dimanche 4 mai 2025

Anticipé (2025)

2025.04.01. À l’article «Anticipé» du Robert Brio, on lit : «Qui se fait avant la date prévue ou sans attendre l’événement». C’est le sens essentiel de l’adjectif. Reprenons, en parallèle, une phrase du premier ministre du Canada : «Le souci qu’on voit, c’est l’utilisation anticipée de la disposition de dérogation[…] J’ai un problème avec ça [...] a-t-il expliqué en anglais» (Le Devoir, 1er novembre, p. A4-A5). Les traducteurs ont sans doute calqué l’adjectif «anticipated» sans se méfier du traquenard. L’adjectif se traduit en français par «attendu», «hâtif», «instantané», «possible», «prévu», «rapide» et même par «anticipé». Mais a-t-il été question ici de raccourcir un délai ou de rapprocher une date limite? Il semble bien que non. Par ailleurs, il faut noter que le glissement est passé dans l’usage. Mais il y aura toujours un Don Quichotte ... quelque part!

 

Un pont d'étagement ? (2025)

2025.04.02. Les ponts d’étagement déparent toujours le paysage… linguistique. Le Journal de Québec fait part du projet du pont dit d’étagement au carrefour Lebourgneuf et Robert-Bourassa à Québec (2 avril, p. 3). Ils n’ont pas encore donné naissance, c’est heureux, à des trottoirs ou à des passerelles d’étagement, à des tunnels d’étagement ou, tout simplement, à des autoroutes d’étagement. En Europe, on n’a pas importé la trouvaille québécoise. L’OQLF note qu’on utilise ici le seul générique ‘pont’ pour désigner à la fois les ponts routiers, ferroviaires ou fluviaux. Outre-Atlantique, on n’avait pas à affronter l’américanisme obsédant «overpass». Selon l’Office l’usage du terme «pont d’étagement» serait généralisé chez les spécialistes. Il est à espérer qu’il ne déborde pas et qu’on n’en arrive point aux autocars ou aux trains routiers d’étagement!

Déployer un hélicoptère (2025)

 2025.04.03. La GRC (Gendarmerie royale du Canada) est très forte. Elle a réussi à «déployer» un hélicoptère à Hemmingford! On l’apprend grâce au chapeau d’un article du Journal de Québec : «La GRC a déployé un hélicoptère…» (3 avril, p. 17). Un policier aurait pu déployer une carte routière (si elle était pliée), les autorités pourraient déployer des pompiers sur les lieux d’un incendie. Mais peut-on déployer un autocar, un camion, une corvette ou un hélicoptère? C’est-à-dire les déplier ou les aplatir de manière à leur faire occuper une plus grande surface? Poser la question, c’est y répondre. Mais il est plus difficile d’expliquer l’existence de l’impropriété. Pour l’heure, les usuels ne relèvent pas la «promotion» de ce verbe. L’Expression juste, le bulletin trimestriel de l’Asulf (www.Asulf.org), a publié, en juillet 2009, un articulet dont le titre est «Un militaire déployé en Afghanistan».

Soi-disant ou prétendu ? (2025)

2025.04.04. Le journaliste Raphaël Pirro écrit : « Les tarifs soi-disant ‘réciproques’ de 10 %...° (Le Journal de Québec, 4 avril, p. 3). Il tient pour acquis que les tarifs peuvent penser et se qualifier eux-mêmes de ‘réciproques’. Il faudrait qu’on mette à jour les répertoires correctifs et qu’ils notent le fait que les trucs, les machins ou les vistemboirs (mot du Dictionnaire des mots sauvages de Maurice Rheims; 1969) puissent s’autoproclamer d’un titre ou d’une qualité quelconque! Si des tarifs réussissent à dire qu’ils sont réciproques, c’est qu’un magicien est dans le voisinage! On lit, cela est plus prosaïque, dans le Multi, au mot ‘soi-disant’ : « L’adjectif, toujours invariable, se dit des personnes… ». L’article précise par la suite : « pour qualifier une chose, on emploie plutôt ‘prétendu’». En somme, il aurait été plus correct d’écrire : « Les prétendus tarifs réciproques…».

