliquer la logorrhée d’«événements» dans l’avis relevé et dans les médias en général?

Évènement ou événement (2017)


2017.02.15.. On abuse du mot «évènement » depuis une dizaine d’années. Jusqu’à maintenant nul dictionnaire n’a relevé le dérapage. À l’occasion d’entretiens sur les ondes publiques, on est témoin d’une pluie du mot, si bien qu’il y aurait lieu de lancer des « avertissements » d’«évènements » comme on le fait pour la neige. Le Soleil (14 février 2017, p. 7) annonce la présence de camions-cuisines à Expo-Cité au cours de l’été. Ce sera des «journées-événements », des «événements gourmands » selon la journaliste. La porte-parole de Québec parle de son côté d’«évènements établis». Une capsule linguistique présentée dans le site internet de l’Asulf (www.Asulf.org) précise : « Le terme « événement » est souvent utilisé à tort en français, ce mot désignant habituellement un fait marquant, historique. Cela étant dit, il n’est pas toujours facile de trouver un mot juste pour rendre cette notion, correspondant à event en anglais». Que dire alors ? Rencontres gourmandes, journées, fêtes…, rendez-vous gourmands, bouffe en plein vent… Mais, de nos jours, il faut vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué. Et couronner illico l’activité du mot «événement » !

dimanche 24 mai 2020

Adresser


(2015) Un correspondant fait part d’une expression prononcée par le premier ministre Trudeau. Il l’a entendue à la radio gouvernementale le 30 novembre 2015, au bulletin de nouvelles de midi précise-t-il : « Il n'est pas question d'adresser les dangers…». Le correspondant note que l’emploi du verbe « adresser » dans le contexte est incorrect. De fait, il constitue un calque et un anglicisme sémantique. Le premier ministre n’est pas le seul à utiliser le terme à mauvais escient. Mais son utilisation est plus grave quand elle est le fait d’un Saint Jean Bouche d’or et qu’elle est diffusée urbi et orbi par les médias. Le P.M. devrait savoir, mais aura-t-il le goût ou le temps d’apprendre et de se corriger? D’en arriver à dire plutôt «de considérer les…», « de s’attaquer aux… ». Chose sûre, il a quatre ans devant lui pour publiciser le bon usage du français

Chez (2017)


(2017). Peut-on écrire « chez le Chic Shack » ou encore «chez Les Recettes paumées » ? (deux camions-restaurants). C’est ce qu’on voit dans un article du Soleil (4 mai 2017, p. 3, 1e et 2e col.). La question me ramène à une chronique de Bernard Cerquiglini (Merci Professeur; 2008). Celui-ci rappelle que son professeur avait coutume de dire : « Messieurs, vous irez au bordel, mais auparavant vous passerez chez le coiffeur». Cerquiglini poursuit : « C’était rappeler, en terme martiaux, une règle fondamentale de la grammaire française / Avec les établissements, les boutiques, on utilise les prépositions de lieu ordinaires ‘à’ ou ‘dans’… En revanche, si l’on veut désigner le propriétaire ou le gérant de ces établissements, on doit alors utiliser la préposition ‘chez’… ». En somme, le journaliste aurait écrit : «au Chic Shack» et «aux Recettes Paumées»… s’il s’était souvenu des règles de grammaire ou si les correcteurs informatiques avaient joué leur rôle.

«Chez» (Colette Guillemard)

«… il ne faut, en principe, utiliser chez, qu’avec des noms de personnes. L’évolution de la langue a cependant amené à en étendre l’emploi aux animés humains…, aux nationalités, aux religions,… à l’ensemble des œuvres d’un auteur… et même aux animaux. / … En principe, on n’emploie pas chez avant le nom d’un magasin, d’une société. … on peut dire chez Renault ou chez Leclerc, car il existe un M. Renault et un M. Leclerc. Cependant, … l’emploi de chez dans certains cas, notamment pour des raisons d’euphonie ou d’usage, n’a pas de quoi choquer nos oreilles. Il faut être le descendant direct de Vaugelas… pour refuser : Il travaille chez Alcatel ou Elle a acheté sa voiture chez Volkswagen».»(Le Figaro, 1er décembre 2003, p. 19).

