lundi 3 février 2025

Sites ? (2025)

2025.01.01. Deux groupes ont fait vibrer les foules réunies à la place de l’Assemblée nationale et à la place George-V le 31 décembre. La journaliste Léa Harvey regroupe les deux places sous l’appellation «sites» qu’elle emploie à quatre reprises dans le reportage («Québec célèbre l’arrivée de 2025», Le Soleil, 1er janv.). Pourtant, la Presse canadienne met les gens de la profession en garde : «Site. Ce mot désigne un lieu pittoresque. C’est commettre un anglicisme que de l’employer au sens neutre de ‘lieu’, ‘emplacement’ (Guide de rédaction; 2006). Le Multi dictionnaire de la langue … (2021), que tous les «écrivants» devraient avoir à portée de main, contient une note qui va dans le même sens. Si l’on veut retourner plus loin dans le passé, on pourra consulter le classique de Gérard Dagenais : «Confondre ‘site’ et ‘emplacement’ est un anglicisme. […] le mot ‘site’ n’a qu’un sens. Il désigne un ‘paysage pittoresque’» (Dictionnaire de difficultés de la langue…; 1967). Il est donc facile d’éviter la confusion.


Éducation ou enseignement ? (2025)

2025.01.02. « … éducation et enseignement ne se confondent pas. L’éducation relève pour l’essentiel des parents, elle s’adresse aux enfants et s’incarne avant tout dans sa sphère privée de la famille; l’enseignement est d’abord et avant tout l’affaire des professeurs, il s’adresse aux élèves et il se dispense dans la sphère publique des établissements. Il y a bien entendu des recoupements entre les deux sphères. Les parents peuvent aider leurs enfants à faire leurs devoirs et les professeurs sont bien obligés de remettre parfois les pendules à l’heure en rappelant les formes élémentaires de la civilité.» (Luc Ferry, dans L’esprit des mots; dictionnaire subjectif… / Sous la direction de Alain Bentolila…; Paris : First editions, 2021; p. 153).

Chez ... ou à .... ? (2025)

2025-01-03. Pour bien illustrer la distinction à observer entre les prépositions ‘à’ et ‘chez’, un professeur utilisait, à titre d’exemple, une expression virile face à sa classe de garçons à l’époque : «Vous irez ‘au’ bordel» , maisniavant vous passerez ‘chez’ le coiffeur» (B. Cerquiglini, Merci professeur! Chroniques…; Bayard, 2008). On lit aujourd’hui le titre : «… des têtes vont-elles tomber chez Hockey Canada? (Québecormedia, Vos informations à la source, 3 janvier ). Les auteurs du Français au bureau (2014) proclament : «Si le nom d’entreprise est formé l’éléments autres que des noms de personnes, la préposition ‘à’ est préférable» (à la préposition ‘chez’. Une note de l’Académie va dans le même sens : si la raison sociale est un nom de chose, ‘à’ serait préférable à ‘chez’. Sans doute que «chez Hockey Canada» se prononce plus aisément que «à Hockey…»!

 

No-show (2025)

 2025-01-06. Il y a trente ans, Jean-Pierre Colignon s’en prit à deux expressions anglaises « go-show » et « no-show » (La cote des mots ; Le Monde Éditions). La première désignait celui ou celle qui se présentait quelque part sans rendez-vous. Elle semble avoir fait long feu au Québec. La seconde, une personne qui n’honorait pas un rendez-vous fixé au préalable, est toujours utilisée. On le voit dans le Journal de Québec (4-5 janvier, p. 2), d’abord en intertitre (« Moins de ‘no-shows’ » et dans la phrase : «… le fléau […] qu’on appelle […] les ‘no-shows’ ». J.P Colignon proposait comme solution de rechange : « défaillance » et « voyageur défaillant ». Cela fait sérieux. Ne pourrait-on pas proposer au Journal de Québec (et aux autres médias) d’adopter une expression plus simple ? des « pas-vus »? ou l’abréviation CPV (client pas vu)?

