samedi 1 mars 2025

Les banlieues ? de Québec (2025)

2025-02-01. À la lecture de la manchette « Les banlieues disent non à Marchand sur les foyers » (1er février), les lecteurs du Soleil, s’ils ont en mémoire la définition du mot « banlieue », penseront que les banlieues de Lévis, de Sherbrooke, de Montréal, etc., s’opposent au règlement de la ville de Québec sur le chauffage au bois. Le mot « banlieue » est un collectif qui désigne la totalité des agglomérations d’une grande ville (le Multi dictionnaire). Même New York n’a qu’une banlieue qu’on désigne du mot « suburbs » en anglais. Les répertoires correctifs qualifient le mot « banlieues » d’anglicisme alors qu’il faudrait l’employer au singulier si on l'applique à une seule ville. Le glissement ressemble à un autre anglicisme laurentien d’occasion : « les chutes Montmorency » (en anglais : Montmorency Falls; en français : la chute…). En somme, «la banlieue dit non à Marchand » ou encore « les villes de la banlieue disent non...»

Inventaire ? (2025)

2025-02-02. On lit sur la page publicitaire de Latulippe publiée dans le Journal de Québec (1er-2 février, p. 17) : «Hivertissement : on écoule les stocks!». Il y a le mot-valise formé à partir de «hiver» et de «divertissement» est tout à fait acceptable. Mais il y a le mot «stock». Il est apparu en français, à titre de hapax, en 1656. On l’aurait rarement employé avant 1900. Faut-il le dénoncer? Il a des descendants français : stockage, stocker, stockiste, surstock, déstocker, etc. Cela dénote qu’il s’est intégré tout en conservant sa graphie d’origine. On peut même lui accorder un mérite : à l'occasion, il parvient à prendre la place d’un anglicisme masqué : le mot «inventaire». En français, ce dernier n’a rien à voir directement avec «stock». À l'occasion cependant, il faut dresser l’inventaire du stock, des provisions ou de la marchandise.

 

Prononciation: Dort'chester! (2025)

2025-02-03. Les animateurs de Radio-Canada à Québec s'appliquent normalement à prononcer à la française les patronymes ou les toponymes hérités de la Conquête et du régime britannique. De fait, on entend habituellement «Carleton», «Dufferin», «Murray», «Thetford» comme s’ils étaient des noms français. Ce n’est pas toujours le cas. On aura entendu aujourd’hui le chef d’antenne de ‘C’est encore mieux l’après-midi’ prononcer à deux occasions, entre 15 h 20 et 15 h 30, « Dort’chester ». Ce gouverneur, sans doute francophile, a rempli deux mandats de dix ans à Québec. Il a rétabli les lois civiles françaises. On peut croire qu’il acceptait qu’on l’appelle « monsieur Dorchester ». Par ailleurs, il y a lieu de rappeler au chef d’antenne un principe de Radio-Canada : « Il faut éviter de prononcer avec un accent tonique anglais les toponymes anglo-saxons canadiens et étrangers » (La qualité du français à Radio-Canada; 2004; p. 5).

Implémentation ?

 2025-02-04. La Fédération des milieux documentaires organise une séance de formation sur les services de clavardage. On y présentera des « solutions d’implémentation ». D’implémentation? Le mot se prononce bien en français. Il nous vient de l’anglais. Comble-t-il une lacune du français? Parmi les synonymes possibles, on a ‘implantation’, ‘mise en œuvre, ‘mise en place’. Le Petit Robert n’en fait cependant pas mention. Il présente cependant un synonyme du verbe « implémenter » : «installer». L’Académie française recommande « implanter un logiciel » plutôt que « implémenter un logiciel », mais entérine « implémenter un système d’exploitation » (Dire, ne pas dire; 2020). Question d’échelle sans doute. Bref, guides ou solutions d’implantation ou d’implémentation?

Un don «historique» ? (2025)

2025-02-05. Encore un don «historique»! Un rez-de-chaussée du Journal de Québec proclame : «La Fondation du CHU de Québec reçoit un don historique» ( 5 février, p. 24 ). On prévoit à brûle-pourpoint que le don fera date et qu’on s’en rappellera encore dans un siècle. Il faudrait que les médias dressent un inventaire rétrospectif des annonces, des déclarations, des promesses déclarées illico «historiques». Il y a tout lieu de reprendre une observation de l’Académie française sur le sujet : «Une fâcheuse tendance se répand […] qui consiste […] à faire d’«historique» un synonyme de ‘sans précédent’ ou d’inégalé » ( Dire, ne pas dire; Paris, 2020 ). Il aurait été plus juste, dans le contexte, de parler de «don inédit», de «don sans précédent», de «don record pour le moment». Et de laisser la possibilité aux médias de 2075, par exemple, de constater l'importance historique du don de Québecor fait en 2025.

