jeudi 26 août 2021

Frapper un mur ! (2021)

2021-08-23. L’État québécois ne se méfie pas toujours des tournures inspirées de l’anglais. À preuve, un message publié en relation avec la covid : « N’attendez pas de frapper un mur » (Le J. de Qc, 23 août, p. 7). Si les publicitaires avaient consulté la Banque de dépannage de l’Office, ils auraient lu : «L’emploi du verbe frapper est fautif au sens de « heurter, entrer en collision ». Le Multi dictionnaire aurait pu leur mettre la puce à l’oreille («frapper un nœud. Calque de ‘to hit a snag’ pour se heurter à un obstacle…», . Paul Roux note « L’anglais emploie un seul verbe (hit) là où le français en utilise plusieurs ». Il aurait fallu faire preuve de vigilance. Un tel impair illustre la relégation de l’Office : il est anormal que le service linguistique de l’État ne soit pas consulté préalablement à la publication d’un tel message (franglais!).

One-man-show (2021)

2021-08-05. On a toutes les raisons d’admirer Stéphane Bureau, le dynamique intervieweur de Radio-Canada, lorsqu’il tient tête à l’ombudsman du Réseau. Mais son entêtement le rend parfois insensible à la qualité du français et aux néologismes recommandés. En début de la matinée (5 août, 9 h 7), le chef d’antenne a annoncé le premier «one-man-show» de l’humoriste Marc Messier. Il y a pourtant des mots de rechange : solo, spectacle solo, seul-en-scène. Il faut bien sûr tenir compte du fait que Bureau travaille en direct et que sa spontanéité mène au vocabulaire du milieu et d’une société profondément anglicisée. Cependant, un animateur qui s’adresse à des milliers d’auditeurs devrait apprivoiser les expressions françaises de rechange proposées par les remarqueurs, par les spécialistes de l’Office québécois de la langue, par l’Académie française et même par les services linguistiques de Radio-Canada (Le français au micro).

Le pass ? ou le passe? (2021)

2021-08-04. Au Québec, on emploie l’expression « passeport sanitaire ». En France, on entend à TV5 « le pass ». L’Académie française a réagi promptement (1er juillet) en faveur du mot « passe », mot critiqué ici. : le Multi le présente comme une forme fautive au sens de laissez-passer. Voici un extrait de la note de l’Académie : « Le nom ‘pass, est un anglicisme à proscrire. Il pourrait en français être remplacé par le mot féminin passe […] Au Québec, une passe désigne un titre de transport ou une carte d’abonnement ». Les immortels ignorent les passes-marquantes du hockey, les coups fumants ou les bons coups. Ils poursuivent : « Au sens de laissez-passer, la passe […] pourrait avantageusement être remplacée par un masculin : le passe, abréviation de « passe-partout… ». En somme, il serait approprié que les autorités linguistiques québécoise, française, belge… se concertent, même quand il faut agir illico et daredare.

Demander pour... (2021)

2021-08-04. Le Devoir et le Journal de Québec présentent la même manchette : «J’ai appelé pour de l’aide…» (3 août, p. A1 et p. 5). Une telle citation, construite sur le modèle de l’anglais, a été critiquée par Gérard Dagenais en 1966 : « La tournure ‘appeler pour’[…], introduisant un substantif est une terrible faute de grammaire. On calque l’anglais «to call for» […] au lieu de dire simplement appeler (un médecin), ou appeler pour commander un taxi » (Des mots et des phrases, 1, 1966, p. 24). De nos jours, on retrouve la même critique dans la Banque de dépannage linguistique : «… , pour ne peut être employé avec les verbes demander, chercher, etc. : ces constructions sont directement calquées sur la syntaxe anglaise : to ask for, to seek for, etc.». Une citoyenne peut employer une telle tournure. Mais les médias écrits, supposés militants du français et de sa qualité, devraient la corriger (appeler à l'aide...) pour leurs lecteurs ou, du moins, ne pas en faire une manchette.