Vente ou soldes? (2025)

2025.04.05. Matelas Dauphin utilise toujours dans sa publicité la forme fautive «vente» pris au sens de «soldes « ou de «vente au rabais ». Une page publicitaire du manufacturier publiée dans le Journal de Québec (5-6 avril, p. 13) annonce «La super vente d’entrepôt […] à la fabrique de Charny». Matelas Dauphin, après plus d’un demi-siècle d’existence, devrait avoir assimilé la différence entre l’action de vendre d’une part et l’offre de vente au rabais d’autre part. Cette dernière s'appelle des «soldes». Et cela, d’autant plus que le site internet de l’entreprise (consulté à l’instant) assure les consommateurs d’une « qualité exceptionnelle » du produit. On peut logiquement en déduire que cette sensibilité à la qualité du produit s’étend à la qualité de la langue des messages publicitaires. La vente ou l’achat des matelas serait stimulé par les soldes annoncées.

Récipiendaire ? (2025)

2025.04.07. Le Service des activités sportives de l’Université Laval n’a sans doute pas soumis le texte de sa page publicitaire (Le le Journal de Québec, 5-6 avril, p. 24) à des réviseurs. On y lit au moins deux «fautes». La première : «’en support’ à nos étudiants»; la seconde, «nos récipiendaires». Le mot «support» pris au sens d’«appui» moral ou financier, de «soutien» est un anglicisme courant. Il est facilement contournable, comme on peut le voir, par les solutions de rechange évoquées. Et «récipiendaire»? Les dictionnaires d’usage le définissent comme quelqu’un qu’on admet publiquement dans un groupe, qu’on décore d’une médaille ou, encore, à qui on décerne un diplôme. Si on lui accorde une bourse, il est un mot tout simple pour le désigner : un boursier. On notera cependant que la forme fautive a du panache! Mais le Service de l'U.L. devrait considérer les mots proposés, plus justes en français : appui ou soutien et boursier.

Résidences de L'ICQ (2025)

2025.04.07. Attendu que l'Institut canadien de Québec intitule un communiqué (diffusé à 12 h 7 le 7 avril) : «Résidences de L'ICQ» et qu'on y écrit «... un service municipal dont la gestion est confiée à L'ICQ», il est proposé que l'Institut... recommande aux organismes suivants : Acdi, OACI, Afnor, INRS, Énap, OPEP, Otan, CSN... de suivre la pratique d’écriture en vigueur à L'ICQ! celle de mettre une majuscule à l’article devant leurs sigles placés à l’intérieur d’un titre ou d’une phrase! et, ce faisant, de mettre fin à une pratique réductrice et méprisante à l'égard d'importants organismes ou institutions condamnées à un article en minuscules (l'Acdi, l'OACI, la CSN, etc.)! Ainsi, pourrait-on lire: Diminution du nombre d'étudiants à L'Énap, L'Ukraine retire sa candidature à L'Otan, La FTQ courtise La CSN, etc.!

Donné à... (2025)

2025.04.08. Nombre de municipalités ont conservé une vieille marque de l’influence de l’anglais sur le français des administrations : celle de signer leurs avis publics à la suite d’une formule calquée. Ainsi Saint-Apollinaire signe-t-elle l’avis portant transformation de l’église en bibliothèque... de la formule sacramentelle (!) « Donné à Saint-Apollinaire… » (Le Journal de Québec, 8 avril, p. 16) inspirée de l’anglais. La forme correcte « Fait à…» progresse cependant. Notons d’ailleurs la présence d’un avis jouxtant celui relevé et dont la signature est annoncée par « Fait à…». De plus, Montréal signe toujours ses avis de cette façon (à sept reprises dans le Devoir du jour, p. B2). Appel est donc fait à Saint-Apollinaire de mettre à jour sa façon de faire.