samedi 23 mai 2020

«Dès» selon Bernard Cerquiglini

«Dès» Un avis : «Pour désigner le moment…. on peut utiliser à partir de ou depuis…/ On emploie également la préposition dès. Celle-ci toutefois apporte une nuance … intéressante : elle indique la précocité de l’action considérée : Il a neigé dès le 15 novembre.  / Cette phrase laisse entendre… que la neige à cette date est inhabituelle…. / cette nuance de précocité est habituellement fournie comme argument : Dès l’âge de quatre ans, Mozart donnait des concerts’ : c’est une preuve de son génie. / … cette nuance est en train de disparaître» (Bernard Cerquiglini, Merci professeur! Chroniques savoureuses…; Paris : Bayard, 2008, p. 119). ’

Secrétaire corporative ou corporatif (2020)

2020-05-21. Il est sans doute normal qu’une entreprise fédérale qui semble ne porter qu’une raison sociale anglaise ne se préoccupe pas de la qualité de la langue. Sa raison sociale est «YQB Québec City Jean Lesage International Airport» si on se fie à l’avis officiel publié dans le Journal de Québec (21 mai 2020, p. 24) C’est pour le moins un manque de respect à l’égard de la population de la capitale. Mais il y a pis. La secrétaire générale de l’entreprise se dénomme «secrétaire corporative, conformité et gestion immobilière». Cela est du français fédéral, la traduction automatique de l’anglais «Corporate Secretary, Compliance and Real Estate» . Le franglicisme sémantique «corporatif» est critiqué à l’unanimité (Banque de dépannage, Pierre Cardinal, Multi dictionnaire, André Racicot, etc.). Cependant, on ne relève pas l’expression «secrétaire corporatif» (ou corporative). Pour une fois, chose faite ! Une «secrétaire corporative» est une secrétaire générale selon Usito.

Dès ou À partir de... (2020)

2020-05-20. On peut s’amuser des nuances que prennent des notions voisines comme ‘deuxième’ et ‘second’, ‘naguère’ et ‘jadis’, ‘à compter de’ et #'dès’. Prenons ce dernier couple. On lit dans le Courrier du soir du Devoir (diffusé à 20 h 4 le 20 mai) : «Les Québécois pourront commencer à se réunir dès vendredi» et quelques lignes plus bas «Les dentistes… c’est un peu plus compliqué : ils pourront rouvrir dès le 1er juin». Pourquoi a-t-on préféré «dès» à l’expression «à compter de»? Normalement, la préposition «dès» indique la précocité de l’action. Prévoyait-on que les familles ne devaient se réunir qu’en septembre et que les dentistes devaient garder leurs bureaux fermés jusqu’à la même date? On envisageait plutôt l’inverse. Tout le monde espérait une date hâtive. Somme toute, on aurait pu remplacer la préposition «dès» par «à partir de», plus neutre, dans la première phrase et rédiger autrement la seconde : «… ils ne pourront rouvrir que le 1er juin» (plus logique). Ce sont là des détails. Mais c’est une chance qu’on puisse s’en amuser.

jeudi 21 mai 2020

Dates à l'anglaise (2020)

2020-05-21. Le Journal de Québec envoie gentiment à ses abonnés un courriel quotidien annonçant la parution de l’édition du jour. La manchette se lit «Le Journal de Quebec du mai 21, 2020 vient d'être publié». La formule est utilisée depuis plusieurs mois. Cette façon de faire vient de l’anglais. Par exemple, on y écrit «March 6, 2007» ou «June 2, 2020». La formule est probablement imposée à l’éditeur par un programme informatique ignorant la pratique française. En toute logique, la datation devrait prendre la forme classique : …du 21 mai 2020 ou du 22 mai… Telles sont les recommandations du Français au bureau (2014), du Multi dictionnaire (2018) et du Ramat (2017). La faute est du même ordre que celle de mal abréger numéro («no.» alors qu’on devrait écrire «no» sans point) ou boulevard («blvd»; mieux «Boul.» ). Le Journal devrait rectifier, à la première occasion, la règle d’écriture violée.

mercredi 20 mai 2020

Dès ou À partir de...( 2018)