Bécosse (2021)

 2021-08-03. Les Québécois empruntent souvent des mots anglais, mais ils en «francisent» certains. À Cap-Rouge, on a le «tracel», le seul viaduc désigné ainsi dans le monde! (une déformation de «trestle»). Un autre exemple est le mot «bécosse» apparaissant dans une manchette du Journal de Québec (2 août, p. 13) : «Une toilette écolo bien loin de la bécosse». Le mot fait partie de la sélection d’une centaine de Trésors cachés du français d’Amérique (Éditions de l’Homme, 2017) de Hubert Mansion. Le mot est une adaptation de l’anglais «back-house» comme cela est le cas de «tracel». Un commentateur écrit à son propos : «De nos jours, le mot est surtout utilisé par plaisanterie (‘aller aux bécosses’ ….) ou dans l’expression ‘boss des bécosses’…» (Gaétan Saint-Pierre, Histoire des mots solites et insolites; Septentrion, 2011). En somme, le mot est familier mais moins que les très familières «chiottes» ou «gogues» et plus que les «latrines».

Province de Québec? (2021)

 2021-08-02. En bon français, faut-il dire : «province de Québec? ou … du Québec? Telle est la question posée à un journaliste de la Tribune (Le Soleil, 1er août). À brûle-pourpoint, il faut répondre ni l’un ni l’autre. Pourquoi? C’est une impropriété. Une province est une entité ou un territoire qui n’a pas sa propre gouverne. Le Québec a, de nos jours, des pouvoirs et des compétences. Il constitue plutôt un État, un quasi-pays. Mais il y a plus : L’expression «province of Quebec» apparaît dans le mandat accordée à James Murray dans les années 1760. On l’a traduite littéralement. L’existence de la ville éponyme n’est pas étrangère à ce choix. Pourquoi dire «du» plutôt que «de» ? On peut lire chez Gérard Dagenais : «Retenir qu’un nom de fleuve, de rivière ou de pays qui se termine par une consonne est masculin». Donc : «du Québec», comme on dit «du Sénégal», «du Honduras»… On pourrait toutefois trouver nombre d’exceptions.

Wow! ou Ouah! (2021)

 2021-08-01. En lisant une phrase de madame Michèle Audette, la nouvelle sénatrice québécoise nommée par le gouvernement Trudeau, on peut se demander si les transcripteurs ne sont pas négligents. Madame Audet, selon le Devoir aurait dit : «Je suis encore en train de me pincer et à faire wow!»(Le Devoir, 30 juillet, p. A-3). Nombreux sont ceux qui observent que la grande majorité des exclamations québécoises sont d’origine anglaise et américaine. Wow! en est une. On ne la voit pas dans les dictionnaires français . Elle avait et elle a toujours un équivalent et, mieux encore, une graphie dont la prononciation correspond à l’américaine : «Ouah!». Le Robert précise : «Ouah…. Interjection exprimant la joie…». Mais comment les transcripteurs et les journalistes déterminent-ils que la nouvelle sénatrice québécoise «écrit» mentalement «wow» plutôt que «ouah»?

lundi 2 août 2021

One-man-show (2021)

2021-07-28. Selon la cheffe intérimaire du parti Repensons Lévis, les dernières années de la vie politique municipale de la ville de la Rive Sud auraient été vécue comme un «one-man-show» du maire Lehouillier (Le J. de Qc, 28 juillet, p. 9). Il n’est pas question de défendre ou d’attaquer l’administration du maire. Il est possible que ce dernier ait concentré tous les pouvoirs entre ses mains et ait monopolisé l’attention des médias. Un maire, un premier ministre, un directeur d’établissement… est toujours plus sollicité que ses collaborateurs, bras-droit ou porte-parole. En principe, il pourrait être seul en scène (lors d’un seul-en-scène!) ou donner un spectacle solo. Mais il est permis de tiquer lorsqu’on applique l’expression à la vie publique. Elle appartient avant tout au monde des arts ou de la scène. Les politiques, hommes ou femmes, peuvent être accusés de travailler en vase clos, dans une tour d’ivoire, en solitaire. Cela peut arriver à ceux qui sont en fonction comme à ceux qui veulent leur succéder et on peut en parler avec des mots français.