Tournures: C'est le fun (2025)

 2025.04.09. La directrice générale du Salon international du livre semble utiliser, dans ses fonctions officielles, la langue qu’elle pourrait très bien faire sienne avec des copines. Parlant du Salon, lors de l'ouverture, elle s’est confiée: « Ça va bien!... C’est le fun » […] « Pour moi, c’est vraiment le fun » […] « C’est le fun de mettre la littérature à l’honneur…» (Le J. de Qc, 9 avril, p. 36). Le mot anglais a ses lettres de noblesse au Québec. Un extrait daté de 1865 en est donné dans le Dictionnaire historique du français québécois (1998). Il a tellement d’équivalents qu’on ne parvient pas à choisir celui qui convient : Agréable, amusant, chouette, emballant, excitant, formidable, intéressant, merveilleux, plaisant, super, etc. On a écrit à son sujet : « C’est le mot au signifiant flottant par excellence » ( Alfred Gilder, En vrai français…). Et, de plus, on n'a pas réussi à lui donner une graphie correspondant à sa prononciation (fonne!).

Au Petit Saguenay ? (2025)

2025.04.10. Un avis de décès publié dans le Devoir annonce la mort d'un Québécois de la façon suivante: « Au Petit Saguenay […] le 18 novembre ... » (Le Devoir, 10 avril 2025, p. B4). On aurait pu écrire «au Saguenay » comme on le ferait ou comme on devrait le faire pour «au Bas-Saint-Laurent, au Saskatchewan, au Québec. Ces toponymes, considérés comme masculins, désignent des territoires. Il va de soi que l’expression « au Saguenay » aurait pu être employée. Cependant, Petit Saguenay » (mieux : Petit-Saguenay) est une ville ou un village comme le sont La Tuque, Tadoussac ou Thetford et qu’on fera précéder son nom de la préposition « à » si on veut marquer le désir d’y aller ou faire part de la mort d’un de ses riverains. Bref, la chronique nécrologique aurait dû se lire : « À Petit-Saguenay... », sur le modèle de « À Petite-Vallée » ou de « À Petite-Rivière-Saint-François ».

Le Petit Champlain ! (2025)

2025.04.11. Un courriel publicitaire du Théâtre Petit Champlain est acheminé à ses habitués (11 avril). Toujours le Petit Champlain! Il faudrait aussi, si le qualificatif est approprié et bien choisi, rendre hommage à d’autres personnalités. On a déjà la rue, le théâtre, le quartier du Petit Champlain. Ne pourrait-on pas honorer des contemporains à l’avenir? Il s’en trouvera, à n’en pas douter, que la distinction ou la consécration méritée flattera : le maire actuel de Québec, son prédécesseur ou le premier ministre! On peut déjà imaginer les plaques des toponymes officiels : rue du Petit Marchand, avenue du Petit Labeaume ou boulevard du Petit Legault… Ces derniers (et d’autres notables) le mériteraient bien.

Airbag (2025)

 2025.04.12. Les Québécois ont appris a nommer les parties d’une automobile en français à compter des années 1950 ou 1960 : pare-chocs, essuie-glace, freins, démarreur, réservoir à essence, etc. Récemment, ils ont intégré «coussin gonflable». De leur côté, les Français, les médias avant tout, semblent ignorer cette dernière expression. Au cours d’un reportage, un journaliste n’emploie que le mot anglais «airbag» (France info, 11 avril, 21 h 32 à Paris). Le Petit Larousse, consultable à distance, définit ce qu’est ce mécanisme mais ne le nomme pas. Cependant, TV5 Monde propose l’équivalent « coussin gonflable de sécurité ». L’expression serait apparue en France en 1998 grâce au constructeur Rover. Il serait important que les animateurs français utilisent le synonyme proposé comme le font les francophones de ce côté-ci de l’Atlantique. .

Un vrai boost (2025)

2024.04.13. Le Journal de Québec affiche un mot anglais, un substantif, qu’il est difficile de contourner ou de remplacer : «boost» (12-13 avril, p. 81). Il y est d’abord en manchette («Un vrai ‘boost’ pour Patrick Senécal ») et ensuite dans une phrase («… un salon du livre, c’est comme un ‘boost’ de batterie ». Comme le mot est court, il n’est pas aisé de lui substituer un mot français. Mais il y en a quand même des candidats : un vrai piston pour…, une vraie poussée pour…, etc. Les deux tournures pourraient servir en manchette. Reste l’expression «boost de batterie». Depuis belle lurette, l’opération est connue sous le nom de «boostage». Meney la définit comme le «dépannage d’une batterie à plat» (Dictionnaire québécois-français). On pourrait parler de «survoltage». Bref, à tête reposée, Senécal aurait pu dire : «…c’est comme un survoltage» et le titreur écrire : «Un vrai piston pour…».