Dernier droit (2025)

2025-01-07. Ce n’est pas une dernière courbe dangereuse, mais un « dernier droit »! Le journaliste du Soleil, Mikaël Lalancette, écrit « Il y a 20 ans […], le 7 janvier 2005, Sidney Crosby entreprenait le dernier droit de sa carrière…» (Le Soleil, 7 janvier). On connait les expressions « dernière droite, dernière côte, dernière sortie », mais pas « dernier droit »!». L’emploi du mot « droit », à la place de «droite», est sans doute influencé par l’anglais. Dans cette langue, les expressions équivalentes sont ‘last straight, finishing straight ou home straight’ en Grande-Bretagne, ‘home stretch’ en Amérique. Les traductions en seraient « dernière ligne droite, dernière étape, fin de parcours, derniers moments ou sprint final ». Le Soleil devrait inscrire une mise en garde dans son guide de rédaction afin que ses collaborateurs ne répètent pas l’impropriété.

 

La météo... (2025)

2025-01-08. «La météo n’est pas au rendez-vous». Telle est une manchette du Soleil (8 janvier). Mais comment la météo peut-elle respecter ou non un rendez-vous? La météo, c’est d’abord une discipline : la météorologie. On conviendra qu’il est difficile à une science ou à un savoir-faire d’honorer un rendez-vous. Par ailleurs, on précise à l’occasion qu’il est abusif d’utiliser le mot pour désigner le temps qu’il a fait, qu’il fait ou qu’il fera. C’est l’avis de l’Académie française. Chose sûre, les rendez-vous de la météo, s’ils existent, peuvent se présenter sous de multiples teintes météorologiques : ensoleillés, gris, pluvieux, orageux, etc. Dire que la météo ne sera pas au rendez-vous, c’est dire n’importe quoi et sans doute son contraire! Si l’on veut annoncer qu’il fera beau ou qu’il fera un temps de chien, il faudrait mieux le préciser.

 

Free-for-all (2025)

2025-01-09. A-t-on des solutions de rechange à l’expression anglaise «free-for-all» ? Elle a été prononcée par Bruno Guglielminetti : «… ça va être le free-for-all pour la désinformation…» et elle fut hissée en en manchette du Journal de Québec : «Bientôt le ‘free-for-all’…» ( 8 janvier, p. 5). Le Grand Robert & Collins la traduit, sans plus, par « mêlée générale ». Les répertoires correctifs sont plus «bavards». Les auteurs du Colpron ajoutent une deuxième possibilité : « méli-mélo ». Lionel Meney propose, quand à lui, une demi-douzaine d’équivalents supplémentaires : bagarre générale, baston, castagne généralisée, foire d’empoigne, anarchie, liberté totale… Le publicitaire Michel Rondeau observe l’emprise de l’expression anglaise au Québec et il confie : «Pour une raison qui m’échappe, ‘free-for-all’ semble […] mieux désigner une situation de grand désordre que ‘c’est la pagaille, c’est le bordel’» (L'insidieuse invasion; 2018). Comme on peut le constater, le français dispose de plusieurs synonymes qu’on pourrait placer en haut de liste.

Tournures: Partir à la retraite (2025)

2025-01-10. Le Journal de Québec présentera à ses lecteurs samedi (11 janvier) un article sur les personnes qui planifient leur retraite au moment de leur arrivée en emploi. On lit dans la présentation faite dans le numéro du jour : «…un Québécois […] qui a réussi à partir à la retraite à 50 ans» (le journal,10 janvier, p. 2). Partir à la retraite! La tournure n’est pas critiquée. Mais il faudrait s’y arrêter un instant. Elle voisine «partir à son compte» que les spécialistes conseillent de remplacer par «se lancer à son compte». Une autre raison d’y voir de plus près est le parallélisme entre l’expression québécoise et l’expression anglaise : «to go into retirement». Cependant, la traduction proposée n’est pas «partir à la retraite», mais «prendre sa retraite». Il serait utile que les spécialistes se penchent sur l’apparent calque.

 

Comtés ? (2025)

2025-01-11. Les candidats à la chefferie du Parti Libéral devront « recueillir les signatures de 750 membres […] d’au moins 70 comtés…» (Le Journal de Québec, 11 janv., p. 10). Il faudrait en arriver à abandonner, pour le présent et l'avenir, l’expression «comté» pour deux raisons. Une raison linguistique : en français, un comté est une circonscription administrative et non électorale. La consultation d’un dictionnaire en révèle la signification : territoire administratif. Aussi lit-on dans le Dictionnaire historique (Le Robert) : « Comté […] désigne une circonscription administrative des pays de langue anglaise (1764 au Canada; […]). Le mot est institutionnel en français du Canada, notamment pour ‘circonscription électorale ». Bref, on l’emploie. Mais aussi pour une raison historique : les comtés ou les municipalités de comté n’existent plus. Ils ont été remplacés par les municipalités régionales de comté (Le français au bureau; 2014). Il serait plus clair d’écrire : «… dites de comté». Quoi qu’il en soit, chaque candidat devra recueillir 750 signatures par circonscription.