2018-07-15. Une affiche du RTC (Réseau de transport de la capitale), installée à la station Marie-Guyart (Bd René-Lévesque) dans la semaine du 8 juillet se lisait ainsi : «Parcours 3 et 28 / Arrêt non desservi dès 21 h / Tous les soirs du Festival…». On aurait pu utiliser l’expression «à partir de» ou «à compter de» à la place de «dès». «Dès» exprime une nuance que les auteurs de l’affiche ignorent : elle indique la précocité de l’action. C’est supposer que l’absence de service se produit d’habitude plus tard, à 22 h ou à 23 h. De la même façon, annoncer qu’une réunion commencera dès 10 h laisse entendre que les précédentes commencèrent plus tard. Le professeur Cerquiglini consacre un article au sujet, note qu’on oublie de plus en plus la nuance et juge que c’est un exemple d’affaiblissement sémantique de la langue (Merci professeur! chroniques…, 2008). Le professeur Meney note, quant à lui, qu’on emploie «dès» au Québec dans le sens neutre de «à partir de» (Dictionnaire québécois-français; 1999).

lundi 18 mai 2020

Flabbergasté???

Vous venez de gagner le gros lot à la loterie, l’État vous décerne le prix Georges-Émile Lapalme, vous remportez une victoire électorale contre toute attente. Vous diriez, dans l’enthousiasme, «Je suis époustouflé», «Je suis émerveillé», «Je suis au septième ciel», «Je suis le plus choyé des choyés», «Je suis enthousiasmé», «Je suis comblé», etc. La comédienne Laurence Leboeuf apprend que le réseau américain NBC achète la série médicale dans laquelle elle brille de tous ses feux. Elle triomphe, elle est aux oiseaux, elle est aux anges. Mais elle a un trou de mémoire. Les mots ou expressions françaises ne lui viennent pas l’esprit. Il y en a si peu! Elle se rabat sur un mot tout court, moderne, tout simple, coloré, tout joli, et musical de la langue des acheteurs. Il flotte dans l’air et dans le décor, tout le monde le respire :«Je suis flabbergastée!» (Le J. de Qc, 17 mai, p. 74). Le mot comble un immense vide du français

dimanche 17 mai 2020

Dédier? (2020)

2020-05-16 Le téléjournal Québec (16 mai) consacre son premier reportage à trois rues réservées, les fins de semaines, aux piétons de la capitale. Mais un bandeau de l’écran proclame : «Rues dédiées aux piétons». La journaliste utilise une fois l’expression «… il va falloir dédier cette rue…». Muriel Gilbert, correctrice au journal Le Monde, écrit à propos du verbe : «En français, on ‘dédie’ un chapelle à un saint ou un livre à sa mère, pas un institut à la recherche médicale….ni un salon à la vache normande. C’est une erreur calquée sur le ‘dedicated’ anglais, qui a … la même racine étymologique, mais pas exactement le même emploi». (Un bonbon sur la langue). On retrouve des observations similaires au Québec : dans la Banque de dépannage linguistique, dans le Multi dictionnaire, dans la Presse (un billet de Paul Roux, 11 déc. 2005). Somme toute, le calque est inutile. La journaliste connaissait l’expression française, puisqu’elle l’utilise à une reprise. Mais le titreur a préféré le calque. Ce qui est regrettable.

Initier?


2015. Un enseignant alerte ses élèves. Ils sont une vingtaine. Il leur rappelle que le verbe Initier signifie en français « donner la connaissance – d’un art, d’une science, d’une profession – à quelqu’un ». On commet un anglicisme quand on lui donne le sens de Commencer, Être à l’origine de, Amorcer, Prendre l’initiative de. Il est correct de dire « Mon père m’a initié à la lecture ». Mais il ne faut pas affirmer qu’on va « initier » la lecture d’un roman. Quelques heures plus tard, à la maison, les élèves écoutent le Téléjournal Québec comme 100 000 ou 200 000 autres téléspectateurs. Il est 18 h 5 le vendredi 20 mars 2015. Un journaliste annonce que l’avocat Untel « a initié » le recours collectif contre les Rédemptoristes. Peut-on croire que la leçon de l’enseignant – si compétent et si documenté soit-il – prévaudra sur la phrase du journaliste transmise urbi et orbi? Et que les élèves se rappelleront la leçon et ne trébucheront pas à leur tour à la première occasion?... à l’exemple du chroniqueur.