La ou le Saskatchewan ? (2025)

2025.04.13. Jean-François Lisée écrit «Scott Moe, premier ministre de la Saskatchewan...» et «Si la Saskatchewan …» (Le Devoir, 12-13 avril, p. B12). Alignons quelques politonymes : Bhoutan, Japon, Michigan, Texas, Yukon. Ils se terminent tous par la consonne ‘n’ et ils sont masculins. Pourquoi «la» Saskatchewan? Gérard Dagenais parle de «mauvaise habitude» (Dictionnaire des difficultés…; 1967). Quelques années plus tôt, il avait écrit dans le Devoir (25 avril 1960) : « Pourrait-on trouver dans le monde un seul État […] dont le nom soit féminin s’il ne se termine par un ‘e’ muet? […] il faut dire ‘le’ Saskatchewan, comme […] le Québec…». Les dictionnaires d’usage enregistrent la mauvaise habitude et la diffusent. Les dictionnaires correctifs sont, pour l’heure, silencieux sur le sujet.

Vétéran ou ancien combattant ? (2025)

 2025.04.14. Le titreur du Devoir a «dérapé». Il n’est pas parvenu à cerner le sens de l’expression « anciens combattants » et à la distinguer du mot « vétérans ». Le rédacteur de la Presse canadienne a utilisé l’expression à trois reprises dans son entrefilets (Le Devoir, 14 avril, p. A8, 4e col.) Le titreur l’a ignorée et s’est rabattu sur l’impropriété « vétéran ». Ce dernier mot désigne une personne d’expérience toujours en fonction. Dans l’article, les vétérans seraient des militaires toujours au poste après plusieurs années de service. En revanche, les anciens combattants sont des militaires à la retraite. Dès lors, le titre de l’entrefilet, « Pierre Poilièvre veut soutenir les vétérans » (c’est à-dire de personnes toujours en fonction), est fort différent des assertions présentes dans l’article : l’aide aux anciens combattants (...aux retraités des Forces armées). La confusion est courante. On ne fait pas toujours la distinction.

Fake news ou Fallace (2025)

2025.04.15. L’expression «fake news» ne semble pas avoir de concurrents ou d’équivalents sérieux. L’Académie française en aligne quand même plusieurs : bobard, boniments, contre-vérité, infox, fausses informations, mensonge, ragot, tromperie, trucage (Dire, ne pas dire; 2020). Ange Bizet en propose un autre : fallace. Il justifie son choix du fait que «fake» signifie «fallacieux», c’est-à-dire «trompeur«, mais non «faux». Le substantif «fallace», jugé vieux par le Nouveau Littré (2004), fait partie de la famille «fallacité, fallacieusement, fallacieux (euse) et fallaciosité» (Défense de la langue française, 4e trimestre 2020, p. 57-59). Le moment est sans doute venu de le repêcher. Ainsi, pourrait-il prendre la place de l’expression anglaise utilisée par François Brousseau (Le Devoir, 14 avril, p. B1) ou l'accompagner.

Penthouse ou attique (2025)

2025.04.16. Le Journal de Québec annonce un concours (14 avril, p. 10 et 16 avril, p. 11). Son enjeu : un séjour d’une valeur de 1800 $ à l'Hôtel 71 de la ville. « En suite penthouse » précise-t-on. Mais comment aurait-on pu dire en français? Va pour le mot «suite». Il désigne un petit appartement. Lionel Meney note que le français a emprunté le mot et le sens « ensemble de pièces louées à un seul client dans un hôtel » (Dictionnaire québécois-français; 1999). Quant à lui, le mot «penthouse» est-il incontournable et sans équivalent français? Le Multi dictionnaire en propose un, «appartement terrasse». On aurait aussi «attique». Le Petit Robert le définit ainsi : «Étage placé au sommet d’une construction, et de proportion moindre que l’étage inférieur». C’est dire qu’il n’y a pas loin du «penthouse» à l’«attique».