 

Venezuela ou Vénézuéla ? (2025)

25-01-12. Le toponymiste français Ange Bizet écrit dans la revue Défense de la langue française : «Il est indispensable d’accentuer conformément à la prononciation Nigéria, Libéria, Vénézuéla […] comme il est incontestable pour Yémen, Monténégro…» (DLF, no 291, 1er trimestre 2024, p. 57). L’observation est limpide. La presse francophone devrait orthographier « à la française» les toponymes étrangers comme on le fait, règle générale, dans les autres langues. Mais ici au Québec, on ignore souvent cette pratique. On lit dans le Journal de Québec un titre de page : «Venezuela : Investiture» et, dans l’article qui suit : «… les détentions politiques au Venezuela» (11-12 janvier, p. 31). Influencés par les pratiques de l’américain, les guides et dictionnaires contemporains proposent l’oubli volontaire des accents sur les toponymes étrangers. Seul le vieux Quillet (1948) note à l’article «vénézuélien, enne, adj. et n. Qui est du Vénézuéla». On ne pourra sans doute pas changer le cours des choses. Mais au moins faut-il relever l’idiotie typographique.

Langue de caricaturiste (2025)

2025-01-13. Le caricaturiste du Soleil «caricature» inutilement la langue à l'occasion. On appréciera le dessin que Côté fait du maire de Québec et de son vis-à-vis de l'opposition (13 janvier). Mais le massacre du français y est-il de mise ou même nécessaire? Est-ce que le «Vous vous foutez Saint-Roch» (au lieu de «Vous vous foutez de Saint-Roch) et le «y a tu des pistes cyclables...» (y a-t-il...) enrichissent, éclaire ou embellissent l'oeuvre du caricaturiste ? Je crains que non.

 

Toponymie: rue du Petit-Champlain ? (2025)

2025-01-14. Certains élus municipaux devraient être jaloux de la notoriété reconnue à Champlain dans la capitale québécoise. Un quartier, une rue et un théâtre en portent le nom. Même l’absence de neige rue du Petit Champlain un 13 janvier retient l’attention du Journal de Québec. Un cliché porte la légende : «Ici une photo du quartier Petit Champlain…» (14 janv., p. 2). Les hommages constants au fondateur de Québec, rendus sous la forme « … du Petit Champlain », découlent d’une traduction malhabile de la fin du XIXe siècle : Little Champlain Street = Rue du Petit Champlain. L’adjectif qualifiait la rue et non Champlain. La traduction littérale, entérinée à Québec, est très connue à l’étranger. Le renommé toponyme, un classique, pourrait servir de modèle à de nouvelles appellations : par exemple, rue du Petit Marchand ou rue du Petit Villeneuve, deux conseillers actuels de la Ville, l’un au pouvoir, l’autre dans l’opposition. On illustrerait ainsi le rayonnement du « Petit Champlain »!

 

Partager (2025)

2025-01-15. Au pays québécois, il faut être attentif à tout ce qu’on écrit. Le Multi dictionnaire identifie 850 anglicismes, 1000 formes fautives et nombre de petites mises en garde à l’égard de mots guet-apens, comme c’est le cas du verbe «partager». Aussi, lorsqu’une journaliste du Journal de Québec écrit : «Les locaux vacants […] ne sont pas aussi nombreux que le laissent croire les chiffres partagés par le maire…»(15 janv., p. 15), elle le fait sans se méfier, sans contre-vérifier les acceptions de l’adjectif et donc sans consulter un dictionnaire. Pis encore, elle n’a pas consulté le petit recueil publié par les Éditions du Journal de Québec (ou de Montréal) et signé par l’ancien directeur de la révision linguistique chez Québecor. Elle y aurait lu : «… ‘partager […] ne peut pas être employé dans le sens de communiquer» (J. Lafontaine, Les mots dits; 2016). Voudrait-elle un autre avis? Voici la référence à une fiche de l’Asulf, une association oeuvrant pour la qualité de la langue : ( https://asulf.org/partager/Partager )