vendredi 15 mai 2020

Sigles, acronymes (bas de casse)


2016.07.18 Comment doit-on écrire les sigles et les acronymes? Doit-on les identifier à l’aide de majuscules ou de minuscules? Quand il s’agit de sigles, on utilise les majuscules (CSN, FTQ, ONU, BANQ). La règle fait consensus. Mais les acronymes? Prenons le cas de trois associations : l’Association pour l’avancement des sciences et des techniques de la documentation, l’Association pour le soutien et l’usage de la langue française et la Ligue internationale des scientifiques pour l’usage de la langue française. On a le choix d’écrire Asted ou ASTED, Asulf ou ASULF, Lisulf ou LISULF. Trois raisons militent en faveur d’une majuscule initiale et de minuscules par la suite. D’abord parce que l’on prononce syllabiquement ces acronymes et non lettre après lettre. On lit et prononce « asted’», « lizulf’ ou « azulf’ ». On a des modèles dans le monde international : Unesco, Benelux, Unicef… Enfin, puisque la multiplication des acronymes formés de majuscules dans un texte peut agacer l’œil à la longue. Mais cela reste une simple règle d’écriture.

Bon matin!

Pour quelle raison le Scientifique en chef du Québec, monsieur Rémi Quirion, salue-t-il les auditeurs de la première chaîne en lançant «Bon matin!»? (Première heure, 12 mai 2020, 8 h 40). Économie du langage? Non, car la salutation compte trois syllabes alors que «Bonjour» n’en a que deux. Peut-être est-elle plus facile à prononcer. Cela reste à voir. Serait-ce qu’il veuille faire une distinction entre «Bonjour» et «Bon matin» (comme on le propose parfois pour fin de semaine et weekend) : «Bon matin» signifierait peut-être «bon réveil», «bonne matinée», «bon avant-midi» alors que la salutation habituelle aurait le sens de «bonne journée». Ce sont des hypothèses à considérer. Au-delà de cela, il pourrait y avoir une explication prosaïque : le scientifique, habitué à l’anglais, fait de la traduction automatique : «Good morning», donc «Bon matin», un calque exemplaire!

Corporatif (citoyen) (2020)

2020-05-12. Il est des anglicismes inscrits dans le béton et très durs à faire disparaître. «Bon citoyen corporatif» fait partie de la liste. René Vézina l’étale sur les ondes de la Première chaîne (Québec, 12 mai 2020, 8 h 14). Pierre Cardinal note à son propos «Sous l’influence de l’anglais 'good corporate citizen'» (Le VocabulAide). Le Multi dictionnaire le critique. Même la Presse canadienne décrète (2006) «Ne pas utiliser dans le sens de société commerciale, de compagnie». Le Français au micro ignore l’expression. Elle mériterait qu’on l’analyse à l’intention des collaborateurs du réseau et, par le fait même, des auditeurs. L’Asulf mets une fiche à la disposition des internautes (http://asulf.org/wp-content/uploads/2020/03/corporatif.pdf). P. Cardinal propose quelques solutions : «entreprise citoyenne». «entreprise responsable», «consciente de ses responsabilités sociales». Les premiers sont faits.

Inventaire ou stock? (2020)

2020-05.13. Le duel entre le mot français (!) «stock» et l’anglicisme sémantique «inventaire » est fort révélateur d’un état d’esprit. D’instinct, on imagine que nombre de mots anglais intégrés devraient avoir préséance sur un mot français auquel on a donné un sens venant de l’anglais. «Stock» s’est fait une place dans le français à partir de 1559 selon le Larousse étymologique. Cela ne convainc pas les Québécois. Et des journalistes ne sont pas toujours conscients de l’incongruité. On écrit dans le Devoir (13 mai 2020, p. A 3) : «… le Groupe… dit avoir suffisamment de masques en inventaire». En français international, on comprendra : «… on est en train de les recenser ou de les compter». Les répertoires correctifs, le Multi dictionnaire en particulier, notent le glissement. Ce fait de langue révèle la préférence exprimée pour un anglicisme dissimulé, difficile à détecter, contre un mot assimilé par le français avec sa graphie anglaise.

Graduation (cérémonie de...)