Les Chutes Montmorency (2025)

2025.04.17. Il arrive que des traducteurs succombent à des traquenards! Je viens de relire le récit du philosophe américain Henry David Thoreau intitulé Un Yankee au Québec et traduit par Adrien Thério (1925-2003). Thoreau à séjourné dans la région de Québec en 1850 et il a visité les deux chutes Montmorency et Sainte-Anne. On peut faire l’hypothèse qu’il a écrit en américain : «Montmorency Falls» et «Ste Anne Falls». Le générique «falls», mot pluriel, peut se traduire par «chute» ou par «chutes». Mais la graphie «falls» conduit assez facilement au pluriel «chutes». Aussi aura-t-on souvent lu ou entendu «les chutes Montmorency». Et la Commission de toponymie note : «… on rencontre souvent, dans l'usage local, la forme plurielle, les chutes Sainte-Anne…». Si on révise la traduction de Thério un jour, il faudra écrire «la» chute tant pour celle de la rivière Montmorency que pour celle de sa «voisine».

 

Tournures: Dormir sur la switch 2025)

 2025-04-18 Le mot anglais « switch » fait partie de la nomenclature du Parler populaire des Canadiens français établie par Narcisse-Europe Dionne au début du XXe siècle. Louis-Alexandre Bélisle l’épingla également dans son dictionnaire publié en 1979. Mais ni l’un ni l’autre ne notèrent la tournure « Dormir sur la switch ». Lionel Meney la releva au tournant de l’année 2000 (Dictionnaire québécois français). Un quotidien la reproduit grâce à l’éloquence (!) d’un professeur de l’Université du Québec à Trois-Rivières : «… y a peut-être quelqu’un qui dort sur la ‘switch’» (Journal de Québec, 18 avril, p. 13, 5e col.). Le professeur aurait-il pu trouver une expression française équivalente? Par exemple, envisager «… quelqu’un qui dort au boulot »? », « … quelqu’un qui néglige son travail »? ou une autre? Oui, sans doute.

Gyproc (2025)

 2025.04.19. Le ‘roi du gyproc’ fait la manchette. Il vend ‘sa luxueuse maison pour 2,6 M$' (Le Journal de Québec, 19-20 avril, p. 22). Le mot «gyproc» est une marque déposée. À ce titre, il est difficile de le critiquer. Toutefois, on note qu’il tend à devenir nom générique et commun. Le Dictionnaire québécois d’aujourd’hui (1992) en donne une définition limpide : « Matériau de construction qui se présente sous la forme de grandes plaques de plâtre recouvertes d’un papier cartonné, employé pour le revêtement des murs intérieurs et des plafonds ». Le statut de nom commun ouvre la voie à des équivalents : « carton-plâtre », « placoplâtre » et même à l’apocope « placo ». À noter que Camil Chouinard (1933-2020) a écrit : «… devrait être remplacé […] par plaque de plâtre […] En France, on dit couramment placoplâtre…».

Comté (2025)

2025.04.20. On écrit dans une brochure publiée en 1970 par l’Office de la langue française au mot « Circonscription électorale » : « Formes fautives : ‘comté’, ‘district’. C’est à tort, mais pour des raisons historiques, que l’on utilise au Québec, sous l’influence de l’anglais, ces deux termes au sens de circonscription électorale, qui est l’expression consacrée par le français international » (Vocabulaire des élections). « Comté » surnage encore. On écrit «Yves-François Blanchet, en danger dans son comté… » (Le Journal de Québec, 19-20- avril, p. 6). Le Multi, un usuel populaire au Québec, précise «Comté… Forme fautive. Anglicisme au sens de ‘circonscription électorale’». La banque de dépannage va dans le même sens. Il est vrai cependant que le mot «circonscription» est trois fois plus long que son concurrent!