Méga vente ? Familivente? (2021)

 2021-07-28. La correction du français québécois et son enrichissement passent aussi par les commerçants. De grandes surfaces, tels Maxi et Familiprix, semblent récalcitrantes à participer à l’effort de l’État et de la société. Leurs plus récents prospectus distribués aux portes (semaine du 18 juillet) annoncent une «méga vente» dans un cas et une «familivente» dans l’autre. Les deux entreprises ignorent que le mot «vente» ne signifie pas «vente au rabais» ou «solde». Elles tiennent bêtement pour acquis que le mot couvrent les mêmes sens que le mot anglais «sale». Or ce n’est pas le cas. Le mot vente signifie action de vendre tout simplement, peu importe que le prix soit réduit ou non. Les mots français qui s’appliquent sont Vente au rabais ou Solde. Les publicitaires ne peuvent pas contourner toutes les formes fautives courantes en sol québécois, c’est certain, mais ils devraient avoir le doute systématique et un dictionnaire correctif à portée de main ou de clavier!

«Pit à sable» (2021)

2021-07-27. Les vacances se poursuivent. On oublie la nouvelle charte de la langue française et sa nécessité. On festoie aux quatre coins du Québec dans une langue maternelle, familière ou populaire qu’on ne parvient pas toujours à enrichir. Les journaux présentent des rétrospectives du Festif de Baie-Saint-Paul. Deux d’entre eux identifient un lieu de rassemblement. Il apparaît dans l’article et en manchette du Journal de Québec : «Un Pit à sable apocalyptique» (26 juillet, p. 22) et dans la légende d’une photo du Devoir (même jour, p. A9). Le mot vient de l’anglais. Les deux photos montrent ce qu’on appelle en français une sablière, une carrière ou une gravière. On trouve l’emprunt dans le Glossaire du parler français de 1930 et dans le Bélisle (1979). Le temps est venu de ranger le mot dans un dictionnaire des anglicismes folkloriques ou historiques.

Démanteler ? (2021)

 2021-07-24. Monsieur Trudeau observe qu’il y a du travail à faire pour « démanteler le racisme institutionnel » (Le Devoir, 23 juillet, p. A5, 4e col.). On considère déjà que des expressions comme «démanteler des abris temporaires» ou «… des automobiles» sont des calques de l’anglais (Dictionnaire québécois-français) et qu’il faudrait dire : «démonter», «défaire» ou «démolir». Le premier ministre va plus loin. Il pense au « démantèlement » d’une notion ou d’une doctrine. À la limite, il pourrait envisager le démantèlement de l’empire américain, un régime politique ou un réseau d’espionnage en raison de leur organisation. En somme, il ne réussira pas à démanteler une idée, un courant de pensé ou un état d’esprit. Mais il serait envisageable de les combattre, de les neutraliser ou de les vaincre.

Anglomanie des médias (2021)

2021-07-23. «Comme on dit en latin…» Tous se rappellent cette forme d’excuse qui annonçait un mot ou une expression anglaise. Les journalistes procèdent autrement, mais arrivent toujours à apprendre aux lecteurs comment on désigne les choses en anglais. Une collaboratrice du Devoir n’y coupe pas. Parlant d’une journée sans écran proposée à un groupe d’étudiants de l’Uqam, elle cite une participante : «… j’avais aussi peur de manquer quelque chose». Illico, la journaliste précise : «Le fameux FOMO - ‘Fear of missing out, cette peur de manquer quelque chose» - (Le Devoir, 22 juillet, p. B8, 4e col.). Cela n’éclaire en rien le phénomène, mais on enseigne un acronyme américain bien en selle et bien connu. Le français pourrait avoir lui aussi son sigle ou son acronyme. Il est sage que les chercheurs connaissent l’acronyme étatsunien. On pourrait en lancer un à partir du français, la PMQC!!!


Cabane à sucre (2021)

2021-07-22. Ceux qui, de nos jours, fréquentent les sucreries ou les restaurants d’érablière ne peuvent pas s’imaginer ce qu’étaient les vraies cabanes à sucre d’il y a un demi-siècle. À l’époque,  c’était une cabane : il n’y avait pas de salle à manger. C’était une petite maison, grossièrement construite, mal isolée. On y faisait bouillir d’eau d’érable mais la cabane n’était pas chauffée. Elle servait au printemps et pas au-delà. De nos jours, la prétendue cabane est une bâtisse solide, chauffée, fenestrée, abritant un restaurant, une boutique. Elle accueille des clients à longueur d’année. Bref, il est amusant (!) de lire la manchette : « Des proprios de cabanes à sucre … » (Le J. de Qc, 21 juillet, p. 20). La locution est toute québécoise mais elle est incorrecte et pour le moins déjantée.