Un don «corporatif» (2025)

2025-02-06. Nombre de locuteurs doivent se poser la question : y a-t-il lieu de relever et de souligner les impropriétés reproduites dans la presse écrite ou entendues dans les médias électroniques? On peut se la poser à la lecture d’un texte de la Fondation CHU de Québec ( «Le don corporatif…», Journal de Québec, 5 février, p. 24 ). Les lecteurs aux regards critiques y auront repéré des expressions épinglées, critiquées et définies par les rédacteurs du Multi dictionnaire : don «corporatif» (… des entreprises ), don «historique» ( exceptionnel ), développement «durable» ( on veut exprimer ici plus que la simple durée ), «levée de fonds» ( collecte…ou campagne de souscription ), «impacts» ( critiqué mais courant ), et «voire même» ( un pléonasme). Les écarts décelés dans le dossier officiel du CHU par rapport aux observations du Multi sont difficilement acceptables.

Carnaval au Petit Champlain (2025)

2025-02-07. Le titreur du Journal de Québec aurait pu écrire : «Le Carnaval au Petit quartier Champlain…». Mais la manchette est plutôt : «Le Carnaval au Petit Champlain…» (le journal, 7 février, p. 27). La traduction fantaisiste de l’expression «Little Champlain street» fait en sorte que le qualificatif «petit» s’applique à Samuel de Champlain plutôt qu’à la rue baptisée en son honneur. Il est fort naturel que la traduction subséquente et bancale soit à l’origine du dérapage. Au départ, au XIXe siècle, l’odonyme « Petite rue Champlain » fut traduit correctement par «Little Champlain Street». Malheureusement, ce dernier odonyme a inspiré le calque «rue du Petit Champlain. La popularité de la petite rue, même mal nommée, déteint de nos jours sur le quartier qu’on ose appeler «Petit Champlain». Il y aurait sans doute une levée de boucliers si quelqu’un proposait qu’on reprenne la manchette en y insérant le nom d’un notable contemporain : Le Carnaval au Petit ….

Vétéran ? (2025)

2025-02-08. En français, un « vétéran » est avant tout un employé d’expérience encore en fonction. S’il est toujours vendeur ou commis dans un magasin après vingt ans, il est un vétéran au sein de l'entreprise et par rapport à ses jeunes collègues. Aussi, les lecteurs du Journal de Québec auront sans doute sourcillé en prenant connaissance du placard publicitaire suivant : « Familles de vétérans canadiens : vous pourriez avoir droit à une indemnisation » (8-9 février, p. 19), lequel provient de ReclamationVeterans.ca. Les supposés « vétérans » visés sont simplement d’anciens militaires. Une observation datant de 1967 du grammairien Gérard Dagenais précise : « En Amérique du Nord, on a donné au mot anglais ‘veteran’ le sens de soldat licencié, d’ancien militaire; le mot français n’a pas cette acception. Il faut dire ‘ancien combattant ». Un vétéran est un employé qui cumule plusieurs années de service, mais qui est toujours en poste. S’il a pris sa retraite, il devient un « ancien ».

 

Meurtre sur quelqu'un (2025)

2025-02.09. À Monsieur Jérémy Bernier (Journal de Québec). Vous utilisez souvent des expressions du type « meurtre sur quelqu’un », « meurtre envers quelqu’une » ou « lésions sur un homme ». Je relève ces trois extraits dans le Journal de Québec de la fin de semaine (8-9 février, p. 7 et p. 24). On ne trouve pas d’exemples d’utilisation des prépositions « sur » et « envers » dans les deux contextes que vous présentez. Le Petit Robert signale « meurtre de qqn » et « meurtre … du père », et nulle illustration d’une « lésion sur quelqu’un », mais une « lésion aux poumons ». Il est vrai que le nombre d’exemples insérés dans un dictionnaire est limité. On a tout lieu de croire que vous vous éloignez des façons de dire habituelles. Il me semble que l’observation présentée mériterait un avis de la part de votre collègue Rose-Hélène Côté.