Raisons sociales: Eye am soins oculaires (2025)

2025.04.21. Une revue luxueuse, Prestige, présente un article sur l’entreprise Eye am soins oculaires (vol. 30, no 1, avril 2025, p. 74). Le titre exact de l’article est «Eye am : guichet unique pour la santé des yeux et de la peau ». Le jeu de mot ou la galipette est ingénieuse. Les optométristes précisent la signification de l’expression «eye am». Les Québécois qui sont le moindrement familiers avec l’anglais devinent qu’elle masque «I am». Mais l’expression, mieux : sa traduction, ne signifie rien d’autre que «je suis» pour les locuteurs francophones, clientèle sans doute visée par l’entreprise de la capitale. Heureusement, la raison sociale intégrale précise déjà « soins oculaires». On peut supposer qu’on la complétera dorénavant et qu’elle deviendra : «Eye am & Skin, soins oculaires et cutanés ». Dans l’ensemble, cela reste du franglais, mais on l’expliquera!

Drave (la) (2025)

2025.04.24. À l’occasion, il faut faire des efforts pour récupérer des mots français remplacés par des anglicismes du terroir! On lit dans le Journal de Québec, sous la plume de Diane Tremblay et à propos du canyon Sainte-Anne : «… il y a les activités liées au métier de la drave…» (23 avril, p. 4). Le grammairien Gérard Dagenais a écrit un billet sur le mot «drave» . Le billet s’intitule Flottage, flotter, flotteur et se déroule ainsi : «Les Canadiens ont emprunté de l’anglais les mots ‘to drive, drive et driver', qui, appliqués au bois, signifient ‘diriger la marche de bois, […] ‘transport de bois flotté’ […] et en ont fait ‘draver, drave et draveur’. Ces anglicismes appartiennent à l’argot régional du métier. Il faut […] s’abstenir de les écrire […] quand on veut parler correctement. Les termes français sont flotter, flottage… » . En somme, la journaliste aurait pu écrire : «… liés au flottage du bois» ou «au métier de flotteur» malgré la connotation culturelle du mot «drave».

 

Staff (2025)

 2025.05.25. L’Académie française vient de publier la 3e édition de Dire, ne pas dire; du bon usage de la langue française (Paris : Philippe Rey, 2025; 742 p. 50 $). L’usuel contient un millier d’articles facilement repérables. Voici, à titre d’exemple, des passages de celui portant sur le mot «staff» : « Le nom anglais ‘staff’ s’est d’abord rencontré en français avec le sens d’’état-major’. Il a ensuite désigné une équipe de dirigeants, les plus proches collaborateurs d’un chef d’entreprise […] ou encore, plus largement, un groupe de personnes travaillant de concert. Il est issu, par métonymie, de l’ancien anglais ‘stoef’, désignant un bâton […] On a encore des traces de cet usage avec la crosse épiscopale ou le bâton de maréchal. Mais ce que désigne aujourd’hui l’anglicisme ‘staff’ a des équivalents français qu’il serait dommage de négliger. On dit : Le directeur a réuni son personnel, Réservé au personnel; on ne dit pas : Le directeur a réuni son staff, Staff only ».

Risquer (!) de former le gouvernement

2025.04.26. Les usuels correctifs québécois commentent les difficultés rencontrées avec le verbe «risquer». On écrit dans le Multi dictionnaire (2021) : «Ce verbe ne s’emploie qu’en parlant d’évènements non désirés, qui comportent une issue fâcheuse». Pourtant, Rémi Nadeau écrit que François Legault «a bien fait de ménager Mark Carney, qui risque fortement de former un gouvernement majoritaire » (Le Journal de Québec, 26-27 avril 2025, p. 20, 3e col.). Une majorité de sièges ou de circonscriptions pour Carney et le Parti libéral du Canada serait donc une catastrophe à leurs propres yeux, celle de former le nouveau gouvernement. C’est un contresens. Ils veulent remporter une majorité de sièges. Il aurait fallu écrire : «...qui court la chance de former un gouvernement majoritaire» si l’on tient mordicus à une formule semblable.