Le mot «graduation» - pris au sens de fin d’études - et l’expression «cérémonie de graduation » sont utilisés en sol québécois sous l’influence de l’anglais. C’est l’avis du professeur P. Cardinal de l’Université d’Ottawa (Le VocabulAide; 2009). Cependant, on pourrait les justifier en notant qu’ils furent utilisés en français il y a des siècles! La journaliste É. Porter du Devoir ignore la mise en garde du prof Cardinal et de nombreux autres spécialistes de la langue (Paul Roux, Guy Bertrand…). Elle écrit à propos des succès d’un Québécois à l’université Princeton : «… discours qu’il prononcera à la cérémonie de graduation» (Le Devoir, 14 mai 2020, p. A 5). Comme la cérémonie a lieu en territoire étatsunien, il aurait été acceptable d’employer «graduation ceremony» pour exprimer la couleur locale, mais en donnant une bonne traduction par la suite : cérémonie de «collation des grades», «… de remise des diplômes» pour les lecteurs, lesquels auront besoin de l’expression française un jour ou l’autre.

Viaduc (2016)


2016-07-04.. Un journaliste de la Presse canadienne a découvert, ou peut-être seulement imaginé, un viaduc en Beauce. Il écrit qu’un automobiliste « a heurté un pilier du ‪‎viaduc sur l’autoroute 73 » (Le Soleil, 3 juillet 2016 , p. 9). Chose certaine le pilier devait être là puisque l’automobiliste s’est tué. Mais on peut douter de la présence d'un viaduc à Beauceville. Les guides touristiques n’en font pas encore mention. Peut-être y aurait-il lieu, dans un premier temps, de demander au ministère des Transports de le localiser! Avec l’aide de la Presse canadienne s’il le faut! La vallée de la Chaudière offre, c’est certain, une topographie susceptible d’accueillir un viaduc. Préalablement, il faudra s’assurer que le mot utilisé est correct et qu’il n’y a pas eu de mirage ou de dérapage… langagier. Un viaduc permet de traverser une vallée ou une gorge de grande ampleur. Mais il est courant qu’on prenne un pont routier ou autoroutier, un saut-de-mouton comme on le voyait dans les dictionnaires d’usage, pour un viaduc. Impropriété? Terme mélioratif? Bref, une étude est de mise.

Graduation?

Quand on travaille en direct à la radio ou à la télévision, il arrive qu’on commette des pataquès, des cuirs, des anglicismes, des barbarismes… Au 24 / 60 du 18 octobre 2018, madame A.M. Dussault, parlant d’un nouveau ministre québécois, a souligné qu’on avait affaire à « toute une graduation ». Si on utilise le sens donné en français au substantif, il faudrait comprendre qu’on a divisé le ministre en degrés! Cela ne colle pas. Comme souvent, il faut aller voir du côté de l’équivalent anglais. Ce dernier signifie « fin des études » et aussi « promotion » ou « avancement » (Le VocabulAide / P. Cardinal). Malheureusement, le conseiller linguistique du réseau n’a pas encore relevé l’anglicisme sémantique « graduation » en ce sens précis ni recommandé l’expression idoine : « promotion ».

samedi 9 mai 2020

Détour ou déviation ? (2016)

2016. La saison des travaux routiers est courte en territoire québécois. Aussi se rend-on compte aisément que les détours obligatoires, des  déviations », sont choses courantes. Le ministère des Transports du Québec néglige la nuance. Il multiplie les panneaux « Détour ». Pourtant, le détour, si on se fie au dictionnaire, résulte d’un choix personnel. Le Robert illustre le phénomène : « Le site vaut le détour» ou « J’ai fait un détour pour vous dire bonjour ». Au mot «déviation », les exemples sont les suivants : « Déviation des véhicules pour cause de travaux » et «Flécher la déviation ». Il y a une nuance à faire entre les deux mots. Depuis le début du siècle, l’Asulf demande au Ministère de faire la distinction et d’utiliser « Déviation ». On voit à l’occasion des panneaux routiers lumineux l’utilisant. Mais ils sont les exceptions par rapport aux panneaux «Détour ». Comme les Québécois savent ce que sont une «déviation» et un « détour », on pourrait remplacer petit à petit les panneaux majoritaires par « Déviation ».