Drap-contour (2025)

2025-02-10. On peut avoir des révélations en consultant des répertoires correctifs. Aujourd’hui, en cherchant un mot dans le voisinage de «drapeau» dans le Multi dictionnaire, je croise l’article «drap. On y présente une forme fautive : « drap-contour » et on y précise « Calque de ‘contour sheet’ pour ‘drap-housse’ ». Je suis abasourdi. J’entends l’expression depuis toujours. Je consulte dare-dare les répertoires correctifs à portée de main (Le Grand glossaire…, J. Forest; le Petit dictionnaire des québécismes, F. D’Apollonia; le Dictionnaire québécois-français, L. Meney). En gros, on y présente une note comme celle-ci : Drap contour / En anglais : contour sheet / En français : drap-housse . Par ailleurs, le Petit Robert (2007) précise : «Région(alisme). (Canada; critiqué) fam. ‘Drap contour’ : drap-housse». C’est toute une découverte pour un octogénaire. Mais, comme l’écrit San-Antonio : «vieux motard que jamais!»

 

Artiste international ? (2025)

2025-02-11. La langue a de ces caprices ou de ces incongruités! Le français tout au moins. On a ignoré par le passé les métiers de forgeron inter—villageois, de «charretier inter-municipal» ou de «cantonnier inter-quartier». On peut étendre l’exercice aux professionnels : curé inter-paroissial, notaire interrégional, médecin interurbain. Métiers ou professions s’exerceraient dans un espace difficilement imaginable entre deux entités : entre deux quartiers, entre deux villages, entre deux circonscriptions ou même entre deux pays. On peut imaginer cependant un ouvrier ou un professionnel travaillant dans deux villages voisins ou dans deux villes limitrophes. Mais on ne les qualifiera pas d’«ouvrier intermunicipal» ou de «prêtre inter-paroissial». Pourtant, on a des artistes internationaux (Le Devoir, 11 février, p. 1). On verra sans doute bientôt des artistes intercontinentaux»! Foin des artistes étrangers!

Décéder et mourir (2025)

2025-02-12. Le sous-titre de la manchette est la suivante : «Sa fille de 21 ans décède tragiquement aux Éboulements» (Le Journal de Québec, 12 février, p. 😎. L’emploi du verbe «décéder» dans un tel contexte est critiqué. Le Multi dictionnaire remarque « Ce verbe n’est généralement pas employé lorsqu’il s’agit d’une mort accidentelle ou violente ». Le Nouveau Littré en précise le sens : «Mourir de mort naturelle, en parlant de personne». Par ailleurs, on n’utilise pas le présent, on ne dit pas «Il décède». Lionel Meney écrit à ce propos : « En français standard, le v. ‘décéder’ (adm.) ne s’emploie guère qu’au passé composé (‘Il a décédé’) et au participe passé (‘il est décédé; décédé le…'». Bref, on hésite à parler de la mort et on utilise un euphémisme. Mais des traquenards sont au rendez-vous.

 

Grilled cheese (2025)

 2025-02-13. Un nouveau restaurant, La P’tite Souris, ouvre ses portes rue du Trait Carré à Charlesbourg. On y sert des «grilled cheese», un plat courant dans les cuisines nord-américaines. Donc ici aussi. Chose surprenante, le terme est souvent absent des répertoires. Par exemple, de ceux de M.É. de Villers, de L. Meney et de J. Forest. Mais il apparaît dans le Dagenais (Dictionnaire des difficultés…; 1968), dans le Colpron (1994), dans le Bergeron (Dictionnaire de la langue…; 1980) et même dans le Robert québécois ( Dictionnaire québécois…; 1992). On y propose des équivalents : sandwich au fromage grillé, sandwich fondant au fromage, sandwich au fromage fondu. C’est dire qu'on pourrait, pour faire bref, parler de «fondu-fromage», de «fondant au fromage» ou de «fromage grillé». Une de ces possibles appellations irait très bien avec un nouveau restaurant.

Salle de montre (2015)

2025-02-14. S’il y avait un prix citron pour les entreprises qui reproduisent des formes fautives et des impropriétés, le Centre du v.r. serait probablement mis en lice. La demi-page patronnée par le concessionnaire et publiée dans le Journal de Québec (14 février, p. 19) aligne «salle de montre» («showroom), «unités» (véhicules) et « en inventaire » (en stock). Arrêtons-nous à la première de ces trois incongruités, d’autant plus que l’expression complète est «salle de montre intérieure»! Rien de moins. Même modifiée en partie («salle d’exposition intérieure»), elle clocherait encore, car une salle est ipso facto dans un immeuble. Mais, il y a un mais: un répertoire français encense «salle de montre» à son article «Showroom […] ‘salle de montre’ (Québec) : traduction parfaite, la montre étant un ‘ensemble de marchandises exposées … ». L’expression s’impose facilement ici en raison du cousinage (!) entre «showroom» et «salle de montre».