Venir de l'international ! (2025)

2025.04.27. Le directeur du marketing et du développement de la société Canyon Sainte-Anne révèle que 65 % des visiteurs du canyon « viennent» (Le Journal de Québec, 23 avril, p. 4). Si cela est vrai, on peut supposer qu’un de l’international certain nombre sera venu de l’interparoissial, de l’interrégional, de l’interprovincial et que, pour l’avenir, il en viendra de l’intercontinental. La question existentielle est comment un phénomène peut-il venir de l’inter-machinal ! L’Académie française observe sur le sujet : «’À l’international’ est une formule elliptique en usage dans le commerce […] Cette construction s’étend abusivement. ‘À l’international’ est trop souvent employé pour ‘à l’étranger’»(Dire, ne pas dire… 3e éd., 2025, p. 15). Le Larousse note qu’on fait de l’adjectif un nom masculin. Ainsi pourrait-on dire : « un international » et donc « venir de l’international ». Cela justifierait peut-on supposer « venir de l’intermunicipal », « venir de l’interrégional » et tutti quanti.

Tournures : Faire sortir le vote (2025)

2025.04.28. Les titreurs du Journal de Québec ignorent une remarque de Jacques Lafontaine, l’un de leurs correcteurs, décédé en 2016. Il écrit à propos de l’expression «Faire sortir le vote» : «Cette expression calquée de l’anglais ‘to get out the vote’ doit être éliminée […] . Elle peut être remplacée […] par ‘convaincre les électeurs de voter’ ou ‘inciter les électeurs à exercer leur droit de vote’. Beau temps, mauvais temps, le vote, lui ne sort pas » (Les Mots dits; Les Éditions du Journal, 2016, p. 174). En dépit de la remarque de cet ancien collaborateur, la titraille a concocté la manchette : «C’est le temps de faire sortir le vote» (Le Journal de Québec, 28 avril, p. 3). Un collègue de Lafontaine, Camil Chouinard (1933-2020) de La Presse, avait noté plus tôt : ’Faire sortir le vote […] est à remplacer puisque le vote ne sort pas, ce sont les électeurs qui sortent. On pourrait toujours dire «Faire sortir les électeurs », mais y a mieux. […] ‘stimuler la participation’ ou ‘inciter les gens à aller voter’ (1500 pièges du français…; 2007). Conseil est donc donné pour l’avenir!

Balance du pouvoir (2025)

2025.04.29. Le Journal de Québec propose la manchette suivante à ses lecteurs : « Yves-François Blanchet […] pourrait se retrouver avec la balance du pouvoir » (La Une : la nouvelle infolettre … , 29 avril). L’expression «balance du pouvoir», d’un usage courant en sol québécois et canadien, est serinée aux locuteurs francophone comme équivalent de la tournure « balance of power». C’est l’avis de Pierre Cardinal (Le VocabulAide; influences de l’anglais… ; 2009). Ce dernier aligne des solutions de rechange : disposer d’une minorité de blocage, être l’arbitre de la situation, se retrouver en position d’arbitre, de faiseur de majorité, etc. En français standard, «balance du pouvoir» ne signifie qu'« équilibre des pouvoirs » selon L. Meney (Dictionnaire québécois-français; 2003). En somme, Y.F. Blanchet et le Bloc auraient un rôle charnière à jouer au Parlement fédéral lors des législatures à venir.

Évènement (2025)

2025.04.30. Le blogueur André Racicot écrit : «Les sens que les Québécois attribuent à ‘évènement’ pourraient surprendre nos amis européens. Une exposition, un spectacle de jazz sont des évènements aussi bien que le déraillement d’un train » (Blogue Au cœur du français). Il aurait pu ajouter à l'énumération : une fusillade, des coups de feu, des carambolages… De fait, on relève dans le Journal de Montréal la manchette : «Deux événements d’une grande violence en 12 heures … » et la phrase : « Un deuxième événement d’une grande violence survenu dans une paisible rue …» (30 avril). Le dynamisme (ou l’impérialisme!) du mot fait l’objet d’une remarque ‘pudique’ dans Usito : il est critiqué quand on l’emploie au sens de « manifestation » mais il est passé dans l’usage. Logiquement, on pourrait faire la même chose pour les fusillades, les cambriolages ou les carambolages!

Anticipé (2025)

2025.04.01. À l’article « Anticipé » du Robert Brio, on lit : «Qui se fait avant la date prévue ou sans attendre l’événement». C’est le sens...