mercredi 6 mai 2020

Personnel «régulier» (2014)


2014.05.24. Le journaliste François Bourque du Soleil (24 mai 2014, p. 20, 4e et 5e col.) qualifie à trois reprises les salariés de la Fonction publique québécoise de « réguliers et occasionnels ». Il ignore que le premier des deux mots est un anglicisme sémantique. Pourtant les auteurs de dictionnaires et les remarqueurs dénoncent de manière unanime l’emploi du mot en ce sens : OQLF, Français au micro, Paul Roux (1997), Camil Chouinard (1500 pièges…) et même Usito, qu’on peut considérer comme un dictionnaire d’usage. Pourtant, professionnel de la langue, F. Bourque devrait écrire « permanents et occasionnels ». Peut-on lui suggérer un petit exercice? Écrire deux fois, pas plus, « réguliers et irréguliers »? L’exercice lui révélera inévitablement son erreur.

mardi 5 mai 2020

Rouvrir ou réouvrir? (2020)

Surprise, le verbe «rouvrir» est encore utilisé! On écrit dans le Courrier du soir du Devoir (28 avril 2020, 20 h 26) diffusé par internet : «Les détaillants …. pourront rouvrir dès lundi…». Aux grands-messes du coronavirus, on n’entend que «réouvrir». Le Multi dictionnaire ose (!) encore écrire «impropriété» en 2018. Usito y va de la formule classique «... critiqué comme synonyme non standard de rouvrir». Posons-nous la question : pourquoi oublie-t-on «rouvrir»? On peut noter le modèle anglais «to reopen». Mais il y a plus : l’usure du verbe. On dit souvent : «Rouvre donc la porte», «Rouvre-toi une bière » même si on peut dire «Ouvre donc…» et «Ouvre toi une…». La mise au ban de «rouvrir» n’est pas propre au Québec. Il y a une quinzaine d’années, un chroniqueur du journal La Croix, A. Bladuche-Delage, se posait la question «Pourquoi seulement ‘rouvrir’, puisque le substantif correspondant est réouverture? C’est un mystère, mais c’est un fait que ‘réouvrir est un barbarisme… même si son emploi est courant». La vigilance des correcteurs du Devoir est à noter.

Une volontaire «déployée» (2020)

2020-05.04. On peut subodorer que beaucoup de lecteurs souhaiteraient voir une photo de la volontaire «déployée» dans un centre d’hébergement (Le J. de Qc, 3 mai 2020, p. 10). La volontaire aurait été dépliée!? On l’aurait disposée sur une grande surface!? On a beau potasser les dictionnaires de langue, impossible de trouver la signification du verbe appliquée à une personne physique. Les dictionnaires (Le Robert, le Trésor de la langue française, le Dictionnaire québécois d’aujourd’hui, Usito…) n’en donnent pas un seul exemple. Le Dictionnaire historique de la langue française précise «…se dit pour disposer (des troupes) sur une plus grande étendue». L’Asulf a relevé le solécisme il y a plus de dix ans (L’Expression juste, juillet 2009, p. 4). Les répertoires correctifs devraient l’analyser de près.

lundi 4 mai 2020

Un militaire «déployé»? (2018)

2018-05-28. Le chroniqueur Luc Laliberté a sans doute fait sursauter nombre d’auditeurs lors de la présentation de sa chronique à Radio-Canada (28 mai 2018). Il nous a appris que Léo Major, un militaire d’origine québécoise ou franco-américaine, dit aussi le «Rambo québécois», avait été «déployé» quelque part durant la Seconde guerre mondiale. Tous savent qu’un pays peut déployer ses troupes, ses pompiers et même ses policiers à divers endroits. Mais il semble exagéré de déployer un militaire. Dans la vie courante, on ne déploie pas un médecin à Rivière-du-Loup ou à Sept-Îles. On ne trouve pas d’exemples semblables dans les dictionnaires français. Chose sûre, comme les commentaires de monsieur Laliberté sur la vie politique étatsunienne sont fort intéressants, personne ne souhaite qu’on le «déploie». Tant pour lui que pour l’auditoire. À la limite, on pourrait lui proposer une nouvelle affectation. Ce fut sans doute ce qui arriva à Léo Major. (28 mai 2018)

dimanche 3 mai 2020

«Power trip» : Accès de caporalisme?