 

Temps supplémentaire (2025)

2025-01-16. Les titreurs du Journal de Québec devraient inscrire dans leur guide de rédaction – s’ils en ont un - «Temps supplémentaire : calque de l’anglais ‘overtime’. En français : «Heures supplémentaires». La journaliste Catherine Bouchard, auteure de l’article, écrit pourtant tout à fait correctement : « heures supplémentaires » à trois occasions dans son court compte rendu sans céder au calque. Il faut le noter. Le titreur, tel un faux savant, a formé la manchette : «Temps supplémentaire payé à taux simple »! (16 janvier, p. 20). Sans doute faudrait-il que le Journal mette à sa disposition des recueils de difficultés établis pour les professionnels de l’écrit, ceux de Camil Chouinard, de Paul Roux, etc. ou, pour les locuteurs en général, celui le Marie-Éva de Villers.

 

Grand vente ? (2025)

2025-01-17. On utilise encore en 2025 le calque fautif «Grande vente». Le manufacturier Avalanche en fournit la preuve. On publie aujourd’hui un placard publicitaire dont l’accroche est «Grande vente de janvier» (Journal de Québec, 17 janv., p. 11). On le voit aussi sur le site internet de l’entreprise. Faisons un petit crochet par deux répertoires correctifs. D’abord, le Dictionnaire québécois-français. À l’article «Vente», on y trouve l’expression «grande vente» et ses équivalents français : grand solde ou solde monstre. Puis le Multi dictionnaire. Ici, on précise que «vente» ne signifie que l’action de vendre et que, pour annoncer que le prix d’articles est réduit, on dit «vente au rabais» ou «solde». Les dictionnaires d’usage proposent aussi : soldes (au pluriel), vente de solde et marchandises mises en solde. L’invitation est faite à Avalanche de revenir à «solde», comme l’entreprise l’avait fait une première fois en 2022 (voir J. de Qc, 13 janvier 2022).

 

Fake news (2025)

 2025-01-18. Les As de l’info sont à l’origine d’une page régulière dans le Devoir de fin de semaine. On y voit la manchette: «Y aura-t-il plus de fausses nouvelles?» (18-19 janvier, p. B8). Le syntagme «fausses nouvelles», tout à fait correct, est repris six fois. On a négligé le populaire équivalent, quelque peu différent, «fake news». Bravo! Mais cette dernière expression est plus qu’une fausse nouvelle transmise inconsciemment. Elle est une nouvelle qu’on colporte dans l’intention de tromper. Des substantifs français en seraient «fallace» ou «infox». Malheureusement, ils sont absents des dictionnaires d’usage. Le premier est présent toutefois dans le Nouveau Littré (2004), dans Les disparus du Littré (2008) et dans le Trésor de la langue française informatisé. On le qualifie de «vieux» et on le définit comme l’action de tromper sciemment. Il serait justifié que les dictionnaires courants, numériques ou imprimés, ajoutent le mot à leur nomenclature et fassent les renvois qui s’imposent (par ex. : Fake news, v. Fallace).

Anglophilie des Français (2025)

 2025-01-19. Question d'Érik Orsenna et de Bernard Cerquiglini à leur concitoyens: «… pourquoi, vous, Français, ne parlez-vous plus français? Pourquoi renoncer à vos mots? Vous savez que vous êtes ridicules? ‘L’équipe de direction qui travaille en espace ouvert, a confié la légende de l’entreprise à un laboratoire d’idées.’ C’est clair, non? Tout le monde comprend. Alors pourquoi ce galimatias : le ‘staff’ du ‘manager’, qui ‘coworke’ en ‘open space’, a confié le ‘storytelling’ à un ‘think tank’? (É. Orsenna, B. Cerquiglini, Les mots immigrés. Paris : Stock, 2022, p. 110).