Spécial d'été (2021)

 2021-07-21. Antirouille métropolitain publie un placard publicitaire (J. de Qc, 19 juillet, p. 15) : «Profitez de notre SPÉCIAL D’ÉTÉ / 20 $ de rabais…». Peu de Québécois tiqueront. L’adjectif «spécial» se dit en français dans le sens de particulier, de ce qui constitue une exception, de ce qui est bizarre. Le substantif n’apparait pas comme tel dans les dictionnaires. Mais il mène ici une carrière peinarde à titre d’anglicisme sémantique. On lui fait signifier, entre autres, solde' ou rabais comme on le fait en anglais : «today’s special»… Les grammairiens le dénoncent. Ainsi lit-on dans Usito : «L'emploi de 'spécial' (d'après certains emplois de l'anglais 'special') est critiqué comme synonyme non standard de 'aubaine', 'rabais', 'réclame', 'solde'.». Il serait donc possible de remplacer cet anglicisme.

Frapper un ado en voiture (2021)

2021-07-20. La manchette se décline ainsi : «Ivre au volant, il frappe deux ados» (Le Journal de Québec, 19 juillet, p. 9). Le verbe est ici un barbarisme. De fait, le chauffeur de la voiture n’a pas frappé les ados. À moins qu’il en soit descendu et les ait tabassés. Si ce fut le cas, le titreur aurait dû écrire : « Ivre, il FRAPPE deux ados ». Mais, il était plutôt au volant. Il a donc heurté les ados. La manchette qui s’impose devient « Ivre au volant, il HEURTE deux ados ». Paul Roux (Lexique des difficultés du français…, 2004) fournit une explication à un tel dérapage: «L’anglais emploie un seul verbe (‘hit’) là où le français en utilise plusieurs. On peut frapper une personne de son poing, mais on la heurte, on la renverse avec un véhicule ». Proposons aux greffiers de la marche du journal d’y inscrire la distinction à faire.

Voix passive (2021)

 2021-07-19 Les lecteurs du Soleil peuvent lire un appel de candidatures de la Commission d’accès à l’information (17 juillet, p. 46) : « Avis de recrutement de personnes aptes à être nommées membres ». «À être nommées»! À première vue, cela semble Inspiré de l’anglais. Un journaliste du Devoir, Jean-Marc Léger, a écrit il y a près de vingt ans : « L’anglicisation s’exprime principalement sous deux formes. C’est d’abord le recours grandissant au mode passif, qui de plus en plus supplante l’actif, régime habituel du français […] on ne compte plus les tournures du genre : les mesures à être envisagées, la maladie en voie d’être circonscrite, les élections partielles à être tenues […] et des dizaines, des centaines de formules de même encre chaque jour […]» (L’Action nationale, avril 2004, p. 19). À brûle-pourpoint, on pourrait proposer «… personnes aptes à devenir…», «… aptes à pourvoir des postes…». Mais l’essentiel est que la Commission soumette l’appel à ses conseillers linguistiques ou à ceux de l’État.

«Page turner» (2021)

2021-07-18. Une collaboratrice du Devoir, Manon Dumais, écrit à propos du nouveau roman de Chrystine Brouillet : « … 'Sa parole contre la mienne' est ce qu’on appelle dans le jargon littéraire un ‘page turner’ ou, si vous préférez, un ‘accrolivre’» (Le Magasine D, 17-18 juillet, p, 15). On saura gré à l’auteure de souligner l’existence du néologisme «acccrolivre». Un «tourne-page» est en français une personne. Le blogueur André Racicot et le linguiste Guy Bertrand jugent l’emprunt de l’expression anglaise inutile. L’un et l’autre proposent de nombreuses tournures de remplacement (un livre qui se dévore) , mais nul substantif. Le Grand dictionnaire terminologique propose «trappe-livre». En attendant d'autres propositions, on devrait accorder une place à «accrolivre» dans le jargon littéraire québécois et français.

Pour un autre 24 mois ? (2024)

2024-10-01. Madame Josée Legault devrait écrire «… pour 24 autres mois» plutôt que «.. pour un autre 24 mois» comme elle le fait (Journal ...