 

Paramédic ? (2025)

2025-02-15. Les rédacteurs des légendes au Journal de Québec n’ont pas encore pris l’habitude d’écrire «technicien ambulancier», TAP ou «ambulancier paramédical». On lit sous une photo dans le Journal … : « On voit les paramédics et les policiers sortir l’individu…» (15-16 février, p. 7). Le mot «paramédic», avec l’accent, est un franglicisme québécois : on lui donne une allure française, mais c’est un emprunt direct à l’anglais. Le Grand Robert & Collins anglais-français contient l’article «Paramedic. Auxiliaire médical». Anne Fonteneau qualifie le mot d’anglicisme morphologique ( 365 jours, 1000 fautes; 2021). Yvon Delisle, un remarqueur de Québec, note «Selon le GDT, Antidote et Usito, le terme paramédic est un anglicisme à remplacer par ambulancier, technicien ambulancier, ambulancier paramédical ou paramédical». Bref, il y a des solutions de rechange.

 

Nations ? (2025)

2025-02-16. Une manchette telle que « Confrontation des 4 nations» pourrait très bien annoncer une guerre civile au lieu d’un affrontement au hockey! Une nation est avant tout un groupement de personnes vivant dans un pays et partageant une culture et des traditions. Telle est la définition du Multi dictionnaire. Au Canada, il est courant d’entendre parler des Premières nations ou des nations autochtones. Les Québécois, de leur côté, sont convaincus de former une nation. L’expression «nation québécoise» fait partie du langage quotidien. Cependant, on fait l’impasse à l’expression «pays québécois». Ainsi, parler des quatre nations que sont le Canada, la Finlande, les États-Unis et la Suède est à la fois exagéré et restrictif d’un point de vue local : la nation canadienne est une vision futuriste pour l’heure, mais le pays est déjà une réalité. Pour lui et pour les autres pays en lice. Donc : confrontation des quatre pays.

Météo? (2025)

2025-02-17.  Abuserait-t-on du mot «météo»? Telle est la question qu’on peut se poser à la lecture de deux extraits du Journal de Québec. Le premier : « La météo a causé de nombreux carambolages…» (médaillon de la 1e page, 17 février) et le second : «Peu importe la météo, les gens sont venus» (la directrice générale du Carnaval; Ibid., p. 7). Le mot prend une multitude de sens : une discipline, le beau temps, un temps exécrable, même un temps nuageux et doux. Ce serait donc dire: peu importe le temps. Sans doute, faudrait-il tenir compte d’une observation, ou d'un conseil de l’Académie française : «… on se gardera bien d’utiliser ‘météo’ pour désigner le temps qu’il fait…» (Dire, ne pas dire...; 2020).

 

Mémo ou note? (2025)

2025-02-18. Il y a sans doute des sujets de friction entre le Parti Québécois et le Bloc Québécois. Le journaliste Nicolas Lachance utilise deux expressions pour désigner un document portant sur les démarches du Bloc visant à convaincre un militant du P.Q. à poser sa candidature dans une circonscription fédérale : «note interne» et «mémo»? Les deux mots ne sont pas synonymes. On lit dans Le français au bureau (2014): « La ‘note’ est utilisée par les membres d’une même entreprise ou d’une même organisation pour se transmettre des renseignements […] L’emploi du mot ‘mémo’ dans le sens de ‘note’ […] est à éviter, car ‘mémo’ est l’abréviation familière de ‘mémorandum’ qui désigne une note prise pour soi-même dans le but de se rappeler quelque chose». L’article idoine du Multi dictionnaire va dans le même sens. Pour sa part, Lionel Meney le qualifie de calque de l’anglais. En somme, il faut distinguer «mémo» et «note» et ne pas en faire des synonymes.

Tournures: Dans le cadre de... (2025)

2025-02-19. La tournure «dans le cadre de» est tout à fait correcte en français lorsqu’on l’emploi au sens de «dans les limites de». Souvent cependant, on lui fait tout simplement dire : « à l’occasion de », «lors de», «dans le contexte de». L’expression est critiquée si on l’emploie en ces derniers sens. Aussi peut-on épingler le sous-titre d’un article du Journal de Québec à propos des restaurants Ashton : « L’entreprise de Québec a été couronnée dans le cadre de la Semaine de la poutine » ( 19 février, p. 2 ). Il n’y aucun lien de cause à effet entre la semaine et le couronnement. La tournure employée dans le sous-titre ne signifie rien de plus que «à l’occasion de la Semaine» ou «lors de la Semaine». La faute est tellement répandue qu’on la dit « passée dans l’usage ». Mais Don Quichotte peut rester sur ses gardes!

 

Les banlieues ? de Québec (2025)

2025-02-01. À la lecture de la manchette « Les banlieues disent non à Marchand sur les foyers » (1er février), les lecteurs du Soleil, s’ils...