Monoparentale (2025)

2025-01-20. On critique habituellement les expressions pères ou mères monoparentales. On écrit à propos de ce dernier mot dans le Multi dictionnaire : « Étant donné la signification de l’adjectif [...], une personne ne peut être monoparentale; une famille ou un ménage peuvent l’être ». Pour stimuler les échanges, je reproduis un article de Paul Morisset, un ancien du Devoir, affiché sur son blogue : « Les Québécois utilisent souvent l’adjectif monoparental à propos de personnes, et pas seulement de familles. On parle ainsi d’un père monoparental alors qu’ailleurs on dit un père seul. Au Québec, le terme monoparental a connu une extension de sens qui est clairement entrée dans l’usage, mais pas encore, [...] dans les dictionnaires québécois ». Les positions sont claires. On lit dans le Journal de Montréal du jour (20 janvier, 15 h 39) : « Plusieurs facteurs ont permis à la jeune femme d’obtenir une sentence plus clémente, dont le fait qu’elle est mère monoparentale et étudiante…». Le débat est ouvert.

 

Sugar daddy (2025)

2025-01-21. Une femme de Montréal est coupable d’avoir « fracturé le visage de son ‘sugar daddy» (Vos infos à la source / http://xn--qubecormedia-ceb.com/, 20 janvier). Comme l’attaque a eu lieu en pays francophone, il aurait fallu faire un petit effort et chercher des équivalents. L’expression a sans doute été « transportée » par des Franco-Américains en visite chez des parents, des frères ou des sœurs restés dans la vallée du Saint-Laurent. Le calque «papi sucré» pourrait être lancé comme le fait Alfred Gilder. Il y a d’autres synonymes, mais ils sont peu connus. En voici quelques-uns : «un renard argenté», «un vieux lapin en sucre», «un vieux beau», «un gérontin», «un roquentin», «un vieux protecteur». Les glaneurs qui ont cueilli ces mots ou expressions sont Alfred Gilder, Jacques Laurin, Lionel Meney et les auteurs du Grand Robert & Collins.

 

La météo n'est pas au rendez-vous (2025)

2025-01-22. Entend-on souvent des expressions telles que «la géographie, la sociologie ou l’architecture ne sont pas au rendez-vous »? Les rendez-vous sont d’abord des rencontres fixées par des personnes, à l’occasion un lieu (« Arriver le premier au rendez-vous ») ou même des individus (« Votre rendez-vous est arrivé »). Voilà ce qu’on peut lire dans le Petit Robert. Les lecteurs du Soleil auront lu la manchette : « La météo n’est pas au rendez-vous? C’est le moment idéal pour jouer en ligne ! » (22 janvier 2025). On conviendra que la météorologie n’est pas une personne, qu’elle peut difficilement couvrir un territoire si on l’assimile à une science. Probablement qu’on veut lui donner le sens de « beau temps ». Les employés du Soleil peuvent se réclamer de Charles Trenet et d’un vers d’une de ses chansons : « Le soleil a rendez-vous avec la lune ».

En cours (circulaire ...)

2025-01-23. La Société des alcools du Québec diffuse, par internet, un prospectus publicitaire (23 janvier). L’objet en est : « Oui aux économies : circulaire en cours! » L’expression « circulaire en cours » semble bancale dans le contexte. Alignons quelques exemples de même acabit : journal en cours, pamphlet en cours, brochure en cours. On devinera sans doute que les publications sont en cours… de rédaction. Poursuivons l’exercice et relevons les citations retenues par un dictionnaire, le Petit Robert. Les exemples qui y sont donnés sont les suivants : en cours de carrière, en cours de route, année en cours, affaires en cours, en cours d’aménagement, en cours de fabrication. Y transparaissent donc des processus et des distances. Tel ne semble pas le cas du cahier, du prospectus ou de la circulaire publicitaire. Une précision s’imposait : cahier de la fin de janvier, circulaire de la semaine…

Exclamations: Enweille (2025)

2025-01-23. Le carnaval de Québec est l’occasion d’inciter les Québécois à sortir des maisons. L’interjection prend la forme d’un presque commandement : «Enweille dehors». Lionel Meney a relevé ««enwoeil» et ses autres graphies. Jean Forest a identifié «envouaïe!». Les Québécois peuvent facilement deviner son origine : une déformation du verbe «envoyer». L’article du Dictionnaire québécois-français (Meney) est classé à «Envoye». Les graphies populaires, par exemple «enwoueil!», y sont suivies d’un renvoi au mot français. On y trouve : «Envoye!; [envouèye! Enoueille!; enwoueil!¨(impératif pour inciter qqn à faire qqch., à se dépêcher) : viens!; vas-y!; allez-y!; grouille-toi! (fam.); magne-toi! (fam.)». En somme, l’interjection a des racines québécoises et sans doute françaises! En général, les exclamations locales, selon Jean Forest, seraient avant tout américaines.