Les Québécois ont souvent les mots anglais à l’oreille et, naturellement, aussi sur le bout de la langue. Il n’y a rien de plus naturel. Le président de l’Agesss (Association des gestionnaires des établissements de santé…), Monsieur Yves Bolduc, s’est retrouvé avec l’expression « power trip » sur la langue il y a quelques heures. Il l’avait sans doute entendue à de nombreuses occasions et il l’a intégrée. Aussi, quand vint le moment de juger que le ministre Barrette fait un accès d’autoritarisme, une poussée de césarisme ou de caporalisme, qu’il semble ivre de pouvoir ou grisé par son autorité, qu’il se prend pour un autocrate ou un dictateur, les mots et les tournures du français ne lui viennent pas à l’esprit. La place est occupée et squattérisée par l’expression anglaise. Spontanément, il lance : « M. Barrette fait un power trip (Le Soleil, 17 avril, p. 2). On peut quand même espérer qu’il fera un effort pour assimiler les expressions françaises de manière à pouvoir s’en servir éventuellement. (17 avril 2016).

«Dû à...» (En raison de...) (2014)

2014-07-30. Un site internet québécois éprouve des difficultés techniques. Un message produit automatiquement et transmis à qui essaie de le consulter se lit comme suit: « Notre site est présentement hors ligne dû à un problème majeur ». Un collègue internaute souligne que l’expression « dû à » est un calque de l’anglais. Il a raison. En français on dit : « en raison de », « attribuable à », « à cause de ». Vérification faite, l’entreprise Joomla qui envoie le message est une succursale ou une antenne française d’une société américaine ou britannique. On s’y essaie à la traduction mais on y fait aussi de la translittération, des calques. Rien de plus facile et de plus rapide que de rendre « due to » par « dû à ». Les Québécois utilisent souvent de tels raccourcis. Mais le français n’y gagne rien. Le franglais s’enrichit. (30 juillet 2014).

vendredi 1 mai 2020

Représentations (2019)

2019-07-31. Note adressée au ministre fédéral Jean-Y. Duclos. Vous avez noté que le tronçon Montréal-Québec du train à grande vitesse fait toujours partie du projet d’ensemble « Grâce aux représentations » de vos collègues (Le Soleil, 30 juillet, p. 3). Le mot « représentation » existe bel et bien en français mais dans d’autres sens. Au demeurant, le français correct offre de nombreuses solutions de rechange: «grâce aux démarches…aux pressions…, aux observations…, aux interventions…», etc. Les répertoires correctifs de l’État canadien, qui relèvent peu ou prou de votre compétence, Termium, celui de la Presse canadienne, celui de Radio-Canada (Le français au micro) notent la faute. Cette dernière fait boule de neige. Les journalistes ne l’identifient pas toujours et la laissent passer sans la souligner d’un (sic). Même là, les lecteurs francophones retiendront l’anglicisme sémantique, l’emploieront et finiront par oublier le bon usage français. Le français régresse aussi mot à mot!

Écrire les dates en français

2020-04-28. On rappelle à l’occasion une citation de Gaston Miron : « … le Canadien français est, dès le premier instant de sa naissance, un bilingue…. même s’il n’apprend pas l’anglais, il l’est à son insu ou malgré lui… ». Des exemples quotidiens illustrent le phénomène : L’infolettre courriel des journaux du groupe Québecor annonce :« Le Journal de Québec du avr. 28, 2020…» et «Le Journal... du mai 01, 2020». Normalement, on écrit «du 28 avril 2020» ou «du 1er mai...» en français. Un glissement même nature transparaît dans les abréviations de numéro, avenue, boulevard (no et non «no.», av. et non «ave.», boul. et non «blvd»). On peut penser aussi à l’habitude d’abréger le mot «saint» des patronymes ou des toponymes. Ces pratiques instinctives relèvent davantage de règles d’écriture que de la qualité de la langue, mais elles symbolisent le fait que les pratiques propres au français sont souvent, en sol québécois, négligées, sinon ignorées.

Exclamations: Fuck!

2024.03.01. La chroniqueuse Josée Blanchette aime bien parsemer ses textes de mots anglais. L’habitude fait partie de son style. Dans le Dev...