 

Dernier droit ? (2025)

 2025-01-25. Un message publicitaire des magasins Latulippe (distribué par internet, 25 janvier) porte en manchette: « Dernier droit pour profiter de nos grands rabais de janvier! » ❄️Cela n'existe pas un « dernier droit ». Pas plus qu'un « deuxième droit ». Le Multi dictionnaire en fait une impropriété ou une forme fautive. Michel Rondeau (L'insidieuse invasion; 2018) pense que l'expression serait une traduction littérale de « last stretch ». En français, ce serait plutôt une « dernière droite ». Cependant, cela ferait curieux dans le contexte. Pourquoi pas annoncer une « dernière occasion » ? ou une «dernière occase»? si on veut avoir l'air branché.

Snowbirds

2025-01-25. Il est un phénomène, la transhumance annuelle des Québécois vers la Floride ou vers le Sud qu’il faudrait arriver à nommer en français. C’est celui des «snowbirds». Des manchettes comme «Dur hiver pour les snowbirds» (Le Journal de Québec, 25-26 janvier, 1e p.) et «Des snowbirds songent à rentrer au pays» (ibid., p. 8-9) illustrent le défi sinon l’impasse. D’une part, l’expression est celle des Américains qui désignent ainsi les Nordiques qui migrent vers le Sud durant l’hiver. D’autre part, elle est ambigüe : un snowbird devrait privilégier la saison froide – une «sunbird» apprécie le soleil - et l’affronter gaiement alors qu’il fuit vers les tropiques. De plus, l’expression peut convenir aux anglophones mais les Franco-canadiens et les Québécois devraient être nommés et se désigner en français : oiseaux migrateurs, merles laurentiens, bécois ou floribécois.

 

Tournures: Penser en dehors de la boîte (2025)

2025-01-26. Les titreurs du Journal de Montréal (et de celui de Québec) ignorent sans aucun doute qu’ils pensent en anglais lorsqu'ils rédigent le titre d’un article portant sur la domination d’Amazon, entreprise qui «… nous force à penser en dehors de la boîte» (Le Journal de Québec 25-26 janvier, p. 44). En français, on dirait : «… nous force à innover», «… à faire preuve d’imagination», «… à sortir des sentiers battus», «… à penser différemment», etc. Il va de soi qu’il est plus facile de calquer la tournure anglaise «to think outside the box» et d'en faire « penser en dehors de la boîte». Mais les quotidiens du sieur Péladeau, fiers d’afficher à l'occasion le médaillon «En français s.v.p.», devraient tenir compte du slogan et l'appliquer non seulement à un usage brut du français mais aussi à un usage estampillé «Qualité». C’est-à-dire reconnu ou approuvé par un répertoire correctif et proposé par un dictionnaire de traduction.

Gerrymandering (2025)

2025-01-27. Le Devoir présente une photo d’un paysage campagnard, quelques arbres, des maisons, en avant-plan un terrain enneigé, un drapeau américain et une affiche plantés dans la neige (27 janvier, p. B8). Sur l’affiche, un slogan impératif : « End gerrymandering» apparaît dans la page, sous la seconde photo : « … pratique qui consiste à redessiner les contours d’un district électoral au bénéfice d’un parti… ». Le mot lui-même rappelle une pratique utilisée en 1812 par le gouverneur Gerry du Massachusetts. Des collègues du gouverneur trouvaient que les limites d’une circonscription avaient l’air d’une salamandre. Une « salamander » en anglais. Vivaces, les collègues firent le rapprochement et formèrent « gerrymander », mot intraduisible en quatre consonnes. Mieux vaut, si l’on veut éviter le mot anglais, se contenter de « découpage artificiel » ou de « charcutage électoral ».

Les banlieues ? de Québec (2025)

2025-02-01. À la lecture de la manchette « Les banlieues disent non à Marchand sur les foyers » (1er février), les lecteurs du Soleil, s’ils...